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a pas traité de ce qui regarde en général la nature et l'usage du commerce et les devoirs de ceux qui en font profession, et c'est ce qui fera la matière de ce titre, où l'on expliquera dans la première section, la nature et l'usage du commerce, et dans la seconde, les devoirs de ceux qui l'exercent.

SECTION PREMIÈRE.

De la nature et de l'usage du commerce.

1. On appelle commerce en général l'usage des ventes et des échanges, pour faire passer à chacun les choses dont il a besoin. Ainsi, on peut distinguer deux manières de commerce : l'une par des ventes où l'on donne une chose pour de l'argent, et l'autre par des échanges, où de part et d'autre on donne une chose, autre que de l'argent. (C. civ. 1602, s., 1162, 1702, s.)

2. L'usage du commerce est une suite nécessaire de la diversité des besoins des hommes. Car comme personne ne peut avoir toujours en tout lieu toutes les choses dont il a besoin, il faut qu'on les tire de ceux qui les ont, ce qui ne se peut que par le commerce, soit par des échanges ou à prix d'argent, car les autres manières de tourner les choses à son usage n'y suffiraient pas. Ainsi, encore qu'on puisse avoir une chose, ou par une donation, ou par un prêt à usage, ou par un louage, ou autrement, ces manières d'avoir les choses ne s'étendent ni à toutes celles dont on pourrait avoir besoin, ni à tous les divers usages de chacune indistinctement.

3. Le commerce dont on parle ici ne s'étend pas aux ventes ni aux échanges des immeubles, car encore que ces sortes d'acquisitions fassent une espèce de commerce, il est d'une nature toute différente de celui qui fait la matière de ce titre, et qui ne regarde que les ventes et les échanges de choses mobilières qu'on appelle marchandises, soit denrées ou autres dont on a besoin de se rendre maître, pour en avoir tout l'usage libre.

4. Quoiqu'on appelle communément marchands ceux qui font commerce de donner ou par vente ou par échange des denrées ou des marchandises, il faut distinguer trois sortes de personnes qui font ce commerce, et dont il n'y en a qu'une de ceux qu'on appelle proprement marchands, comme on le verra par les trois articles qui suivent. (Co. 1, 2, s.)

5. La première sorte de personnes qui font commerce de denrées ou de marchandises, est de ceux qui, de quelque condition qu'ils soient, ont à eux et tirent de leurs propres fonds, des grains, des fruits, du lin, du chanvre, et autres récoltes; ou qui ont des bestiaux dont ils tirent divers profits. Car ces personnes, sans être marchands, vendent ou font vendre ces grains, ces

fruits, ces profits; et il en est de même de ceux qui tiennent à ferme des terres ou héritages d'autres personnes, ou qui les cultivent pour une portion des fruits (1).

6. La seconde sorte de personnes qui font commerce de denrées ou de marchandises, sont les artisans qui débitent ce que leur art peut leur produire, et qu'ils fabriquent eux-mêmes, soit qu'ils n'y mettent du leur que leur fabrique, ou qu'il y entre quelque matière qui leur fût propre.

7. La troisième sorte de personnes qui font commerce de denrées ou de marchandises, sont ceux qu'on appelle proprement marchands, dont la profession consiste à acheter ou prendre à échange les choses dont ils font commerce, et à les débiter de même, soit qu'ils fassent ce commerce en gros ou en détail.

8. C'est par ces différens commerces qu'on a, dans chaque état, dans chaque province, dans chaque lieu, l'usage présent partout des choses nécessaires à toutes personnes, pour la nourriture et le vêtement, pour les remèdes, et pour tous les autres besoins et commodités de la vie; et on a aussi pour le public les choses nécessaires pour la guerre, pour les navigations, et en général, pour faire subsister un état et les familles qui le composent. Ainsi, l'effet naturel du commerce est d'approcher à chacun son usage de toutes choses, et de celle même qu'il faut faire venir des pays les plus éloignés.

9. C'est à cause de cette utilité et de cette nécessité du commerce, que, pour en faciliter l'usage, les lois y ont fait divers réglemens. Ainsi, les ordonnances ont défendu aux officiers de faire trafic de marchandises, non-seulement pour les tenir attachés à leurs fonctions, mais pour ne pas laisser la liberté du commerce à des personnes, qui, par leur autorité, pourraient s'en rendre les maîtres, et empirer la condition et des marchands, et des acheteurs (p. 175, 176.), et la même considération a fait défendre aussi le commerce aux gentilshommes, et ces défenses s'étendent aux commerces que les officiers et les gentilshommes pourraient exercer sous le nom de personnes interposées (2).

10. C'est par cette même considération de la liberté du commerce, que les lois ont sévèrement défendu tous monopoles, comme il a été expliqué ailleurs. (V. pag. 144.)

11. C'est encore pour favoriser et faciliter le commerce, que nos Rois ont établi la juridiction des juges et consuls des marchands, pour régler entre eux les différends sur le fait de leurs marchandises par une voie plus prompte, et de moindres frais que n'en causent les procédures ordinaires des autres procès; et ils ont aussi ordonné que les différends entre associés pour quelque commerce, seront réglés par des arbitres dont ils con

(1) L. 2, ff. de nund. (2) L. 3. C. de comm. et mercat.

viendront (1). (« Toutes les affaires relatives aux faits de commerce sont jugées par les tribunaux de commerce où il y en a, et, où il n'y en a pas, par les tribunaux de première instance qui en remplissent les fonctions. »)

SECTION II.

Des devoirs de ceux qui exercent quelque commerce.

Quoiqu'il semble que les devoirs qui font la matière de cette section, ne regardent que les personnes qu'on entend sous le nom de marchands au sens expliqué dans l'article 7 de la section précédente, et qu'ainsi ils ne se rapportent pas à ceux qui vendent ce qu'ils recueillent de leurs revenus, ni aux artisans, qu'on distingue des marchands, ainsi qu'il a été expliqué dans les articles 5 et 6 de cette même section précédente; comme ces devoirs sont essentiels à tous vendeurs, il faut étendre les règles qui seront expliquées dans cette section à toute sorte de vendeurs, selon qu'elles peuvent leur convenir. Et il faut aussi appliquer à tous commerces et à tous vendeurs les règles qui ont été expliquées dans le titre du contrat de vente dans les lois civiles, selon qu'elles peuvent s'y appliquer.

1. De toutes les professions, il n'y en a point de plus exposée à l'avarice et aux injustices qui en sont les suites, que celle du commerce. Car comme ceux qui l'exercent, tirent du profit de la seule peine d'acheter pour vendre, qu'ils ont la liberté de demander ce que bon leur semble, et la facilité de tromper dans le prix et dans la qualité des marchandises, le désir du gain, joint à l'occasion, les porte aisément à ces injustices (2). Ainsi, le premier devoir de ceux qui exercent cette profession est de s'y proposer d'autres vues que la seule d'y faire du gain (3), et de se borner à un profit honnête, s'abstenant de toute menterie, de toute infidélité, et ne vendant les choses dont ils font commerce qu'à un prix raisonnable (4).

2. Ce premier devoir général de la fidélité dans le commerce, et le devoir commun à tous les hommes de ne blesser jamais la sincérité due à la vérité, oblige les marchands de toute sorte de marchandises à ne mentir jamais sur le prix de l'achat qu'ils ont fait de ce qu'ils revendent. Car ils peuvent bien ne pas dire quel est ce prix, mais ils ne peuvent le dire plus grand qu'il n'est en effet, puisque d'une part ils blessent la vérité par ce mensonge, et que de l'autre ils trompent et commettent une infidélité qui tient du larcin (5).

(1) V. l'ord. de Charles IX, en nov. 1563, et celle de 1673. (2) Eccli. 27. 2. Ezechiel. 28. v. 16 et 18. (3) L. 1. c. de comm et mercat. (4) 1. Thessal. 4. 6. C. qual. dist. 5, de pœnit. (5) Exod. 23. 7. Eccli. 7. 13. Zach. 8. 16 et 17. Eph. 425. Math. 5. 37. Jacob. 5. 12. Luc. 19. 8. Exod. 20. 7. Levit. 19. 11. Prov. 21. 6.

3. Ce même devoir de la fidélité oblige aussi les marchands à ne pas donner une marchandise pour une autre (1). Car c'est encore un mensonge et une tromperie pire que celle de mentir pour le prix de l'achat, puisqu'il est plus facile de ne les pas croire sur ce prix, que de juger de la qualité de la marchandise; ainsi, cette infidélité approche plus du larcin que l'autre, et mérite même un châtiment qu'un bon juge ne manquerait pas d'ordonner si elle était prouvée."

4. Comme les choses ne sont en commerce que pour leur usage, ce n'est pas assez de ne pas donner une marchandise pour une autre, il faut que celle qu'on donne soit de la qualité dont elle doit être pour l'usage qu'on doit en tirer. Et si elle a quelques défauts qui diminuent la valeur, le marchand est obligé de les déclarer, s'ils sont tels qu'étant connus, celui qui la marchande n'acheterait point, ou n'acheterait qu'à un moindre prix (2).

5. C'est une suite du devoir de ne pas tromper dans la qualité de la marchandise, de ne rien faire aussi qui ôte aux acheteurs la vue des défauts qu'ils pourraient y découvrir. Ainsi, ceux qui dans ce dessein usent de quelque adresse qui ait cet effet, blessent ce devoir (3). (C. civ. 1641, 1648.)

6. Le commandement de ne pas dérober commun à tous les hommes, fait à tous marchands une loi de tenir de bons poids et de bonnes mesures (4). ( P. 479, $ 5.)

7. On peut ajouter pour un devoir général des marchands, celui d'observer les ordonnances (5) et les réglemens qui les regardent, et particulièrement ceux qui défendent les monopoles, et certains commerces avec les étrangers (6).

8. La même justice qui défend les monopoles, défend aussi les complots entre marchands de ne pas donner de certaines marchandises à un moindre prix que celui dont ils seraient con-venus entre eux (7). (V. les applications qui sont dans la sect. 4, pag. 144.)

TITRE XIII.

Des arts et métiers.

Il ne faut pas comprendre au nombre des arts dont on parle ici, les arts libéraux, dont il sera parlé dans le titre des universités. Car ces arts libéraux ont la dignité des sciences, et sont

(1) L. 14, in f. ff. de contr. empt. L. 41, § 1, cod. L. 57, ff. de obl. et act. L. 9, ff. de contr. empt. V. l'art. 11 de la sect. 8, du contrat, t. 1, p. 179. (2) L. 1, § 1, ff. de ædil. ed. L. 39, ff. de act. empt. et vend. L. 35, § ult. ff. de contr. empt. L. 1, § 8, ff. de ced. ed. (3) Joann 3. 20. Sap. 15. 12. Prov. 28. 21. (4) Prov. 20. 10. 23. Deut. 25. 13. L. 1. c. de pond. V. I. 18, § 3, ff. de min. 25. ann. (5) L. un. c. de monopol. (6) L. 2. c. que res export. nou deb (7) L. un. c. de monopol.

beaucoup distingués de ceux qui font la matière de ce titre, et qu'on appelle arts mécaniques, parce qu'ils s'exercent par des travaux de mains et avec des outils.

L'usage des arts et des métiers a été une suite de la nature de l'homme et de sa destination à la société. Car, par sa nature, il est composé de sens et de membres faits pour le travail, et il y était destiné, même avant sa chute (1), et, par la destination des hommes à la société qui doit les unir, Dieu leur a rendu nécessaire l'usage d'une infinité de travaux pour la multitude de tous leurs différens besoins. Mais quoiqu'il soit vrai que le travail était naturel à l'homme, dans l'état même de son innocence, et que ce travail n'eût dans cet état rien de pénible, sa chute ayant changé sa condition, sans changer dans sa nature, ce qui regarde sa destination au travail, Dieu lui en a fait une loi qui le lui impose comme une peine, et il a voulu que la vie même de chacun dépendît d'un travail pénible, et qu'aucun n'eût son pain qu'à la sueur de son visage, et par un exercice à quelque occupation qui rendit juste qu'il fût nourri (2), et il déclare indignes de manger, ceux qui ne gagnent, ou ne méritent pas leur subsistance par quelque travail (3).

On peut juger par ces principes, quelle est dans la société des hommes la nécessité de divers travaux, quelle y est l'énormité du vice de la fainéantise et de la paresse, et combien de gens que cette loi du travail rend indignes de vivre, seraient dignes de la mort même, par le simple défaut de travailler, si la justice qui leur est due n'était réservée à un autre temps par d'autres supplices.

Les travaux des hommes sont de plusieurs sortes, et on peut en faire une première distinction de ceux qui pourraient être naturels avant la chute de l'homme, comme l'agriculture qu'il devait exercer dans le paradis terrestre, et de ceux qui n'ont été qu'une suite de sa chute, comme ceux qui sont nécessaires pour le vêtement et pour le logement, dont l'homme innocent ayant ignoré la nudité, n'aurait eu que faire (4). Et on peut mettre dans ce second rang, les travaux d'esprit qui se rapportent à réprimer les injustices des hommes, et à les contenir dans l'ordre de leur société; ce qui renferme tous les différens emplois que demandent le gouvernement et l'administration de la justice.

Il n'y a point de condition sans en excepter les plus élevées, qui n'ait pour son caractère essentiel, et pour son devoir capital et indispensable l'engagement au travail pour lequel elle est établie, et ceux qui prétendent pouvoir se dispenser du travail, ignorent leur nature, ils ren

(1) Genes. 2. 15. (2) Genes. 3. 19. (3) 2. Thessal. 3. 10. Prov. 6. in prin. 1. Thess. 4. 11. V. Prov. 19. 24. V. 1. Cor. 3. 8. V. Eccli. 33. 28. (4) Genes.

3.7

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