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trat, ne supporte pas la perte des marchandises, même par fortune de mer, si eiles ont été chargées sur un autre navire, à moins qu'il ne soit légalement constaté que ce changement a eu lieu par force majeure (c.com. 524).

1343. Cet article suppose que les marchandises, d'abord chargées sur le navire désigné au contrat, ont été ensuite transportées sur un autre, sans que ce changement fùt commandé par la nécessité constatée d'échapper à un péril. Dans ce cas, il affranchit le prêteur de la responsabilité du changement de navire fait ainsi volontairement. Le capital prêté doit lui être remboursé, soit que les marchandises viennent ensuite à périr, soit qu'elles arrivent à bon port; et, de plus, le profit maritime doit lui être payé, puisqu'il avait commencé à courir les risques, dont il n'a élé ultérieurement déchargé que par le fait de l'emprunteur qui a modifié sans droit les conditions du contrat (Arg. de l'art. 351, ci-après).

1344. Lorsque les marchandises chargés sur le bâtiment convenu, ont été ensuite volontairement transportées sur un autre, les risques de la navigation cessent d'être à la charge du prêteur, conformément à l'art. 324, alors même que ce second navire serait aussi bon ou même meilleur que le premier, et alors même encore qu'on prouverait que les marchandises qui ont péri sur celui-là, auraient également péri sur tout autre. Le fait seul du changement volontaire de navire a fait cesser les risques que le prêteur s'était engagé à garantir.

1345. Mais l'art. 524 ne serait pas applicable dans le cas où l'emprunteur aurait rompu le contrat avant que celui-ci eût reçu aucun commencement d'exécution; comme si, par exemple, après avoir emprunté à la grosse pour tel voyage, il renonçait ensuite à faire partir ses marchandises, ou s'il les faisait partir

qu'absorbé par les trois billets de grosse de 2,600 fr. souscrits pour les frais de mise hors et payables au Havre, lesquels, avec le change maritime, s'élevaient à 5,122 fr.; Que le pire qui pourrait résulter de cette supposition pour le capitaine Cannac serait que le reliquat de 1,150 fr. fût à répartir entre les 2,600 fr., principal des trois billets de grosse echus en cours de voyage et celui dont Bonnet est porteur.

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Bonnet répond que l'on doit rejeter du compte: 1° l'article relatif à la mise hors du navire et aux avances de l'équipage avant le voyage; 2° les articles relatifs au salaire et conduite de l'équipage, lesquels ne doivent être pris que sur la valeur sauvée du navire, c'est-à-dire sur les 2,023 fr., produit net de la vente; 3° un article de 157 fr. payé mal à propos pour avarie en cours de voyage. Il soutient que, ces déductions faites, il reste une somme plus que suffisante pour payer tous les billets de grosse, ce qui dispense de l'examen de la question relative à la contribution au marc le franc, objet des conclusions subsidiaires: Mais que, fallût-il en venir là, Bonnet serait fondé à réclamer que le reliquat du compte lui fut tout premièrement appliqué, sans que le capitaine put y faire concourir les trois autres billets qu'il a acquittés le 30 juin 1828, parce qu'il ne dépend pas de lui, après avoir éteint les titres, de les faire revivre contre un tiers, aucune disposition dans la loi n'autorisant une subrogation de droit en faveur du débiteur.

pour une autre destination, ou si, sans les avoir chargées d'abord sur le navire désigné au contrat, il les plaçait volontai rement sur un autre bâtiment. Dans ces différents cas, le contrat a été résilié avant tout commencement d'exécution; le prêteur, n'ayant couru aucun risque, ne saurait exiger le profit maritime; il n'a droit qu'au remboursement de son capital avec les intérêts de terre au cours de la place.

1346. L'art. 324 est également inapplicable lorsque le changement de navite, après les risques commencés, a été nécessité par fortune de mer; ce changement forcé ne porte point atteinte au contrat à la grosse et le prêteur continue de courir les risques de la navigation.- Si l'on est obligé de payer au navire subrogé un fret plus considérable, ce surcroît de fret doit être payé par le prêteur.- Si, par suite de l'événement de force majeure qui a nécessité le changement de vaisseau, la marchandise affectée au prêt subit une détérioration, de manière qu'elle ne puisse plus produire de quoi payer la somme empruntée, c'est également à la charge du donneur qu'est cette détérioration.

1347. Lorsque le changement de navire, de route ou de voyage, a été l'effet, non d'une fortune de mer, mais d'une faute ou prévarication du capitaine, le prêteur n'est pas responsable, à moins d'une convention contraire, des dommages qui peuvent en résulter (arg. de l'art. 353 c. com.), sauf au chargeur, vic time de cette baratterie, à exercer l'action ex conducto contre le capitaine, et l'action exercitoria contre les armateurs qui l'ont préposé.

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taine; -Que le privilége que la loi accorde aux matelots sur le fret pour leurs loyers subsiste toujours, malgré la perte ultérieure du navire; → Que telle est la dernière jurisprudence du tribunal, conforme à l'opinion des auteurs qui ont traité la matière; que, dès lors, le payement fait par le capitaine Cannac à l'équipage de son navire du solde des salaires qui lui étaient dus à l'époque de la déclaration d'innavigabilité, ne saurait être contesté avec fondement, et qu'il y a lieu, en conséquence, de maintenir cette dépense; - Que les mêmes motifs militant en faveur de l'article de 400 fr. passé pour droit de conduite, cette dépense doit également être maintenue;

» Attendu que, dans l'article de 6.091 fr., causé pour dépenses en cours de voyage, se trouve comprise une somme de 157 fr. pour avaries sur des sucres; que le payement volontaire que le capitaine à fait de cette somme devant faire présumer, jusqu'à la preuve du contraire, qu'il en était personnellement débiteur, ne saurait constituer une dépense à la charge de l'armement; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter cette somme du débit;

» Attendu que des redressements ci-dessus il résulte que le capitaine Cannac a encore en mains une somme suffisante pour faire face à la demande du sieur Bonnet; que la prétention élevée subsidiairement par ce capitaine de vouloir faire venir en concours sur cette somme les autres billets de grosse qu'il a payés au Havre, prétention qui est repoussée par le principe qui veut que la dette éteinte par le débiteur ne puisse revivre au profit de celui-ci, ne saurait être accueillie par le tribunal; - Condamne le capitaine au payement de la somme de 1,285 fr., montant en principal et change maritime du billet de grosse dont il s'agit, avec intérêts et dépens. >>

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Le 6 avril 1850, jugement du tribunal de Marseille ainsi conçu : « Attendu qu'il est de principe, reconnu par les parties, que l'emprunt à la grosse fait sur le navire, ses agrès et apparaux, porte également sur le fret acquis; Qu'il est également de principe non contesté que, pour que la somme prêtée à la grosse ne puisse être réclamée, il faut que les objets sur lesquels le prêt à eu lieu soient entièrement perdus; Que de la nait l'obligation, de la part de l'emprunteur, de justifier au prêteur, Sur l'appel du capitaine, on s'est prévalu contre lui de l'intention qu'il qui lui demande le remboursement de la somme prêtée, qu'il ne retient avait manifestée de rompre le voyage, en s'annonçant au Havre sous rien des objets affectés au prêt; - Que, dans l'espèce, les parties ayant charge pour Cayenne, au lieu de revenir à Marseille. Arrêt. reconnu ces principes, il ne reste au tribunal qu'à examiner si le compte LA COUR; Considérant que le capitaine Cannac, après être arrivé rendu par le capitaine Cannac à Pierre Bonnet est tel que celui-ci est en de Cayenne au Havre, s'y est arrêté plus de deux mois et s'y est mis sous droft de l'exiger; charge pour un nouveau voyage à Cayenne; Et sur ce, altendu, quant au crédit du compte préQue c'est parce qu'il n'a senté par le capitaine, et qui s'élève à 12,856 fr., que Pierre Bonnet point trouvé de chargement pour cette nouvelle destination qu'il s'est dén'ayant élevé aucune contestation, il y a lieu de le maintenir à la suscidé à revenir sur lest à Marseille; Qu'il a ainsi rompu le premier dite somme; voyage et terminé le risque du billet de grosse dont il s'agit;-Que c'est ainsi qu'il l'a considéré lui-même, puisqu'il a payé intégralement les trois autres billets de grosse et fait dire par lettres à Gaudemar, premier porteur du quatrième billet, qu'il était disposé à le payer :- Que, dès lors, la perte du navire, postérieurement au départ du Havre, reste étrangère au billet de grosse; Qu'en effet, si le capitaine, au lieu de se mettre sous charge pour un autre voyage étranger à ce billet, avait de suite continué sa route pour Marseille, il n'aurait point rencontré les mauvais temps, qui plus tard, ont fait périr son navire; — Qu'il résulte de tout ce que dessus, que le capitaine Cannac est resté débiteur personnel du billet de grosse; Confirme.

» Relativement au débit, attendu que les frais d'armement et de mise hors du navire, dans lesquels on doit nécessairement comprendre les avances faites à l'équipage avant le départ, n'étant point au nombre des dépenses qu'un emprunteur à la grosse soit autorisé à porter en déduction des profits faits par le navire, puisqu'elles n'ont pas été faites en cours de voyage, il y a lieu de rejeter du compte dont il s'agit l'art. de 1,222 fr. que le capitaine Cannac a passé au débit dudit compte pour cet objet;

» Attendu, relativement à l'article de 5,214 fr. pour solde des salaires de l'équipage, que l'art. 258 c. com., qui fait perdre aux matelots leurs salaires, lorsqu'il y a perte entière du navire et des marchandises, ne s'applique pas au fret déjà acquis et encaissés par l'armateur ou le capi- |

Du 19 nov. 1850.-C. d'Aix.-M. d'Arlatan, pr.

prunteur s'engage à payer au prêteur, outre la somme empruntée, une certaine somme pour prix des risques dont se charge le prêteur. C'est ce qu'on nomme profit oɑ change maritime. Ce change peut consister ou en une somme d'argent, ou en quelque autre chose évaluable. Le taux en avait été limité par Justinien (L. 26 C. de Usuris); mais la disposition de cette loi n'a point passé dans notre législation, qui laisse les parties entièrement libres de régler comme elles l'entendent le taux du change nautique. « Quelque fort, dit Pothier, que le profit maritime ait été stipulé par le contrat à la grosse, il est toujours censé, dans le for extérieur, n'être autre chose que le prix des risques maritimes, et, par conséquent entièrement licite.... Soit que le profit maritime consiste dans un intérêt, soit qu'il consiste dans une somme fixe, la quantité n'en est limitée par aucune loi, et elle est laissée au pouvoir des parties contractantes. » (Pothier, Contr. a la grosse, no 2 et 20).

1319. On pourrait convenir qu'en cas d'heureuse arrivée, le prêteur aura, pour profit maritime, une part dans les bénéfices; mais ce serait alors une société plutôt qu'un prêt à la grosse (Delvincourt, t. 2, p. 322; Pardessus, loc. cit.).

1350. Le change est ordinairement stipulé à tant pour cent par mois. Il peut être fixé à une certaine somme pour telle expédition, pour le voyage d'aller ou de retour. Rien n'empêche de convenir qu'il sera variable, suivant la durée du voyage. << Lorsque l'emprunt, dit encore Pothier, no 21, est fait pour l'aller et le retour, on convient assez souvent que si le vaisseau n'est pas de retour au bout d'un certain temps, le profit maritime augmentera à raison de tant pour cent par mois, depuis l'expiration de ce temps jusqu'au retour. » (Conf. Boulay-Paty, t. 3, p. 68; Pardessus, no 896; Dageville, t. 2, p. 477, contrà, Valin, sur l'art. 2, tit. du contrat à la grosse).

1351. On stipule presque toujours une augmentation du profit nautique, pour le cas où la guerre viendrait à éclater; et quand le prêt est fait en temps de guerre, une diminution de ce même profit pour le cas de la survenance de la paix. Mais la survenance de la paix ou de la guerre ne fait ni augmenter ni diminuer le profit stipulé, quand le contrat est muet sur ce point. Les parties sont réputées avoir prévu et pesé, lors de la rédaction de l'acte, toutes les chances de guerre ou de paix qui pouvaient se présenter, et réglé leurs conventions d'après ces prévisions (Émérigon, t. 2, p. 408; Valin, sur les art. 7 et 27, tit. des assur.; Boulay-Paty, t. 3, p. 71; Dageville, t. 2, p. 477).

1352. En cas d'omission dans l'acte de prêt d'une stipulation relative au change, on y suppléerait en fixant ce change au taux de la place à la date du contrat.-V. no 1251.

1353. Comme on l'a déjà dit, lorsque le prêteur a commencé à courir les risques, bien qu'il ne les ait pas courus pendant tout le temps convenu, par suite de l'abréviation du voyage, le profit maritime ne laisse pas de lui être dû en entier, s'il n'est arrivé aucun accident de force majeure qui ait causé la perte des effets affectés au prêt. La loi l'a décidé ainsi pour la prime dans le contrat d'assurance; et il y a parité de raison pour statuer de même à l'égard du profit maritime dans le prêt à la grosse (Pothier, no 40; Émérigon, t. 2, p. 408; Poulay-Paty, t. 3, p. 75).

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change maritime soient dus en entier; 2° Suivant l'art. 9, tit. du fret (reproduit par l'art. 294 c. com.), si le vaisseau ayant été affrété allant et venant, il est contraint de faire son retour lége, le fret entier est dû au maitre. Il a plu au législateur d'accorder, en pareil cas, aux assurés, la bonification du tiers de la prime; mais cette grâce est de droit étroit. Jusqu'à ce qu'il y ait un nouveau règlement qui réduise aux deux tiers le change maritime et le fret, par le défaut de retour du navire, les preneurs (de même que les affréteurs) doivent être soumis à la règle générale. » — La décision du parlement d'Aix est généralement adoptée, et avec raison, à notre avis, par les auteurs modernes. La disposition de l'art. 356 c. com. constitue une faveur, un privilége au profit de l'assuré, ct, à ce titre, on doit en restreindre l'application au lieu de l'étendre à l'emprunteur à la grosse. Il est d'ailleurs à remarquer qu'entre l'assurance et le prêt à la grosse il y a celte différence essentielle, que le prêteur avance ses fonds et ne reçoit rien qu'au retour, tandis que l'assureur n'avance rien et reçoit au contraire une prime; d'où il suit que la diminution du tiers de la prime ne cause aucun préjudice à l'assureur, mais seulement diminue son bénéfice, tandis que le préteur, obligé d'avancer ses fonds et qui ne peut prêter au delà, est fondé à dire que le prêt qu'il a fait à tel armateur l'a empêché de prêter à tel autre avec lequel il eût gagné le change entier (trib. de Marseille, 18 juin 1821, aff. Madgille. Conf. Delvincourt, t. 2, p. 319; Boulay-Paty, t. 3, p. 75; M. Dageville, t. 2, p. 478).

SECT. 6. Quelles personnes peuvent emprunter à la grosse. 1355. Toute personne ayant intérêt sur le corps ou les facultés d'un navire peut emprunter à la grosse. Lorsque la propriété est indivise entre plusieurs, la majorité fait loi; cette majorité se détermine conformément à l'art. 220 c. com.

1856. L'emprant à la grosse emportant l'aliénation éventuelle des objets qui y sont affectés, ne peut, en général, être souscrit que par le propriétaire de ces objets.

1357. La règle qu'en fait de meubles la possession vaut titre, ne s'applique point aux navires aussi celui qui n'est pas propriétaire, mais, par exemple, simple locataire d'un navire, ne peut l'affecter à un prêt à la grosse: un tel contrat ne conférerait point de droits au prêteur qui aurait eu l'imprudence de ne pas se faire représenter le titre de l'emprunteur. Au contraire, dans le cas de marchandises affectées à un prêt à la grosse, par celui qui n'en est que possesseur, le prêteur de bonne foi acquerrait des droits sur elles, au préjudice du véritable propriétaire (M. Pardessus, n° 909).

1358. Les syndics d'une faillite ne peuvent emprunter à la grosse qu'avec l'autorisation du juge-commissaire (Rouen, 12 juin 1821, aff. Dupont, V. no 365).

1359. Le principe qui n'attribue le droit d'emprunter à la grosse qu'au propriétaire des objets affectés à l'emprunt, n'est pas sans exception. Il y aurait eu les plus grands inconvénients à refuser, dans tous les cas, le même droit au capitaine; aussi la loi le lui a-t-elle accordé, mais en prenant les mesures nécessaires pour qu'il ne puisse l'exercer d'une manière abusive.— Un emprunt à la grosse, fait par le capitaine dans le lieu de la demeure des propriétaires du navire, sans leur autorisation au

privilége que sur la portion que le capitaine peut avoir au navire et au fret (c. com. 321; ordon. 1681, tit. du contr. à la grosse, art. 8), et cela, quand même l'emprunt serait causé pour les nécessités du navire. · La disposition de l'art. 321 serait également applicable dans le cas où l'emprunt serait fait par le capitaine dans le lieu de la demeure, non des propriétaires du navire, mais de leurs fondés de pouvoir, pourvu que la présence de ceux-ci fût connue du capitaine, et que leur mandat les autorisât à intervenir dans un prêt à la grosse (Valin, sur l'art. 8, tit. 5, liv. 3 de l'ordon.; Locré, t. 3, p. 361).

1354. Par exception à ce principe, Pothier pensait, no 41, et tel paraît être aussi l'avis de Valin, sur l'art. 15, tit. des contr.thentique ou leur intervention dans l'acte, ne donne action et à la grosse, que, bien que le prêt ait été fait pour l'aller et le retour, le profit, s'il n'y a pas de retour, n'est cependant pas dû en entier au prêteur. Le motif de cette décision est que l'ord. de 1681 ayant statué (tit. des assur., art. 6) qu'en cas d'assurance faite pour l'aller et le retour, les assureurs étaient obligés, quand il n'y avait pas de retour, de rendre le tiers de la prime, il y avait même raison de décider què te prêteur à la grosse doit souffrir la déduction du tiers du profit nautique, lorsqu'il n'y a pas eu de retour. Mais cette solution qui, si elle eût été fondée sous l'empire de l'ordonnance de la marine, le serait également aujourd'hui, parce que l'art. 6 précité de cette ordonnance est reproduit par l'art. 356 c. com.; cette solution, disons-nous, a été condamnée par un arrêt du parlement d'Aix, rapporté par Emérigon, t. 2, p. 409. Cet auteur indique comme ayant servi de base à cet arrêt les deux raisons suivantes : « 1° La règle générale veut que, dès que le risque est commencé, la prime et le

1360. Quoique l'art. 321 exige que l'autorisation d'emprunter à la grosse soit authentique, néanmoins Delvincourt pense qu'un acte sous seing privé suffirait, sauf aux intéressés à prouver la vérité de la signature, en cas qu'elle fût contestée, et que la loi a seulement voulu soumettre le capitaine à rapporter une autorisation expresse, formelle. M. Dageville, t. 2, p. 527

Bemble considérer, au contraire, l'acte authentique comme nécessaire pour prévenir toutes fraudes envers les tiers. Il est suffisamment suppléé à l'autorisation des propriétaires par leur intervention dans l'acte. La proposition faite par le tribunal de commerce du Havre d'exiger l'une et l'autre formalité, a été justement repoussée par le conseil d'État.-V. Locré, t. 3, p. 563. 1861. En cas de faillite du propriétaire du navire, le capitaine doit se faire autoriser à emprunter à la grosse par les syndics et par le juge-commissaire (Cass., 17 fév. 1824, aff. Dupont, V. no 365).

1362. Au surplus, il va de soi que si les propriétaires ne sont pas obligés de prendre à leur compte la chance d'un prêt à la grosse contracté par le capitaine en contravention à l'art. 321, ils doivent du moins, si la somme prêtée a été employée à faire les dépenses nécessaires pour le navire, rembourser cette somme au capitaine, qui gardera alors le prêt à la grosse pour son compte. Cette décision n'est qu'une application du principe nemo debet locupletari cum alterius detrimento (Delvincourt, t. 2, p. 231).

1363. Par exception à l'art. 321 ci-dessus, lorsque le bâtiment a élé frété du consentement des propriétaires, et que quelques-uns refusent de contribuer aux frais de l'expédition, le capitaine (bien qu'il se trouve au lieu de la demeure des refusants), peut, vingt-quatre heures après les avoir sommés de fournir leur contingent, emprunter à la grosse pour leur compte sur leur portion d'intérêt dans le navire, avec autorisation du juge (c. com. 233).-V. ce qui a été dit à cet égard aux nos 368 et suiv.

1364. Le copropriétaire d'un navire, investi de la qualité d'armateur ou administrateur, ne peut, dans le lieu de la demeure de ses copropriétaires, engager leurs parts par un emprunt à la grosse, sans leur consentement ou sans les avoir préalablement sommés de fournir leur contingent des sommes nécessaires pour les besoins du bâtiment; le porteur du billet de grosse qui a été souscrit en l'absence de ces conditions par le copropriétaire armateur, n'a d'action que sur la part de celui-ci; de sorte que si cette part n'excède pas la moitié de la valeur du navire, le porteur ne peut exercer des exécutions dont le résultat amènerait la vente du bâtiment (trib. de com. de Marseille, 30 janv. 1833). 1365. Lorsque l'armement d'un navire se fait dans un lieu autre que celui de la demeure du propriétaire et hors de sa pré

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(1) Espèce: (Wiolett C. assureurs.) Le navire la Justine, qui devait transporter deux cent trente-deux émigrants, moyennant le prix de 85,761 fr., du Havre à Sidney, avec faculté de relâcher à Rio-Janeiro, à Valparaiso et à Otahiti, avait été assuré par les compagnies l'Union des porte et l'Indemnité. Arrivés à Rio-Janeiro, les émigrants ne voulurent pas continuer le voyage, et contraignirent le capitaine, quoique, d'après l'art. 293 c. com., le prix du passage lui fût entièrement acquis, à accepter une simple indemnité de 50,000 fr. Le navire reprit la mer; mais, avant d'arriver à Valparaiso, il essuya une tempète et éprouva des avaries. Le capitaine, après les avoir fait constater, se fit autoriser à emprunter à la grosse pour les réparer. L'emprunt fut fait moyennant un profit maritime de 20 p. 100, pour le cas où il serait remboursé à Bordeaux vingt jours après la présentation du contrat au domicile de Wiolett et comp., avant même l'arrivée du navire à Sidney, et de 65 p. 100 pour le cas où il ne serait remboursé que dix jours après que la nouvelle de l'arrivée du navire à Sidney serait parvenue à Bordeaux. Les 30,000 fr. payés par les émigrants au capitaine, à Rio Janeiro, furent par lui employés à l'achat d'une cargaison de mulets. Le billet de grosse fut présenté à Bordeaux au sieur Wiolett, pour qu'il eût à l'accepter payable à vingt jours, si bon lui semblait, et à payer le change de 20 p. 100. Celui-ci refusa l'acceptation, mais il notifia aux assureurs, qui en définitive devaient lui rembourser le profit maritime, le contrat de grosse et l'acte de présenVation, en leur déclarant que, faute de le payer dans les vingt jours, ils eraient déchus de la faculté de réduire la prime à 20 p. 100, et que celle 65 p. 100 serait alors acquise au prêteur. Sur le refus des assureurs, Wiolett laissa protester le contrat faute de payement. Mais, depuis, ayant appris l'arrivée de son navire à Sidney, il remboursa le prêt et paya la prime de grosse à 65 p. 100.

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Plus tard, les assureurs remboursèrent à Wiolett le montant des réparations du navire; mais ils relusèrent de lui tenir compte de la prime de 65 p. 100. Ils soutinrent que le capitaine ayant à Valparaiso, les 30,000 fr. qu'il avait touchés à Rio-Janeiro, aurait dù les employer aux réparations du navire, au lieu d'emprunter à la grosse : subsidairement, ils prétendirent qu'ils ne devaient la prime qu'à 20 p. 100, les assurés ayant à s'imputer de n'avoir pas usé de la faculté de ne payer la prime qu'à ce laux; et que même, il y avait à opérer sur celto à 20 p. TOME XVIII.

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sence ou de celle de son procureur fondé, le capitaine peut prendre des deniers à la grosse, pour subvenir aux réparations du navire, sans être tenu de demander l'autorisation ni du prou priétaire, ni même de justice. Dans ce cas, il est censé avoir reçu de l'armateur le pouvoir tacite de faire l'armement, et pour cela d'emprunter à la grosse, s'il l'estime nécessaire. C'est, du moins, ce qui semble pouvoir s'induire par argument à contrario de l'art. 232.-V. n° 360 et suiv.

1366. Il en est autrement lorsque le navire a besoin deb réparations en cours de voyage: le capitaine ne peut alors em-" prunter qu'avec l'autorisation de la justice, et après que la né cessité de l'emprunt a été constatée de la manière indiquée par l'art. 234 c. com. (V. nos 136 ets.). La raison de différence entre ce cas et le précédent est que le navire en cours de voyage ayant été reconnu en bon état avant son départ, doit être présumé n'ai voir pas besoin de réparations, à moins d'accidents survenus, accidents dont la loi a dû soumettre le capitaine à rapporter la preuve; tandis que la présomption contraire a lieu lorsqu'il s'agit d'un navire qu'on met en armement; il est considéré comme ayant, du plus au moins, besoin de réparations (M. Dageville, t. 2, p. 529).

La disposition qui interdit au capitaine d'emprunter à la grosse sans l'autorisation des propriétaires, est applicable même dans le cas où le capitaine étant en cours de voyage, se trouve contraint par la tempête de relâcher dans le lieu de la demeure des propriétaires. Mais, muni de cette autorisation, il serait dispensé de toutes les formalités de justice, prescrites par! l'art. 234 (M. Dageville, t. 2, p. 531).

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1367. Lorsque le capitaine d'un navire assuré est en posses sion, durant le voyage, de fonds appartenant à l'armement, dont il peut disposer sans nuire aux intérêts de l'armateur, il doit les employer aux réparations dont le navire a besoin, plutôt que de contracter un emprunt à la grosse qui grèverait les assureurs d'une prime plus ou moins considérable; mais il peut au con traire, recourir à un emprunt de ce genre, quand les fonds qu'il a entre les mains ont une destination spéciale dont il ne pourrait les détourner sans nuire gravement aux intérêts de Parmateur. Et il en est ainsi, alors même que ces fonds proviennent d'une partie du fret touchée avant l'arrivée du navire au terme du voyage (Paris, 20 mars 1841) (1).

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100, une réduction proportionnelle aux risques de guerre garantis par lo prêteur à la grosse, et non assurés par eux. — Sentence arbitrale qui déclare que les assureurs ne sont tenus de rembourser aucune prime. Appel par Wiolett. - Arrêt. LA COUR; Considérant que l'objet du contrat d'assurance 'est do garantir et indemniser l'assuré des pertes et dommages qu'il peut éprouver, par fortune de mer, dans les choses assurées; Que l'armateur ou le capitaine d'un navire assuré doivent pourvoir aux réparations des avaries survenues pendant le voyage, qu'ils doivent y apporter tous les soins d'un bon père de famille, afin de ne pas aggraver les obligations des assureurs, qui sont tenus de rembourser les dépenses; - Que, d'un autre côlé, l'assuré n'est pas tenu de faire le sacrifice de ses intérêts personnels pour alléger la charge des assureurs;-Qu'il suit de ces principes que, lorsque le capitaine possède des fonds appartenant à l'armement qui sont dans ses mains sans destination spéciale, et dont il peut disposer sans nuire aux intérêts de l'armateur, il doit les employer aux réparations dont le navire a besoin, au lieu de recourir à la ressource onéreuse d'un emprunt à la arosse qui grèverait les assureurs d'une prime plus ou moins considérable. Mais considérant en fait que, dans l'espèce, si le capitaine possédait Valparaiso les 30,000 fr. qu'il avait reçus à Rio-Janeiro pour portion du prix du transport des passagers qui refusèrent de continuer le voyage jusqu'à Sidney, ces fonds n'étaient pas entièrement libres dans ses mains, puisqu'il avait frété le navire, avant son départ du Havre, à Liénard fils, pour le retour de Sidney en France, et qu'il avait pris envers l'affrèteur l'engagement de fournir jusqu'à concurrence de 45,000 fr. et même au delà les fonds nécessaires pour l'achat de la cargaison; — Que, pour remplir cet engagement et pourvoir aux dépenses ultérieures de sa longue navigation, il complait sur une somme de 85,761 fr., qu'il devait recevoir à Sidney pour solde du prix de transport des passagers, laquelle, par l'événement de force majeure ci-dessus rappelé, se trouvait réduite aux 30,000 fr. qu'il avait touchés à Rio-Janeiro; Que, d'ailleurs, les passagers l'ayant abandonné à Rio-Janeiro, il les avait remplacés par un chargement à fret qu'il avait pris à Santos pour Valparaiso, et que, ne trouvant pas dans ce dernier port un fret pour Sidney, il se vit dans la nécessité d'employer ses fonds à acheter des marchandises pour, avec les provisions qui lui restaieut, compléter un chargement, ou bien d'achever

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..1868. Le capitaine peut aussi emprunter à la grosse sur les marchandises qui composent le chargement, à l'effet de se pro

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Bon Voyage à vide, au grand détriment de l'armement; Qu'ainsi, d'une part, les fonds que possédait le capitaine à Valparaiso avaient une destination spéciale, et que, d'autre part, ce capitaine n'aurait pu les employer aux réparations du navire sans nuire gravement aux intérêts des armateurs; - Que, dans cette position, il a pu légitimement recourir à un emprunt à la grosse pour se procurer l'argent nécessaire pour réparer le navire, et que, par suite, la prime doit, d'après la loi et les dispositions expresses des contrats d'assurances, retomber à la charge des assureurs; En ce qui touche les conclusions subsidiaires des intimés: Considérant que la clause par laquelle le capitaine avait stipulé la faculté de rembourser à Bordeaux le capital de l'emprunt avec une prime de 20 p. 100 seulement, dans les vingt jours de la présentation de la lettre de grosse à l'armateur, mais avant la nouvelle de l'arrivée du navire à Sidney, était dans l'intérêt des assureurs, puisqu'elle les déchargeait de l'obligation de payer la prime de 65 p. 100 stipulée pour le cas où la lettre de grosse ne serait payée qu'après cette nouvelle ; Que les assurés ne pouvaient prendre sur eux d'opérer le remboursement immédiat, et de dénaturer ainsi le contrat de grosse, sans s'exposer, en cas de perte du navire, à voir laisser pour leur compte la somme qu'ils auraient indument payée; Que les assureurs, avertis en temps utile par la notification de la lettre de grosse et de l'acte de présentation aux armateurs, doivent s'imputer de n'avoir pas déclaré qu'ils entendaient profiter de l'option, soit en payant, soit en autorisant les armateurs à payer immédiatement, prenant ainsi à leur charge le risque dont le prêteur se serait trouvé affranchi;:

Considérant qu'il est de l'essence du contrat de grosse que l'emprunteur ne soit tenu de rembourser le capital et de payer la prime qu'après l'arrivée du navire au lieu convenu; qu'il suit de là que tous les cas fortuits sont nécessairement à la charge du donneur: que les parties ne pourraient même déroger à cette condition sans dénaturer le contrat :Qu'ainsi, l'énonciation du risque de guerre dans la lettre de grosse n'ajoutait rien aux obligations du donneur; Que, dès lors, la prime stipulée doit être tout entière à la charge des assureurs, quoique ceux-ci par leur contrat, fussent affranchis des risques de guerre; Infirme; au principal, condamne les assureurs à payer la prime de grosse à 65 p. 100. Du 20 mars 1841.-C. de Paris, 3 ch.-M. Simonneau, pr.

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(1) Espèce: (Illiac C. Lebras.) Un navire danois expédié à Lebras,

à Morlaix, relâche au Havre, et un jugement du tribunal de commerce autorise le capitaine à emprunter à la grosse sur le navire et son chargement, pour des dépenses forcées de radoub. A l'arrivée du navire à Morlaix, Illiac, porteur du contrat, n'étant pas payé, fut autorisé, par jugement du tribunal de Lannion, du 4 avril, à faire vendre le chargement.

Mais sur la tierce opposition du sieur Lebras, le même tribunal rendit le jugement suivant : « Considérant que le code de commerce, dont tous les titres ont un caractère de spécialité, en consacre un particulièrement au capitaine chargé de la conduite du navire; que ce titre, qui le concerne uniquement, fixe ses droits, fait connaitre ses devoirs, ses obligations, et établit les cas de sa responsabilité; et prévoyant les différentes circonstances dans lesquelles les accidents de mer ou tous autres peuvent le placer, trace d'une manière certaine la conduite qu'il aura à tenir, spécifie et détermine les mesures qu'il pourra prendre, et prescrit les formalités qu'il devra remplir; que ce titre, en réunissant ainsi exclusivement tout ce qui est relatif au capitaine, devient pour lui, dans la loi générale, une loi particulière, dont les dispositions sont évidemment limitatives à son égard; qu'il ne peut donc les enfreindre, en aucun cas, sans outrepasser ses pouvoirs; qu'il en résulte qu'un capitaine placé dans la circonstance prévue par l'art. 254 de ce titre, doit strictement suivre la règle irrefragable qu'il lui trace, sans s'écarter en rien du mode qu'il détermine, en conservant même, dans le cas de nécessité, la gradation qu'il présente; que les attributions du capitaine Bent-Beutzen, qui se trouvait précisément dans cette position, se bornaient donc à la faculté d'emprunter sur le corps et la quille du navire qu'il commandait, à mettre en gage des marchandises, s'il ne pouvait effectuer cet emprunt ou s'il était insuffisant; enfin, à vendre des marchandises, si l'emploi de ces deux moyens lui échappait; qu'ainsi, c'est à tort qu'il a cru pouvoir frapper simultanément le navire et la cargaison d'un emprunt à la grosse; C'est à tort qu'il maintient qu'autorisé à vendre des marchandises, il peut, à plus forte raison, les affecter à un emprunt de cette nature; qu'outre qu'il est désormais certain qu'il sort ainsi du cercle qui lui est tracé, en changeant le mode que l'art. 254 établit impérieusement, on pourrait peut-être maintenir avec plus de raison qu'un capitaine ne peut passer un contrat à la grosse, toujours onéreux, puisqu'il est aléatoire de sa nature, que dans le seul cas que relate l'art. 235, el seulement encore sur le navire, tandis que la simple expression d'emprunt, dont se sert l'art. 234, peut permettre de penser qu'il s'agit d'un emprunt ordinaire au taux du commerce; qu'il n'est du moins pas douteux que, par sa disposition expresse, l'art. 234 a entendu respecter autant que possible les marchandises qui appartiennent à un tiers, puisque, dans le cas où la nécessité

curer les fonds nécessaires pour faire radouber son navire ou pour acheter des victuailles (Rennes, 18 déc. 1852 (1); Rouen,

forcerait à en vendre, il impose au propriétaire du navire ou au capitaine qui le représente, l'obligation de tenir compte à ce tiers non de la valeur de ses marchandises déterminée par la vente, et qui peut être modique, mais de leur valeur réelle, d'après le cours, dans le lieu de la décharge du navire; que l'on veut aussi par ces expressions, ou le capitaine qui le représente, dire que le capitaine est le mandataire spécial du propriétaire du navire, tandis qu'il n'est que le gardien responsable, le conservateur, le voiturier, en quelque sorte, par eau, des marchandises qui lui sont confiées par un tiers; que c'est en cette qualité de mandataire, de repré sentant du propriétaire du navire, que la loi, dans les besoins que peut ressentir le capitaine, lui donne une action plus directe sur le navire; qu'il résulte, d'ailleurs, de toutes les dispositions du code de commerce que le navire doit principalement supporter tous les frais, toutes les dépenses que les événements de sa navigation peuvent occasionner, sauf la règlement ultérieur des avaries qu'il a pu éprouver, et la répartition proportionnelle du montant de ces avaries.

>> Que, d'après les principes que l'on vient d'émettre, il devient superflu de démontrer que le capitaine Bent-Beutzen ne peut aucunement se prévaloir de la disposition de l'art. 515; qu'outre que cet article est entièrement hors des limites imposées au capitaine d'un navire, par le tit. 4 du liv. 2 c. com., il ne confère évidemment aucun droit, dans son silence, sur les personnes, et il ne présente réellement qu'une simple nomencla ture des objets sur lesquels on peut faire peser un emprunt à la grosse, de même que les art. 318 et 319 font connaître et spécifient les objets qui ne peuvent étre soumis un tel contrat; qu'au surplus, rien ne prouve plus incontestablement que le capitaine ne peut, en aucune circonstance, se prévaloir de l'art. 515, que la latitude de pouvoirs qu'il recevrait du dernier paragraphe de cet article, et, par suite, l'exercice arbitraire qu'il pourrait en faire de la manière la plus préjudiciable aux intérêts commerciaux; que l'on sent enfin suffisamment, en se reportant aux principes généraux, et sans que la loi ait eu besoin de s'expliquer à cet égard, que les propriétaires seuls des objets énoncés en l'art. 515, ou ceux qui les représentent peuvent valablement les affecter à un emprunt à la grosse;

Par tous ces motifs, recevant dans la forme la tierce opposition que le sieur Lebras avait évidemment le droit de former, et y faisant droit au fond, juge et déclare que le capitaine Bent-Beutzen devait se restreindre à l'application des dispositions de l'art. 254 c. com. que, conséquemment, il n'a pu valablement affecter à un emprunt à la grosse la cargai son du navire l'Espérance, qu'il commandait; que cette cargaison étant la propriété du gieur Lebras, celui-ci n'a aucune obligation personnelle et directe à remplir envers le sieur Illiac, porteur du billet de grosse; que ce dernier n'a pu, dès lors, former opposition au déchargement des marchandises; qu'il s'ensuit que ladite opposition est faite sans fondement, etc.» Appel par le sieur Illiac. Arrêt. LA COUR;

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En ce qui touche la validité de l'emprunt à la grosse sur le chargement du navire : Considérant que l'art. 258 c com. impose au capitaine l'obligation d'achever le voyage auquel il s'est engagé, sous sa responsabilité envers les propriétaires et les affréteurs; qu'il a donc été necessaire de lui accorder les moyens qui pouvaient lui permettre de conduire le bâtiment à sa destination; Que l'art. 234, en l'autorisant, s'il y a nécessité de radoub ou d'achat de victuailles, dans le cours du voyage, non-seulement à emprunter sur le corps et quille du vaisseau, mais à mettre en gage où à vendre les marchandises, lui a permis, par la même, de les affecter à un emprunt à la grosse, bien moins désastreux aux chargeurs que la vente ou la mise en gage; - Que tel est aussi l'usage observé dans les places de commerce les plus importantes du royaume, et le sentiment de presque tous les auteurs; que cette faculté dont l'exercice est abandonné à la prudence du capitaine, ne porte aucun atteinte aux intérêts des chargeurs, qui ont leurs recours vers les arma teurs, pour le remboursement du prix de leurs marchandises vendues ou le payement des emprunts auxquels on les a engagés, sous la déduc tion de la contribution aux avaries dont ils peuvent être responsable (art. 254, 298 et 404 c. com.); - Qu'il ne dépend pas toujours du capitaine d'obtenir les moyens pécuniaires dont il a besoin aux conditions qui lui sembleraient préférables, et que, dans le cas où il ne pourrai! emprunter à la grosse, il serait forcé d'interrompre son voyage, en man◄ quant à ses engagements, s'il n'avait pas la liberté de se soumettre à cett convention, supposition réprouvée par les principes du droit maritime et notamment par les art. 258, 295 et 296 du code précité; d'où il suil que l'emprunt consenti par le capitaine Bent-Beutzen, après l'observation des formes légales, et en vertu du jugement du tribunal de commerce du Havre, du 4 fevrier de l'année courante, enregistré en ce bureau, le 6, sur la cargaison du navire, ainsi que sur le bâtiment, ne peut être légitimement contesté, et que le sieur Lebras est tenu d'en répondre, sauf à lui à exercer son recours contre les propriétaires; - Dit qu'il a été mal jugé par le jugement dont il a été relevé appel, en ce qu'il a donné mainlevée de l'opposition mise par Illiac fils au déchargement des marchandises qui appartiennent à l'intimé, et en a ordonné la livraison immédiate; —

29 déc. 1831, aff. Heuriault, V. no 449). Il a le droit d'emprunter à la grosse, même après la déclaration d'innavigabilité et la vente du navire, à l'effet d'acquitter les frais nécessités par le sinistré et de pourvoir à la conservation et au transport des marchandises (même arrêt).

1369. Le capitaine qui contracte un emprunt à la grosse expressément au nom de l'armateur, et nullement en nom propre, ne s'oblige point personnellement; il n'oblige que son mandant (Bruxelles, 5 janv. 1822) (1). — Il est d'ailleurs recevable à faire valoir pour la première fois en appel l'exception tirée de ce qu'il n'a agi que comme mandataire (même arrêt).

1370. Mais lorsque, en cours de voyage, le capitaine qui, en empruntant à la grosse pour les besoins du navire et du chargement, a déclaré engager sa personne et ses biens à l'exécution du contrat, vient à être remplacé par un autre capitaine, et lorsque celui-ci a déclaré à son tour, sur la demande du prêteur, au pied du billet de grosse, s'engager solidairement à remplir les conditions du prêt, ce second capitaine n'est pas fondé à prétendre ultérieurement qu'il n'est engagé qu'en nom qualifié et non en son nom personnel (Rennes, 25 juill. 1831, aff. Delastelle, V. no 450).

1371. L'emprunt à la grosse auquel le capitaine a affecté son navire, sans observer les formalités prescrites par l'art. 234, doit être considéré, malgré cette circonstance, comme obligatoire pour le propriétaire du navire à l'égard du préteur; seulement le propriétaire a son recours contre le capitaine (Cass., 28 nov. 1821, aff. Torladés, V. n° 442; 5 janv. 1841, aff. Boullenger, V. eod.). — Mais l'absence des formalités dont il s'agit peut être utilement invoquée par les tiers à l'effet de faire annuler à leur égard, s'ils y ont intérêt, le privilége réclamé par le prêteur à la grosse (Rennes, 16 déc. 1811, aff. Rateau, V. no 442; Aix, 18 déc. 1818, aff. Bail, V. eod.)!

1372. Au surplus, l'armateur peut se libérer, par l'abandon du navire et du fret, des obligations résultant du billet de grosse souscrit par le capitaine (c. com. 216, V. ci-dessus, nos 202 et suiv.).. Dans ce cas, le porteur du billet à la grosse vis-à-vis

Emendant, décharge Illiac des condamnations contre lui prononcées, dit que Bent-Beutzen a légalement et valablement emprunté à la grosse sur le chargement du navire l'Espérance, de Cronstadt.

Du 18 déc. 1832.-C. de Rennes.-MM. Richelot et Grivart, av. (1) Espèce: :- (Pedermach et Westrus C. Huning Gogel.) - Par contrat du 23 juin 1819, le capitaine Westrus, stipulant au nom de Pedermach et fils, propriétaire du navire Justilia, emprunte à la grosse de Scherman, de Cadix, 8,275 fr. En exécution d'une clause du contrat, il délivre an porteur deux lettres de change faisant le montant du prêt. Le 26 fév. 1820, une hypothèque sur des magasins est donnée par les propriétaires du navire au même prêteur. Le contrat à la grosse est endossé au profit de Huning Gogel, d'Anvers, qui, à l'arrivée du vaisseau au port de cette ville, actionne le capitaine en remboursement du prêt, vu le refus de payement des lettres de change à l'échéance. Westrus se laisse condamner par défaut.

Il forme opposition, et les propriétaires du navire se joignent à lui pour

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1373. Par ce contrat l'emprunteur s'oblige au remboursement de la somme prêtée et au payement du profit maritime stipulé, aussitôt que l'événement fixé comme condition de l'engagement sera arrivé, ou bien, lorsque, par son fait, l'emprunteur aura rendu l'événement impossible, ou changé les risques que le prêteur avait consenti à courir. De là naît une action en faveur du donneur; mais, pour l'exercer, il doit prouver que la condition dont elle dépend est accomplie, ou que le fait de l'emprunteur, qui a modifié le contrat, a eu lieu. Ainsi, lorsque le prêt est fait pour tant de mois, ou payable à telle époque, ou quand le navire sera à telle hauteur, le prêteur doit prouver qu'à l'époque convenue pour la cessation des risques les objets affectés au prêt n'avaient pas péri. Lorsque le prêt a été fait pour un voyage déterminé, le donneur est tenu, pour pouvoir exiger le remboursement du capital prêté et le profit maritime, de fournir la preuve de l'arrivée du navire dans le lieu' du reste. 1374. Le payéement du capital et du profit nautique peut être exigé par le donneur, avant l'époque fixée par le contrat, lorsqu'il établit que les risques ont cessé par le fait de l'emprunteur, par exemple, si celui-ci a changé, sans nécessité, le navire ou le voyage, ou la route indiquée dans la convention. Il a été ainsi jugé que la rupture volontaire du voyage par l'armateur dans un port intermédiaire, rend exigible les sommes par lui empruntées à la grosse, sans qu'il puisse réclamer pour le payement un délai égal au temps que, sans cette rupture, aurait vraisemblablement exigé le transport du navire à sa destination primitive

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du propriétaire de son navire, et nullement en nom propre, ne s'oblige pas personnellement, mais suit alors les règles ordinaires du mandat, d'autant qu'alors le prêteur suit exclusivement la foi du mandant de l'em prunteur, et veut bien se contenter de son crédit; Attendu que, dans l'espèce, il conste, par la teneur du contrat à la grosse du 23 juin 1819, que le capitaine Westrus, appelant, n'a contracté l'emprunt dont il s'agit, que pour et au nom des propriétaires de son navire, deuxièmes appelants; d'où suit qu'il n'est pas personnellement tenu envers les intimés, en verlu dudit contrat, de sorte que l'action primitive, dirigée contre lui, cessait de le concerner, du moment que ses mandants, ici appelants, ont pris son fait et cause;

Mais attendu, quant à ces derniers, que, dans le contrat à la grosse, le capitaine Westrus a bien déclaré délivrer deux lettres de change au profit du prêteur, mais que ces effets ne servaient que comme une assignation au mode de restitution du prêt contracté; de sorte qu'en cas de non-payement de ces

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prétendre que la remise des lettres de change a opéré novation, et que par prêt à la grosse, restait en à leur échéance, l'action, en restitution du

conséquent, le demandeur ne peut plus agir en vertu du contrat à la grosse. Jugement qui rejette ce moyen et confirme le jugement par défaut. Appel. Pour la première fois, le capitaine soutient qu'il doit être mis hors de cause, parce qu'il n'a agi que comme mandataire des propriétaires, et que ceux-ci sont seuls tenus au remboursement. Les propriétaires reproduisent leur moyen tiré de la novation. - Arrêt.

LA COUR; Attendu que les intimés ont agi contre l'appelant, capitaine Westrus, en vertu du contrat à la grosse, où celui-ci ne s'était obligé que | pour et au nom des propriétaires du navire, deuxièmes appelants; → Que ledit capitaine étant condamné, seul, par defaut, lesdits propriétaires se sont joints à lui, comme à leur mandataire, pour faire disparaître cette condamnation au moyen de l'opposition; Attendu que, par cette opposition, lesdits propriétaires du navire, comme mandants, ont pris le fait et cause du capitaine, leur mandataire condamné, et ont, par là, lié quasicontrat judiciaire, en nom propre, avec les intimés; D'où suit que, par le débouté d'opposition, la première condamnation, par défaut, est devenue contradictoire et définitive à l'égard de tous les opposants;

Attendu que le capitaine Westrus, en soutenant n'avoir contracté que comme mandataire, a, par là, voulu se séparer des autres appelants, ses mandants, qui sont venus le défendre ; Attendu que l'exception qu'il allègue à cette fin, étant une défense à l'action principale, peut être opposée en instance d'appel, malgré qu'elle ne l'ait pas été en première instance; Attendu, sur cette exception, que le capitaine d'un navire, qui contracte un emprunt à la grosse, expressément pour et au nom de l'armateur, ou

son entièr;

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Attendu que l'acte du 26 fév. 1820, ne fait que rafraîchir l'obligation, résultant du prêt à la grosse, avec dation de garantie ou d'hypothèque, sur les magasins mentionnés dans cet acte; que ce renouvellement d'obligation, ainsi que les sûretés y données, loin de renfermer une novation dudit prêt, ne forment qu'une espèce de constitutum, qui raffermit la première obligation; - Par ces motifs, met le jugement dont est appel au néant, en ce qui concerne la condamnation portée à la charge de l'appelant Westrus; émendant quant à ce, le met hors de cause, etc. Du 5 janv. 1822.-C. sup. de Bruxelles, 4 ch. (2) (Fabry C. Tourrel.) LA COUR ; Attendu que la demande en garantie du sieur Tourrel contre le capitaine Delescouble ne saurait être admise, par le motif que les faits et les fautes qu'aurait commis ce capitaine n'ont pu porter aucun préjudice au sieur Tourrel, puisqu'ils auraient eu lieu avant que le prêt à la grosse dont il est porteur eût été fait par son mandant; que ce porteur ou soit le bailleur de fonds avait connu, avant de prêter, l'état du navire, les faits du capitaine, la procédure à laquelle il s'était livré, les circonstances dans lesquelles avaient été faites les réparations pour l'acquittemeut desquelles l'emprunt avait eu lieu; que, des lors, c'était à lui de voir si, en l'état de ces faits, il lai convenait ou non de prêter; mais que, s'étant décidé à le faire, il est aussi non recevable que mal fondé à exercer contre le capitaine un recours quelconque, puisqu'il est évident que ce capitaine n'a commis aucune faute depuis que le prêteur à la grosse a traité avec lui.

Du 8 fév. 1831--C. d'Aïx.-M. Prêt, pr.

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