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places du gouvernement. Et ces injustices sont souvent plus criminelles que celles qui pourraient venir du souverain même. Et enfin Dieu nous a avertis, qu'on ne doit pas être surpris de voir l'iniquité dans le trône de la justice. Car, si ceux qui sont audessus des autres ne veulent la faire régner, il s'est réservé de faire éclater sa puissance par la sévérité de la punition qu'il prépare aux injustices des princes qui n'auront pas pris sa loi pour leur règle, et qui n'auront pas régné selon son esprit (1).

Tout ce qu'on a dit jusqu'ici des avantages du gouvernement monarchique, et de celui entre autres de sa conformité au gouvernement que Dieu a lui-même mis en usage sur le peuple juif, ne doit pas avoir cet effet que, comme ces considérations semblent prouver que ce gouvernement est le plus naturel, le plus utile et le plus conforme à la conduite de Dieu, on doive en conclure que le gouvernement des républiques blesse l'ordre naturel, et soit opposé à l'esprit de Dieu, puisque non-seulement il n'a jamais fait de loi générale qui ait ordonné cette seule espèce de gouvernement monarchique sur tous les états; mais qu'il a même approuvé celui des républiques, n'ayant apporté aucun changement en celles qu'il a éclairées de la lumière de l'Évangile. Car ses Apôtres et leurs successeurs sont demeurés en paix dans tous les états sous la domination qu'ils y ont trouvée; et sans toucher à la manière du gouvernement monarchique ou républicain, ils ont enseigné les devoirs réciproques et de ceux qui gouvernent, et de ceux qui sont soumis au gouvernement, ayant considéré le surplus qui regarde la qualité et le titre de ceux qui gouvernent, Princes ou autres, comme un temporel sujet à diverses sortes de polices temporelles, dont chacune peut s'accorder avec l'Évangile; puisque dans les matières même de la police spirituelle de l'Église, sa discipline est différente en divers lieux, et dans les mêmes a été sujette à des changemens.

On n'a pu se dispenser, avant que de venir au détail de cette matière du gouvernement, de traiter cette question de savoir lequel des gouvernemens est le plus utile. Car, encore qu'il semble que chaque état ayant sur cette question son préjugé qui la décide en faveur du gouvernement où il est soumis, et qu'ainsi elle paraisse une pure curiosité; il est important, d'une part, de connaître ce qui en est dans la vérité, et de savoir de l'autre quels sont les devoirs de ceux qui se trouvent dans l'une de ces deux sortes de gouvernement, qui serait, ou qu'ils croiraient être moins avantageux; car il y en a plusieurs qui préféreraient à l'état dans lequel ils vivent, celui de l'autre espèce. Et on peut juger par toutes les réflexions qui ont été faites sur l'un et sur l'autre, qu'encore qu'il paraisse que le meilleur des gouverne(1) Sap. 6. 4. Ps. 2.

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mens est le monarchique, comme tous les deux s'accordent avec
la religion, et qu'ils sont par conséquent dans l'ordre de Dieu,
qu'on peut s'y acquitter de tous ses devoirs, et qu'on doit, par
cette raison, vivre en paix dans celui où l'on se rencontre; il a
été nécessaire d'examiner cette question; de sorte qu'en préfe-
rant l'état monarchique à la république, on fit connaître en
même temps, ce qui est très-vrai, que les raisons de cette pré-
férence n'ont pas d'autre usage que de satisfaire ceux qui les
goûtèrent, et de faire connaître aux autres que la liberté, qu'on
ne peut leur ôter de leurs sentimens sur cette question, ne les
tire pas de la nécessité d'obéir sincèrement au gouvernement
sous lequel ils se rencontrent, soit monarchie ou république, et
que toute entreprise qui trouble la paix et le bien commun de
l'un ou de l'autre, est un crime dont l'énormité ne saurait être
assez réprimée. Ces vérités s'accordent parfaitement avec tout
ce qu'on a dit sur cette question; ainsi la conclusion naturelle
qu'il en faut tirer, est que ceux qui sont dans un état monar-
chique peuvent très-justement croire que c'est le meilleur, que
ceux qui sont dans une république, et qui préféreraient à leur
gouvernement l'état monarchique, ne laissent pas de devoir une
parfaite obéissance à la république, et que tous indistinctement,
soit qu'ils raisonnent sur cette question, ou n'y pensent point,
et quelque sentiment qu'ils puissent avoir, sont également obli-
gés à l'obéissance au gouvernement sous lequel ils vivent, suivant
les règles qui seront expliquées dans ce titre, qu'on divisera en
deux sections qui comprendront ce qu'on a cru pouvoir mettre
en règles sur cette matière : l'une de la nécessité et de l'usage du
gouvernement, et l'autre de l'obéissance due à ceux qui gou-

Vernent.

SECTION PREMIÈRE.

De la nécessité et de l'usage du gouvernement.

1. Tous les hommes étant égaux par leur nature, c'est-à-dire
par l'humanité qui fait leur essence, elle n'en rend aucun dépen-
dant des autres (1). (Les Français sont égaux devant la loi, quels
que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs. (Charte, art. 1o.)
Mais dans cette égalité de nature, ils sont distingués par d'au-
tres principes qui rendent inégales leurs conditions, et forment
entre eux des relations et des dépendances qui règlent les diffé-
rens devoirs de chacun envers les autres, et leur rendent né-
cessaire l'usage d'un gouvernement, comme il se verra par les
articles qui suivent.

2. La première distinction qui assujettit des personnes à d'au-
5. 6. L. 32, ff. de reg. jur.

T Sap. 7. v.

1. 3. 4.

places du gouvernement. Et ces injustices sont souvent plus criminelles que celles qui pourraient venir du souverain même. Et enfin Dieu nous a avertis, qu'on ne doit pas être surpris de voir l'iniquité dans le trône de la justice. Car, si ceux qui sont audessus des autres ne veulent la faire régner, il s'est réservé de faire éclater sa puissance par la sévérité de la punition qu'il prépare aux injustices des princes qui n'auront pas pris sa loi pour leur règle, et qui n'auront pas régné selon son esprit (1).

Tout ce qu'on a dit jusqu'ici des avantages du gouvernement monarchique, et de celui entre autres de sa conformité au gouvernement que Dieu a lui-même mis en usage sur le peuple juif, ne doit pas avoir cet effet que, comme ces considérations semblent prouver que ce gouvernement est le plus naturel, le plus utile et le plus conforme à la conduite de Dieu, on doive en conclure que le gouvernement des républiques blesse l'ordre naturel, et soit opposé à l'esprit de Dieu, puisque non-seulement il n'a jamais fait de loi générale qui ait ordonné cette seule espèce de gouvernement monarchique sur tous les états; mais qu'il a même approuvé celui des républiques, n'ayant apporté aucun changement en celles qu'il a éclairées de la lumière de l'Évangile. Car ses Apôtres et leurs successeurs sont demeurés en paix dans tous les états sous la domination qu'ils y ont trouvée; et sans toucher à la manière du gouvernement monarchique ou républicain, ils ont enseigné les devoirs réciproques et de ceux qui gouvernent, et de ceux qui sont soumis au gouvernement, ayant considéré le surplus qui regarde la qualité et le titre de ceux qui gouvernent, Princes ou autres, comme un temporel sujet à diverses sortes de polices temporelles, dont chacune peut s'accorder avec l'Évangile; puisque dans les matières même de la police spirituelle de l'Église, sa discipline est différente en divers lieux, et dans les mêmes a été sujette à des changemens.

On n'a pu se dispenser, avant que de venir au détail de cette matière du gouvernement, de traiter cette question de savoir lequel des gouvernemens est le plus utile. Car, encore qu'il semble que chaque état ayant sur cette question son préjugé qui la décide en faveur du gouvernement où il est soumis, et qu'ainsi elle paraisse une pure curiosité; il est important, d'une part, de connaître ce qui en est dans la vérité, et de savoir de l'autre quels sont les devoirs de ceux qui se trouvent dans l'une de ces deux sortes de gouvernement, qui serait, ou qu'ils croiraient être moins avantageux; car il y en a plusieurs qui préféreraient à l'état dans lequel ils vivent, celui de l'autre espèce. Et on peut juger par toutes les réflexions qui ont été faites sur l'un et sur l'autre, qu'encore qu'il paraisse que le meilleur des gouverne

(1) Sap. 6. 4. Ps. 2.

mens est le monarchique, comme tous les deux s'accordent avec la religion, et qu'ils sont par conséquent dans l'ordre de Dieu, qu'on peut s'y acquitter de tous ses devoirs, et qu'on doit, par cette raison, vivre en paix dans celui où l'on se rencontre; il a été nécessaire d'examiner cette question; de sorte qu'en préférant l'état monarchique à la république, on fit connaître en mème temps, ce qui est très-vrai, que les raisons de cette préférence n'ont pas d'autre usage que de satisfaire ceux qui les goûtèrent, et de faire connaître aux autres que la liberté, qu'on ne peut leur ôter de leurs sentimens sur cette question, ne les tire pas de la nécessité d'obéir sincèrement au gouvernement sous lequel ils se rencontrent, soit monarchie ou république, et que toute entreprise qui trouble la paix et le bien commun de l'un ou de l'autre, est un crime dont l'énormité ne saurait être assez réprimée. Ces vérités s'accordent parfaitement avec tout ce qu'on a dit sur cette question; ainsi la conclusion naturelle qu'il en faut tirer, est que ceux qui sont dans un état monarchique peuvent très-justement croire que c'est le meilleur, que ceux qui sont dans une république, et qui préféreraient à leur gouvernement l'état monarchique, ne laissent pas de devoir une parfaite obéissance à la république, et que tous indistinctement, soit qu'ils raisonnent sur cette question, ou n'y pensent point, et quelque sentiment qu'ils puissent avoir, sont également obligés à l'obéissance au gouvernement sous lequel ils vivent, suivant les règles qui seront expliquées dans ce titre, qu'on divisera en deux sections qui comprendront ce qu'on a cru pouvoir mettre en règles sur cette matière : l'une de la nécessité et de l'usage du gouvernement, et l'autre de l'obéissance due à ceux qui gou

vernent.

SECTION PREMIÈRE.

De la nécessité et de l'usage du gouvernement.

1. Tous les hommes étant égaux par leur nature, c'est-à-dire par l'humanité qui fait leur essence, elle n'en rend aucun dépendant des autres (1). (Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs. (Charte, art. 1or.) Mais dans cette égalité de nature, ils sont distingués par d'autres principes qui rendent inégales leurs conditions, et forment entre eux des relations et des dépendances qui règlent les différens devoirs de chacun envers les autres, et leur rendent nécessaire l'usage d'un gouvernement, comme il se verra par les articles qui suivent.

2. La première distinction qui assujettit des personnes à d'au(1) Sap. 7. v. 1. 3. 4. 5. 6. L. 32, ff. de reg. jur.

tres, est celle que fait la naissance entre les parens et les enfans. Et cette distinction fait une première espèce de gouvernement dans les familles, où les enfans doivent l'obéissance à leurs parens qui en sont les chefs (1). (C. civ. 371, 1388.) 3. La seconde distinction des personnes, est celle que fait entre tous les hommes la nécessité des divers emplois qui doivent assortir leur société, et les unir tous en un corps dont chacun est membre (2). (C. civ. 8, 17; p. 18, 28, 34, 42 et 43.) Car, comme Dicu a rendu nécessaire à chaque homme le secours de plusieurs autres pour divers besoins, il a distingué leurs conditions et leurs emplois pour les divers usages de tous ces besoins, leur donnant à chacun leur place où ils doivent se tenir à leurs fonctions. Et c'est par ces différences d'emplois et de conditious dépendantes les unes des autres que se forment les liaisons qui composent la société des hommes, comme celles des divers membres composent le corps. Ce qui rend aussi nécessaire l'usage d'un chef pour unir et régir le corps de la société que ces divers emplois doivent former, et maintenir l'ordre des correspondances qui doivent donner au public l'usage des différentes fonctions que demande de chacun la situation qui fait son engagement (3). (Charte, 14.)

4. La même cause qui demande cette diversité de professions pour composer l'ordre d'un état, demande aussi l'assemblage de plusieurs familles pour y multiplier et élever les personnes qui puissent remplir tous les emplois, et pour en perpétuer la durée. Et les besoins de ces familles qui renferment l'usage de ces emplois même, dépendent d'un détail infini de liaisons et d'engagemens de l'une à l'autre, qui rendent nécessaire l'ordre d'un gouvernement (4). (Charte, 3.)

5. C'est encore une suite de tous ces principes, que, comme tous les hommes ne se portent pas à tous leurs devoirs, et que plusieurs, au contraire, se portent à des injustices, il a été nécessaire pour maintenir l'ordre de leur société, que les injustices et toutes les entreprises contre cet ordre fussent réprimées: ce qui ne se pouvait que par une autorité donnée à quelques-uns au-dessus des autres, et qui rendait nécessaire l'usage d'un gouvernement (5). ( Charte, 57, s.)

6. Cette nécessité d'un gouvernement sur les hommes que leur nature rend tous égaux, et qui ne sont distingués les uns des autres que par les différences que Dieu met entre eux par leurs conditions et par leurs professions, fait voir que c'est de son ordre que dépend le gouvernement; et comme il n'y a que lui qui soit le souverain naturel des hommes (6), c'est aussi de lui que tiennent leur puissance et toute leur autorité tous ceux qui

(1) Eccl. 7. 29. Col. 3. 20. (2) 1 Cor. 12. 18. Sap. 6. 8. (3) Eccl. 11. 22. (4) Gen. 10. 5. (5) Rom. 13. 4. 1. Pet. 2. 14. (6) Is. 33. 22.

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