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ce que le domicile du Français en France est utile pour déterminer le tribunal français compétent, il est inexact, puisque, suivant ce que nous établirons bientôt, le Français n'est pas tenu de suivre le juge de ce domicile. Le second, qui part de cette idée que le Français s'est placé sous l'empire des lois étrangères, n'est qu'une pétition de principes, car il s'agit de savoir si la fixation de son domicile à l'étranger doit faire considérer le Français comme ayant renoncé à l'avantage que lui offrait notre loi. Or, cette renonciation est si peu conforme à l'esprit de la loi, que l'étranger lui-même pourrait, dans cette hypothèse, saisir la juridiction française s'il le voulait. Quant au troisième motif douné par la cour, il ne nous paraît pas sérieux, car l'étranger qui contracte avec un Français, établi dans son pays, doit connaître la condition de celui envers lequel il s'oblige. Telle est sur ce point l'opinion émise par MM. Duranton, loc. cit.; Legat, p. 299; Bioche et Gouje, Dict. de proc., v° Étranger, n° 10; Demolombe, no 249; Coin-Delisle, art. 14 et 15, nos 13 et 14. A plus forte raison a t-on dû décider que le Français, bien qu'il ait formé un établissement industriel en pays étranger, peut, pour l'exécution des engagements contractés envers lui dans ce pays par un étranger, actionner ce dernier en France, sans être tenu de prouver qu'il a conservé en France un domicile, alors, d'ailleurs, que l'étranger qui réside en France est assigné devant le juge de sa résidence (Cass., 26 janv. 1836) (1).

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266. Un Français, créancier en vertu du même titre, d'un étranger et d'un Francais, pourrait-il, à son choix, citer l'un et l'autre conjointement devant le même tribunal français, celui de la résidence de l'étranger, par exemple, comme le permet l'art. 59 c. pr., lorsqu'il y a plusieurs défendeurs; ou devra-t-il appeler le débiteur regnicole devant le tribunal de son domicile personnel? Nous pensons que la règle actor sequitur forum rei doit prévaloir ici sur la disposition exceptionnelle de l'art. 59 c. pr. Cet article a, en effet, pour but d'empêcher

(1) Espèce :-(Dame Bertin C. princesse Bagration.)-La dame veuve Bertin, Française, marchande de modes à Saint-Pétersbourg, se prétendant créancière de la dame Skavouska, veuve du prince Bagration, de nation russe, résidant à Paris depuis plus de trente ans, pour une somme de 25,523 fr. 22 c., provenant de fournitures faites en Russie à cette dernière, pendant les années 1802, 1805 et 1804, fit assigner, le 13 avril 1855, sa débitrico, devant le tribunal de première instance de la Seine, à l'effet d'obtenir son payement. La princesse déclina la compétence des tribunaux français, se fondant sur ce qu'elle n'avait pas cessé, malgré son long séjour à Paris, d'être domiciliée à Saint-Pétersbourg, et sur ce que la dame Bertin elle-même, à cause de l'établissement de commerce qu'elle avait formé dans cette dernière capitale, n'avait pas conservé un domicile en France.

5 juill. 1855, jugement qui accueillit ces moyens d'incompétence, en ces termes : « Attendu que le tribunal de la Seine, devant lequel la dame Berlin a assigné la princesse Bagration, n'est celui ni du domicile de la demanderesse ni celui de la défenderesse, puisque, si la première est Française, elle est établie en Russie; Attendu que, si l'art. 14 c. civ. accorde aux Français le droit d'appeler les étrangers devant les tribunaux français, pour raison des obligations contractées même à l'étranger, il suppose au moins que les Français ont un domicile dans leur pays, domicile qui doit servir à déterminer le tribunal français compétent pour statuer, puisque, autrement, la loi accorderait aux nationaux le privilege exorbitant de choisir leurs juges; - Attendu, au surplus, que les motifs qui ont déterminé l'admission de cet article du code n'existent pas, lorsque l'obligation a été contractée par l'étranger au profit d'une maison de commerce établie dans un pays, sous la protection des lois, par des Français sans domicile ni établissement en France; qu'en effet, le Francais, dans ce cas, n'a pas à argumenter de la difficulté pour lui de quitter son domicile, et de l'inconvénient de courir après son débiteur; il n'a pas à se plaindre d'être obligé de se soumettre aux lois des pays étrangers, lois sous lesquelles il s'est placé lui-même; - Qu'enfin, appliquer cet article du code civil, en pareille circonstance, ce serait, pour ainsi dire, tromper les étrangers qui, traitant avec des individus établis en leur pays, n'ont pas du penser qu'ils s'exposeraient à être appelés devant les tribunaux français, ce qui serait plus nuisible qu'utile aux Français.»> - Appel de la dame Bertin. Le 20 mars 1854, arrêt de la cour de Paris qui adopte ces motifs. Pourvoi de la dame Bertin pour violation des art. 14 et 17 c. civ. et de l'art. 59 c. pr. Arrêt.

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LA COUR; Considérant qu'il est reconnu, par l'arrêt dénoncé, que la veuve Bertin est Française; qu'elle n'a point perdu cette qualité par son établissement de commerce en Russie; Considérant que l'art. 14 c. civ. accorde aux Français la faculté de citer, devant les tribunaux francais, l'étranger, même non résidant en France, pour l'exécution des obli

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qu'un demandeur engage divers procès devant des tribunaux différents, pour une action qui, quoique dirigée contre plusieurs personnes, est cependant une quant à son objet. Or, le vœu du législateur nous semble rempli par l'assignation devant le juge du domicile du codébiteur français, et la dérogation à la règle générale ne trouverait pas ici le motif qui a présidé seul à l'art. 59 c. pr.

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267. La juridiction doit-elle se régler par la loi du temps où le contrat a été fait, plutôt que par la loi du temps où s'intente l'action? L'étranger serait-il justiciable de nos tribunaux pour une obligation contractée hors de France, avant le code? D'une part, on remarque que la juridiction est de droit public, et de l'autre, que les conventions ont toutes les suites que leur donnent l'usage et la loi contemporaine (c. civ. 1135). — Il nous semble que la loi ne rétroagit pas là où elle n'altère pas la substance des actes antérieurs à sa publication; que « tout ce qui touche à l'instruction des affaires, tant qu'elles ne sont pas terminées, se règle d'après les formes nouvelles, sans blesser le principe de la non-rétroactivité, que l'on n'a jamais appliqué qu'au fond du droit » (arr. 5 fruct. an 9). Cette opinion, rejetée par M. Guichard, Tr. des droits civils, no 226, a été adoptée par M. Fœlix, Droit intern., no 157. — Et il a été jugé : 1o qu'un étranger peut être traduit devant les tribunaux français pour des obligations contractées avec des Français en pays étranger avant le code civil, et, par exemple, pour régler les comptes d'une société de commerce dissoute, surtout si, dans ce cas, la dissolution, l'inventaire et les comptes ont été postérieurs à la promulgation du code, et que l'assignation ait été donnée à la personne même de l'étranger en France, pendant qu'il y résidait, sur ses biens (Pau, 8 juill. 1809) (2); —2o Que l'art. 14 c. civ., qui permet au Français d'assigner l'étranger devant un tribunal français, s'applique au cas même où le Français n'aurait eu cette qualité que depuis | l'obligation, laquelle était antérieure au code civil (Trèves, 18 gations par lui contractées, soit en France, soit en pays étrangers envers un Français; que la loi n'exige pas du Français qui veut user de cette faculté la preuve qu'il a un domicile en France; Considérant qu'il est constaté, par l'arrêt dénoncé, que la princesse Bagration a sa résidence à Paris; qu'ainsi le tribunal de la Seine était compétent pour connaître de la demande formée contre elle par la veuve Berlin, et qu'en admettant le déclinaloire proposé par la princesse, l'arrêt dénoncé a violé les art.14 et 17 c. civ.; Casse.

Du 26 janv. 1856.-C. C., ch. civ.-MM. Boyer, pr.-Tripier, rap.-Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-A. Chauveau et Scribe, av.

(2) Espèce (Lapenne et Blanque C. Palengat.) - En 1800, Palengat, Espagnol, négociant à Pampelune, y contracte avec Blanque et Lapenne, Français, une société de commerce sous la raison Palengat et comp. En 1806, cette société est dissoute. Les comptes sont arrêtés par Palengat. Ses deux associés prétendent qu'au passif est portée une somme non due. Ils l'assignent devant le tribunal de commerce de Pau. Déclinatoire est proposé par Palengat et accueilli par le tribunal à raison de sa qualité d'étranger, et parce que l'obligation était antérieure au code civil. - Arrêt.

LA COUR; Considérant qu'il est de la nature des lois nouvelles rendues en matière de compétence, et dont les règles sont de droit public, de comprendre dans les attributions qu'elles établissent la généralité des actions à intenter, quels que soient le temps et la cause de leur origine; que ces lois sont censées introduire à cet égard un ordre de choses totalement nouveau, et que tout comme il n'est pas au pouvoir des parties qui contractent entre elles de se donner d'autres juges que ceux qu'elle leur assignent, il ne saurait, par la même raison, dépendre, soit de la nature du contrat qui est purement de droit privé, soit de l'époque à laquelle il est intervenu ou du lieu où il est passé, de donner un droit de juridiction quelconque, différent de celui consacré par la loi actuellement régnante; que, d'ailleurs, dans l'espèce de la cause, la dissolution de la société, l'inventaire et le compte allégués, sont postérieurs à la promulgation du code civil, et par conséquent soumis encore, sous ce rapport, à ses dispositions; que la somme répétée pour fait d'erreur ou défaut de cause légitime entre dans les conventions, comme faisant partie des bases et des conditions du traité; que, dès lors, le sieur Palengat, quoique naturalisé Espagnol, a pu être cité par-devant les tribunaux français; bien plus encore, lorsqu'à l'époque de l'assignation il était résidant en France, sur ses biens, et qu'elle lui fût donnée en personne; qu'il y a par conséquent lieu, en réformant le jugement dont est appel, de débouter le sieur Palengat de son déclinatoire; Dit qu'il a été mal jugé, etc.

Du 8 juill. 1809.-C. de Pau.

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268. Il suit encore de ce que nous avons dit que, ne fûtil pas Français lors de la naissance de l'obligation, le demandeur qui aurait acquis cette qualité au temps de l'action, pourrait l'intenter en France (arrêt cité de Trèves, du 18 mars 1807, n° 267). MM. Guichard (no 225), Paillet (n° 6) et Coin-Delisle (no 12) contestent notre solution en ce qui concerne le Français qui est devenu tel depuis que l'obligation a pris naissance. L'art. 14 exige, disent-ils, que l'obligation ait été contractée envers des Français. Si donc l'étranger qui poursuit aujourd'hui devant les tribunaux de France son débiteur étranger, n'a acquis la qualité de Français que depuis que l'obligation a été contractée, il doit être déclaré non recevable dans son action. Son changement d'état ne saurait nuire à son débiteur et surtout à des tiers, détourner l'application des lois sous lesquelles les parties ont entendu contracter et aux dispositions desquelles la partie obligée a nécessairement complé qu'elle serait soumise: la naturalisation n'a d'effet que pour l'avenir. Quelque graves que soient ces motifs, ils ne sauraient nous convaincre. On s'abuse étrangement, en effet, lorsqu'on ne voit dans l'art. 14 que l'interprétation de l'intention des parties contractantes, et qu'on suppose au législateur la volonté de faire considérer Pétranger qui a traité avec un Français comme ayant volontairement ou tacitement accepté la juridiction française. Nous avons eu déjà occasion de faire remarquer plusieurs fois que si on sui

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(1) (Vanparys C. Parmentier.) LA COUR; Attendu que la compétence, non-seulement celle qui aurait pour objet si un regnicole doit être dans le royaume même traduit devant un juge ordinaire ou un juge d'exception, mais généralement toute compétence tient à la matière de la procédure, et comme telle doit être réglée par les lois en vigueur lorsque l'action est intentée;- D'où il suit que l'art. 14 civ., qui, bien que placé dans ce code en réglant la compétence d'un regnicole vis-à-vis d'un étranger, tient évidemment aux règles de la procedure, et doit sortir effet au eas présent, sans rétroactivité quelconque ; Déclare que le tribunal de Bruxelles était compétent, etc.

Du 21 mars 1817.-C. d'appel de Bruxelles, 1re ch.

(2) Espèce: -(Ingelhein C. Fridrey.) - En 1783, ses juges naturels avaient nommé un administrateur de ses biens au comte Ingelhein, Autrichien, et prodigue. Diverses instances s'étaient engagées pour le règlement des droits des créanciers. L'un d'eux, qui n'avait pas figuré dans ces instances, Friedberg, de Mayence, porteur d'une reconnaissance de 1,500 louis d'or, datée de Cassel en 1802, alors que le pays n'était pas encore sous la domination française, poursuit comme béritier du père le fils d'Ingelhein devant le tribunal de Mayence, qui rejette le déclinatoire pour litispendance à l'étranger, proposé par le défendeur, attendu que Friedberg n'avait jamais figuré dans les procès pendant en Autriche, et que l'art. 14 c. civ. repoussait l'exception d'incompétence, tirée du lieu du contrat et de la qualité d'étranger. Arrêt confirmatif de la cour de Trèves, du 24 août 1807.

Pourvoi en cassation de la part d'Ingelbein. Outre la litispendance, le demandeur a fait consister son principal moyen dans la distinction des mots citer et interdire, que contient l'art. 14 c. civ. Si le contrat a eu lieu en France, disait-il, l'étranger peut être cité ou assigné devant le tribunal du lieu du contrat. S'il a eu lieu à l'étranger, il peut être traduit; mais il faut pour cela qu'il soit trouvé en France; car traduire exprime l'idée d'une citation forcée, d'une contrainte qui s'opère en vertu de la loi du 10 sept. 1807. Le législateur n'a pas employé dans le même article ces deux expressions, sans y attacher un sens différent. D'ailleurs, les juges de Mayence n'étaient compétents pour statuer sur sa personne, à raison ni de son domicile habituel, ni de sa résidence momentanée, ni de la situation de la chose réclamée ou saisie, ni de la nature du contrat, ni du lieu de sa confection.

M. Daniels, avocat général, a fait remarquer que, dans le projet de loi, après le mot traduit, on lisait s'il est trouvé en France; que ces expressions furent supprimées dans la rédaction définitive. Il a dit en outre que les jugements étrangers n'étant point exécutoires en France, n'y ayant aucune autorité, ne pourraient pas même légitimer un sursis. Arrêt. LA COUR; Attendu, 1o qu'en rejetant un déclinatoire fondé sur la litispendance en pays étranger, l'arrêt n'a violé aucune loi; Attendu, 2° qu'en décidant que l'étranger, héritier d'un étranger, peut être traduit devant les tribunaux français pour des obligations par celui-ci confractées en pays étranger envers un Français, l'arrêt n'a fait qu'une

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vait l'intention présumée des parties, on devrait laisser la contestation soumise aux tribunaux étrangers; cela arriverait notamment toutes les fois que l'obligation aurait pris naissance en pays étranger. — Le but du législateur a été de protéger spécia lement les nationaux, et par une sorte de défiance vis-à-vis des décisions émanées des tribunaux étrangers, il a voulu que tout Français pût saisir la juridiction française d'une obligation con tractée à son profit; il l'a voulu sans se préoccuper du temps où l'engagement avait été souscrit, il l'a voulu au profit de tou Français sans distinction; et comme en définitive les règles de compétence sont d'ordre public, comme les formes de procéder ne créent jamais des droits acquis, on raisonne mal lorsqu'on vient dire que celui qui a traité avec un étranger avait acquis le droit de saisir la justice de son pays pour le moment où son action pourrait être exercée. Il a été décidé, dans ce sens, que Part. 14 était applicable contre les héritiers d'un étranger, quoique l'obligation eût été contractée au profit d'un individu étranger devenu Français depuis (Req., 7 sept. 1808) (2). — M. Fœlix, n° 136, embrasse la même opinion.

269. Pareillement, il a été décidé : 1° que le seul fait de la naturalisation confère à l'étranger devenu Français le droit de citer des étrangers devant les tribunaux français, même à l'égard des obligations nées avant l'obtention des lettres de naturalité (Aix, 24 juillet 1826) (3); -2° Qu'il en devrait être ainsi, alors même que l'action de l'ex-étranger n'aurait été formée que postérieurement à des jugements ayant déclaré les tribunaux français incompétents, à raison de l'extranéité des parties, et que le défendeur actionné de nouveau par le demandeur devenu Français ne peut exciper de l'autorité de la chose jugée sur la compétence, s'il n'y a pas identité de personnes et de causes entre les deux

juste application de l'art. 14 c. civ. à l'espèce; Rejette, etc. Du 7 sept. 1808.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Cassaigne, rap. (3) (Nathan-Coën Bacri C. Jacob-Coën Bacri.) - LA COUR ; - Altendu que, dans l'espèce, il s'agit d'une contestation commerciale dérivant d'actes ou de faits passés en France; que, dès lors, on pourrait soutenir que les tribunaux de commerce français sont compétents. même à l'égard des étrangers; Mais que, quelque opinion que l'on embrasse sur une semblable question, il devient inutile de l'examiner dans le cas actuel, puisqu'il est constant que Nathan-Coën Bacri a été naturalisé Français par lettres patentes du 10 sept. 1823; que c'est postérieurement aux lettres de naturalité qu'il a obtenues que l'action a été portée devant le tribunal de commerce de Marseille; que, dès lors, il a pu se prévaloir du bénéfice de l'art. 14 c. civ., d'après lequel un étranger peut être traduit devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations contractées envers un Français; que c'est en vain que l'on prétend que l'engagement est antérieur aux susdites lettres de naturalité; car il ne s'agit pas ici du fond du droit, mais uniquement de savoir de quelle manière sera introduite l'action, et il est alors incontestable qu'on doit suivre la loi en vigueur à l'epoque à laquelle cette action est intentée; que ce qui tranche, au surplus,, toute difliculté, c'est qu'il a été reconnu par les lettres du 10 sept. 1825, contre lesquelles on ne peut élever aucune réclamation, que Nathan-Coen Bacri avait une résidence en France à une époque bien antérieure à celle où l'engagement a été contracté, et qu'il pouvait même invoquer en sa faveur le décret du 9 fév. 1811; que l'on peut dire alors qu'il était Français, soit au moment du contrat, soit au moment de l'action, et qu'ainsi il a pu porter sa demande devant les tribunaux français, n'étant d'ailleurs pas établi qu'il ait cessé de résider en France; Attendu que l'existence d'une prétendue société, dont le siége serait à Alger, n'est nullement justiliée; que, d'ailleurs, cela se rattache au fond du droit sur lequel il n'y a pas à statuer dans ce moment; Attendu que l'on ne peut pas dire qu'il y ait chose jugée dans l'arrêt de la cour royale de Paris, du 14 août 1820, puisque alors Nathan-Coen Bacri agissait en qualité d'héritier de son père, et que, dans la cause actuelle, il agit en son nom personnel; qu il agissait même alors en qualité d'étranger, tandis qu'aujourd'hui il prend la qualité de Français, qu'on ne peut pas lui contester; qu'alors on argumentait de l'existence d'une prétendue société, par suite de laquelle on réclamait plusieurs millions, tandis qu'actuellement on dénie cette même société, et qu'on se borne à demander une créance personnelle se montant à 67,540 fr.; qu'enfin l'instance de 1820 était principalement dirigée contre Busnach, tandis que c'est contre l'appelant seul que la nouvelle action se trouve introduite; Que, sous tous les rapports, il est évident que la chose demandée n'est pas la même, que la demande n'est pas fondée sur la même cause; qu'elle n'est pas formee par les parties, et contre elles, en la même qualité, et qu'alors on ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée; Confirme le jugement, avec amende et dépens, etc.

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Du 24 juill. 1826.-C. d'Aix, ch. civ.-M. de la Chèze-Murel, pr

actions (même arrêt);-3° Que la femme française devenue étrangère par son mariage avec un étranger et redevenue Française par le décès de son mari, pouvait actionner des étrangers devant la juridiction française, à raison d'obligations contractées en France (Bastia, 11 avril 1843, aff. Palmieri, V. n° 304).

270. Conformément à notre doctrine, il a été jugé également qu'un individu né Anglais, naturalisé Français, et domicilié en France, a pu être valablement assigné devant le tribunal de son domicile en France, par un Anglais, sur une contestation résultant d'un contrat passé en Angleterre antérieurement à sa naturalisation; que ce n'est point proposer un déclinatoire que de demander, avant faire droit, le renvoi des parties devant les autorités du pays, pour avoir leur avis sur les suites d'un contrat passé à l'étranger; et que, nonobstant cette demande, les juges ont pu déclarer qu'ils avaient des documents suffisants pour éclairer leur religion, et passer outre au jugement du fond (Req., 27 mars 1835) (1).

271. Il suit de ce que nous venons de dire, qu'en cas de sé

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(1) Espèce:(Stacpooi C. Mahon.) - Par contrat authentique passé en Irlande, le 7 juill. 1815, Georges Stacpool vendit à Patrick Mahon la proprieté d'un domaine, situé dans le comté de Clarck, avec cession en outre de 990 livres sterling, pour vingt-deux années d'arrérages de loyer de ce domaine à lui dus par Williams Stacpool. Patrick Mahon se chargeait, par le même acte, de poursuivre le recouvrement des fermages arriérés. En effet, mis provisoirement en possession de ces arrérages, il en fut définitivement depossédé par un arrêt postérieur de la cour de l'Échiquier, qui admit, au profit de Williams Stacpool, la compensation de sa delte avec d'autres sommes que Georges Stacpool lui devait pour des causes antérieures à la vente. Celui-ci était, avant cet arrêt, passé en France où il avait établi son domicile et obtenu sa naturalisation.En cet état, les héritiers Mahon assignèrent, en 1829, les héritiers Stacpool devant le tribunal de la Seine, à fin de restitution du prix des ariérages cédés à Patrick Mahon.-Les héritiers Stacpool demandèrent le renvoi des parties devant les autorités irlandaises, seules aptes, selon eux, à faire connaître la décision de la loi anglaise sur les suites d'un contrat antérieur à la naturalisation de leur auteur, Georges Stacpool. Le 19 juin 1830, jugement du tribunal de la Seine qui condamne les héritiers Stacpool à la restitution du prix de la cession payé par Patrick Mahon. Sur l'appel, arrêt confirmatif de la cour de Paris, du 6 déc. 1831, dont voici les motifs sur le moyen préjudiciel tiré de ce que l'acte contentieux aurait été passé entre deux Anglais et sous l'empire des lois anglaises :a Considérant que les pièces et renseignements produits respectivement par les parties forment un ensemble de documents suffisants pour éclairer la religion de la cour sur l'objet du procés; qu'il ne s'agit pas, dans l'espèce, d'une question de statut personnel, mais d'une demande née d'un contrat de vente; que c'est en France, et contre un étranger devenu Français par l'effet de la naturalisation, que l'action est dirigée; que l'obligation contentieuse ressort du droit des gens; que les jugements rendus en pays étranger ne sont exécutoires en France qu'après un examen préalable, lorsqu'il a été reconnu que leur exécution n'a rien de contraire aux lois du royaume; que ce principe de droit public est à plus forte raison applicable lorsqu'il ne s'agit pas seulement de reviser un jugement étranger, mais de statuer au fond et de rendre une décision dont les effets ne pourraient réfléchir contre des immeubles situés en France; que de ce qui précède il résulte que c'est d'après la législation française et les règles du droit qui sont suivies en France que doit être jugé le litige dont il s'agit.» Pourvoi par le marquis de Stacpool, l'un des héritiers, pour violation des art. 2 et 14 c. civ.— Il a dit : En faisant tomber sous l'application du code français l'action contentieuse, née d'un contrat de vente passé en Angleterre, sous l'empire de la loi anglaise, entre individus anglais, la cour a méconnu la juridiction acquise à ce contrat dès cette époque et qu'un changement d'état postérieur n'a pu faire passer sur le territoire français entre les mains du juge français. On ne saurait admettre, en présence du droit public ni du droit civil, que l'adoption d'une nouvelle patrie créat non-seulement pour l'étranger naturalisé un nouvel avenir de droits et devoirs réglé par la législation sous laquelle il consent à vivre, mais encore que ce changement d'état, rétroagissant vers le passé, eût la force d'enlever des actes antérieurs à l'empire des lois, en vue desquelles ils avaient été faits, de les rendre justiciables de tribunaux qui n'avaient pas action sur eux lors de leur origine, en un mot, de les naturaliser bien avant la personne dont ils émanent. Bien au contraire, lorsqu'un individu reçoit des lettres de naturalisation, ces lettres postérieurement obtenues ne réfléchissent point sur les actes du passé qui doivent porter leurs conséquences indépendamment de ce fait postérieur et suivre librement leur destinée légale que ce fait ne peut modifier les contrats qu'il a passés, les obligations qu'il a souscrites et qui renferment le germe d'une action litigieuse, sont des faits accomplis. En effet, dans l'espèce, quelle était l'intention des parties contractantes? De la part du vendeur, c'était de s'obliger conformément à la loi anglaise, de se soumettre à toutes les

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paration de pays réunis à la France, l'étranger déclinerait sans succès la juridiction française, sous prétexte qu'à l'époque da contrat il était Français par la réunion, et espérait, en conséquence, être assigné pour l'exécution devant les juges de son domicile. - Jugé ainsi qu'en Belgique, un Français peut être assigné par un Belge devant les juges de ce pays, quoiqu'au temps du contrat tous les contractants fussent Français, et quoique le contrat ait été passé dans un lieu qui n'a pas cessé d'être Français (Liége, 4 fév. 1815) (2).

272. Au contraire, il a été décidé : 1o que les lettres de naturalisation obtenues par un étranger ne rétroagissent pas quant à la juridiction sur des actions dont l'origine est antérieure (Rouen, 29 fév. 1840) (3); — 2o Qu'un étranger ne peut être cité devant les tribunaux français en vertu de l'art. 14 c. civ., par celui qui n'est devenu Français que postérieurement à la naissance du droit qu'il réclame contre cet étranger (Paris, 11 déc. 1847, aff. Kuhn, D. P. 48. 2. 49). Mais on applique à tort, suivant nous, le principe de la non-rétroactivité : la natiogaranties qu'entraîne ce genre de contrat, lorsqu'il est régi par la loi anglaise, mais à celles-là seulement. De la part de l'acheteur, c'était d'accepter la loi anglaise comme mesure des droits que le contrat faisait naître pour lui. Il avait, dès ce moment, juridiction acquise au contrat et à ses effets légaux. Ainsi, la cour n'a pas pu exciper de la naturalisation.de Georges Stacpool pour rendre son héritier justiciable de la loi française relativement à une action qui prend son fondement dans un contrat de vente antérieur à cette naturalisation. On invoquait, en terminant, un arrêt qui aurait consacré le principe qu'une qualité ne peut rétroagir d'une époque sur une autre, dans un cas presque analogue. - Arrêt.

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LA COUR; Attendu que le marquis de Stacpool était dans la cause défendeur originaire;-Attendu que, lorsqu'il a été assigné par les héritiers Mahon, il était naturalisé Français et demeurait en France; qu'ayant son domicile à Paris, l'action intentée contre lui a dû être portée, comme elle l'a été en effet, devant le tribunal civil du département de la Seine, suivant la maxime actor sequitur forum rei; qu'il n'a proposé aucun déclinatoire; qu'il a seulement demandé, dans ses conclusions en cause d'appel, qu'avant faire droit, il fut ordonné par la cour royale que les parties se retireraient devant les autorités d'Irlande pour avoir leur avis sur le point contentieux; et que, sur cette demande, la cour royale a répondu qu'elle avait des documents suffisants pour éclairer sa religion; d'où il suit que l'arrêt attaqué, loin d'avoit violé les art. 2 et 14 c. civ., a fait une juste application des lois en matière de compétence; - Rejette. Du 27 mars 1833.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Faure, rap.

(2) 1 Espèce: (Cornut de Lafontaine C. Gossuin.) — LA COUR; - Considérant que si telle est la suite des événements politiques de changer l'état des personnes, ils peuvent aussi, en certains cas, changer l'ordre des juridictions; que cet ordre doit se régler, non par la loi du temps où le contrat a été fait, mais par la loi du temps où s'intente l'action; - Considérant que, pour tout ce qui touche l'exécution des contrats et l'instruction des affaires, des formes nouvelles peuvent s'introduire sans blesser le principe de la non-rétroactivité, qui ne s'applique qu'au fond du droit; - Considérant surtout que, dans l'espèce, la juridiction invoquée est celle qui doit connaitre de tout ce qui est relatif aux accidents d'un bail; que si le demandeur a invoqué une autorité qui ne pourrait rendre efficace la décision, il devra se l'imputer; mais il ne fait que ce qu'un habitant soumis aux lois des tribunaux français pouvait faire à son égard, en vertu de l'art. 14 c. civ.; Met l'appellation au néant. Du 4 fév. 1815.-C. de Liége.

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- Et attendu que l'action introduite le 29 juin 1839, par Demaestri contre Pissarello, a pour objet une prétendue créance de 30,000 fr. sur la succession du père de Pissarello, décédé en Italie en 1831; que, lors de cette action, le demandeur et le défendeur n'ayant en France qu'un domicile de fait, non autorisé, étaient encore l'un et l'autre réellement étrangers, et, par suite, non justiciables des tribunaux français; qu'il s'agit d'ailleurs d'une action ayant pour cause la dette d'une succession dévolue, en pays étranger, à trois héritiers dont un seul réside à Rouen, depuis environ deux ans ; Attendu que les lettres de naturalisation obtenues par Demaestri, depuis l'appel, ne peuvent exercer aucune influence sur la solution de la question soumise à la cour, parce que, no rétroagissant pas, ces lettres de naturalisation n'effacent point la qualité qu'il avait lors de l'action; Par ces motifs, faisant droit, reçoit Demaestri opposant pour la forme à l'arrêt du 16 janvier dernier, sans avoir égard à son opposition dont il est débouté, ordonne que ledit arrêt sera exécuté suivant sa forme et teneur.

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nalité a changé, et l'étranger qui, aujourd'hui, est assimilé de tout point à un Français, doit avoir le droit d'invoquer la loi française; autrement les bienfaits de la naturalisation ne seraient pas complets à son égard, et il pourrait se trouver en butte à une sorte de mauvais vouloir des juges du pays qu'il aurait quitté. La loi française doit donc le couvrir de la protection de l'art. 14, quels que soient les arguments de texte qui se puisent dans l'art. 14.

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273. Au surplus, il a été décidé: 1o que l'ordonnance qui accorde la jouissance des droits civils en France ne peut rétroa gir et attribuer à l'étranger les prérogatives d'un sujet français pour un contrat passé en pays étranger antérieurement à l'ordonnance (Paris, 6 août 1817) (1). On dit en faveur de cette décision: En cas de naturalisation, il s'agit, à vrai dire, d'un Français qui peut invoquer et les termes et l'esprit de l'art. 14 en sa faveur. Ici, au contraire, il s'agit d'un étranger qui ne peut participer aux droits civils qu'en vertu d'une concession particulière, et qui ne peut réellement les invoquer qu'à dater de son admission en vertu de l'ordonnance. Le Français est dans une position toute favorable: l'étranger n'est admis à jouir des droits civils que par tolérance; il est tout simple, dès lors, qu'on agisse à son égard d'une manière restrictive, à la différence de ce qui a lieu à l'égard du Français.- Néanmoins il faut répondre que la loi française doit protéger celui qu'elle admet à jouir en France des droits civils; que, d'ailleurs, le mot droits civils est général; qu'il comprend le droit de citation devant les tribunaux français comme les autres; qu'on ne voit pas le motif de la faveur qu'on réclame dans l'intérêt des étrangers non domiciliés, et au préjudice de celui que la France a admis à une sorte de stage politique dans son sein; qu'à l'égard de la non-rétroactivité, on a déjà vu qu'elle était détournée du sens naturel dans lequel elle est communément entendue (V. Lois rétroact.); 2o Que la circonstance qu'un étranger, qui a traité avec des étrangers, a obtenu une ordonnance qui l'autorise à résider en France et à y jouir des droits civils, depuis l'instance par lui engagée sur une saisie-arrêt qu'il a formée contre ces derniers, ne lui permet pas de se prévaloir de l'art. 14 c. civ., et que c'est avec raison que le tribunal français se déclare incompétent pour connaître de la saisie-arrêt :-« La cour ;-Attendu que l'ordonnance du roi, du 10 janv. 1816, qui a admis Story à la jouissance des droits civils en France, n'a pu rien changer à l'ordre des juridictions à l'égard des négociants suédois, puisqu'elle est postérieure à la saisie-arrêt du 2 août 1815, qui a donné lieu à la contestation...; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la cour de Rouen, du 15 mars 1817 » (Req., 18 mars 1818, MM. Henrion, pr., Dunoyer, rap., aff. Story C. Grudeman).

274. Doit-on appliquer l'art. 14 dans le cas où l'obligation ayant été primitivement formée au profit d'un étranger, a été transmise postérieurement à un Français ? — On distingue selon que l'obligation est commerciale ou civile.-Dans le premier cas, on applique l'art. 14, en se fondant sur ce qu'il est de la nature des effets de commerce (lettres de change, billets à ordre) d'être négociables, et sur ce que celui qui les souscrit est lié envers tous ceux au profit desquels son obligation est endossée; il est censé s'être obligé directement envers eux, et leur avoir assuré contre lui les mêmes droits que s'il avait traité directement avec eux. Or, ajoute-t-on, il a dû s'attendre à ce que ces effets passeraient dans les mains de personnes d'une nationalité différente

(1) Espèce : — (Story C. Hall.) — Des deniers étaient déposés dans l'intérêt du sieur Hall, Suédois, à la caisse des consignations à Paris. Willams Story, Américain, son cessionnaire en vertu d'actes passés à Gothembourg (Suède) en 1815, obtient, le 10 janv. 1816, une ordonnance du roi qui l'admet à jouir des droits civils en France. - 5 avril 1817, Story forme opposition sur les deniers déposés. - Hall et ses syndics demandent le renvoi devant les juges de Suède, se fondant sur l'art. 567 c. pr. Story oppose son admission à la jouissance des droits civils en France et l'art. 14 c. civ.-13 fév. 1818, jugement qui annule la saisie, « attendu qu'aux termes de l'art. 567, la demande en validité d'opposition doit être portée devant le tribunal du domicile de la partie saisie, et qu'aux termes de l'art. 565, faute de demande en validité, la saisie ou opposition est nulle; que Hall est domicilié à Gothembourg; que la demande en validité ne pouvait, dès lors, être portée devant le tribunal de la Seine. » Appel. — Arrêt.

de la sienne. On fait enfin valoir cette considération d'intérêt général que le commerce national serait entravé si l'on refusait aux Français le bénéfice de la juridiction française. Au second cas, on soutient l'incompétence des tribunaux de France. On invoque, à cet égard, deux motifs : l'un tiré de ce que l'art. 14 pose une règle exceptionnelle qui doit, en conséquence, être restreinte au cas qu'il prévoit, celui où l'obligation a été contractée envers un Français; l'autre de ce que l'étranger qui a traité avec un membre de sa nation a dû compter sur la compétence de ses juges naturels; que celui envers lequel il s'était lié primitivement n'avait pas la faculté de saisir les tribunaux français; qu'entre eux, les qualités étaient bien connues; qu'ils ont dû compter l'un et l'autre sur leur juridiction naturelle; que nul n'a pu aggraver le pacte au préjudice de l'autre, ainsi que l'expriment, soit la loi au code De pactis, portant: Debitorem pactionibus creditorum petitio tolli nec mutari potest, soit la loi 41, Dig., De reg. jur., d'après laquelle, non debet actori licere quod reo non permittitur, et que le cédant n'a pu en conséquence transférer à un autre plus de droits qu'il n'en avait.-Cette distinction est enseignée par Merlin, Quest., vo Étranger, § 4, no 3, qui appuie sa théorie de l'art. 177 de l'ord. de 1579, portant que ceux qui avaient obtenu le droit de committimus, c'est-à-dire de distraire leurs débiteurs de leurs juges naturels, ne pourraient en jouir, conformément à ce qu'avait déjà réglé l'art. 56 de l'ord. d'Orléans de 1560, que << pour droits que lesdits privilégiés auraient de leur chef, ou à cause de leur femme seulement, » et non en vertu de cession ou transport.-M. Demolombe, t. 1, n° 150, est aussi de cet avis. · Il a été décidé à l'égard des cessions d'effets commerciaux : 1o que le souscripteur étranger d'un billet à ordre créé en France au profit d'un étranger peut être assigné en payement devant la juridiction française par un tiers porteur français (Douai, 2e ch., 12 avril 1828, aff. N...; Paris, 15 oct. 1834, aff. Selles, V. Effets de comm., no 877); -2° Qu'il en doit être ainsi, alors même que le billet a été souscrit en pays étranger (Cass., 25 sept. 1829, aff. Arnold, V. Effets de comm., no 883-1o); 3o Qu'en conséquence, l'arrestation provisoire de l'étranger souscripteur peut être ordonnée en faveur du tiers porteur français (Douai, 12 janv. 1832, aff. Bloqué, V. no 278; Paris, 29 nov. 1831, aff. Cochrane, V. Effets de com., no 885-2°; Douai, 7 mai 1828, aff. Williams Robert, V. no 315);-4° Que cette arrestation peut avoir lieu au profit du tiers porteur en vertu d'un endossement en blanc, si d'ailleurs on ne démontre pas clairement que l'endos en blanc a été révoqué (Paris, 6 avril 1843) (2): on opposerait en vain que la procuration en blanc n'est pas translative de propriété ; que les exceptions opposables au cédant le sont au porteur, et qu'il résulte d'une lettre émanée de celui-là que le billet est éteint (même arrêt);-5° Que l'acceptation d'une lettre de change entraîne les mêmes effets que la souscription de cette lettre (Paris, 29 nov. 1831, aff. Cochrane, V. Effets de com., no 885-2o);—6° Que le Français devenu propriétaire d'un effet de commerce après qu'il a été l'objet d'un jugement émané d'une juridiction étrangère, peut agir devant les tribunaux français en payement de ce qui est encore dû sur ce billet (Douai, 1er déc. 1834, aff. Tourasse, V. Effets de com., no 46).

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DROIT CIVIL. TIT. 2, CHAP. 2, SECT. 1, ART. 3.

l'étranger débiteur devant les tribunaux français (Bruxelles, 23

mars 1826; Douai, 27 fév. 1828; Poitiers, 5 juill. 1835) (1).
Enfin,
vant les tribunaux français, et de le faire arrêter en France?
Attendu que, d'après
l'objet de la disposition de l'art. 14 c. civ. n'a-t-il pas été d'empêcher que
le Français ne fût pas contraint de quitter son domicile pour aller plaider
en pays étranger? Or, le sieur Ranc, établi à Bruxelles, pourrait-il se
plaindre de son renvoi devant le tribunal de son domicile, qui est en
même temps celui de son adversaire?- Ranc répondait que le privilége
établi par l'art. 14 c. civ., était uniquement attaché à la qualité de Fran-
cais; qu'ainsi, sans qu'il y ait lieu d'examiner par qui et en quel lieu
l'obligation a été originairement contractée, il suffit qu'elle ait été vala-
blement transmise à un Français, pour que le débiteur, quel qu'il fût, se
trouvât soumis à la juridiction des tribunaux de France, et aux mesures
de rigueur autorisées par la loi de 1807; que les principes ordinaires en
matière de cession n'étaient point applicables à l'espèce, et devaient flé-
chir devant un privilége inhérent à la qualité de Français; qu'enfin, en
matière de lettres de change, l'accepteur est censé s'obliger directemen
envers tous les tiers porteurs éventuels.- Arrêt.
LA COUR;

LA COUR; (Cobbet.) (1) 1 Espèce: Fart. 14 c. civ., les étrangers qui ont contracté des obligations avec ou envers un Belge, soit dans ce royaume, soit à l'étranger, sont les seuls qui puissent être traduits devant les tribunaux des Pays-Bas ; · Que, dans l'espèce, les obligations ont été contractées entre deux étranQue peu importe que ces obligations aient lieu gers hors du royaume; au moyen de lettres de change ou d'une autre manière usitée hors du commerce; qu'il est bien vrai que la propriété d'une lettre de change se transfère par un simple endossement, sans signification; mais que ce transQu'il est de principe fert n'a néanmoins et ne peut avoir plus d'effet que tout autre transfert l'obligations civiles et étrangères au commerce; constant, en droit, que personne ne peut transférer à un autre plus de droits qu'il n'en a lui-même, qu'ainsi, dans l'espèce, l'étranger n'a pu donner à l'intimé, quoique Belge, le droit de poursuivre en ce pays son débiteur également étranger, et aggraver ainsi considérablement le sort de ce dernier par l'exercice de la contrainte par corps; Attendu, en ce qui concerne la loi du 10 sept. 1807, dont on a voulu argumenter en faveur de la compétence, que d'abord on ne voit pas comment cette loi, qui a trait à la contrainte par corps, et qui ne fait ainsi que donner un moyen d'exécuter les jugements de condamnation, aurait abrogé, en tout ou en partie, un article du code civil qui est d'ordre public, sans même faire aucune mention de cet article ou de ses dispositions, et sans rien renfermer qui y soit contraire; que, d'un autre côte, les termes de la loi répugnent même à l'interprétation qu'on voudrait lui donner, puisque, d'après l'art. 1 de cette loi, il faut qu'il y ait un jugement de condamnation pour pouvoir user de la contrainte par corps, jugement qui, dans l'espèce, ne peut jamais exister aussi longtemps qu'on ne démontrera pas que la loi de 1807 Attendu que l'art. 2 de cette loi ne renferme a abrogé l'art. 14 c. civ.; qu'une mesure provisoire, et n'emploie même pas une seule fois le mot contrainte par corps, mais seulement celui d'arrestation; qu'une mesure provisoire suppose toujours quelque chose qui doit suivre, et particulièrement dans l'espèce, un jugement de condamnation, ainsi que le démontrent clairement les premiers mots de l'article, avant le jugement de condamnation; Qu'en outre toute mesure provisoire doit nécessairement se régler d'après ce qui doit en être la suite, et que lorsque cette suite ne peut avoir lieu, la mesure provisoire ne peut non plus, en bonne justice, être admise; de sorte que c'est en vain qu'on cherche dans cet article une at4ribution de juridiction; - D'où il suit que les tribunaux des Pays-Bas ne sont nullement compétents pour connaître du différend dont il s'agit, etc. Du 25 mars 1826.-C. sup. de Bruxelles.

(Rane C. Hennessy.) En 1827, le sieur Stapleaux Espèce: tira d'Anvers, sur le sieur Hennessy-Kuox, de Bruxelles, des lettres de change qui furent acceptées par ce dernier. Ces traites, transmises par endossement au sieur Ranc, Français d'origine, mais depuis longtemps négociant à Bruxelles, ne furent point acquittées à l'échéance. L'accepteur, ayant abandonné son domicile, vint en France, et fut arrêté à Boulogne-sur-Mer, à la requête du sieur Ranc.-Hennessy-Kuox demanda la nullité de son emprisonnement, sur le motif qu'il n'avait point contracté directement avec un Français, et que, d'ailleurs, Ranc avait perdu cette qualité par son établissement et sa longue résidence à Bruxelles.-- Jugement qui, attendu que Ranc n'ayant formé dans cette ville qu'un établissement de commerce, a conservé sa qualité de Français, rejette la demande d'Hennessy.-D'un autre côté, le tribunal de commerce de Calais, saisi de la demande en payement des traites, se déclara incompétent, attendu qu'il ne s'agissait point, dans l'espèce, d'obligations contractées directement par un étranger envers un Français. Appel de Ranc et Hennessy, celui-ci du premier de ces jugements, celui-là du second, On disait pour Hennessy, que l'art. 14 c. civ. n'a voulu soumettre à la juridiction des tribunaux de France, que les étrangers qui ont directement contracté avec un Français, et non ceux qui, comme dans l'espèce, ayant originairement contracté avec un autre étranger, deviennent accidentellement, et par l'effet d'une cession ou d'un endossement, débiteurs d'un Français. Une interprétation différente de la loi serait la consécration 'ung injustice, d'une absurdité même; car comment admettre que, par 2xemple, des Russes, des Américains qui ont contracté entre eux, et dans eur propre pays, puissent, sans l'avoir prévu, être tout à coup cites devant les tribunaux de France, parce que leurs obligations ont été transmises à un Francais?-L'art. 2 de la loi du 10 sept. 1807, qui autorise J'arrestation provisoire de l'étranger non domicilié, après l'échéance de la dette, mais avant le jugement de condamnation, n'est également applicable que dans le cas où un étranger a contracté des obligations en France, et directement avec un Français, ainsi que le démontre assez clairement le passage suivant de l'exposé des motifs de cette loi: « Les étrangers sont accueillis avec faveur sur cette terre hospitalière. Le Français, naturellement confiant et sensible, se livre avec une facilité que la prudence ne pourrait peut-être pas toujours avouer; faut-il que des actes de bienfaisance entraînent la ruine de l'homme généreux qui en fut capable? » Comment, méconnaissant l'esprit de la loi de 1807, peut-on lui supposer F'injuste volonté d'attribuer au Français, cessionnaire d'une obligation, le droit que n'avait pas l'étranger, son cédant, de traduire le débiteur deTOME XVIII.

Attendu que l'arrestation provisoire autorisée par l'art. ›
de la loi du 10 sept. 1807, ne peut être legalement prononcée que dan.
le cas d'obligations contractées directement par un étranger envers des
Français; que cela résulte de l'esprit de cette loi, comme de l'esprit et
du texte de l'art. 14 c. civ., dont elle n'est que le corollaire ;-Que cette
interprétation donnée aux articles cités s'applique également au cas de
Que, si l'on peut dire alors
lettres de change cédées à un Français;
que l'accepteur est censé s'obliger directement envers les porteurs, il faut
reconnaître en même temps que le cas prévu réellement par la loi est
celui d'une dette immédiatement contractée par un étranger envers un
Français;- Que, comme il s'agit d'une disposition exceptionnelle à la
Attendu que la position
règle général actor sequitur forum rei, il faut, dès lors, en restreindre
l'application aux cas spécialement déterminés;

du débiteur ne peut être aggravée, indépendamment de son fait; qu'il
serait trop dangereux que l'on pût, à l'aide de concessions faites de
mauvaise foi, tromper la confiance de l'étranger qui viendrait chercher
sur le sol français cette hospitalité que la loi invoquée voulait elle-même
garantir; Que Ranc, bien qu'il ne puisse être considéré, à cause de
son établissement de commerce en Belgique, comme ayant perdu la qua-
lité de Français, et par suite le privilége attaché à cette qualité, tant par
l'art. 14 c. civ., que par la loi de 1807, ne peut néanmoins en invoquer
les dispositions, puisqu'il n'est que cessionnaire d'un étranger, et que
l'obligation dont il poursuit en France le payement n'a point été contractée
directement et originairement envers lui;- Statuant sur les appels, dit
Confirme, au contraire, celui rendu par le tribunal de commerce de
Calais.
qu'il a été incompetemment jugé par le tribunal civil de Boulogne....;-

Attendu que, Du 27 fév. 1828.-C. de Douai, 1re ch.-M. de Forest de Quartdeville, pr. 3o Espèce: (Chaulin C. Bewsher.) LA COUR ; d'après la maxime actor sequitur forum rei, tout défendeur doit être cité devant le tribunal de son domicile, pour l'exécution des obligations contractées par lui, et que c'est par exception à cette règle que l'art. 14 c. civ. établit qu'en certains cas spécialement déterminés, l'étranger pourra être distrait de ses juges naturels et cités devant les tribunaux français; - Attendu que toute exception étant de droit rigoureux, ne peut être étendue au delà de son sens direct et clairement exprimé; que si de l'art. 14 il résulte que l'étranger pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations contractées par lui avec un Français, soit en France, soit à l'étranger, il n'en résulte pas qu'il suffise au Français de devenir indirectement et à un titre quelconque créancier d'un étranger, pour être en droit de le citer devant les tribunaux français, Attendu que cet article n'entendant évidemment parler que des obligations contractées directement et ordinairement envers le Français; l'article dont il s'agit comprend dans ses dispositions les engagements civils comme les engagements de commerce, et que, spécial quant à la compétence, il est, quant à la nature des obligations, de la Attendu que, si l'étranger souscripteur, envers un de ses compatriotes, d'un effet négociable, sait que son engageplus grande généralité; ment peut passer successivement par la voie de l'endossement aux mains d'un habitant de chacun des points du globe, et qu'il peut, par ce moyen, avoir un jour cet habitant pour créancier; que, s'il sait aussi que, par une voie moins facile et moins prompte, mais fort ordinaire, son engagement civil non négociable peut produire le même résultat en passant aux mains d'un tiers, étranger à sa nation, il ne peut pas résulter de là pour lui, qu'en devenant, par l'un de ces transports, de créancier, débiteur d'un Français, il ait contracté avec ce tiers dans le sens de l'art. 14 suscité; Attendu que si, par une supposition favorable aux Français, mais assez peu rationnelle, l'art. 14 considère que tout étranger qui conil tracte avec un Français est réputé connaître la loi française, et savoir qu'il s'expose à perdre l'avantage de la règle actor sequitur forum rei, est loin du moins d'avoir disposé que tout étranger qui souscrit, en pays étranger, une obligation civile ou commerciale envers un étranger et payable en pays étranger, sera aussi, malgré tout cela, enchaîné par l'exception de l'art. 14, qu'il est supposé connaître, et auquel il est présumé

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