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en France pour cette somme, à prime liée, aller et retour de Saint-Domingue. La vente de ce chargement à Saint-Domingue procure un tel bénéfice, que le chargement en retour vaut le double de celui de l'aller; nul doute que l'armateur ne puisse emprunter à la grosse, à Saint-Domingue, trente autres mille francs sur l'excédant du chargement, car cet excédant constitue un profit réalisé et soumis à des risques maritimes (Delvincourt, t. 2, p. 313; Boulay-Paty, t. 3, p. 137).

1995. Peut-on de même emprunter à la grosse sur le fret acquis? En d'autres termes, l'armateur qui a le choix soit de décharger les marchandises dans tel port désigné, soit de les transporter, moyennant une augmentation de fret, dans un autre port plus éloigné, peut-il, après être parvenu dans le premier port, emprunter à la grosse sur le fret qu'il aurait pu gagner en déchargeant dans ce premier port, alors qu'il se décide à poursuivre sa route jusqu'au second? Pour l'affirmative on dit qu'une fois le navire arrivé au premier port, le fret qui aurait pu y être exigé est un fret gagné, un droit certain, sur lequel l'armateur, en l'exposant à de nouveaux risques, a pu valablement emprunter à la grosse. A l'appui de l'opinion contraire, on soutient que dès que le fret acquis est remis en risque, il redevient par cela même un fret à faire. La première de ces opinions est la plus genéralement adoptée.-V. Boulay-Paty, t. 3, p. 135.

1296. On désigne souvent par fret acquis le fret payé d'avance, et qui, suivant la convention intervenue entre les chargeurs et le propriétaire du navire, doit demeurer acquis à celui-ci à tout événement, c'est-à-dire aussi bien dans le cas de perte du navire et des marchandises que dans le cas d'heureuse arrivée. Ce fret, étant touché par le fréteur, n'est pas susceptible de former l'aliment d'un contrat à la grosse (ou d'une assurance), puisqu'il ne sera pas en risque; à moins cependant, comme le fait observer M. Dageville, t. 2, p. 519, que l'armateur, destinant le montant du fret payé d'avance à fournir aux réparations du navire pendant le voyage, n'ait chargé cette somme en nature dans le navire, ou ne l'ait employée en marchandises, auquel cas le prêt ou l'assurance est sans contredit valable.

1297. Que faut-il décider dans l'espèce suivante posée par Emérigon: « Mon vaisseau, dit-il, prêt à mettre à la voile pour les Indes orientales, vaut 50,000 liv. Je vous le frète moyennant le nolis de 50,000 liv., qui me sera acquis à tout événement. Je prends d'une autre personne 50,000 liv. à la grosse sur le corps. Le navire périt sans avoir fait aucune dépense intermédiaire. Puis-je profiter des 50,000 liv. de fret acquis, et garder la somme prise à la grosse? Le bénéfice de 50,000 liv. que je fais dans cette opération est-il légitime? Je soutiens que non, ajoute Emérigon, et que, malgré le naufrage, la somme prise à la grosse doit être restituée avec intérêts de terre » (Contrat à la grosse,

(1) Espèce :— (Hesse C. Barbarowich.)-En 1831, le brick le ChevalMarin, capitaine Barbarowich, venant d'Odessa, fut contraint de relâcher en Sardaigne, après avoir subi des avaries. Une partie de la cargaison avait été jetée à la mer. Pour faire radouber le navire, le capitaine emprunta à la grosse du sieur Rossi qui, outre l'affectation du navire et du chargement, exigea l'engagement personnel du capitaine. A l'arrivée du bâtiment à Marseille, les consignataires de la cargaison refusèrent de la recevoir. Le navire et le chargement ayant été vendus, le capitaine se tit colloquer sur le prix pour ses salaires et son droit de conduite. Mais un sous-ordre fut provoqué sur lui par les sieurs Hesse et comp., qui étaient porteurs du billet à la grosse souscrit par le capitaine, et qui avaient obtenu un jugement contre lui. Le capitaine prétendit que les engagements personnels qu'il avait contractés ne pouvaient être exécutés sur ses salaires et son droit de conduite.

Le 1 août 1833, jugement du tribunal civil de Marseille qui rejette ses prétentions par les mots suivants : « Le tribunal, en ce qui touche le rejet du sous-ordre, attribué au sieur Hesse et comp.; Attendu que, pour affranchir les salaires et le droit de conduite du sous-ordre alloué au Sieur Hesse, il faudrait pouvoir admettre que les salaires et le droit de conduite d'un capitaine, placés l'un et l'autre dans la même catégorie, sont insaisissables, ce que Barbarowich n'a pas osé soutenir, et ce qui est formellement décidé dans le système contraire par la jurisprudence; Attendu, d'ailleurs que, dans la véritable application des principes qui régissent les contrats à la grosse, ces sortes de conventions sont autant des contrats personnels que des contrats réels : des contrats personnels, en ce sens 1° que l'emprunteur est personnellement obligé au remboursement de la somme empruntée et du change maritime, pour ce stipulé dans le cas d'heureuse arrivée qui s'est réalisé pour le Cheval-Marin,

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ch. 5, sect. 2). Cette décision est juste; car le prêt doit être considéré, dans l'espèce, comme ayant été fait sur une chose qui n'était point en risque, puisque, au moyen du fret payé d'avance, ou du moins stipulé acquis à tout événement, l'emprunteur avait reçu ou devait recevoir la valeur de son navire. On a vu que le prêt à la grosse ne doit pas être pour le preneur un moyen de faire un bénéfice, mais seulement un moyen d'éviter une perte; or cette règle serait violée dans le cas qui nous occupe, si l'on admettait la validité du prêt, puisque l'emprunteur recevrait, outre les 50,000 fr. du fret acquis, lesquels représentent la valeur entière de son navire, une autre somme de 50,000 fr. montant du prêt à la grosse (Conf. Boulay-Paty, t. 3, p. 136. — Contrà, Delvincourt, t. 2, p. 513).

1298. L'ord. de 1681, art. 4, du titre du Contrat à la grosse, permettait aux matelots d'emprunter sur leurs loyers, pourvu que ce fût en présence et du consentement du capitaine, et que l'emprunt fût au dessous de la moitié des loyers. Lors de la rédaction du code de commerce, il a été également proposé au conseil d'État d'autoriser les gens de mer à emprunter sur leurs loyers pour se faire une pacotille. Mais ce système n'a point été admis. L'art. 319 c. com. décide, au contraire, en termes absolus, que « nul prêt à la grosse ne peut être fait aux matelots ou gens de mer sur leurs loyers ou voyages. » Les motifs principaux de cette disposition sont: 1° que les loyers des matelots dépendent de l'arrivée du vaisseau et de la durée du service, et qu'ainsi ils n'offrent rien de certain qui fasse l'objet du contrat; 2° que permettre les emprunts, ce serait détruire l'intérêt qui attache les matelots à la conservation du vaisseau. V. les motifs et rap., no 19.

1299. En cas de contravention à l'art. 319, le prêteur serait sans action sur les salaires du matelot, même pour remboursement du capital; il n'aurait de recours que sur les autres biens de l'emprunteur (M. Pardessus, no 893; Delvincourt, t. 2, p. 314; Delaporte, sur l'art. 319; Boulay-Paty, t. 3, p. 141).— Rien n'empêche, au surplus, les gens de mer qui auraient intérêt au navire ou au chargement, d'emprunter à la grosse sur ces objets. Il n'y a pas de motifs pour les soumettre, par rapport aux marchandises qui leur appartiennent, à des règles différentes que les autres chargeurs.

1300. Les salaires du capitaine ne peuvent, pas plus que les loyers des matelots, être affectés à un prêt à la grosse. Mais lorsque, par l'heureuse arrivée du navire, ces salaires ont cessé d'être une créance purement éventuelle et sont devenus un droit acquis, ils peuvent, comme les autres biens du capitaine, être saisis par les porteurs de billets de grosse qu'il a souscrits, en cours de voyage, sous sa garantie personnelle, pour les besoins du bâtiment qu'il commandait (Aix, 24 janv. 1834) (1).

comme aussi dans le cas où l'arrivée du navire aurait été empêchée par les vices de la chose ou par la faute du capitaine ou des matelots (art. 526 c. com.); 2° que l'emprunteur à la grosse sur faculté du navire n'est par libéré, même par la perte du navire ou du chargement (329), s'il ne justifie qu'il y avait pour son compte un aliment suffisant à l'emprunt affecté; » Attendu que, par la même raison que le prêt à la grosse peut, de la part du prêteur, former, suivant l'art. 554, la cause d'un contrat d'assurance, c'est-à-dire d'une garantie même, il peut être aussi l'objet d'un cautionnement pour le remboursement, après l'heureuse arrivée du navire, de la somme empruntée; et d'ailleurs en matière de droit limitatif la lei autorise tout ce qu'elle n'a pas formellement et littéralement prohibé;

» Attendu qu'en admettant que, dans la rédaction de l'art. 519, le lé gislateur a entendu comprendre le capitaine dans l'expression générale gens de mer, ce qui n'est guère probable en l'état de l'opinion émise, soit au conseil d'Etat, soit au corps législatif, par les orateurs du gouvernement lors de la présentation et de la discussion de cet article, dont la probibition semble ne concerner que les matelots, il ne s'ensuit pas que l'on doive, dans l'espèce, confondre deux hypotheses parfaitement distinctes, savoir, l'emprunt fait par le capitaine spécialement sur les salaires et son droit de conduite pendant que le navire est en cours de voyage, et l'exécution portée sur ces mêmes salaires et droit de conduite, apres que les salaires sont gagnés et réalisés par une heureuse arrivée, en vertu d'an jugement de condamnation pure et simple, bien que ce jugement ait pour cause première un billet à la grosse, à la sûreté duquel le patrimoine du capitaine, et par conséquent les salaires auxquels il avait droit de prétendre, le navire heureusement arrivé, seraient accessoirement affectés : que confondre les deux hypothèses en ce qui concerne le litige actuel est tout à la fois soutenir par un moyen détourné que les salaires d'un capitaine

DROIT MARITIME.

1301. En cas d'armement en course, on peut emprunter à la grosse, non pas sans doute sur les prises qu'on a l'espérance de faire à l'ennemi, mais sur celles qu'on a déjà faites, bien qu'elles ne soient pas encore arrivées à leur destination, et que, dans le trajet à faire pour les y amener, elles courent le risque d'être reprises (Boulay-Paty, eod.).

1302. Le prêt à la grosse n'est pas non plus possible sur des choses qu'on a déjà fait assurer en totalité, parce qu'il n'y a plus de risque pour le preneur.

1303. Le prêt à la grosse, produisant l'affectation réelle des choses sur lesquelles on emprunte, exige que ces choses soient vénales; c'est pourquoi la vie où la liberté des personnes, quoique pouvant être l'objet d'une assurance, ne peuvent pas de même être affectées à un prêt à la grosse (M. Pardessus, no 892), Des risques. SECT. 4.1304. Il est de l'essence du prêt à la grosse que les objets qui y sont affectés soient exposés à des risques maritimes. Sans Ainsi, lorsque le voyage cela, il dégénère en prêt ordinaire.

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est rompu avant le risque commencé, il n'y a plus de prêt à la grosse, quand même la rupture aurait lieu par le fait de l'emprunteur. La somme prêtée doit être remboursée, sans profit maritime, mais avec les intérêts de terre au cours de la place.

1305. Suivant quelques auteurs, ces intérêts sont dus quand le voyage a été rompu par force majeure, à partir du jour où l'emprunteur a été mis en demeure de payer; mais si la rupture du voyage a lieu par le fait de l'emprunteur, ils sont dus de plein droit, du jour du prêt jusqu'au payement, à titre d'indemnité de la non-exécution du contrat à la grosse (Pothier, no 39 BoulayPaly, t. 3, p. 170; M. Pardessus, no 928). Pour nous, nous inclinons à croire que, dans l'un comme dans l'autre cas, ils sont - V. nos 1378 et 1379. dus de plano du jour du prêt.

1306. Il suffit, au reste, que le risque ait commencé pour que le contrat soit valable, nonobstant la rupture ultérieure du voyage. C'est ce qui aurait lieu, par exemple, dans le cas où le navire, après être sorti du port, serait obligé par la tempête, ou la poursuite de l'ennemi, d'y rentrer, et ne pourrait plus sortir (arg. de l'art. 351; Delvincourt, loc. cit.; Boulay-Paty, t. 3, p. 168).

1307. Tout emprunt à la grosse, fait pour une somme excédant la valeur des objets sur lesquels il est affecté, peut être déclaré nul, à la demande du prêteur, s'il est prouvé qu'il y a fraude de la part de l'emprunteur (c. com. 316). — S'il en était autrement, le preneur pourrait, après avoir emprunté à la grosse 100,000 fr., ne charger que pour une valeur de 50,000, et faire périr ensuite le chargement, afin de gagner par là 50,000 fr. (Delvincourt, 2, 527). La disposition de l'art. 316 reproduit l'art. 3, tit. du contrat à la grosse de l'ord. de 1681, mais en lui donnant une rédaction plus exacte et plus complète ( V. l'exposé des motifs, n° 17). — Il résulte clairement de cette disposition que l'emprunt à la grosse fait pour une somme supérieure à la valeur des objets y affectés, peut être annulé, en cas de fraude de la part de l'emprunteur;-Qu'il ne peut l'être qu'à la demande du préteur (ou du porteur dans la main duquel tous les droits du prêteur passent par le transfert), jamais à la demande de l'empruteur, qui ne saurait être admis à se prévaloir de son propre dol;-Que, même dans le cas de fraude, si le prêteur veut laisser subsister le contrat (et il le voudra toujours dans les cas d'heureuse arrivée), il en est le maître; - Et qu'enfin c'est au porteur à prouver et l'infériorité de valeur des objets relativement au prêt, et la fraude de l'emprunteur.

1308. Il y aurait présomption de fraude contre le preneur qui aurait emprunté sur des effets déjà assurés, ou qui aurait fait assurer des objets déjà affectés à un prêt à la grosse, ou qui, ayant en même temps pris à la grosse et fait assurer sur le même chargement, n'aurait pas fait, dans l'acte de délaissement à ses assureurs, 'avec la plus grande exactitude, les déclarations prescrites par l'art. 579 c. com. (Dageville, t. 2, p. 512).

sont insaissables, et attaquer de nullité, dans ce qui forme une des clauses
substantielles, et devant le tribunal de céans qui ne peut en connaître,
Arrét.
les billets à la grosse souscrits à Cagliari, » ➡ Appel.

CHAP. 7, SECT. 4.

au

1309. Comment faut-il déterminer la valeur des objets affectés au prêt pour apprécier si elle est inférieure au montant de celui-ci? Doit-elle être fixée eu égard au temps du contrat, temps où les risques doivent commencer à courir, ou bien eu égard au prix que les objets ont été payés? Valin, sur l'art. 3, décide avec raison, que c'est la valeur au temps du contrat et du commencement des risques qui doit servir de base à l'appréciation dout il s'agit. C'est aussi l'opinion de Boulay-Paty, t. 3, p. 120. 1310. L'évaluation des marchandises doit être faite d'après les livres et factures (c. com. 339), et ce n'est, suivant M. Pardessus, qu'à défaut de ces deux moyens qu'on a recours à une estimation. Boulay-Paty, t. 3, p. 121, enseigne, au contraire, d'après Valin, sur l'art. 64, tit. 6, liv. 3, de l'ordonnance, que la preuve résultant des livres et factures n'exclut pas la preuve contraire, qui peut être administrée, soit par estimation d'experts, soit par le cours constaté par les courtiers de marchandises (c. com. 78). Il est, en effet, conforme à l'équité que lorsque des marchandises ont éprouvé une baisse considérable, par suite, par exemple, de la survenance de la paix, le preneur ne puisse établir leur valeur sur les factures du temps de l'achat, époque où elles valaient plus qu'au temps du contrat. Du reste, on doit faire entrer dans la valeur des marchandises les frais de conduite de à bord, de charriage, d'emballage, les droits des douanes, commission des expéditeurs, etc. (arg. de l'art. 339; BoulayPaty, t. 3, p. 120; Dageville, t. 2, p. 512).

Quant à la valeur du navire, si les parties ne l'avaient pas fixée amiablement par le contrat, le preneur serait tenu de justifier du coût, armement, avictuaillement et mise hors du navire, sauf, dans tous les cas, la preuve contraire (mêmes autorités).

1311. En cas d'annulation du contrat, ou, en d'autres termes, en cas de ristourne, l'emprunteur est tenu de rembourser la somme totale, nonobstant la perte ou la prise, mais sans profit maritime, car ce profit est le prix du risque; or le prêteur, dans l'hypothèse, n'a couru aucun risque. Il est vrai qu'il n'en a pas couru davantage dans le cas d'heureuse arrivée, et que cependant il a droit alors au profit maritime. Mais le contrat, dans ce cas, n'étant point attaqué, est censé avoir toujours été valable, et le prêteur toujours assujetti au risque (Émérigon, t. 2, p. 498; Boulay-Paty, t. 3, p. 125; Delvincourt, t. 2, p. 328).

1812. Mais, s'il ne peut réclamer le profit maritime, le prêteur peut-il du moins réclamer l'intérêt de terre? Non, suivant Valin, sur l'art. 3, Locré et Delvincourt loc. cit., attendu que la loi n'ordonne pas le payement de cet intérêt, et que d'ailleurs le prêteur ne souffre aucun préjudice, puisqu'il retrouve son capital, qu'il eût perdu si l'emprunteur eût été de bonne foi. Mais comme la loi, ainsi qu'on va le voir, alloue l'intérêt, cas de simple réduction du contrat pour cause d'erreur (c. com. 317), il semble qu'à plus forte raison cet intérêt est dû dans le cas de nullité du prêt pour cause de fraude (Émérigon, vo Contrat à la grosse, ch. 6, sect. 2; Boulay-Paty, t. 3, p. 128; Dageville, t. 2, p. 511).

en

1313. S'il n'y a pas fraude (dans l'emprunt à la grosse dont le montant excède la valeur des choses sur lesquelles il est fait), le contrat est valable (à raison de la bonne foi réciproque des parties) jusqu'à la concurrence de la valeur des effets affectés à l'emprunt, d'après l'estimation qui en est faite ou convenue; - le surplus de la somme empruntée est remboursé avec l'intérêt au cours de la place (c. com. 317; ord. de 1681, tit. du Cont. à la grosse, art. 15), c'est-à-dire au taux où était l'intérêt sur la place le jour du prêt. Ainsi, le contrat est annulé pour cet excédant, dont le remboursement a lieu, soit que le navire arrive à bon port ou non.-Cette nullité partielle peut, au surplus, être demandée également par l'une ou l'autre des parties, puisqu'elles ont agi toutes deux de bonne fol. L'intérêt de l'excédant court du jour du prêt, et il est dû quand même le navire viendrait à se perdre.-Ce n'est pas, du reste, à titre de peine, que l'emprunteur est astreint à payer l'intérêt dont il s'agit; c'est seulement à titre d'indemnité pour le prêteur de la priSi, sans qu'il y eût vation du capital qui produit cet intérêt.

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LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges, confirme, etc.
Du 24 janv. 1854.-C. d'Aix, ch. civ.-MM. d'Arlatan-Louis, pr.-
Désollier, av. gén., c. conf.-Desougères et Perrin, ay.

mauvaise foi de la part de l'emprunteur, il n'avait été chargé aucune partie des marchandises qui devaient être affectées à l'emprunt, le contrat à la grosse se trouverait de plein droit entièrement résolu, et le prêteur aurait droit aux intérêts au cours de la place.

1314. Dans les cas d'annulation ou réduction du contrat, le prêteur peut-il exiger de l'emprunteur, outre les intérêts, demi p. 100 pour indemnité sur la somme en ristourne, par application de l'art. 349, qui, dans un cas analogue, accorde à l'assureur ce demi p. 100? Valin, sur l'art. 15, décide l'affirmative, mais dans le cas seulement où le donneur à la grosse, ayant fait assurer la somme prêtée, doit lui-même à son assureur l'indemnité dont il s'agit.-Émérigon restreint cette décision au cas où le défaut de chargement ne proviendrait pas de force majeure (chap. 6, sect. 1, § 2). M. Pardessus, t. 3, p. 511, concède le demi p. 100 dans tous les cas de ristourne et sans distinction, comme une indemnité des peines et démarches que la convention a pu occasionner. Enfin MM. Delvincourt, t. 2, p. 332 et Dageville, t. 2, p. 515, décident que l'intérêt de terre accordé par la loi (c. com. 317) est la seule indemnité que le prêteur puisse réclamer dans aucun cas. Cette dernière opinion doit, ce semble, prévaloir.

1315. Celui qui a omprunté à la grosse une somme égale à | la valeur totale de son navire ou de son chargement, ne pourrait faire ensuite assurer ce même objet (c. com. 347), car l'ayant déjà affecté au remboursement de l'emprunt, il ne saurait en disposer une seconde fois. Réciproquement, celui qui a fait assurer son chargement ou son navire pour toute sa valeur, ne peut pas emprunter à la grosse sur la chose pour laquelle, au moyen de l'assurance, il n'a plus de risque à courir. Mais rien n'empêche qu'un navire ou une cargaison dont la valeur n'est affectée qu'en partie à un prêt à la grosse, soit en même temps l'objet d'une asurance pour le surplus de cette valeur; rien n'empêche, par exemple, que le propriétaire d'un navire valant 100,000 fr., après avoir emprunté à la grosse sur ce navire 20,000 fr., le fasse assurer ensuite pour 80,000 (V. c. com. 331).—V. infrà, nos 1418 et suiv.

1316. Le contrat à la grosse étant essentiellement aléatoire, le profit maritime n'est pas dû quand le prêteur n'a couru aucun risque, par exemple, quand il a fait souscrire par l'emprunteur, en même temps que le billet de grosse, une lettre de change, au moyen de laquelle, en cas de perte du navire, il devait recouvrer le montant du prêt. En pareil cas, l'emprunteur, poursuivi en exécution du contrat à la grosse, peut se libérer en payant la lettre de change par lui souscrite (Bordeaux. 5 fév. 1839, aff. Delbay, V. n° 1276).

1317. Les risques, dont le prêteur court les chances moyennant la stipulation du profit maritime, sont les mêmes que ceux

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(1) Espèce: (Haentyens C. de Molière.) Le 12 mai 1818, arrêt de la cour de Rennes, en ces termes : - Considérant que, suivant l'art. 11, liv. 3, tit. 5, ordonnance de marine, les risques dont le prêteur se charge par le contrat à la grosse sont ceux de tous les cas fortuits qui causeraient la perte des effets sur lesquels le prêt est fait, dans le temps et dans le lieu des risques; Que ce terme de cas fortuits comprend tous les accidents de force majeure, au nombre desquels se trouve la prise du bâtiment, soit qu'elle ait été faite de bonne guerre, ou par brigandage; Considérant que ce contrat étant un contrat aléatoire, il suffit que l'événement prévu arrive pour que la perte qui en résulte puisse être laissée au compte de celui qui s'en est chargé; - Mais considérant

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en même temps que l'accident qui a causé la perte des objets pour lesquel une somme a été prêtée à la grosse, étant le fait qui produit l'extinction de l'obligation de l'emprunteur, ce fait doit être légalement justifié, et que celui qui veut s'en prévaloir doit prouver qu'il la considère lui-mème comme étant de nature à le dispenser de remplir ses engagements; Considérant que, dans l'espèce du procès actuel, l'intimé n'avait pas contesté la prise du navire la Minerve ou le roi Arsène, mais qu'il a maintenu que cette prise momentanée, bornée au navire même et à une faible partie de sa cargaison, n'avait effectivement occasionné aucun préjudice à son emprunteur, qui avait conservé toutes ses propriétés dans ce navire; Considérant que celui-ci n'avait jamais fait la plus légère plainte a cet égard; qu'il a disposé, pour son compte particulier, comme proprie taire, et non pas comme ayant géré volontairement les affaires de son prêteur, du produit des retours, provenant de son intérêt dans le navire; qu'il a reconnu, par ces faits non contestés devant la cour, que son obligation primitive n'avait point été éteinte par un événement dont les effets

dont l'assureur est chargé, aux termes de l'art. 350 c. com., c'est-à-dire tous les cas fortuits, tous les événements de force majeure compris sous la dénomination générale de fortunes de mer. Ainsi, sont aux risques des prêteurs toutes pertes et dommages qui arrivent aux objets affectés au prêt, par tempête, naufrage, échouement, abordage fortuit, changements forcés de route, de voyage ou de vaisseau, par jet, feu, prise, pillage, arrêt par ordre de puissance, déclaration de guerre, représailles, et généralement par toutes les autres fortunes de mer (Valin sur l'art. 11, tit. du Contrat à la grosse; Pothier, Contrat à la grosse, n° 16; Boulay-Paty, t. 3, p. 189).—V. au surplus ce qui est dit infrà, ch. 8, sur les conditions constitutives de ces différents sinistres.

1318. Ces risques peuvent même être conventionnellement étendus au delà des limites légales, par exemple à la baratterie de patron; mais ils ne pourraient pas être aussi étroitement resserrés que dans le contrat d'assurance. Le prêteur peut bien s'affranchir de tel risque déterminé, ou même, en général, des avaries simples; mais il ne saurait, par aucune stipulation, se dispenser de contribuer pour l'emprunteur aux avaries grosses. Décider autrement, ce serait porter atteinte à l'essence même du contrat, et d'ailleurs ouvrir une voie à l'usure (M. Pardessus, no 895). — V. infrà, nos 1412 et suiv.

1319. Au nombre des accidents de force majeure dont se charge le prêteur à la grosse, il faut comprendre la prise de la chose affectée au prêt, soit que cette prise ait été faite de bonne guerre ou par brigandage (Req., 29 juill. 1819) (1). — Toutefois, la prise peut être réputée non avenue, et laisser subsister les engagements de l'emprunter, lorsqu'elle a été purement momentanée, et que l'emprunteur a mauifesté par des actes postérieurs à la restitution des objets capturés (et notamment par la disposition qu'il a faite pour son propre compte du prix de ces objets), qu'il n'a nullement considéré d'abord comme éteinte son obligation primitive dont il veut ensuite se décharger tardivement (même arrêt).

1320. Les déchets, diminutions et pertes qui arrivent par le vice propre de la chose, ne sont point à la charge du prêteur (c. com. 326; ord. 1681, tit. du Contr. à la grosse, art. 12).

1321. Par vice propre de la chose, il ne faut pas seulement entendre les défectuosités de composition ou de conformation, mais encore les destructions, détériorations ou pertes qui arrivent par un accident auquel cette chose, même en la supposant de la plus parfaite qualité, est sujette par sa nature. — Ainsi, la perte du navire, occasionnée par son mauvais état naturel, par sa vétusté, n'est pas à la charge du prêteur. « Si le navire, dit Valln, a péri par caducité, parce que ses principaux membres étaient viciés et hors de service, le prêteur ne répond pas de cette perte, et cela quoique le navire ait essuyé des coups de

avaient été réparés presqu'au même instant; Considérant que HenriÉtienne de Molière, caution solidaire des obligations contractées dans l'acte du 22 niv. an 11, n'a présenté aucune pièce qui puisse le dégager de son cautionnement, dont l'effet doit le faire considérer comme une seule personne avec son neveu ; Qu'il n'a pas contesté avoir payé á l'intimé, le 15 mars 1807, une somme de 1,000 fr., à valoir sur cet emprunt, et avoir continué à en payer les intérêts jusqu'au 15 mars 14814,

Que ces payements constituent une reconnaissance positive de la continuation des obligations qu'il avait contractées, et que, d'après les éclaircissements donnés à la cour dans la cause, on ne peut les attribuer ni à une erreur de fait, ni à une erreur de droit ;-Considérant, enfin, que ce n'est qu'environ quatorze ans après la prise momentanée de la Minerve que l'appelant a allégué ce prétexte pour se dispenser d'acquitter la dette qui lui était demandée, et sur la quotité de laquelle il n'a élevé d'ailleurs aucune réclamation : - Par ces motifs, restitue, dans la forme, Mathias Haentyens contre l'arrêt par défaut du 27 février derniers Et faisant droit au principal; - Déclare l'appelant sans griefs, etc. » Pourvoi. Arrêt.

LA COUR; - Attendu que l'arrêt dénoncé constate et reconnaît que le navire la Minerve ou le Roi Arsène n'a été pris que très-momentanément, et que de cette prise il n'est résulté aucune espèce de dommage pour le demandeur; — Attendu qu'en outre l'arrêt reconnait et met en fait que le demandeur a exécuté pendant plusieurs années les clauses du contrat à la grosse passé le 21 vent. an 11, et cela depuis la reprise du baliment la Minerve, - Rejette.

Du 29 juill. 1819.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr.-de Menervillo, rap.-Lebeau, av. gen.-Guichard, av.

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vent ou de mer capables d'incommoder un meilleur navire. Le vice propre de la marchandise, ajoute-t-il, procède, ou de sa mauvaise qualité, ou des déchets auxquels elle est naturellement sujette, comme des soieries qui se piquent, du vin qui s'aigrit, des barriques d'eau-de-vie ou d'huile qui coulent. Tout cela arrivant sans tempête ou autre fortune de mer, est pour le compte du propriétaire, et non du prêteur à la grosse ou de l'assureur. » (Valin, sur l'art. 12, tit. du Contr. à la grosse).Et il faut en dire autant de la mort naturelle des animaux, de la rupture d'un câble qui était usé à force de servir, du coulage des marchandises qui y sont sujettes, quand ce coulage n'est point augmenté par des coups de mer.

1322. Les dommages causés par le fait de l'emprunteur ne sont pas non plus à la charge du prêteur (c. com. 326; ord. 1681, tit. du Contr. à la grosse, art. 12). On entend par le fait de l'emprunteur tout ce qui peut résulter de sa fraude, de sa négligence, ou de sa contravention aux lois.

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Il y a fraude, par exemple, si l'emprunteur a présenté comme bonne au prêteur, la chose qu'il savait être vicieuse; négligence, si la chose étant en bon état, il n'a pas pris les précautions nécessaires pour la garantir d'accidents de mer; contravention aux lois, s'il a enfreint les règles prohibitives sur l'importation ou l'exportation (V. Locré, t. 3, p. 374). – Du reste, le fait de l'emprunteur s'entend aussi de celui du capitaine et des gens de l'équipage. Ainsi, le prêteur ne répond pas des dommages et pertes provenant de ce que le capitaine a négligé de prendre un pilote lamaneur, de ce qu'il n'a pas évité l'ennemi quand il le pouvait, de ce qu'il n'a pas pris les précautions prescrites par les règlements pour éviter la peste ou les incendies (V. Boulay-Paty, t. 3, p. 175), — Par la même raison, le capitaine qui, en cas d'échouement de son navire, en cours de voyage, au lieu de se borner à le, relever et à faire l'abandon au prêteur à la grosse, auquel il est affecté, y a fait faire mal à propos des réparations, au moyen de nouveaux emprunts à la grosse, qui ont plus qu'absorbé la valeur du navire, est en faute à l'égard du premier prê. teur; et par suite l'armateur est responsable du préjudice qui en est résulté pour celui-ci (Aix, 25 janv. 1832, aff. Lecesne, V. n° 223).

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1323. Peut-il être dérogé conventionnellement aux règles posées par l'art. 326? Il est à remarquer que l'ordonnance, après avoir posé les mêmes règles (liv. 3, tit. 5, art. 12), ajoutait: s'il n'est autrement porté par la convention, et que celle restriction, reproduite dans le projet, a été supprimée dans le code. La conséquence de cette suppression n'est point, comme le fait très-bien observer Locré, que la loi a voulu interdire toute dérogation, mais bien qu'elle a entendu renvoyer les parties au droit commun, lequel les autorise à étendre ou à restreindre leurs risques respectifs, pourvu que ce déplacement de chances ne soit contraire ni à la bonne foi ni à l'essence du contrat. Par l'application de ces principes, il faut juger, ce semble, avec Emérigon et Locré, que le prêteur pourrait s'engager à répondre des pertes provenant du vice propre de la chose, pourvu que cette responsabilité fut limitée aux pertes résultant des vices qui surviendraient depuis le départ; mais que la convention serait nulle si elle étendait la responsabilité aux pertes occasionuées par les vices qui existaient avant le commencement des risques. Quant à la clause par laquelle le prêteur prendrait à sa charge les pertes occasionnées par le fait de l'emprunteur, elle serait nulle, comme immorale; mais il en serait autrement de celle par laquelle il consentirait à supporter les pertes arrivées par la baratterie de patron (Valin, sur l'art. 12 du titre du Contrat à la grosse; Pardessus et Dageville, loc. cit.; Boulay-Paty, t. 3, p. 178).

1324. Les parties peuvent couvenir, du moins d'après le plus grand nombre des auteurs, que le prêteur répondra de la confiscation qui serait prononcée, pour cause de contrebande, par les lois d'un pays étranger. En l'absence d'une pareille convention, la confiscation est à la charge de l'emprunteur.-Quant à la clause qui ferait supporter au prêteur la confiscation ordonnée par les lois françaises, elle serait nulle, sans difficulté (Delvincourt, t. 2, p. 317).

1325. Le prêteur ne répond pas non plus des dangers de terre, et ne supporte pas, par conséquent, les détériorations ar

rivées aux marchandises mises à terre pour une cause quelconque, le pillage, l'incendie de ces marchandises, etc.

1326. La durée des risques est ordinairement fixée par la police. Mais, dans le cas où il n'a rien été stipulé sur ce point, il est suppléé par la loi au silence des parties. Si le temps des risques n'est point déterminé par le contrat, il court, à l'égard du navire, des agrès, apparaux, armement et victuailles, du jour que le navire a fait voile, jusqu'au jour où il est ancré ou amarré au port ou lieu de sa destination.-A l'égard des marchandises le temps des risques court du jour qu'elles ont été chargées dans le navire ou dans les gabares pour les y porter, jusqu'au jour où elles sont délivrées à terre (c. com. 328; ordon. 1681. tit. de contr. à la grosse, art. 13).

1327. Bien que les risques commencent d'ordinaire, pour le donneur, quand le prêt porte sur le navire, au jour où le navire a fait voile, cependant on convient quelquefois, lorsqu'il y a une rivière à descendre avant de prendre charge, de fixer lo point de départ des risques au jour où le chargement aura commencé.

1328. Lorsque le prêt porte sur le chargement, il était juste que le risque commençât, sauf convention contraire, à l'instant où les marchandises sont exposées à la mer, alors même qu'elles ne sont pas encore placées dans le navire, mais bien dans les gabares ou petits bâtiments qui doivent les transporter, jusqu'au navire.

1329. Mais, pour que les risques sur les marchandises commencent au moment où elles sont chargées sur des gabares, il faut que le transport par gabares se fasse du port même ou de la rade où le vaisseau est ancré; car, s'il s'agissait de remonter ou de descendre une rivière pour parvenir au navire, le risque ne serait pas à la charge du donneur, à moius qu'il n'y eût été mis par une clause spéciale, comme si, par exemple, il avait été stipulé que le prêteur courrait tous les risques de la mer depuis l'embarquement, y compris les risques en gabares el autres alléges, pour aller de terre à bord (Emérigon, t. 2, p. 14; BoulayPaty, t. 3, p. 209).

1380. La durée des risques varie suivant que le prêt à la grosse a été fait pour un voyage, ou pour tous les voyages à entreprendre dans un temps limité, ou pour un temps limité avec désignation de voyage.

1331. 1o Le voyage peut être ou un voyage entier, c'està-dire du port du départ au port de la destination; ou un voyage d'aller et de retour cumulativement, auquel cas le risque.commence à courir depuis le lieu de l'armement ou du chargement, et ne finit que lorsque le navire est revenu au même endroit.Dans le doute, on est présumé avoir prêté pour l'aller et le retour (Pothier, vo Contrat à la grosse, no 32; Emérigon, t. 2, p. 514; Boulay-Paty, t. 3, p. 196).-Cependant Delvincourt émet une opinion contraire, par argument de l'art. 356.

1332. Lorsque l'armateur a emprunté à la grosse sur son navire, par des contrals séparés, pour l'entrée et la sortie, on considère alors l'aller et le retour comme formant deux voyages distincts, et en conséquence le navire demeure aux risques de l'armateur, pour le temps intermédiaire depuis l'arrivée au port de la destination, jusqu'au départ pour le retour, sauf conventions contraires (Dageville, t. 2, p. 552).

1333. 2o Le prêt est fait pour un temps limité, chaque fois qu'il résulte clairement de la convention qu'à un jour déterminé, ou au bout de tant de jours, de mois, ou à telle hauteur en mer, les risques cesseront. - La relâché forcée ou volontaire dans un port de la route, n'interrompt pas le cours du temps limité, le navire ne cessant pas d'être exposé aux fortunes de mer durant le temps de relâche (Emérigon, t. 2, p. 517). Il ar rive rarement que les parties dérogent à cette règle par une convention spéciale, si ce n'est lorsqu'il s'agit d'armements en course, dans lesquels on ne considère le risque que pendant le temps des croisières (Dageville, t. 2, p. 553). – Le navire dont on n'a plus de nouvelles est présumé péri dans le temps limité, sauf au prêteur à prouver qu'il a été vu après le temps fixé, ou qu'on en a reçu des nouvelles (Argum. de l'art 376; Pothier, no 124; Emérigon, t. 2, p. 516; Dageville, t. 2, p. 483; Delvincourt, t. 2, p. 323).

1334. 5° Le prêt est fait pour un temps limité, avec dési

gnation de voyage, lorsque, par exemple, il est fait pour trois mois pour le voyage de tel navire à Saint-Domingue, ou pour le voyage de tel navire à Saint-Domingue, qui sera de trois mois. -Si le voyage se prolonge au delà du temps fixé, le prêteur n'est pas responsable des événements survenus depuis l'expiration de ce temps, conformément à la loi 6, D. de nautico fœnore, qui ne met la perte à la charge du donneur qu'autant que le navire a péri dans les limites du temps convenu: intrà præstitutos dies; à moins cependant qu'il ne résulte de quelque clause de contrat que la stipulation du temps a eu pour objet, non de mettre un terme aux risques du prêteur, mais seulement d'établir une augmentation du profit maritime à raison de la prolongation de la durée du voyage; auquel cas le prêteur reste soumis aux risques du voyage entier (V. Émerigon, t. 2, p. 518; Boulay-Paty, t. 3, p. 199; M. Dageville, t. 2, p. 553).

1335. On peut prêter d'entrée et de sortie à tant pour cent par mois; dans ce cas les risques ne fiuissent qu'avec le voyage, et le change maritime n'est dû qu'à proportion de sa durée.

1336. Lorsque le prêt est fait pour le voyage entier, à raison de 12 p. 100 par mois, avec stipulation que les premiers six mois de change seront acquis au prêteur, malgré la perte survenue après ce terme, cette stipulation est-elle valable? Emérigon, distingue si le navire est arrivé au terme du voyage, de manière que l'emprunteur ait pu réaliser des profits et payer les premiers six mois de change, il est tenu d'effectuer ce payement, nonobstant la perte ultérieurement survenue; parce que, dans cè cas, il y a lieu de considérer le prêt comme ayant été fait distinctement pour le voyage de l'aller, avec renouvellement pour celui de retour. Si, au contraire, le navire a péri, après l'échéance des six premiers mois, mais sans être parvenu au terme du voyage de l'aller, l'emprunteur est délié de toute obligation, de même que le fermier est déchargé de payer le prix du bail quand la grêle a totalement détruit la récolte (Emérigon, t. 2, p. 518). Quant à Boulay-Paty, t. 3, p. 203, il regarde la stipulation dont il s'agit comme contraire à la nature du contrat à la grosse, parce que, dit-il, le change ou profit maritime étant un accessoire inséparable du capital, il s'ensuit que la perte du tout concerne le prêteur. L'opinion d'Emérigon nous semble préférable.

1337. Bien que le prêt ait été fait d'entrée et de sortie de telle ville, au change maritime de tant pour cent par mois, néanmoins s'il y est stipulé qu'en cas de guerre, le capital et le change maritime échu seront envoyés du lieu de la destination en lettres de change, cette clause contient implicitement la condition que, la guerre survenant, le risque sera terminé par le voyage d'entrée. Les lettres de change, une fois expédiées, sont aux risques du prêteur, car, ce n'est plus que comme mandataire de celui-ci que l'emprunteur agit en les lui envoyant (Emérigon, t. 2, p. 520, Boulay-Paty, t. 3, p. 203; Dageville, t. 2, p. 660.

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(1) Espèce: (Cannac C. Bonnet.) - En 1828, Cannac, capitaine, armateur et propriétaire du navire Les Trois-Frères, souscrit un billet de grosse de 1,000 fr. sur son navire, à l'ordre de Gaudemar, pour un voyage de Marseille à Cayenne, et pour toute autre destination qui pourrait être à sa convenance, jusqu'au retour du navire à Marseille, au change maritime de 2 1/2 pour 100 par mois. Trois autres billets de grosse montant à 2,600 fr. et payables au Havre, avaient élé souscrits dans le même temps par le capitaine, au profit d'autres prèteurs. Le navire part de Marseille et se rend d'abord à Cayenne. De là, il revient au Havre après une traversée orageuse; il y reçoit des réparations qui s'élèvent à 1,078 fr. -Pendant son séjour dans ce port, et le 30 juin 1828, le capitaine rembourse le montant des trois billets de grosse.

Depuis, le capitaine annonce dans les feuilles publiques le navire les Trois-Frères en charge pour un second voyage à Cayenne. Il ne trouve pas à charger. Ensuite le navire est annoncé pour Marseille; aucun affréteur ne se présente. A cette époque, le capitaine écrit à Chausse de Marseille, l'un des intéressés au chargement, de demander à Gaudemar comment il veut faire pour son argent. Plus tard, le 5 nov., il prie Chausse de dire à Gaudemar que, comme il retourne à Marseille, il garde son argent. Enfin, le 22 nov. 1828, le navire remet à la voile du Havre pour Marseille, sur son lest.-Le 2 déc., le mauvais temps le force d'entrer dans le port de la Hougue, où il est obligé de rester jusqu'au 10 janvier le navire est recalfaté.-Le 11, il sort du port, mais il y reutre fort endommagé, le 12, après délibération de l'équipage prise pour le salut commun. Le 15, rapport du capitaine au juge de paix. Nomination d'experts: leur rapport porte que les réparations nécessaires pour remettre le navire en état de paviguer coûteraient 7,902 fr.; qu'en l'état

1338. Le risque, en cas de prêt sur le navire, finit, comme on l'a déjà dit, au jour où il est ancré ou amarré au lieu de sa destination. Quant au risque sur les marchandises, il ne prend fin que quand elles sont délivrées à terre (c. com. 328). Ainsi, le prêteur répond des risques qu'elles courent pendant qu'elles sont transportées du navire à terre sur des gabares, excepte lorsqu'au lieu d'être ainsi transportées au quai du port de la destination du bâtiment, elles sont conduites à un lieu plus éloigné. Mais le risque du donneur est fini dès que les marchandises ont été déchargées sur le quai. Si donc, depuis ce moment, et avant même d'avoir été transportées dans les magasins" du destinataire, elles venaient à éprouver un sinistre, cette circonstance resterait étrangère au prêteur de la grosse qui ne s'est porté responsable que des fortunes de mer (Emérigon, l. 1, ch. 12).

1339. Les pertes ne sont à la charge du prêteur qu'autant qu'elles sont arrivées dans les lieux fixés par le contrat. Si donc le navire change de route ou de voyage sans y être forcé par for tune de mer, les pertes qu'il éprouve ne peuvent être mises sur le compte du prêteur; autrement, on modifierait les conditions de son engagement, ce qu'on n'a pas le droit de faire sans son Mais si le changement de voyage ou de route était nécessité, après que les risques auraient commencé, par une tempête, par la crainte de l'ennemi, ou par toute autre fortune de mer, il n'opérerait pas la rupture du contrat, et le prêteur serait conséquemment responsable des risques qui pourraient survenir durant le nouveau voyage forcément entrepris (Arg. des art. 350 351 c. com.)

aveu.

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1310. Le changement volontaire de route ou du voyage, après les risques commencés, décharge le prêteur de tout risque ultérieur, quand même le sinistre n'arriverait qu'après que le navire serait rentré dans la route tracée par le contrat (Boulay. Paty, t. 3, p. 206; M. Dageville, t. 2, p. 541).

1341. Le capitaine armateur et propriétaire d'un navire, souscripteur d'un billet de grosse pour un voyage désigné, qui, arrivé dans un port de relâche, y a fait annoncer par les feuilles publiques, que son navire est en charge pour une destination différente de celle indiquée dans le contrat à la grosse, est cense, par cela seul, avoir rompu le premier voyage et déchargé conséquemment le prêteur de la responsablité des risques ultérieurs, encore bien que n'ayant pas trouvé à charger pour le nouveau voyage, il se soit décidé à reprendre le premier, pendant la continuation duquel le navire a péri. C'est du moins ce qu'a jugé un arrêt de la cour d'Aix, du 19 nov. 1830 (1). Mais celle décision nous paraît sujette à contestation.

1342. Le changement volontaire de navire a le même effet que le changement de route ou de voyage. Le prêteur à la grosse sur marchandises chargées dans un navire designé au con

où il se trouve, il vaut 8,000 fr., et qu'il y a plus d'avantage à le vendre. - Le juge de paix, sur requête, autorise la vente. - La vente a lieu son produit s'élève à 3,150 fr.

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Le capitaine revient à Marseille. - Il est assigné par Bonnet, porteur du billet souscrit à Gaudemar, en payement de 1,285 fr., tant pour le principal que pour le change maritime. Le capitaine Cannac soutient qu'il est libéré par suite de la vente su navire, pour cause d'innavigabilité par fortune de mer, sauf redditione compte des recettes et dépenses du navire pendant les voyages pour les quels l'emprunt à la grosse avait été fait. - Il donne ce compte comme suit: Recettes. - Fret de Marseille à Cayenne 5,479 fr.; - Fret d. Cayenne au Havre 5,344 fr. Produit brut du navire 5,150 fr. - Dépenses du consignataire à déduire 1,116 fr. 12 c. — Total 12,856 fr. 88 c. Dépenses. Frais de mise hors 5,271 fr. - Avances à l'equiSolde des salaires de l'équipage 5,214 fr. · Conduite page 1,222 fr. du capitaine et du mousse 400 fr.-Dépenses en cours de voyage 6,091 r. - Total 18,198 fr.

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Les dépenses ainsi présentées excédant les recettes, le capitaine prétend qu'il ne doit rien à Bonnet; - Qu'au surplus, ce dernier fût-il fondé à contester la déduction des frais de mise hors sur les nolis gagnés, il soutient que les dépenses étant de 12,928 fr., et les recettes étant de 12,856 fr., il y aurait encore un excédant des dépenses sur les recettes de 72 fr.; Qu'enfin, s'il venait à être décidé que non-seulement les dépenses de mise bors ne doivent pas être déduites sur le fret gagné, mais encore qu'il en doit être de même des 1,222 fr. payés à titre d'avances à l'équipage avant le départ de Marseille, il résulterait de là que le comple des recettes étant de 12,856 fr., et le montant des dépenses de 11,706 fr., il y aurait un reliquat de 1,150 fr.; Mais que ce reliquat serait plus

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