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2216. La cour de Paris a également décidé dans le même sens que les sommes empruntées à la grosse pour réparation d'avaries éprouvées par le navire, doivent, dans le cas où la vente du navire et de la cargaison assurée est poursuivie par le prêteur à la grosse, être remboursées par le propriétaire du chargement assuré, sauf son recours contre l'assureur, lequel ne peut, dans ce cas, être tenu des avances que lorsqu'elles auront été liquidées; et qu'ainsi c'est à tort que ce propriétaire se bornerait à sommer l'assureur d'intervenir pour le remboursement (Paris, 27 mars 1838, aff. Liais, no 2033, V. M. Alauzet, no 324).

2217. Du reste, l'assureur doit à l'assuré l'intérêt des sommes que celui-ci a avancées pour réparation d'avaries, à compter du jour où, au moyen de ces réparations, le navire a re

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Le 30 mai, sommation de la dame Pouilly à l'agent des compagnies à Dunkerque, où la police avait été signée, de fournir la somme pour laquelle les assureurs devaient contribuer aux avaries. Les compagnies gardèrent le silence. Le capitaine Dezaudt se fit autoriser à publier un emprunt à la grosse; cet emprunt n'eut aucun succès. La dame de Lincé demanda la résiliation du contrat d'affrétement.-Le 18 septembre, nouvelle sommation de la veuve Pouilly aux assureurs. Le 27, jugement qui prononce la résiliation de la charte-partie, et nomme des experts pour estimer le dommage souffert par la dame de Lincé. Assigné devant le tribunal pour voir homologuer le rapport de ces experts, le capitaine Dezaudt mit en cause la dame Pouilly, qui, à son tour, appela en garantie les compagnies d'assurances. Elle prétendait que leur refus de contribuer aux avaries avait donné lieu à la résiliation de la charte-partie et à la demande en dommages-intérêts de la dame de Lincé. ·

Le 27 janv. 1824, jugement du tribunal de la Rochelle, qui rejela cette demande en garantie: « Considérant, 1° que, dans les conditions générales des compagnies d'assurances, il est stipulé que les avaries seront payées immédiatement après le règlement; d'où il résulte qu'on ne peut demander à ces compagnies des avances, mais seulement le remboursement des sommes payées, sur lesquelles elles ont des retenues-à exercer, ce qui nécessite la connaissance exacte du montant des avaries et une liquidation préalable; 2° que la dame Pouilly ne trouvant point à emprunter à la grosse pour fournir aux réparations de son navire, ainsi qu'elle l'a fait constater, se trouvait alors autorisée par l'art. 254 c. com., à faire vendre la cargaison dudit navire,soit en partie, soit en totalité; 5° qu'en cas d'insuffisance, si elle s'était crue en droit de réclamer une avance à ses assureurs, elle aurait dû ne pas se borner à de simples sommations, mais les traduire devant le tribunal, qui aurait statué co que de droit; 4° que la dame Pouilly étant elle-même assureur pour un tiers de sondit navire, pouvait aussi faire des avances en proportion. >> Appel de la dame Pouilly. Répondant d'abord au motif du jugement qui la déclarait en faute pour n'avoir pas fait vendre la cargaison, on a dit pour elle: L'art. 254 c. com. n'impose pas l'obligation au capitaine de faire vendre la cargaison pour réparer les avaries. Cet article est facultatif, comme l'indiquent les termes; il n'offre qu'un moyen extrême, et dont le capitaine ne doit faire usage que lorsque, se trouvant sur une côte éloignée, il n'a ni les ressources d'un crédit ordinaire ni la possibilité de faire un appel de fonds aux intéressés à l'armement. Tel est l'esprit de la loi. Si donc, lorsqu'il le peut, le capitaine doit recourir aux propriétaires pour se procurer les fonds nécessaires à la réparation des avaries, le propriétaire, lorsqu'il est présent, doit, de son côté, recourir aux assureurs, dont il est le mandataire légal, pour la conservation du navire. Passant ensuite aux autres motifs du jugement, on les a combattus de la manière suivante : D'après l'art. 350 c. com., les assureurs doivent supporter tous dommages arrivés par fortune de mer. Le payement des avarics est donc une charge personnelle aux assureurs. Il suit de là que, lorsqu'ils connaissent les avaries, que l'estimation en a élé faite en leur présence, ils doivent fournir les fonds nécessaires à leur réparation. Il est bien vrai que l'assuré pourrait faire lui-même les avances et exercer ensuite son recours contre les assureurs; mais rien ne l'y oblige, bien souvent il lui serait impossible de le faire. Deux cas peuvent arriver ou bien le navire éprouve des avaries dans des pays éloignés de la résidence des assureurs, ou bien il les éprouve dans le lieu même de cette résidence. Dans l'un et l'autre cas, l'assuré n'est pas tenu de faire des avances. En effet, dans le premier, aux termes de l'art. 234, le capitaine qui représente le propriétaire, mandataire lui-même des aseureurs, est autorisé à emprunter à la grosse, ou à vendre la cargaison. Or, les conséquences de ces opérations sont supportées par les assureurs. Ce sont eux qui sont tenus de payer les intérêts exigés par le prêteur à la grosse; ce sont eux qui tiennent compte de la dépréciation des marchandises vendues forcément et juridiquement. Cela résulte de la nature même du contrat d'assurance, autrement l'assuré ne serait pas garanti de tout préjudice résultant d'un sinistre. Ainsi, dans ce cas, il est évident que ce sont les assureurs qui, par l'entremise de leurs mandataires légaux, pourvoient au radoub du navire endommage. A plus forte raison doit il en être ainsi dans le second cas. Lorsque les assureurs sont pré

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pris le cours de sa navigation (Bordeaux, 3 déc. 1827, aff. Barde, sous l'arrêt du 15 déc. 1830, no 2234).

2218. La circonstance que le chargeur, dont les marchandises ont été sacrifiées pour le salut commun, a contre les autres chargeurs et l'armateur une action en contribution pour l'indemnité de l'avarie, n'empêche pas qu'il ne puisse s'adresser directement à son assureur et en exiger le montant total du dommage, sauf à l'assureur à recourir jusqu'à due concurrence contre ceux qui doivent contribuer au payement de ladite avarie. L'obligation de l'assureur n'est, en effet, ni partielle, ni accessoire ou subsidiaire relativement à ceux qui doivent contribuer; elle est, au contraire, générale et directe (Bordeaux, 11 fév. 1826) (1). 2219. L'action d'avarie peut être formée avant l'expiration

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sents, le mandat du capitaine et celui du propriétaire doivent cesser. Il ne peut y avoir lieu ni à l'emprunt à la grosse ni à la vente de la cargaison, puisqu'on peut recourir à ceux mêmes qui sont chargés de la réparation du dommage. Le seul devoir du capitaine et du propriétaire dans ce cas est de mettre les assureurs en demeure. Vainement dirait-on qu'il a été dérogé à ces principes par la police, dans la clause portant que les avaries seront payées après le règlement. Lorsque le navire éprouve des avaries communes, il est nécessaire de faire un règlement pour savoir en quelle proportion chaque intéressé doit contribuer au désastre; voilà le cas prévu par la police. Mais lorsque, comme dans l'espèce, le navire a échoué au port où l'assureur avait sa résidence, que l'estimation de celle avarie particulière a été faite en sa présence, alors il voit clairement, en lisant la police d'assurance, quelle est la somme pout laquelle il doit contribuer aux réparations. Il n'est pas nécessaire do faire un règlement. On objecterait vainement encore que l'assuré était tenu de contribuer pour sa part aux avaries, et qu'il devait commencer par faire les avances de cette portion contributive. Il ne pouvait faire un radoub partiel; il fallait qu'il y eût de l'ensemble dans les réparations. S'il avait commencé ces travaux et que l'assureur se fût refusé à fournir le surplus des fonds nécessaires, le vaisseau n'en serait pas moins resté hors d'état de continuer sa route. Si le navire n'a pas été réparé, c'est donc aux assureurs qu'on doit l'imputer. Si, par suite, l'affréteur'a obtenu la résiliation de la charte-partie, et des dommages-intérêts, parce que le navire n'a pu continuer sa route, les assureurs doivent garantir la dame Pouilly des condamnations prononcées contre elle. Arrêt. LA COUR; Attendu que les obligations de l'assureur, dans le cas où, comme dans l'espèce, il ne peut pas y avoir lieu au délaissement, sont déterminées par les art. 371 et 389 c. com., et que s'il résulte des dispositions combinées de ces articles que l'assuré conserve son recours sur l'assureur pour les frais et avaries occasionnés par l'échouement, il en résulte également que les frais et avaries doivent être préalablement réglés entre l'assureur et l'assuré, à raison de leurs intérêts; ce qui exclut l'idée que l'assureur soit tenu de concourir par des avances aux réparations qui sont nécessaires pour mettre le navire en état de continuer sa route; Attendu qu'il n'a point été dérogé à ces principes par la police d'assurance; qu'au contraire, il y est formellement stipulé que les avaries seront payées après le règlement; Attendu que le préalable de règlement d'avaries entre l'assureur et l'assuré, nécessaire dans tous les cas pour déterminer le montant des sommes dont l'assureur sera constitué débiteur envers l'assuré, est d'autant plus indispensable dans la circonstance présente, que la liquidation à opérer se complique des différentes déductions stipulées dans la police au profit des assureurs;

Attendu que le règlement dont il s'agit n'a pas encore été fait entre les parties, et que la veuve Pouilly, dans les actes qu'elle a adressés aur assureurs et par lesquels elle leur fait sommation de contribuer aux réparations du navire dans la proportion de l'intérêt qu'ils peuvent y avoir, sans détermination de quotité, se base uniquement sur le procès-verbal d'expertise dressé contradictoirement avec l'agent des assureurs, le 2 mai 1823; Attendu que le procès-verbal, qui constate bien les avaries et fixe à 29,448 fr. 60 c. le montant des réparations à faire pour mettre le navire en état, ne règle aucunement et n'a pas pu régler la situation respective des parties, c'est-à-dire la somme que les assureurs auraient à payer à l'asuré; qu'ainsi les sommations de la veuve Pouilly n'ont pa avoir l'effet de constituer les assureurs en demeure, et qu'elle ne peut par conséquent s'en prévaloir pour exercer un recours contre eux en garantie, dans l'objet de leur faire supporter les dommages-intérêts auxquels elle a été condamnée envers la veuve de Lincé pour inexécution de la charte-partie ; - Met l'appel au néant, et condamne l'appelante en l'amende et aux dépens, etc.

Du 25 juin 1824.-C. de Poitiers, 2 ch.-M. Pervinquière, pr.

(1) Espèce (Brandam C. Salignac.)- Par police du 31 août 1812, Brandam, Sorbé et autres assurèrent 30,000 fr. sur cinquante pièces de trois-six appartenant à Salignac et fils, chargées sur le bâtiment l'Aimable-Céleste, capitaine Jourdan, allant de Bordeaux à Rouen. En remontant la Seine, le navire éprouva divers accidents qui occasionnerent un coulage extraordinaire et que le capitaine consigna à son arrivée à

du délai que la police a réservé à l'assureur pour le payement des avaries, pourvu que cette action ne tende qu'à faire condamner l'assureur à exécuter ses engagements à l'époque fixée yar le contrat (V. n° 2170).- est, au surplus, hors de doute jue si, par sa négligence à réclamer à temps un règlement d'aJaries, l'assuré se mettait hors d'état de transmettre ses droits à on assureur, il perdrait son recours contre ce dernier (trib. de jom. de Bordeaux, 29 juin 1838. Conf. M. Lemonnier, t. 1, ). 191).

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Rouen, dans un rapport qui fut déposé au greffe du tribunal de commerce de cette ville. Ce rapport ne fut point vérifié par l'interrogatoire des gens de l'équipage; seulement, plusieurs années après, quelques-uns des individus qui en avaient fait partie en certifièrent la vérité dans des déclarations assermentées devant un juge du tribunal de commerce de Libourne, délégué sur requête pour les recevoir. De divers procès-verbaux faits à Rouen immédiatement après l'arrivée du navire, à la réquisition du consignataire des trois-six, il résulta: 1° que treize pièces se trouvèrent en vidange, quoique très-bien arrimées; 2° que le coulage avait été cause par des accidents de force majeure; 3° que ce coulage de 5,256 litres, apprécié à raison de 4 fr. 25 cent. par deux litres, valeur (hors droits) que les trois-six auraient eue à Rouen, produisait une perte de 11,169 fr. Salignae et file assignèrent leurs assureurs au tribunal de commerce de Bordeaux pour les faire condamner à leur payer cette somme, plus celle de 358 fr. 35 cent., montant des frais de visite, etc. Les assureurs réPondirent: 1° que l'avarie n'était pas régulièrement justifiée, parce que le rapport du capitaine n'ayant pas été vérifié, était nul aux termes de l'art. 247 c. com., et que, ce rapport écarté, il ne restait rien qui témoignat que le coulage allégué fût provenu d'accidents de mer; 2° que si les fails consignés dans ce rapport nul étaient tenus pour constants, la perte des trois-six serait une avarie grosse à la réparation de laquelle les autres chargeurs et l'armateur devraient contribuer d'où suivrait que Salignac et fils auraient une action en contribution contre ces autres chargeurs et l'armateur, et que ce ne serait qu'après avoir exercé cette action et fait diviser et répartir l'avarie, qu'ils pourraient recourir sur eux pour la portion qui demeurerait définitivement à leur charge; 3° que dans tous les cas le montant de la portion de l'avarie qu'ils devraient payer serait fort différent de la somme réclamée, parce qu'il fallait le calculer à leur égard, non selon la valeur des trois-six à Rouen, mais selon le prix porté au contrat d'assurance, ou, comme la police du 31 août 1815 no fixail pas la valeur par litre des trois-six assurés, selon T'estimation qui en serait faite par des experts.

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Le 10 sept. 1824, le tribunal déclara l'avarie suffisamment justifiée; mais, pensant que les assurés ne pouvaient agir contre les assureurs qu'après le règlement contributoire, et seulement pour la portion de l'avarie qui resterait à leur compte, « attendu qu'on ne pourrait déterminer la qualité de l'avarie à la charge des assureurs qu'après qu'elle aurait été réglée et répartie dans les proportions fixées par la loi, » ordonna, avant dire droit, qu'il serait, par trois experts dénommés, procédé au règlement et à la répartition de ladite avarie. -- Appel. - Arrêt.

LA COUR; Attendu, sur l'appel principal, que le rapport du capifaine est exigé principalement dans l'intérêt public et comme mesure de police maritime, soit que navire soit assuré, soit qu'il ne le soit pas; que Ja vérification de ce rapport n'est pas prescrite à peine de nullité par l'art. 247 c. com.; qu'il résulte bien de cet article que le rapport non vérifié a'est pas admis à la décharge du capitalne et qu'il ne fait point foi en justice, c'est-à-dire qu'à défaut de cette formalité on ne lui accorde pas une entière confiance, mais qu'on ne saurait en conclure qu'un rapport non érifié soit entièrement nul (surtout quand ne l'invoque pas pour la lécharge du capitaine), ni qu'à défaut de cette vérification l'assuré sout sans action contre l'assureur; qu'en exigeant la signification à l'assureur des actes justificatifs du chargement et de la perte, l'art. 383 ne déteraine ni la nature ni la forme de ces actes, et que l'article suivant suppose que la preuve des faits peut être consignée dans des altestations; Attendu qu'il est suffisamment établi : 1° par les deux rapports du capitaine, qu'ils sont au moins un fort commencement de preuve; 2° par les allestations quoique peu régulières qui ont été données depuis par des gras de l'équipage: 32 par la vérification et expertise ordonnées par le Tribunal de commerce de Rouen, que les trois-six chargés sur le navite l'Aimable-Celeste ont éprouvé des avaries considérables; que les assureurs n'ont offert aucune preuve contraire; qu'il résulte des mêmes docu

veut, Il est vrai, que l'état des perles et dommages résultant du jet à la mer d'une partie de la cargaison, soit dressé au lieu du déchargement; mais cette règle de compétence, établie, pour la fixation et la répartition entre l'armateur et les chargeurs des sacrifices faits dans leur intérêt commun, est étrangère au cas où il s'agit, entre les assurés et les assureurs, de faire exécuter le contrat par eux formé. Sans doute, il est loisible à l'assureur d'assister à la répartition des avaries entre l'armateur et les chargeurs, qui se poursuit devant le juge du lieu du déchargement, s'il juge à propos de s'y présenter afin d'empêcher qu'on ne comprenne les assurés pour des parts excessives dans cette répar tition; mais son intervention est alors purement volontaire; il n'est point partie nécessaire dans l'instance en répartition des pertes; on ne saurait le contraindre à s'y présenter pour l'enlever à ses juges naturels; et, en s'abstenant d'y paraître, il ne laisse pas de conserver le droit de faire réformer par les voies légales les jugements rendus à son préjudice dans cette réparti tion (Rennes, 9 fév. 1829) (1).

ments que ces avaries ont été occasionnées par des échouements sur les posées de la rivière la Seine, où les navires sont obligés d'attendre, pour éviter de plus grands dangers, que la marée et le vent leur permettent de continuer leur route; que ces sortes de pertes sont des événements de force majeure et des cas fortuits, parce qu'il n'y a de prévu que la Décessité de faire séjourner plus ou moins le navire sur les posées, sans que le dommage soit certain ni encore moins la qualité du dommage, de manière qu'on s'expose volontairement à souffrir ce dommage pour le bien et le salut commun du navire et des marchandises, ce qui caractérise les avaries communes, selon l'art. 400, no 8;

Attendu, sur l'appel incident, que selon l'art. 350, toutes pertes et dommages qui arrivent aux objets assurés par fortune de mer sont aux risques des assureurs; que dans les cas où l'assuré pourrait avoir soit contre l'armateur, soit contre l'autre l'armateur, chargeur, pour les faire contribuer au payement des avaries, il n'en a pas moins le droit de demander aux assureurs la totalité de la perte, parce que c'est la chose assurée qui a péri en tout ou en partie; s'il en était au- ! trement l'obligation des assureurs dans ces cas ne se référerait qu'à une partie de la chose perdue; elle serait partielle, accessoire ou subsidiaire relativement à ceux qui doivent contribuer; taudis que par la nature du? contrat elle est générale et directe, en sorte que les assureurs doivent la › remplir (c'est-à-dire indemniser complétement l'assuré) sauf leur recours comme subrogés à ses droits, contre ceux qui doivent contribuer au dédommagement;

Attendu que le règlement d'avaries fait à Rouen ne peut pas être la mesure de l'indemnité due par les assureurs, car le prix des marchandises y a été établi selon leur valeur au lieu du déchargement, tandis que, entre les assureurs et l'assuré, ce prix est fixé par le contrat, et, à ? défaut, par une estimation selon le prix courant au temps et au lieu du chargement; - Met au néant l'appel interjeté par les assureurs; les condamne à payer aux assurés, au marc le franc des sommes par chacun d'eux assurées, le montant des avaries et frais qu'ont éprouvées les treize pièces de trois-six dont s'agit au procès, d'après le règlement qui en sera fait par trois experts.

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Du 11 fév. (et non juill.) 1826.-C. de Bordeaux, 2 ch.-M. Delpit, pr. (1) Espèce: (Antran-Perron C. Querangal.) -En 1826, Quérangal fait assurer à Marseille 40,000 fr. sur corps et armement du navire la ;) Néréide, pour un voyage de Saint-Brieux à Terre-Neuve. Au retour, la, navire éprouve des avaries qui l'obligent à relâcher à Cherbourg, où les avaries sont constatées et évaluées à 10,359 fr.; il revint à Saint-Brieux, lieu du désarmement. L'assuré fait citer Perron et autres assureurs devant le tribunal de commerce de Saint-Brieux, aux fins d'entendre déclarer particulières, les avaries du navire et de sa cargaison, proceder an règlement et à la répartition de ces avaries, etc. Les assureurs soutiennent que l'action de l'assuré aurait dû être intentée devant le tribunal de commerce de Marseille, lieu du domicile des assureurs (c. pr. 59). Le 3 avril 1828, jugement qui rejette le déclinatoire : - Considérant que des avaries non encore constatées ne peuvent pas être décla rées grosses ou simples; Que l'état des pertes ou dommages devant proceder la qualification des avaries, il s'ensuit que l'art. 414 c, com., qui trace seul la marche à suivre pour en opérer le règlement, s'applique nécessairement aux avaries communes comme aux avaries particulières, - Que les experts étant chargés par l'art. 414 de la répartition des pertes et dommages, et nommés par le tribunal du lieu du déchargement, cells. répartition ne peut être rendue éxécutoire que par l'homologation de ca même tribunal; Que si la prétention des assureurs pouvait être accueillie, il en résulterait qu'à défaut de renseignements exacts, des avaries, déclarées communes par le tribunal du domicile de l'un des assureurs, pourraient être déclarées particulières par un autre tribunal, ce qui occasionnerait une confusion fàcheuse et des procès interminables; Que l'application de l'art. 414 aux avaries quelconques, a été générale

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2221. Il a été statué dans le même sens par un arrêt plus récent de la cour suprême. D'après cet arrêt, l'action en indemnité pour avaries communes provenant d'un jet à la mer, dirigée contre les divers assureurs de marchandises par l'assuré qui est propriétaire de toute la cargaison et même du navire, ou par le consignataire, n'est point subordonnée à l'observation des art. 414 et suiv. c. com., placés sous le ment admise depuis la publication de nos codes, et qu'avant cette époque, tel était l'usage de toutes les places maritimes, suivant Emerigon, t. 2, p. 335, qui cite Kuricke, Roccus, Casaregis et Domat. »-Appel.-Arrêt. LA COUR; Considérant que les obligations qui dérivent du contrat d'assurance étant pures personnelles, les actions tendantes à en obtenir Fexécution doivent, suivant la première disposition de l'art. 59 c. pr.y étre portées devant le tribunal du domicile du défendeur; Considérant qae le sieur Quérangal ne peut se prévaloir de l'exception portée à celle regle par l'art. 420 méme code, relativement aux instances en matière de commerce, puisque le tribunal du domicile des assureurs serait encore seul compétent dans chacune des trois hypothèses prévues par cet article; Considérant que les premiers juges se sont mal à propos fondés pour rejeter le déclinatoire proposé par Autran Perron, sur ce qu'aux termes de de l'art. 414 c. com., l'état des pertes et dommages résultant du jet à la mer d'une partie du chargement doit être fait dans le lieu du déchargement du navire; - Qu'en effet, cette opération, dont l'objet est de déterminer la portion pour laquelle chacun des intéressés sera tenu de supporter les pertes éprouvées, n'est relative qu'à l'exécution de l'obligation de payer la part dont ils sont tenus de contribuer, dans la proportion de leurs intérêts respectifs, à des sacrifices faits pour l'avantage commun; mais que cette obligation leur est imposée par la loi, et que celle des assureurs, au contraire, naît d'une convention dont l'exécution doit être poursuivie par une action distincte de celle tendante à la répartition des pertes entre les divers intéressés soit au navire, soit au chargement; Que ces deux actions, qui n'ont pas le même objet, et dont l'exercice a lieu entre des personnes différentes, ne peuvent être intentées que successivement; Que, dès lors, le système des premiers juges, dont le résultat serait de contraindre les assureurs à se présenter devant le tribunal du lieu du déchargement du navire, pour y voir, tout à la fois, régler la répartition des pertes et s'entendre condamner à tenir compte à ceux des intéressés, en faveur desquels l'assurance aurait été consentie, de la part desdites pertes qui aurait été mises à leur charge, constitue une violation de la règle de compétence établie par l'art. 59 précité c. pr.; Considérant que la marche qui a été suivie, et qu'a sanctionnée le jugement dont est appel, tendrait à assimiler les assureurs à des garants, tenus d'aller plaider devant le tribunal saisi de la demande originaire, tandis que l'action à laquelle ils sont soumis est directe et principale, puisqu'elle dérive d'un contrat entièrement indépendant des rapports des intéressés entre eux; Considérant qu'inutilement objecterait-on que les assureurs ont intérêt d'assister à la répartition des pertes, pour veiller à ce que ceux des contribuables, qu'ils se trouvent par suite obligés d'indemniser, n'y soient pas compris pour des valeurs excédant celles qui doivent leur incomber; que cette considération, qui peut les déterminer à s'y présenter lorsqu'ils ont été appelés, ne saurait être invoquée contre eux, et qu'ils sont fondés à soutenir que l'opération, par sa nature, leur est étrangère, sauf le droit qu'ils ont d'en demander la réformation par les voies légales, en cas de fraude ou de collusion pratiquée à leur préjudice; Dit mal jugé; Admet le déclinatoire proposé par les assureurs. Du 9 fév. 1829.-C. de Rennes, 2 ch.-M. de La Bigue-Villeneuve, pr. (1) Espèce : — (Durin, etc. C. Bergès, etc.). Barastro avait armé à Gênes, pour la destination de la Vera-Cruz, le navire la Mima, capitaine Corta. Le chargement, qui consistait en sept cents balles de papiers peints, vêtements confectionnés, bijoux, soieries et comestibles, fut assuré par Durin, Chaumel et comp., et autres assureurs, pour diverses sommes montant ensemble à 70,000 fr., ainsi que cela résulte de deux polices passées à Bordeaux en 1837. Le navire la Mima essuya de violentes tempêtes qui nécessitèrent le jet à la mer d'une partie de la cargaison. Le 30 août, il relâcha à Norfolk, état de Virginie. Le capitaine, ayant appris qu'il n'y avait pas de consul de Sardaigne, se présenta devant un notaire pour lui faire le rapport des événements de sa navigation et pour la déclaration des marchandises jetées à la mer. Le capitaine désigna ensuite trois experts qui firent débarquer la cargaison, constatèrent les avaries et le jet, fixèrent à 20 pour 100 le dommage éprouvé et exprimèrent l'avis qu'il fallait vendre les marchandises avariées. Celle vente eut lieu; un compte en fut dressó.

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Le bâtiment, après avoir été réparé, reprit la mer et arriva à la VéraCruz. Le capitaine, porteur d'un compte général des dépenses occasionnées par la relâche à Norfolk, compte dressé par un négociant de ce lieu auquel avait renvoyé le consul général de Sardaigne à Philadelphie, se présenta à Bergès de Zuniga et comp., qui étaient à la fois consignataires du navire et de la cargaison. Ceux-ci dressèrent un compte des marchandises jétées et vendues, et soumirent ce compte au consul de France, qui nomma des courtiers pour en faire la vérification, et légalisa le procès-verbal. — Puis, la maison Bergès vendit les marchandises arrivées à la Véra

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titre du jet et de la contribution. Par suite, Paction est recevable devant le tribunal du domicile des assureurs, bien que l'état des pertes et dommages n'ait pas été dressé conformément à ces articles, qui ne s'appliquent qu'au cas de contribution entre divers chargeurs. Peu importe que l'existence de plusieurs assureurs de marchandises différentes rende nécessaire la répartition entre eux des marchandises jetées à la mer (Req., 16 fév. 1841)(1). Cruz et fit elle-même le règlement des avaries sans formalités de justice. En cet état, et par exploit du 9 août 1838, Bergès et comp., consignataires, ont assigné les assureurs Durin, Chaumel et consorts devant le tribunal de commerce de Bordeaux, lieu du domicile de ces derniers, pour s'entendre condamner à payer chacun aux assurés sa part contributive dans les avaries grosses évaluées à 76 environ pour 100 par le règlement fait à la Vérá-Cruz, sauf par eux, s'ils entendaient signaler des erreurs dans ce règlement, à demander un renvoi devant des experts pour en opérer le redressement.

Jugement qui déclare cette demande non recevable, attendu que les art. 414 et 416 c. com. déterminent dans quelle forme doit se faire le règlement des avaries de la nature de celles dont il s'agit au procès, et altribuent à cet égard une compétence exclusive au juge du lieu du déchargement, c'est-à-dire au tribunal de commerce de ce lieu, ou, à son défaut, au consul de France, ou, à son défaut, à tout autre tribunal compétent. - Appel.-27 mars 1839, arrêt infirmatif de la cour de Bordeaux, qui retient la cause et ordonne que, par trois experts convenus, sinon nommés d'office, il sera procédé au règlement et à la répartition des avaries dont il s'agit, à l'effet de fixer la part qui doit être supportée par chacun des assureurs. Cet arrêt est motivé en ces termes :..Attendu » qu'en thèse générale le tribunal de commerce est compétent pour statuer sur les contestations qui existent entre négociants pour fait de commerce; - Que, dans l'espèce, il ne s'agit point d'une répartition d'avaries communes entre divers chargeurs, et du privilége à exercer à raison de ces avaries sur les objets sujets à contribution; qu'il s'agit d'une action dirigée contre les assureurs par l'appelant en exécution de la police d'assurance, et par suite des obligations personnelles par eux contractées ; que c'est là une action personnelle qui dérive du contrat, et qu'elle a dû étre portée devant le juge du domicile des assureurs;-Attendu que le compte fait à la Véra-Cruz par Bergès de Zuniga n'est pas obligatoire pour les intimés, et qu'il y a lieu de faire procéder à un règlement d'avaries..... »`

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Pourvoi des assureurs, pour violation des art. 414 et 416 c.com., et fausse application de l'art. 59 c. pr. civ., en ce que la cour d'appel a refusé de reconnaitre que, dans le cas où la fixation de l'indemnité due par l'auteur est subordonnée au résultat d'un règlement d'avaries communes, le magistrat du lieu où le navire a été déchargé est, quant à ce règlement préalable; investi d'une compétence exclusive. En principe, dit-on quand la loi attribue à un juge désigné la connaissance d'une contestation, nul autre ne peut en être saisi. - Or, les art. 414 et 416 c. com. indiquent expressément le juge du lieu du déchargement du navire comme devant statuer sur le règlement des pertes et dommages survenus dans le cours de la navigation, alors même que le déchargement se ferait dans un port étranger où il n'existerait pas de consul de France. Ils veulent en ́ effet que ce soit le consul ou le juge du lieu de déchargement qui nomme les experts chargés de dresser l'état des pertes et dommages et d'en opérer la distribution, qui reçoive leur serment et homologue enfin le règlement d'avaries qui, à cette condition seulement, peut devenir exécutoire. Et ces articles disposent en termes absolus; d'où la conséquence que la compétence spéciale qu'ils créent doit être observée non-seulement entre le propriétaire du navire et ceux de la cargaison, ou entre cochargeurs mais encore entre l'assuré et l'assureur, à la différence du cas où le règlement a pour objet des avaries particulières. En effet, suivant M. Pardessus (t. 3, n° 859), lorsque les avaries dont l'assureur doit indemnité sont de la classe de celles qui donnent lieu à contribution, les estimations et leg opérations prescrites par les art. 414 et 416 servent de base au règlement " entre l'assuré et l'assureur, et, quoiqu'elles aient eu lieu en l'absence de ce dernier, elles l'obligent irrévocablement. C'est donc en vain qu'on a soutenu, dans l'espèce, que le propriétaire et le consignataire du navire élant les mêmes que ceux de la cargaison, il n'y avait pas lieu à contribution, ni, par suite, à l'application des art. 414 et 416. La loi ne fait aucune distinction; il suffit que la répartition des avaries doive se faire entre plusieurs personnes diverses, chargeurs ou assureurs.

M. le conseiller rapporteur Troplong a fait les observations suivantes. Lorsqu'un bâtiment, a-t-il dit, éprouve pendant sa navigation des avaries communes, c'est-à-dire, des avaries éprouvées pour le salut commun, chacun des chargeurs est tacitement obligé par le contrat de charte-partie d'y contribuer; et réciproquement les chargeurs dont les marchandises ont péri ou ont été avariées pour le salut commun ont droit de se faire indemniser par les autres chargeurs, au moyen d'une contribution (V. Pothier, des Avaries, n° 104). Cette contribution a fait l'objet d'un titre spécial au code de commerce, qui comprend les art. 410 et suiv. Le premier point que ce titre a du régler, c'est l'instant et lo lieu où la contribution doit s'opérer. On comprend aisément pourquoi il ne suffit pas en effet que la perte soit constatée; il faut de plus que les

2022. Le règlement d'avaries communes, fait par l'autorité d'un tribunal étranger compétent, ne pourrait point être contesté

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marchandises sauvées concourent proportionnellement à la réparer. Or, les marchandises sont des meubles qui peuvent subir des transformations el même disparaitre, et l'on connait la règle du droit français: meubles 'ont pas de suite. Il y avait donc une nécessité imperieuse, absolue, de saisir, en quelque sorte, les marchandises avant tout déplacement, et de les grever de leur portion contributive, lorsque les choses étaient encore culières. La contribution n'était possible qu'à ce prix. Voilà pourquoi Part. 416 veut que les opérations de la liquidation et de la répartition des dommages soit faite dans le lieu du déchargement du navire, et que l'état de contribution dressé suivant certaines formalités indiquées soit rendu exécutoire par les tribunaux de ce même lieu. Dans ces opérations tout se lie; l'état des pertes se combine avec ce qui est sauvé; ce qui est jeté contribue comme ce qui est resté sauf (art. 417). Donc, les autorités locales devaient être saisies de tout ce qui se rattachait à la réparation de l'avarie. C'était le seul moyen d'arriver à un résultat juste à la fois et positif. C'était l'unique voie pour que la contribution sortit à effet. Attendre plus tard, scinder les opérations et la compétence, c'eût été s'exposer à laisser périr les éléments de constatation de la perte, et voir disparaître les objets affectés à la réparation. On le voit donc, le tribunal du lieu du déchargement est saisi par la loi à cause du caractère de réalité de l'action en répartition. Cette action, porte sur les objets sauvés (art. 417); c'est aux objets sauvés qu'on demande la réparation du dommage; or ces choses se trouvant dans le lieu où le déchargement doit se faire, la compétence est déterminée par le lieu de leur situation. Mais ces raisons existent-elles lorsqu'il n'y a pas de répartitions à faire, lorsqu'il n'y a pas de contribution à demander? existent-elles quand celui qui a supporte la perte et qui en administre la preuve, s'adresse à une compagnie d'assurance par l'action ordinaire en dédommagement? On aura peut-être de la peine à l'admettre. Quel serait l'intérêt des assureurs à se prévaloir de Part. 416? Que leur importe qu'il ait été donné un état de répartition, et que chaque meuble restant ait été chargé de sa part contributive? Tout cela est indifférent pour eux. Car à leur égard il n'y a qu'une seule chose à prouver: c'est l'existence de la perte. C'est en quoi leur condition differe profondément de la position envisagée par l'art. 416. Nous le répétons, dans le cas de cet article, il ne suffirait pas de constater la perte, il y a une seconde opération à faire, c'est d'atteindre les meubles qui doivent contribuer à la réparer. Voilà pourquoi l'art. 416 fixe une procédure spéciale et exceptionnelle. Mais en ce qui concerne les assureurs, cette seconde opération n'est pas nécessaire; elle eut même élé frustratoire dans l'espèce, puisque toute la cargaison ainsi que le navire appartenaient à un propriétaire unique. Il semble donc que les assureurs ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'art. 416 qui n'a pas été introduit en leur faveur.

Vainement les assureurs invoqueraient-ils l'art. 414 qui, s'occupant, non plus de la contribution, mais de l'état des pertes, veut que cet état soit fait au lieu du déchargement par des experts nommés par l'autorité locale. Mais cet article se lie à l'art. 416 qui le suit et à la rubrique sous laquelle il est placé; et de ce double rapprochement il résulte qu'il n'est nécessairement applicable qu'au cas de contribution, et qu'en argumentant de sa disposition, on se prévaut d'une disposition faite pour un autre cas. La preuve de cette inapplicabilité devient palpable par les considérations suivantes: Dans le cas prévu par l'art. 414, c'est-à-dire dans le cas où le législateur s'est occupé de poser les bases de la contribution, quelle nécessité se présentait? C'était de donner une valeur aux objets jetés, afin d'opérer plus tard sur les objets sauvés. Mais quelle valeur? ces objets n'en ont d'autre que la valeur commerciale que leur donnent les cours au lieu du déchargement. Je dis au lieu du déchargement, parce que c'est là que les marchandises sont venues tenter la fortune commerciale! L'art. 414 devait donc chercher la valeur des objets dans ce lieu. Il lui était impossible de faire autrement. — Mais dans le cas où le débat s'engage entre les chargeurs et les assureurs, dans le cas où aucune contribution de marchandises sauvées ne doit avoir lieu, il en est autrement. La valeur des objets chargés est fixée à l'avance par la police d'assurance. Peu importe la valeur au lieu du déchargement. Ce n'est pas celle-là qu'on peut imposer aux assureurs. Il y a à leur égard une valeur conventionnelle qui rend inutiles toutes les opérations dont parlent les art. 414 et suiv. il ne s'agit que de faire une règle de proportion ou une ventilation.

On pourrait objecter cependant contre ce que nous avons dit avec la cour de Bordeaux, qu'il ne s'agit pas ici de contribution, que l'arrêt attaqué a précisément, ordonné par les experts qu'il nomme, qu'il sera procédé au réglement et à la répartition des avaries éprouvées pur les marchandises assurées. Mais prenons garde de ne pas faire d'équivoque. Ne confondons pas la répartition ordonnée par la cour de Bordeaux avec la répartition dont parle l'art. 417. En fait, il y avait dans l'espèce plusieurs assureurs. Les uns avaient assuré telle partie de marchandise (les papiers peints, par exemple), les autres, telle autre partie (les bijoux), ceux-ci les soieries, ceux-là les comestibles. Or, la cour de Bordeaux, en parlant de répartition, a eu en vue la répartition entre les assureurs de la perte supporter par chacun d'eux à raison ou des papiers, ou des bijoux, ou

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par les assureurs. L'assuré, dit Émerigon, qui a été obligé de payer la contribution telle qu'elle a été déterminée par le magis

des soieries, ou des comestibles. Mais elle n'a pas entendu s'occuper d'une contribution à exiger des marchandises sauvées. Ce point est tout à fait en dehors de son arrét ; et cependant il est le seul dont s'occupe l'art. 417 invoqué par les demandeurs ! Pour que cet article fût applicable, il faudrait qu'il fit une allusion directe ou indirecte à la répartition à faire entre les assureurs, pour que chacun d'eux ne réponde que de la partie des marchandises naufragées qu'il a assurées. Mais nous le répétons, la position envisagée par l'art. 417 parait tout autre.

En un mot, il y a dans le titre du jet et de la contribution des prescriptions qui ont été remplies; il y en a d'autres qui ne l'ont pas été. — Celles qui ont été remplies sont celles tracées par les art. 410 à 413 inclusivement; celles-là sont impératives, elles sont générales. Pourquoi? parce qu'elles ne sont que l'expression du droit commun consacré par les art. 220, 224, 241, 242, 246, 247 et 301 c. com. Les assureurs peuvent s'en prévaloir non-seulement parce qu'elles sont placées sous le titre qui nous occupe, mais parce qu'elles sont reproduites dans toutes les parties du code de commerce qui traitent des obligations du capitaine dans le cas de jet. Les prescriptions qui n'ont pas été remplies sont celles dont s'occupent les art. 416 et suiv, Elles ne devaient pas l'être; car elles forment un droit exceptionnel qui n'a pas été introduit dans l'intérêt des assureurs. Elles dérogent à l'ordre des juridictions ordinaires dans l'intérêt de l'action réelle établie par l'art. 428 c. com. Elles créent une compétence extraordinaire privilégiée, que l'on ne saurait étendre hors du cas précis de contribution, pour en faire profiter l'action personnelle qui dérive du contrat d'assurance. »

M. l'avocat général Delangle a conclu au rejet. Si le procès, dit-il, se rattachait aux dispositions des art. 414 et 416 c. com., l'arrêt attaqué aurait violé la loi. Mais le débat s'agitait entre des assurés et des assureurs. Les premiers demandaient contre les derniers la réparation d'un sinistre, l'exécution d'un contrat. Or c'est à Bordeaux que l'assurance a été faite, c'est à Bordeaux que demeurent les assureurs; comment done les tribunaux de Bordeaux ne seraient-ils pas compétents?-On oppose qu'il y avait eu un jet à la mer, et que, dès lors, le capitaine relâchant à Norfolk aurait dû suivre les prescriptions des art. 414 et 416 qui tracent le seul mode légal de constatation, des avaries et de contributions. Mais ces articles sont étrangers au cas qui nous occupe. Les art. 410, 411, 412, 413, 414, 415, 416, 417, 418, 420 et 423 statuent tous dans l'idée qu'il y a différents chargeurs, inégalité de positions, contrariété d'intérêts, ceux-ci ayant perdu tout ou partie de leurs marchandises, ceux-là les ayant conservées, soit à cause de leur nature, soit par la place qu'elles occupaient dans le navire, Il fallait concilier tous ces intérêts, et puisque la loi accorde un privilége sur les marchandises conservées au profit de celui qui a été privé des siennes par suite du jet effectué dans l'intérêt commun; que, d'un autre côté, il importe que les intérêts commerciaux reçoivent une prompte solution, il était nécessaire de s'adresser à la ju ridiction du pays où les fortunes de mer ont conduit le navire de là les art. 414 et 416.-Or, qu'y a-t-il dans tout ceci qui se puisse appliquer aux assureurs? Il n'y a qu'un cas où ils pourraient invoquer ces articles; c'est celui où les marchandises assurées et dont partie aurait été jetée à la mer, appartiendraient à divers propriétaires. L'assureur aurait alors le droit d'exiger la preuve régulière de la répartition, parce que l'assuré ne peut réclamer que la perte, qu'il a faite, et qui est constatée conformément à la loi. Mais, dans l'espèce, navire et cargaison, tout se trouvait dans les mêmes mains. Donc ce n'était pas le cas de s'adresser à la juridiction accidentelle que crée l'art. 416, juridiction attachée à des faits spéciaux, à la nécessité de certains rapporis, et insusceptible d'extension. La cour d'appel a accordé aux assureurs tout ce qu'elle leur devait, en les admettant à contredire des documents dressés en leur absence. - Arrêt. LA COUR; Considérant que les art. 414 et suiv. c. com. composent un ensemble de dispositions qui n'ont eu pour but que d'assurer l'efficacité de l'action réelle créée dans le cas de contribution pour cause de jet par l'art. 428 du même code; Que c'est dans cette vue que l'art. 414 veut que l'état des pertes soit dressé par des experts au lieu du déchargement; car les objets jetés dont il faut connaitre la valeur pour arriver à la contribution ne peuvent avoir d'autre prix que celui que donne le cours marchand dans le lieu où ils étaient allés tenter la fortune commerciale; Que, par une conséquence de cette premiére disposition, l'art. 416 vent aussi que la réparition des pertes et dommages à opérer sur les objets jetés et sauvés soit faite par les experts et rendue exécutoire par les autorités compétentes au lieu du déchargement; parce que, d'une part, c'est par le prix courant en ce lieu qu'il est possible de déterminer la valeur de l'actif sauvé; et que, de l'autre, cet actif étant composé de meubles sujets à dépérissement, devait être atteint et grevé de sa part contributive, avant tout déplacement et les choses étant encore entières;-Mais qu'au cune de ces opérations n'est nécessaire alors qu'il s'agit de l'action personnelle de l'assuré contre l'assureur pour se faire indemniser en vertu de la police d'assurance; que la valeur des objets jetės résulte dans ce cas de cette même police, et est indépendante des fluctuations en hausse o

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2223. On a vu plus haut, nos 1754 et s., de quelle manière l'assuré doit justifier du chargement des choses assurées. Quant aux accidents maritimes qu'elles ont subis et aux pertes ou avaries qui en sont résultées, il doit également en établir la preuve par la production de toutes les pièces et de tous les témoignages de nature à constater la réalité des accidents survenus, les causes qui y ont donné lieu, et l'importance des dommages éprouvés.

2224. Lorsque le bon état du navire lors du départ est attesté par des certificats de visite, les avaries qu'il a subies durant la traversée, doivent être présumées, jusqu'à preuve contraire, provenir d'accidents maritimes et non de son vice propre (Bordeaux, 7 mai 1839, aff. Fabre, V. n° 2226. V. aussi les décisions rapportées plus haut, nos 2065 et suiv.

2225. La preuve des avaries, entre l'assureur et l'assuré, n'est pas soumise à des formes précises et rigoureuses. Elle peut résulter d'actes plus ou moins irréguliers, pourvu qu'ils paraissent concluants et que leur sincérité soit à l'abri de légitimes soupçons. Ainsi, le rapport du capitaine, quoique non vérifié dans les formes voulues par l'art. 247, peut néanmoins être pris en grande considération pour établir, entre l'assureur et l'assuré, la réalité et le caractère de l'avarie éprouvée par la chose assurée: «Attendu, porte un arrêt de la cour suprême, qu'il résulte seulement des art. 246, 247 c. com. que les rapports en baisse de la marchandise au lieu du déchargement; - Que la répartition ordonnée par la cour royale de Bordeaux entre les divers assureurs de diverses parties de marchandises perdues, n'a aucun rapport avec la répartition prévue par l'art. 416, lequel ne s'occupe que de la fixation de la contribution à exiger des marchandises sauvées; Rejette. Du 16 fév. 1841.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Troplong, rap.Delangle, av. gén., c. conf.-Piet, av.

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(1) Espèce: - (Fabre C. assureurs.) En fév. 1827, le navire le Georges partit de Bordeaux pour Calcutia. Durant le voyage, il subit des avaries. Arrivé à Pondichery, des experts, nommés par le président du tribunal, constatérent ces avaries et les réparations à faire. Ces réparations opérées, le navire reprit sa route et éprouva de nouvelles avaries. Il parvint à Calcutta le 3 nov. 1827. Le lendemain, sur la demande du capitaine Laporte, le président du tribunal de Chandernagor permit de faire au navire les réparations nécessaires, après avoir ordonné la constata. tion préalable par experts des avaries. Le rapport des experts fut remis, sans avoir été affirmé, au capitaine, qui alla à Chandernagor le déposer au greffe. Au retour du navire à Bordeaux, l'armateur, Fabre, dressa le compte des avaries du voyage d'aller, et en réclama le montant, 16,464 fr., aux assureurs sur corps.27 mars 1832, sentence arbitrale qui rejette cette demande, attendu, entre autres motifs, que le rapport dressé à Calcutta, n'ayant été précédé ni suivi de la formalité du ser- ment, était sans valeur, et que, dès lors, il n'était point légalement établi que les réparations faites à Calcutta eussent été nécessitées par fortune - Appel par Fabre. On lui oppose qu'ayant, depuis la senence, payé une prime d'assurance devenue exigible, il a par cela même acquiescé à cette sentence, et s'est rendu non recevable à l'attaquer. On ajoute que son action est, en outre, inadmissible, aux termes de l'art. 435 c. com., parce que le capitaine, à son arrivée à Pondichéry et à Calcutta, n'avait point fait, dans les vingt-quatre heures, de protestation relativement aux avaries qu'il prétendait avoir éprouvées. Arrêt. LA COUR; Attendu qu'il n'est nullement justifié que Fabre ait renoncé à interjeter appel; Attendu que le payement de la prime n'a pas été fait en exécution du jugement, et qu'il ne peut être considéré comme un acquiescement; - Attendu, quant à l'application de l'art. 435 c. com., qu'il s'agit, dans l'espèce, d'avaries sur corps, et non sur facultés; qu'au surplus le capitaine, arrivé à Pondichery le 13 sept. 1829, a présenté sa requête au président du tribunal de Pondichery, laquelle fut appointée et suivie, le surlendemain 15, du procès-verbal qui constatait les avaries; qu'arrivé le 3 novembre devant Calcutta, le capitaine présenta sa requête le 4 du même mois au président de Chandernagor, qui ordonna la visite du navire; d'où il suit que le capitaine a fait ses diligences dans le temps prescrit, et que, sous aucun rapport, on ne peut lui appliquer la fin de non-recevoir résultant de l'art. 435 précité;

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non vérifiés ne sont point admis à la décharge du capitaine et ne font point foi en justice, sauf le cas (qui n'est pas celui de la cause), où le capitaine naufragé s'est sauvé seul dans le lieu où il a fait son rapport. Mais que la preuve des faits contraires est réservée aux parties, et que, sous l'empire du code, comme dans l'ancienne jurisprudence, la preuve du sinistre n'a aucune forme nécessaire de rigueur; Il suffit que la perte soit constatée d'une manière capable de convaincre tout homme raisonnable, sans avoir besoin de recourir à des formalités extrinsèques qui, par les circonstances du temps, des lieux et de personnes, sont souvent impraticables » (Req., 27 mars 1828, M. Borel, pr., M. Mestadier, rap., aff. N... C. N.... Conf. Bordeaux, 11 fév. 1826, aff. Brandam, V. no 2218).

2226. De même, un rapport d'experts dressé en pays étranger, peut, à raison des circonstances, être tenu pour valable, quoiqu'il n'ait pas été affirmé par serment (Bordeaux, 7 mai 1839) (1). — Pareillement, un rapport d'experts, quoique non affirmé, peut être admis comme pièce justificative des avaries, quand il se trouve corroboré soit par le livre de bord, soit par d'autres rapports rédigés et affirmés régulièrement (même arrêt). De même encore, la constatation des avaries éprouvées dans des parages lointains et réparés dans un port où il n'existe pas de consul français, a pu être faite suivant les usages de ce port, constatés par un simple certificat délivré par des négociants et agents de commerce de la localité, dont les signatures ont été légalisées par l'autorité compétente (Bordeaux, 22 février 1844) (2).—Enfin, l'assureur ne pourrait se soustraire au payement des avaries, par cela seul qu'il n'aurait point été fait de rapport par le capitaine au lieu de l'arrivée et que le journal de bord ne serait pas représenté, si, d'ailleurs, la cause et l'étendue des avaries étaient suffisamment constatées (Aix, 7 mai 1821, aff. Treillet, V. no 2305).

2227. Les assureurs assignés en règlement d'avaries n'ont Attendu, au fond, que le navire avait été visité avant son départ de Bordeaux; que deux procès-verbaux, remarquables par leur rédaction, constatent qu'il était en parfait état de navigabilité au moment de son départ; qu'il en résulte, jusqu'à preuve contraire, que les avaries qu'il a éprouvées sont le résultat de sinistres maritimes; - Attendu qu'un capitaine en voyage n'a pas toujours la faculté de remplir rigoureusement les formalités de la procédure; que, dans l'espèce, la qualité des experts, qui ont pu avoir de justes motifs pour ne pas se déplacer, la distance de Calcutta à Chandernagor a pu empêcher les capitaines experts d'aller affirmer leur rapport; - Attendu, au surplus, que, pour la constatation des avaries, il faut avoir égard tout à la fois au livre de bord qui est représenté en bonne forme, signé par l'équipage, au procès-verbal dressé à Pondichéry et au procès-verbal dressé à Calcutta; que le premier de ces procès-verbaux a été affirmé et est parfaitement régulier; qu'il constate que les experts ont reconnu que toutes les avaries énoncées dans les procès-verbaux du capitaine étaient réelles, conformes à la vérité, et que le navire faisait une quantité d'eau, ce qui rendait nécessaire qu'il fût visité au lieu de sa destination; que, d'après ce procès-verbal, il ne peut y avoir de doute sur les avaries majeures éprouvées par ce bâtiment, qui était envahi par l'eau ; que les procès-verbaux dressés à Calcutta ne sont que le développement de celui qui avait eu lieu à Pondichery; Attendu, néanmoins, que les assureurs n'admettent pas les dépenses qui ont élő faites à Calcutta et les comptes produits par l'assuré; Sans s'arrêter aux fins de non-recevoir proposées par les assureurs, les déclare passibles des avaries éprouvées par le navire le Georges; - Ordonne, en conséquence, que, par les sieurs..., que la cour nomme experts à cet effet, il sera procédé au règlement desdites avaries.

Du 7 mai 1859.-C. de Bordeaux.-M. Roullet, pr.

(2) (Assureurs C, Durin, Chaumel et comp.)- LA COUR; Au fond; Attendu que le navire la Jeune-Hortense, assuré pour aller de Bordeaux à Pondichery, Madras et Calcutta, éprouva, pendant le voyage d'aller, plusieurs avaries par fortune de mer; - Attendu que les avaries vérifiées au cap de Bonne-Espérance et à Pondichéry étant reconnues par les assureurs, l'unique question est celle de savoir si les arbitres ont dû laisser à la charge des assurés les avaries constatées à Madras et à Coringa, et réparées dans ce dernier port, parce que la constatation n'en aurait pas été régulièrement faite; - Attendu que la preuve des pertes maritimes n'est pas astreinte aux formes rigoureuses du droit civil; que cello preuve est subordonnée aux circonstances variables de la navigation, et que, d'après Émerigon, il suffit des seules solennités du droit des gens; Attendu que Madras et Coringa sont placés sous la domination anglaise, et qu'il n'y existe pas de consul français; que le capitaine de la Jeune-Hortense, dans l'impossibilité de vêtir les dispositions de Part. 244 c. com., a dù se conformer aux usages des lieux; -Allepu

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