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rées par les deux contrats : c'est à tort qu'on déciderait, en cas pareil, que l'assuré ne peut réclamer de chacun des assureurs successifs que le payement des marchandises dont il est en mesure de lui faire le délaissement; et que, dès lors, le second assureur ne doit répondre, au taux de l'évaluation qu'il a con

(1) Espèce:- (Labarraque C. Lebaron et Lacheurié.)—En juin 1832, Labarraque et comp., du Havre, expédièrent pour Java, Manille et Kanton, le navire le Grand-Duquesne. Ils firent assurer, au Havre, 126,000 francs, valeur fixée au prix de facture des marchandises d'aller et teurs produits en retout.-Le 30 mai 1853, ils firent en outre assurer, à Paris: 1o par Emery, Chagot et comp., agents des compagnies belges, 56,000 fr. sur marchandises désignées, chargées à Sourabaya pour Kanton, et sur les produits en retour desdites marchandises; 2° par Lebaron, 10,000 fr., et. par Lacheurie, 40,000 fr. sur les marchandises qui pourraient être charaées au retour, à Kanton ou ports intermédiaires.

Le 2 nov. suivant, les assurés tirent connaître a ces derniers assureurs, et par un avenant à la police, l'évaluation des marchandises qu'ils attendaient par le retour du Grand-Duquesne. Cet avenant était ainsi conçu : « MM. Guillet et Jacta (agissant pour compte de MM. Labarraque et comp.) font déclarer que la valeur des marchandises qui pourraient être chargées à bord du Grand-Duquesne est fixée à 6 fr. le demi-kilogramme d'indigo, 30 fr. les 50 kilog. de bois de sapin, 53 fr. pour 50 kilog. de sucre, fr. le demi kilogramme de nacre, et 55 fr. le demi-kilogramme de vanille; estimation qu'ils prient MM. les assureurs d'agréer, sans qu'il soit besoin d'autre justification que le présent avenant. » Cette déclaration fut suivie de l'adhésion des assureurs en ces termes : « Les assureurs ont pris note de cette déclaration et agréent les estimations ci-dessus, sans qu'il soit besoin d'autre justification de valeur. >>

Dès le 1er juin 1853, le Grand-Duquesne avait péri corps et biens dans le détroit de Macassar; on n'avait pu sauver que l'équipage. Les sieurs Labarraque se hâtèrent de faire le délaissement et de réclamer le montant des assurances. Ils établissaient, soit d'après des factures, soit d'après les évaluations de l'avenant du 2 nov., que la valeur des marchandises en risque s'élevait à 225,044 fr. 68 c.; et comme les sommes assurées, tant au Havre (126,000 fr.) qu'à Paris (86,000 fr.), ne montaient ensemble qu'à 212,000 fr., ils en concluaient qu'il y avait lieu par les assureurs de couvrir la totalité des risques à leur charge.

Les assureurs du Havre firent droit à cette demande en ce qui les concernait; mais les assureurs de Paris déclarèrent qu'ils n'acceptaient pas le délaissement, attendu que, d'après les factures (et sans tenir compte des évaluations fixées par l'avenant du 2 nov. 1833), la valeur des marchandises étant en réalité de moins de 150,000 fr., le surplus de la somme réclamée par les assurés constituait un bénéfice espéré qui n'avait pu faire l'objet de l'assurance. Plus tard, un litige s'étant engagé, ils offrirent, par conclusions principales, de payer ce qui, dans la valeur réelle des marchandises, excéderait la somme de 126,000 fr., à la charge des assureurs du Havre : subsidiairement, ils demandèrent que la réclamation des assurés fùt réduite à la valeur représentative, d'après les bases de l'avenant, de la portion des marchandises qui restait à découvert, après l'assurance du Havre.

Deux arbitres, du nombre desquels était M. Pardessus, repoussèren! les prétententions des assureurs de Paris, par une sentence, du 13 août 1854, ainsi conçue: « En ce qui concerne la partie des marchandises dont le sieur Labarraque justifie le chargement à Manille, par connaissements et factures, le point principal soumis à l'examen et au jugement des arbitres, consiste à savoir si l'évaluation portée dans l'avenant du 2 nov. doit être réduite au prix réel des achats faits à Manille, constatés par la facture dressée dans cette ile : Sur quoi les arbitres.... Considérant que, dans l'état des fails tels qu'ils résultent des pièces et du débat des parties, rien n'établit que l'assuré ait employé des manœuvres frauduleuses et commis un dol personnel à l'égard des assureurs, pour les décider à souscrire l'avenant du 2 nov.; que les conclusions de ces derniers, ainsi que leurs plaidoiries, tendent uniquement à établir que l'évaluation dépasse le prix d'achat des choses assurées et à obtenir une réduction ou ristourne;-... Considérant que, dans les art. 359 et 358, le code a formellement consacré le droit des parties de fixer par leurs conventions la valeur des choses assurées; que ces articles et plusieurs autres ne se sont pas servis des expressions prix d'achat, mais bien du mot valeur des choses assurées; - Qu'en effet une multitude de circonstances et de considérations peuvent avoir pour résultat que des marchandises assurées aient, soit au moment du départ, soit au moment de la convention d'assurances, une valeur bien supérieure au prix d'achat;—...Considérant que, sans prétendre que, dans aucun cas, des assureurs ne seraient fondés à critiquer l'évaluation agréée par eux avec dispense d'autre Justification, de telle manière que la convention doit toujours être la règle irrécusable des parties, il n'est pas possible de se dissimuler combien le caractère particulier de l'opération entreprise par Labarraque sert à expliquer la différence entre la valeur fixee par l'avenant du 2 nov. et la facture d'achat: les contrées situées dans les mers des Indes et de la Chine, tant par leur éloignement que par la nature particulière des pays el des habitants, offrent de grandes difficultés pour le succès des opéra

sentie, que de la quotité des marchandises restantes, distraction faite de celle représentant, d'après l'évaluation du premier assureur, la somme garantie par celui-ci (Cass., 8 mai 1839 (1); Amiens, 14 fév. 1840, même affaire, M. Roullet, pr.).

1672. Si le montant des polices, qui n'excédait pas, dang

tions qu'y veulent faire les armateurs et commerçants français; on est exposé et réduit souvent à s'y rendre en quelque sorte sur lest, ou à n'y porter que de faibles cargaisons qui, la plupart du temps, donnent de la perte à la vente; tout espoir de récupérer est dans les retours; il est done vrai que ces retours coûtent non-seulement tout ce qui a été déboursé pour leur achat, transport et commission, mais encore ce que l'expédition d'aller a exigé de sacrifices et de pertes; si les parties ne prenaient pas, par le moyen d'une évaluation amiable, la précaution de determiner la valeur des choses assurées, il faudrait, pour la fixer après l'événement, entrer dans une multitude de détails et de calculs qui obligeraient souvent l'assuré à révéler le secret des diverses opérations intermédiaires qu'embrasserait son expédition... En ce qui touche les conclusions subsi diaires : Considérant que, quelles qu'aient été les bases d'évaluation avec d'autres assureurs, elles ne peuvent avoir aucune influence sur la convention souscrite par les défendeurs dans la cause; que, dès qu'on ne leur demande rien au delà de ce qu'ils ont assuré et d'après les bases qu'ils ont consenties, ils ne sont pas recevables à prétendre qu'il doit étre établi une règle de proportion seulement admissible lorsque le montant des assurances tolales excède la valeur des choses assurées... »

Sur l'appel des assureurs. la cour de Paris, par arrêt du 9 avril 1855, confirmatif sur le premier chef et infirmatif sur le second, a statué en ces termes :-«| En ce qui touche les conclusions principales :-Considérant qu'il est de l'essence du contrat d'assurance que la somme à rembourser par l'assureur en cas de perte re puisse jamais excéder la valeur réelle et loyale de l'objet assuré; mais que le code de commerce ayant permis aux parties de fixer à l'avance la valeur des marchandises assurées, les règles à suivre dans le cas où cette fixation a eu lieu ne peuvent être les mêmes que dans le cas où aucune convention n'est intervenue à cet égard;

Considérannt que, dans le cas même où la valeur des marchandises a été fixée entre les parties, il appartient encore aux tribunaux d'examiner si la fixation a été justement faite et de la réduire, en cas d'exagération, de manière à ce que l'assuré ne reçoive que le véritable équivalent de ce qu'il a perdu ; mais qu'alors c'est à l'assureur qui se prétend lésé d'établir qu'il y a exagération; Qu'il ne suffit pas non plus pour faire prononcer la réduction, que la valeur convenue excède le prix d'achat, les droits payés et les frais ordinaires de mises à bord, puisque ce serait appliquer au cas où il y a fixation de valeur les règles établies par l'art. 339 c. com., pour le cas où les parties sont restées dans les termes ordinaires du droit; Qu'il faut, au contraire, que l'exagération existe, relativement à la valeur véritable que la marchandise représentait pour l'assuré, eu égard non-sentement au prix d'achat, mais encore aux frais généraux de l'expé dition et aux divers éléments dont se compose, indépendamment du profit espéré à la vente, le prix réel de la marchandise au moment de la perte, prix dont l'assureur lui-même profiterait en cas de sauvetage après le délaissement; Considérant que, dans l'espèce, les assureurs n'établissent pas que la valeur déclarée dans l'avenant du 2 nov. 1833 et agréée par eux, soit exagérée eu égard an prix réel des marchandises au moment de la perte, calculé d'aprés les bases qui viennent d'être posées; -Adoptant au surplus les motifs des premiers juges;

» En ce qui touche les conclusions subsidiaires : Considérant que l'obligation imposée aux assureurs de rembourser en cas de perte la valeur convenue ou fixée par la justice, des marchandises assurées, est nécessairement corrélative à la possibilité par l'assuré de faire le délaissement desdites marchandises, qui, en cas de sauvetage, appartiennent aux assureurs comme représentant le prix payé par eux : d'où il suit qu'en cas de concurrence de plusieurs assurances, l'assuré ne peut réclamer de chacun des assureurs que le payement des marchandises dont il est en mesure de faire le délaissement; - Considérant que les diverses assurances devant avoir leur effet dans l'ordre des dates auxquelles elles ont été souscrites, le calcul des marchandises auxquelles elles s'appliquent doit s'etablir de manière à ce que chaque assureur successif reçoive le délaisse ment de la quotité de marchandises représentant, au prix fixé avec lui, soit par convention, soit par justice, la somme qu'il a été tenu de rembourser; et que le préjudice apparent qui peut résulter pour l'assuré de la différence des évaluations, relativement aux divers assureurs, doit res ter à sa charge, lui seul ayant à s'imputer de n'avoir pas fait avec tous les mêmes conventions;

>> Considérant que, dans l'espèce, dans les contrats d'assurance inscrits au Havre et à Paris, dans le courant de juin 1852, aucune valeur n'a été donnée aux marchandises assurées; - Que, dès lors, elles devaient être évaluées, en cas de perte, conformément à l'art. 339, au prix des factu res produites, dans lesquelles se trouvent compris les frais ordinaires de mise à bord; et qu'il devait être fait délaissement aux assureurs de cette date, d'une quotité de marchandises représentant, au prix de facture, la somme de 126,000 fr., savoir : En premier lieu, de la totalité des marchandises chargées à Kanton, montant à.... une somme de 51,742 ír.

le principe, la valeur du chargement, se trouve cependant lui être supérieur par l'effet des déchargements faits en route, il faut décider qu'à chaque déchargement le risque est censé avoir di

-

08 c.;-En second lieu, d'une portion de marchandises chargée à Manille, représentant 74,257 fr. 92 c.;-Qu'au moyen de ce délaissement fait aux assureurs de juin 1832, sur les marchandises chargées à Manille, représentant, au prix de facture, une somme de 17,000 piastres, et, au change de 5 fr. 40 c., 92,157 fr. 54 c., il ne reste plus en risques qu'une partie de marchandises représentant, au prix de facture, une somme de 17,899 fr. 62 C.; Que c'est donc à cette quantité de marchandises seulement que pouvaient s'appliquer les assurances souscrites à Paris, au mois de mai 1855; mais que ces marchandises, évaluées au prix de l'avenant, qui sont maintenus entre les parties, représentent proportionnellement à l'évaluation totale donnée par les assurés eux-mêmes (223,044 fr. 68 c.), une valeur de 32,186 fr. 50 c. ; Qu'ainsi c'est cette somme qui doit, en définitive, être remboursée par les assureurs de mai 1835, les polices d'assurances par eux souscrites demeurant ristournées pour le surplus...» Pourvoi de Labarraque et comp. contre ce dernier chef de l'arrêt, pour violation des art. 1134 et 1165 c. civ., violation et fausse application des principes de l'assurance et du délaissement, et notamment des art. 354, 355, 559, 347, 338, 359 c. com. - Avant d'entrer dans la discussion de ce moyen, on fait observer que la cour de Paris s'est contredite en reconnaissant, dans la première partie de son arrêt, que l'évaluation contenue dans l'avenant du 2 nov. 1833 était obligatoire pour les assureurs qui l'ont agréée, alors qu'il n'y a ni fraude ni exagération démontrées, et en décidant néanmoins, dans la seconde partie relative aux conclusions subsidiaires des assureurs, que ceux-ci ne devaient subir cette évaluation que pour la portion de marchandises que laissait à découvert l'assurance du Havre, première en date, laquelle était réglée par les factures, à défaut de convention. En effet, un même, chargement ne peut pas avoir deux valeurs différentes. Si l'évaluation de l'avenant n'était pas exagérée, elle était donc la seule vraie, et dès lors, la valeur des marchandises s'élevant à 225,000 fr., les assureurs de Paris devaient être tenus de payer la totalité de leurs risques, contrairement au deuxième chef de l'arrêt attaqué : si, au contraire, l'évaluation de l'avenant était exagérée, il fallait consulter uniquement les factures qui n'établissaient qu'une valeur de 145,000 fr., et, dans ce cas, les conclusions principales des assureurs devaient être accueillies, contrairement au premier chef du même arrêt. Mais il faut reconnaître que ce dernier chef n'ayant pas été attaqué, les points qu'il constate sont irrévocablement acquis à la cause; ainsi, il demeure certain que l'évaluation de l'avenant était juste et que celle par facture était insuffisante, parce que l'assurance devait couvrir la valeur réelle que la marchandise représentait pour l'assuré, au moment du sinistre.

minué proportionnellement, dans l'intérêt de chaque assureur, quelle que soit la date des polices. - It en serait autrement si la valeur du chargement avait été inférieure dans le principe au

assureurs.

à chacun des assureurs, non pour une quotité quelconque, mais pour la totalité des marchandises perdues; en droit, parce que c'est la qu'existe la confusion entre les assurances spéciales et les assurances générales, Les assureurs du Havre n'ont pas assuré une quotité de marchandises équivalant à 126,000 fr., et ceux de Paris le surplus; les uns et les autres ont assuré la totalité du chargement, sauf à régler le concours ou lz priorité des payements en cas de sinistre. Dès lors, en droit, et en verts de l'indivisibilité des assurances portant sur le même corps ou sur le mème chargement entier, le délaissement a dû être indivisible et pour le tout; car la propriété des marchandises perdues et le transport des droits de l'assuré passaient également pour le tout et indivisément sur la tête det Qu'on ne dise pas que les assureurs du Havre ayant traité sans avenant d'estimation, ont payé les marchandises au prix de facture; c'est une erreur. Au moment de celle assurance, les assurés possédaient une valeur qu'ils ne pouvaient pas nettement fixer, mais qui devait s'élever à plus de 200,000 fr. avec les frais de transport et tous les accessoires. Ils ne déterminent donc pas dès ce moment cette valeur, mais ils la garantissent d'abord pour 126,000 fr. Plus tard, et lorsque leurs renseignements sont plus complets, ils veulent couvrir davantage leurs risques; ils font assurer la même valeur pour 86,000 fr. de,surplus, total 212,000 fr. Or, il se trouve qu'au moment du sinistre, les tribunaux reconnaissent dans le chargement une valeur conforme aux évaluations de la dernière police, c'est-à-dire une valeur de 225,000 fr. excédant toutes les garanties prises par les assurés. N'est-ce donc pas le cas d'ordonner que les assureurs payeront leurs risques en entier, comme ils ont reçu en entier leurs primes? Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.).

LA COUR ; — Vu les art. 350, 357, 358, 359 et 339 c. com. ;- Attendu, 1° que l'assurance peut être faite sur tout ou partie des marchandises sujettes aux risques de la navigation (art. 554, 335 du même code); Que la loi autorise plusieurs contrats d'assurance sur le même chargement (art. 359); - Que, dans ce dernier cas, si le premier contrat assure l'entière valeur des effets chargés, il subsiste seul; mais que les assureurs subséquents ne sont pas libérés, si cette entière valeur n'est pas couverte par le premier contrat (art. 559); —Attendu, 2° que la loi abandonne aux parties le soin d'estimer la valeur des marchandises assurées (art. 332); Qu'elle ne détermine aucune base ou règle légale de leur évaluation, et qu'elle ne fixe le mode de leur estimation que pour le cas où les polices n'ont pas déterminé cette valeur; Que, s'il n'y a ni dol ni fraude, le contrat est valable jusqu'à concurrence de la valeur des effets chargés, d'après l'estimation qui en est faite ou convenue; Que chacun des assureurs, agissant dans un intérêt direct et particulier, quoiqu'ils traitent et contractent en vue d'un seul et même chargement, peut donc adopter soit l'estimation par les factures (art. 349), soit une estimation fixée par le contrat et entièrement conventionnelle; - Que l'estimation adoptée par le premier assureur ne determine point la valeur des effets chargés à l'égard du second, lorsque celui ci a consenti une estimation différente, et que la valeur de ces effets doit être appréciée, quant à ce dernier, selon les termes de son contrat, Attendu que, dans l'état des faits déclarés constants, il existait, sur la totalité du même chargement, deux contrats d'assurance, l'un, celui des assureurs du Havre, basé sur le prix de facture; l'autre, celui des assureurs de Paris et Bruxelles, fondé sur une estimation conventionnelle; - Que ces conventions, librement consenties et légalement formées, doivent toutes deux recevoir leur exécution, jusqu'à concurrence de l'entière valeur des mar

Cela posé, on a dit :- En matière d'assurances maritimes il y a deux
sortes de conventions distinctes: ou bien l'assurance porte indivisément
sur toute la cargaison, ou bien elle porte sur des corps certains et spéciaux
qui en forment l'unique objet. Dans le premier cas, le payement du si-
nistre a lieu indivisément par tous et chacun des assureurs dans l'ordre
des dates de leurs polices: dans le second, ce payement n'a lieu que par
chacun d'eux individuellement à raison des marchandises spéciales assu-
rées par lui, et si un concours s'établit, ce ne peut être qu'entre les di-
vers assureurs qui ont garanti ces marchandises spéciales. C'est là un des
effets de l'indivisibilité et de la généralité des contrats dans le premier
cas, de leur divisibilité et de leur spécialité dans le second. Ces principes
sont consacrés par les art. 555 et 559 c. com. D'un autre côté, dans
notre système d'assurances, toute perte réelle doit pouvoir être garantie,
à moins qu'elle ne soit directement exceptée par la loi (art. 334 et 347).chandises chargées, d'après les estimations faites ou convenues;
Les choses ou valeur assurées sont estimées d'après l'évaluation conve-
nue dans la police d'assurance, ou, en l'absence de convention, par d'au-
tres éléments de preuves (art. 359). En cas de perte, l'assureur est obligé
de payer toute la valeur du chargement, d'après l'estimation convenue,
sauf l'exception de fraude (art. 358). Enfin, s'il y a divers assureurs sur
les mêmes marchandises, ils doivent payer cette valeur suivant l'ordre et
la dates de leurs polices (art. 359).

Ces règles fondamentales ont été méconnues par la cour de Paris. Il s'agit de plusieurs assurances faites en masse sur le même chargement et dont l'exécution était, dès lors, indivisible. L'arrêt attaqué raisonne comme s'il s'agissait de deux assurances distinctes portant sur des marchandises différentes. Au lieu de considérer les effets des diverses polices tomme indivisibles, il applique à la police du Havre des effets particuliers, un délaissement distinct, une évaluation spéciale; il la fait porter sur des marchandises qui ne sont pas les mêmes que celles qui se trouvent garanties par les assureurs de Paris. Ainsi, il pose en principe « qu'en cas de concurrence de plusieurs assurances, l'assuré ne peut réclamer de chacun des assureurs que le payement des marchandises dont il est en mesure de faire le délaissement. » Puis, appliquant cette théorie, il considère qu'on a délaissé aux assureurs du Havre pour 126,000 fr., prix de facture, et que, par conséquent, on n'a pu délaisser à ceux de Paris que le reste des marchandises au prix de l'avenant. Cela est faux en fait et en droit : en fait, parce que le délaissement, dans l'espèce,a été déclaré |

Et attendu qu'il résulte aussi de l'arrêt attaqué que les marchandises chargées sur le navire le Grand-Duquesne et perdues avec ce bâtiment, ayant, au prix de facture, une valeur de 143,899 fr. 62 c., s'élevaient cependant au prix de 225,044 fr. 48 c., suivant l'estimation agréée par les derniers assureurs; Attendu que l'assurance du Havre et celle de Paris ne montaient ensemble qu'à 212,000 fr., et qu'ainsi, même en recevant tout leur effet d'après les bases respectivement adoptées, elles ne couvraient pas encore l'entière valeur que les marchandises représentaient pour les assurés; Attendu, néanmoins, que l'arrêt attaqué a restreint à 32,186 fr. 50 c. l'utilité des secondes assurances ; Que cette réduction arbitraire libère les assureurs d'une partie de l'obligation qu'ils avaient contractée pour garantir contre les risques de mer la valeur entière de toutes les marchandises chargées; - Attendu qu'il suit de ce qui précède que les principes relatifs au délaissement et les dispositions du code de commerce sur cette matière étaient sans influence dans la cause; Attendu, dans ces circonstances, qu'en faisant profiter les seconds assureurs du mode d'estimation adopté par les premiers, et en refusant à l'estimation conventionnelle du second contrat l'effet qu'il était dans l'intention des parties de lui donner et qui était garanti par la loi, l'arrêt attaqué a violé formellement les art. 550, 357, 358, 359 et 339 c. com. ; Casse.

Du 8 mai 1859.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.Tarbé, av. gén., c. conf.-Piet, Delaborde et Dupont-White, av.

montant total des assurances: dans ce cas, il y aurait lieu au ristourne à l'égard des derniers jusqu'à due concurrence (Pothier, Delvincourt et Pardessus, loc. cit.).

1673. Si diverses assurances, au lieu d'avoir été faites en termes généraux, sur facultés, l'avaient été, les unes sur telle marchandise, les autres sur telle autre, et qu'il n'y eût insuffisance de chargement que par rapport aux assurances faites sur l'une d'elles, c'est à ces dernières assurances seulement que devraient être appliquées les règles ci-dessus, concernant le ristourne total ou partiel.

1674. L'assuré qui est assigné devant le tribunal de son domicile en nullité d'une assurance, sur le motif qu'elle a pour objet un chargement déjà assuré en totalité par une police antérieure, est fondé à appeler en cause devant le même tribunal le souscripteur de cette police, à l'effet de faire ordonner, pour le cas où la seconde assurance serait ristournée, l'exécution de la première, bien que le souscripteur de celle-ci soit domicilié hors du ressort du tribunal saisi de l'affaire : l'appel en cause de cet assureur a pour objet de faire décider contradictoirement avec lui laquelle des deux assurances doit sortir à effet; il constitue donc une demande évidemment connexe à celle précédemment introduite contre l'assuré (trib. de Marseille, 2 mai 1831, aff. Rostand).

1675. En cas d'existence simultanée d'un contrat à la grosse et d'un contrat d'assurance sur un chargement insuffisant, le ristourne se réglerait de la même manière que dans les cas de concours de deux assurances.

1676. Si le montant de toutes les polices n'excède point la valeur des effets chargés, les assureurs, en cas de perte partielle, sont tous tenus au marc le franc de leur intérêt (c. com. 360).

Enfin, si le montant des assurances est inférieur à la valeur du chargement, l'assuré est censé son propre assureur jusqu'à concurrence de son découvert.

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1677. Les principales obligations de l'assuré sont : 1° de s'abstenir de toute rélicence ou fausse déclaration capable de diminuer l'opinion du risque; -2° De payer la prime convenue; 3° De donner caution s'il vient à tomber en faillite avant la fin des risques; - 4° De signifier à l'assureur les avis qu'il reçoit concernant les accidents dont celui-ci est responsable; 5° De justifier du chargement et de la valeur des choses assurés;-6° De justifier pareillement de leur perte totale ou partielle par l'effet d'un accident au risque de l'assureur.

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ART. 1. De l'obligation de l'assuré de s'abstenir de toute réticence ou fausse déclaration capable de diminuer l'opinion du risque.

1678. Toute rélicence, toute fausse déclaration de la part de l'assuré, toute différence entre le contrat d'assurance et le connaissement, qui diminueraient l'opinion du risque ou en chan

(1) (Stival C. assureurs.) LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 348 c. com., toute réticence, toute fausse déclaration de la part de J'assuré, qui diminuerait l'opinion du risque, annule l'assurance; Considérant que la loi n'a pas déterminé quelles sont les réticences et les fausses déclarations qui peuvent déterminer l'opinion des risques, et que cette apppréciation a dû être nécessairement et a été, en effet, confiée à la sagacité et à la conscience des juges, suivant les cas particuliers qu'on eur soumettait; - Attendu, en fait, que la police d'assurance dont il s'agit se référait en termes exprès au connaissement; que la cour de Douai y a reconnu les fausses déclarations et les réticences dont elle fait l'énumération, et qui (ajoute l'arrêt attaqué) avaient dù tromper les assureurs sur Pélévation des risques; que plusieurs des circonstances énoncées dans l'arrét, celles surtout concernant le tonnage et l'arrimage, sont très-graves; mais qu'au surplus leur appréciation n'est pas dans les attributions de la tour de cassation; - Rejette.

Du 16 déc. 1823.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr.-Botton, rap. (2) 1 Espèce :-(Assurances, etc. C. Caëtano.)—En 1824, la compagnie d'assurance générale, d'une part, et, de l'autre, Perrée et Guillot assurèrent, par des polices privées, à Caetano-Mérea, plusieurs sommes sur neuf caisses et divers colis de marchandises, embarqués sur le navire Velkomsten pour le voyage du Havre à Lisbonnne, et sur le Carolus, pour la traversée d'Anvers à ce dernier lieu. Quelque temps après le départ,

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geraient le sujet, annulent l'assurance.-L'assurance est nul même dans le cas où la réticence, la fausse déclaration ou la dif férence n'auraient pas influé sur le dommage ou la perte de l'ob jet assuré (c. com. 348). Les motifs de ces dispositions se présentent d'eux-mêmes. L'assureur doit connaître toute l'étendue des risques dont il se charge. Toute réticence, toute fausse déclaration à cet égard tendent à lui faire supporter des chances dont il ne voulait peut-être pas se charger ou dont il ne se serait chargé qu'à des conditions différentes; dès lors le contrat manque d'une condition essentielle, l'une des parties n'y ayant donné qu'un consentement vicié par l'erreur; cette partie est donc fondée à en demander la nullité, et cela quand même la chose assurée aurait péri par suite d'un événement différent de ceux qui avaient été l'objet d'une réticence ou d'une fausse déclaration. Ainsi, par exemple, le défaut de déclaration que le navire est armé en guerre, annulerait l'assurance, quand même le navire aurait péri par suite, non d'un combat, mais d'une tempête. l'exposé des motifs, n° 24. - V. à cet égard 1679. La fausse déclaration annule le contrat alors même qu'elle est le résultat non du dol de l'assuré, mais d'une simple erreur de sa part; car à quelque cause qu'elle doive être attribuée, elle a empêché que l'engagement de l'assureur ait été contracté en pleine connaissance de cause. C'est ce qui a été jugé en ces termes : « Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu mauvaise foi de la part de l'assuré pour faire annuler l'assurance dans le cas de réticence prévu par l'art. 348 c. com.; il suffit que le fait dont la connaissance n'a pas été donnée à l'assureur fût de nature à influer sur l'opinion du risque et à ne pas en faire connaître toute l'étendue à l'assureur » (Bordeaux, 7 avr. 1835, aff. Aguirrevengoa C. assureurs). La réticence commise, même sans mauvaise foi, par l'assuré est une cause de nullité de l'assurance, alors même que celle-ci a été faite sur bonnes ou mauvaises nouvelles (même arrêt).

1680. Mais il faut, pour que la réticence ou la fausse déclaration puisse invalider l'assurance, qu'elle ait été réellement de nature à diminuer l'opinion que pouvait avoir l'assureur des risques dont il se chargeait. Ainsi, par exemple, bien que, contrairement à la déclaration que le navire assuré devait aller prendre un chargement dans un lieu de relâche, le chargement annoncé n'ait point été effectué, l'assureur n'est pas moins tenu de payer la somme assurée, si le navire, en continuant sa route, a péri par fortune de mer.-V. M. Pardessus, no 883. 1681. La loi n'ayant pas déterminé ce qu'on doit entendre par réticence, l'appréciation souveraine des faits qui sont de nature à la constituer est abandonnée aux tribunaux (Req., 16 déc. 1823 (1); 21 déc. 1826, aff. Caëtano; 25 mars 1835, aff. Boy de la Tour, V. les arrêts qui suivent). — Ainsi, le défaut d'é nonciation, dans la police, que des marchandises étaient prohibées à l'importation, dans le lieu où elles devaient être rendues, peut être déclaré ne constituer ni réticence ni fausse déclaration, sans que l'arrêt qui le décide ainsi encoure la censure de la cour suprême (Req., 21 déc. 1826; 25 mars 1835) (2).

de ces navire, l'assuré a communiqué aux assureurs la nouvelle du naufrage de ces deux navires. Ceux-ci ont refusé le payement des sommes assurées, prétendant: 1° qu'il y avait eu baraterie; 2o que, d'ailleurs, l'assuré avait chargé des marchandises prohibées, dont il n'avait pas fait la déclaration aux assureurs; que cette rélicence ou fausse déclaration annulait l'assurance, aux termes de l'art. 348 c. com.

Le 27 déc. 1824, jugement du tribunal de commerce de Paris, qui condamne les assureurs à payer le montant des assurances : « Attendu : 1° que les polices d'assurance qui forment le contrat entre les parties énoncent le nombre des colis assurés et leur valeur, et que la compagnie d'assurances générales et les sieurs Perrée et Guillot, assureurs particun'y a eu ni réticence ni fausse déclaration de la part de l'assuré; —- Atliers, se sont contentés de cette simple énonciation, d'où il résulte qu'il tendu 2° qu'il y a eu délaissement de la part de l'assuré, et que ce délaissement était valable. » - - Appel; et le 25 fév. 1825, arrêt confirmatií

de la cour de Paris.

Pourvoi pour violation de l'art 348 c. com., en ce que l'arrêt a ordonné l'exécution des polices, quoiqu'il y ait eu réticence de la part de l'assuré sur la nature des marchandises dont l'importation était prohibée en Portugal, circonstance qui devait les faire annuler, puisqu'elle augmentait évidemment l'opinion du risque. - Arrêt. LA COUR;

Attendu que l'art. 348 c. com. détermine, comme cause

1682. La contrebande à l'étranger n'est point un risque de mer; si l'objet assuré périt par suite de la contrebande, il périt

de nullité des contrats d'assurance, toute réticence de la part de l'assuré qui diminuerait l'opinion du risque; que ce même code, en gardant le silence sur le caractère des faits qui pouvaient constituer cette rélicence, a nécessairement confié à l'appréciation des juges le discernement de ce caractère; Attendu, en fait, que les juges du tribunal de commerce de Paris et la cour royale de la même ville ont uniformément déclaré qu'il n'y a eu dans les polices litigieuses ni réticence ni fausse déclaration de la part de l'assuré; Attendu que si cette déclaration paraît s'appliquer iniquement au nombre des colis et à leur valeur, il n'appert aucunement des débats insérés aux jugements et arrêts qu'aucune autre circonstance ait été soumise au tribunal et à la cour, qui ont statué successivement; qu'ainsi la contravention à l'art. 548 c. com. n'est pas justifiée; - Rejette. Du 21 déc. 1826.-C. C., ch. req.-MM. Botton, f. f. de pr.-Borel, rap.

2o Espèce: (Assureurs du navire Saint-Nicolo C. Boy de la Tour.) En sept. 1827, Milliot, négociant à Tiflis en Géorgie, écrit aux sieurs Boy de la Tour frères, négociants à Marseille, d'assurer pour son compte, dans cette ville, un chargement qu'il dit avoir fait sur le navire russe Saint-Nicolo, capitaine Demoro, à la consignation de ces négociants. Ce chargement consiste, d'après cet avis, en cuivre rouge des mines de la Géorgie. Les sieurs Roy de la Tour soumettent aux spéculations de la place de Marseille une police dans ce but. Elle est couverte pour 80,000 fr. de signatures. Le navire Saint-Nicolo devait partir le 2 oct. 1827, de Redoutkalé, port de Géorgie, et se rendre directement, en passant par le détroit de Constantinople, à Marseille. Un an s'écoule sans aucune nouvelle de ce navire. Des renseignements sont pris, soit à Constantinople, soit à Redoutkalé; il en résulte qu'on n'y a jamais connu le navire Saint-Nicolo ni le capitaine Demoro.

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Les sieurs Boy de la Tour, ayant avancé à Milliot 75,000 fr., se mettent à sa place, et font aux assureurs le délaissement; ils leur demandent les 80,000 fr., montant de leurs signatures. Les assureurs, de leur côté, demandent aux sieurs Boy de la Tour les pièces justificatives du chargement du navire Saint-Nicolo. Ceux-ci produisent: 1° deux lettres d'ordre de Milliot; 2° onze factures du même; 3° deux connaissements datés de Redoutkalé, du 1er oct. 1827, signés seulement par le capitaine; et 4o une charte-partie.

Les assureurs soutiennent alors, en fait, que l'expédition dont il s'agit est fausse et n'a pas eu lieu; en droit, que le connaissement invoqué par les sieurs Boy de la Tour est nul, parce qu'il n'est signé que par le capitaine, tandis qu'il aurait dû l'être aussi, d'après l'art. 282 c. com., par le chargeur, parce que le domicile du capitaine n'y est pas indiqué, et parce qu'il n'y est pas dit que l'acte a été fait quadruple, comme l'exige la loi. Ils demandent encore la nullité de la police d'assurance, pour cause de réticence, à raison du silence qu'elle gardait sur la circonstance de la contrebande, circonstance alléguée par les sieurs Boy de la Tour, pour expliquer comment on n'avait pu donner, à Redoutkalé, de renseignements sur le navire Saint-Nicolo. Enfin, ils déclarent subsidiairement dénier, méconnaître, et, au besoin, arguer de faux le connaissement ainsi que la charte-partie.

Jugement du tribunal de commerce de Marseille, qui accueille les prétentions des assureurs.- Appel. 14 déc. 1850, arrêt de la cour d'Aix, qui ordonne la vérification de l'acte de connaissement et la charte-partie, et qui impose aux assureurs l'obligation de faire cette preuve. Ceux-ci, faute de pièces de comparaison, se trouvent dans l'impossibilité de faire la vérification de ces actes. Un second arrêt autorise les assureurs à s'inscrire en faux contre les mêmes actes. 4 janv. 1855, arrêt qui rejette l'inscription de faux.

50 août 1853, arrêt définitif ainsi conçu: « Sur la régularité du connaissement dont il s'agit:- Considérant que l'irrégularité arguée par les assureurs contre ledit connaissement consiste principalement en ce qu'il De serait revêtu de la signature du capitaine, et non de celle du chargeur, quoique que l'art. 282 c, com. exige ces deux signatures;-Considérant que l'exécution complète de cette formalité n'est pas exigée à peine de nullité; qu'il est, au contraire, d'un usage fréquent et attesté par le commerce, que le connaissement donné au chargeur par le capitaine n'est signé que par ce dernier, et que celui remis au capitaine par le chargeur n'est signé que par ledit chargeur, ce qui suffit pour donner à chacune des parties un titre utile pour contraindre sa partie adverse, et remplit ainsi suffisamment le vœu de la loi, dans le sens de l'art. 284 c. com.; que, d'ailleurs, les connaissements faits en pays étrangers ne sauraient être rigoureusement soumis, par leur validité, aux formalités voulues par la loi française :

» Sur la réalité de l'expédition du navire dont il s'agit:- Considérant que Boy de la Tour frères et comp., pour valider l'abandon fait par eux à Charbonnel frères et consorts, des facultés assurées par ceux-ci sur le bâtiment le Saint-Nicolo, ont à justifier le chargement à bord dudit navire, des marchandises assurées, ainsi que le départ dudit navire, qui est le fait complémentaire de l'expédiiion; Considérant que la charte-partie et le connaissement fournis par les frères Boy de la Tour TOME XVIII.

par son vice propre; et dès lors le défaut de déclaration dans la police que les marchandises assurées sont de contrebande à l'é

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sont des pièces authentiques qui attestent le nolissement du navire dont il s'agit, ainsi que le chargement de la marchandise; que les assureurs ayant intenté contre ces pièces une action en faux incident civil, les moyens présentés ont été rejetés par la cour, par son arrêt du 4 janv. 1833; Considérant, de même, que rien ne prouve dans la cause que le corps de l'écriture de ladite charte-partie et du connaissement soit l'ouvrage d'Antoine Milliot, chargeur dudit bâtiment ; que, s'il existe quelque simi litude dans les caractères de l'écriture de Milliot et ceux de la signature de Demoro, il n'en résulte pas la preuve que cette signature, ainsi que celle de trois témoins apposée au bas de la charte-partie, soient l'ouvrage de Milliot; que, dès lors, ces pièces restent au procès dans toute leur intégrité;

» Considérant ensuite que, s'il y absence dans la cause de pièces légales et justificatives du départ dudit navire, et si alors les assureurs peuvent invoquer des présomptions pour établir qu'il y a eu doi et fraude, ou fausse déclaration de la part de l'assuré, ou que tout dans cette expédition a été supposé, Boy de la Tour frères ont aussi le droit de combattre et repousser ces présomptions par des présomptions et des documents contraires, et que c'est alors aux magistrats à en apprécier le mérite respectif; et, à cet égard, considérant qu'il résulte des faits de la cause que l'expédition dont il s'agit était une expédition d'une nature interlope; que, dès lors, la préparation occulte de cette expédition à laquelle plusieurs personnes pouvaient avoir un intérêt plus ou moins direct, explique suffisamment l'absence de toute trace de ce navire à son départ, ainsi que le défaut d'insertion de cette expédition dans les registres d'une administration nouvellement organisée, peu nombreuse, telle qu'elle était dans ces régions encore peu civilisées, ce qui promettait un succès facile aux fraudateurs qui ont dû chercher aussi à entourer successivement cette expédition d'obscurité pour en rendre plus difficile la découverte ;

>> Considérant qu'il est établi au procès que neuf navires du nom de Saint-Nicolo ont passé à Constantinople, pour entrer dans la mer Noire, pendant les mois de juillet, août et septembre de l'année 1827, époque très-rapprochée de l'expédition dont il s'agit, et encore que plusieurs navires de ce même nom ont paru en ladite année dans les ports de la mer Noire; que de tels faits détruisent suffisamment l'allégation de la nonexistence absolue d'un navire du nom de Saint-Nicolo, dans ces contrées et à cette époque; Considérant que les diverses autorités françaises, en Russie et en Géorgie, ont fourni, de la manière la plus soigneuse et la plus suivie, des documents d'une haute importance, qui conduisent à la conviction que l'expédition, le chargement et le départ du navire dont il s'agit ont eu réellement lieu, avec les circonstances et à l'époque signalées par le chargeur Antoine Milliot;- Considérant enfin que, si l'on ne peut suivre la marche de ce navire après son départ ni parvenir à connaître son sort, il y a diverses possibilités d'expliquer cet état de choses, soit par un naufrage total de ce navire, soit par quelque coupable action du capitaine pour s'approprier son riche chargement et anéantir alors tout vestige du navire et même de sa personne; que, dès lors, ces possibilités doivent être, au besoin, admises par la justice, plutôt que de rejeter des titres précis et des documents satisfaisants;

» Sur la validité de l'assurance: - Considérant qu'il n'existe au procès aucune preuve que les cuivres composant la majeure partie de la cargaison du Saint-Nicolo eussent été frauduleusement soustraits au gouvernement russe, avant d'avoir été en la possession de l'expéditeur Milliot; que ce n'est pas sur de simples conjectures que l'on peut établir une imputation aussi grave que celle de vol, qui atteindrait en Géorgie des fonctionnaires élevés, possesseurs de la confiance de leur souverain, et dont les hautes qualités suffisent pour repousser le plus léger soupçon ;-Considérant qu'il sésulte, au contraire, des documents précités des autorités françaises en Russie, que l'expédition de Milliot était le résultat d'une contrebande; que ce fatt est attesté encore par le général Strekoloff, gouverneur de la Géorgie, qui, répondant en juin 1829 à une lettre des frères Charbonnel, assureurs, leur dit que : « Si Milliot avait chargé des cuivres, il n'avait put le faire qu'en contrebande, puisque, dans les registres de la douane de Redoutkalé, il n'existait rien qui établit que Milliot eût payé les droits pour un chargement de cuivre;» lettre qui justitie en mêmé temps, par l'autorité compétente, que, contrairement à tout document présenté par les assureurs, l'exportation des cuivres était, en Géorgie, soumise à un droit de douane;

» Considérant, d'après ces divers documents, qu'il est réel que la matière du contrat d'assurance, de la validité duquel il s'agit, a porté sur des marchandises dont l'exportation était permise en Russie, mais que l'on a voulu les exporter au préjudice des droits de douane de cet empire; -Considérant alors que la contrebande à l'étranger ne saurait vicier le contrat d'assurance; que c'est là une doctrine établie par les commentateurs les plus recommandables de la loi ; qu'en effet la contrebande est un vice commun à toutes les nations; que c'est une sorte de guerre constante que les nations se livrent, même dans des temps de paix réelle, parsuite des diverses prohibitions que les gouvernements établissent sur les marchandises; que cette positions détermine alors un droit de représaille que l'on

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tranger, n'est pas de nature à influer sur l'opinion du risque, et par suite à faire annuler l'assurance (Aix, 9 janv. 1827 (1); 30 août 1833, aff. Boy de la Tour, sous l'arrêt du 25 mars 1833, rapporté au no 1681).

1683. Pour que l'assurance puisse être annulée sur la demande de l'assureur, il suffit que la déclaration fausse qui lui a été faite ait pu influer sur sa determination, quand même cette

xerce réciproquement; qu'ainsi la contrebande à l'étranger peut faire fobjet d'un pacte licite;

» Considérant ensuite que la contrebande à l'étranger n'est pas un risque de mer; que, si l'objet assuré périt par suite de la contrebande, r'est par son vice propre; que, dés lors, la contrebande reste étrangère à Passurance, et ne peut influer sur l'opinion du risque, puisque les assureurs n'en sont pas tenus; que, de plus, dans la supposition contraire, et dans l'espèce de la présente cause, la contrebande d'exportation aurait encore présenté moins de dangers, puisque le navire dont il s'agit ayant mis à la voile, tout était fini; sa route directe était jusqu'à Marseille, et si, par quelque événement, la marchandise venait à être saisie en route par le gouvernement russe, c'était alors un fait nouveau, étranger à l'assurance et dont, dès lors, elle n'était point responsable; qu'ainsi l'omission de la déclaration de la contrebande dans la police d'assurance dont il s'agit ne constitue pas une réticence qui doive en entraîner la nullité; que, de plus, un précédent arrêt de la cour de Céans, du 9 janv. 1827 (V. l'arrêt qui suit), l'a déjà ainsi décidé; et qu'entin la cour de cassation, par son arrêt du 26 déc. 1826, dans une cause où l'assuré avait chargé des marchandises prohibées dont il n'avait pas fait la déclaration aux assureurs, a établi que, dans le silence du code de commerce, pour déterminer le caractère des faits constitutifs d'une réticence, aux termes de l'art. 348 c. com., l'appréciation en appartient nécessairement aux juges de la cause; - Par ces motifs, la cour met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, déclare valable l'abandon fait par lesdits Boy de la Tour frères et comp. auxdits assureurs des facultés assurées sur Je navire Saint-Nicolo, et condamne lesdits assureurs à payer auxdits Boy de la Tour frères et comp. les sommes concernant chacun desdits assu

reurs. »

Pourvoi de la part des assureurs. - Premier moyen :

Violation des art. 281, 282 et 283 c. com., en ce que la cour royale a validé le connaissement, bien qu'il ne fût signé que par le capitaine, que sor. domicile n'y fût pas indiqué et qu'on n'y eût pas exprimé non plus qu'il avait été fait quadruple. Deuxième moyen: -- Fausse application et violation des art. 1517, 1319 et 1522 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le connaissement et la charte-partie authentiques, quoiqu'ils fussent sous seing privé, et que leur vérité n'eût jamais élé établie par la vérification.

Troisième moyen: - Violation de l'art. 348 c. com., en ce que l'arrêt allaqué n'a pas annulé le contrat d'assurance, quoiqu'on n'y eût pas prévenu les assureurs que les marchandises chargées étaient de contrebande.

C'était là un fait grave qu'il leur importait de connaître, avant de s'engager dans l'opération. Il y a, en effet, dans tous les pays, des lois qui punissent les contrebandiers; des croisières de douaniers sont presque toujours établies au sortir des ports pour surveiller les navires. Ceux donc qui se trouvent chargés de marchandises de contrebande sont obligés, pour ne pas être atteints, de s'éloigner des routes battues, d'en prendre de plus perilleuses. Dès lors, on ne peut pas dire que la contrebande est sans influence sur les risques de mer que peut courir un navire.— - Arrêt. LA COUR; - Attendu, sur le premier moyen, que l'arrêt attaqué, en décidant la réalité du chargement du navire le Saint-Nicolo, s'est appuyé non-seulement sur le connaissement qui n'est que l'un des éléments de preuve admis par la loi, mais encore sur des faits nombreux et sur des documents d'une haute importance et qui ont conduit la cour d'Aix, ainsi que le porte l'arrêt, à la conviction de la réalité de l'expédition, du charLement et du départ du navire; d'où il suit que la critique élevee contre la régularité du connaissement est sans objet; Attendu, sur le second moyen, que la loi abandonne à la sagesse des magistrals l'appréciation des faits servant a établir la preuve de la réalité du chargement, et qu'ainsi orsque le juge du fait a décidé que le connaissement et la charte partie sont authentiques et démontrent la sincérité du chargement, une pareille décision ne peut tomber sous la censure de la cour de cassation; Allendu, sur le troisième moyen, qu'il est de jurisprudence constante que l'art. 548 c. com., en ne définissant pas ce qu'on devait entendre par rẻlicence de nature à changer l'opinion du risque, a voulu laisser aux tribunaux l'appréciation souveraine des faits qui sont de nature à constituer la relicence; Rejette, etc.

Du 25 mars 1855.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Bernard, rap. (1) Espèce :-(Assurance C. Arquier.)-En 1826, les frères Arquier, qui déjà, en 1825, avaient fait assurer 12,000 fr., sur le chebeck SainteRosalie, pour deux mois fixes et deux mois à prorata, dont le risque deval commencer le jour où le navire prendrait charge à Gibraltar, font ass er de nouveau, par d'autres assureurs, la même somme et sur le Þéin navire, le risque devant courir du 9 février. - Le capitaine, dès e 4 Tovrier, avait chargé du ble pour Adra, mais avec des expeditions

déclaration porterait sur une énonciation que l'assuré pouvait omettre. Par exemple, la mention du nombre d'hommes et de canons, quoique non exigée dans les polices, annule l'assurance, dans l'intérêt de l'assureur, si elle a été faite d'une manière fausse (Delvincourt, t. 2, p. 394).

1684. Il est évident que le réassuré qui n'a pas fait connaître aux réassureurs les bruits, même vagues, qui couraient simulées pour l'ile d'Elbe, attendu la prohibition de l'importation du blé dans les ports d'Espagne. - 14 février, départ de Gibraltar; le 15, le navire échoue. — A la demande en payement des 12,000 fr., formée alors par les frères Arquier contre les signataires des deux polices d'assurance, ceux-ci opposent la nullité de l'assurance pour cause de reticence, en ce que les assures n'avaient pas déclaré que le navire était destiné à faire la contrebande: circons ance qui, selon eux, aggravait le risque. Question ensuite entre les assureurs eux-mêmes, de savoir qui supportera la perte, si l'assurance est déclarée valable. Les premiers assureurs soutiennent que, lors du naufrage, la première assurance ne subsistait plus; que, s'il restait à s'écouler une partie du temps de l'assurance à prorata, cette assurance, qui était ficuitative pour l'assuré, avait en effet été résolue par la nouvelle assurance. Arrêt.

LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 348 c. com., toute réticence, toute fausse déclaration de la part de l'assuré, toute différence entre le contrat d'assurance et le connaissement, qui diminueraient l'opinion de risque ou en changeraient le sujet, annulent l'assurance; mis que le fait de contrebande dont on excipe dans l'espèce actuelle, n'est évidemment pas de nature à devoir produire un semblable résultat, puisqu'il était en dehors des conventions des parties, et qu'il n'est pas du nombre des faits qui, d'après la loi, sont aux risques des assureurs ; que, dès lors, il importe fort peu que ce fait n'ait pas été mis à la connaissance des assureurs, qu'il ne pouvait influer sur leur détermination, et que l'on ne peut en douter d'après les diverses polices d'assurances qui ont été produites, desquelles il résulte qu'il n'y avait aucune difference dans les primes, soit que les bâtiments fussent chargés de marchandises de contrebande, soit qu'ils fussent charges de toute autre marchandise; qu'enfin l'assurance n'avait pas été faite pour un voyage déterminé, mais qu'elle avait été faite pour toutes les parties de la Méditerranée; que les assureurs ont donc connu toute l'étendue du risque auquel ils s'exposaient, et qu'ils ne peuvent aujourd'hui se prévaloir de ce que le navire, par la nature de son chargement, était obligé de se diriger le long des côtes, quand surtout il est établi qu'il en était à une assez grande distance, lorsqu'il a été englouti par la tempête; Attendu que les assureurs ne se trouvant ainsi dans aucun des cas prévus par la loi pour faire prononcer la nullité de la police d'assurance, il ne s'agit plus que d'examiner à la charge de qui, des premiers ou des seconds assureurs doit être mis le sinistre;- Et, à cet égard, attendu que la police close le 25 oct. 1825 devait couvrir les risques pendant deux mois fixes et deux mois à prorata, un jour comptant pour quinze, à partir du moment où le chebeck la Sainte-Rosalie serait chargé à Gibraltar pour mettre à la voile; qu'il suffit de lire cette police pour être convaincu que c'était un chargement à faire et non un chargement déja fait, qui devait être l'objet de l'assurance; que, dès lors, on peut d'autant moins faire remonter le commencement du risque au mois de septembre 1825, qu'il est constaté que les marchandises qui étaient à cette époque dans le bâtiment, n'y étaient qu'à titre de dépôt; que les risques n'ont donc pu commencer qu'après la confection de la police du 25 octobre; qu'il est même indifferent qu'on les fasse courir du 1er novembre, ainsi que l'ont fait les premiers juges, ou seulement du 4 février, ainsi que le voudraient les intimés, puisque le sinistre ayant eu lieu dans la nuit du 14 au 15 du même mois de février, il est évident qu'il s'est réalise dans les quatre mois de la police d'assurance, et qu'il doit, dès lors, être à la charge des premiers assureurs;

Attendu que c'est en vain qu'on a prétendu, pour échapper à ce résultat, qu'à partir du 28 février 1826, une nouvelle police d'assurance avait été souscrite, et qu'ainsi le premier contrat avait été résolu; que le contrat d'assurance est un contrat synallagmatique qui ne peut être dissous que de la même manière dont il a éte formé, et que la volonté des deux parties ayant été nécessaire pour sa confection, il faut que cette volonté concoure pour sa dissolution, du moins dès que le navire est parti, et que les risques ont commencé à courir; que c'est ce qui résulte de l'art. 549 c. com., qui ne fait exception que pour le cas où le voyage est rompu avant le départ du vaisseau; - Qu'il n'y a pas même, tant que la navigation n'est pas finie, à distinguer entre le cas où l'assurance est faite pour un temps fixe et le temps où elle est faite à prorata, la loi ne faisant nulle part une pareille distinction; que d'ailleurs, dans le cas actuel, ele doit d'autant moins être admise qu'il est évident qu'on n'a jamais eu Pintention d'anéantir la première police, et qu'on n'a parlé du 9 fevrier, dans la seconde, que parce qu'on ignorait l'époque précise à laquells expirait la première ; · Qu'il suit de là que cette première police étant encore subsistante à l'époque du sinistre, il y a eu ristourne en ce qui concerne la seconde, et que les assureurs subséquents ont été beres, ainsi que le porte textuellement l'art. 559 du code précité;-Confirme, etc. Du 9 jany, 1827.-C. d'Aix.-M. de Murel, pr.

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