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que le remboursement aura lieu à une époque postérieure à la cessation des risques. Mais, en l'absence d'une stipulation semblable, le prêteur est fondé à exiger le capital prêté et le profit maritime aussitôt que le temps des risques est passé.

1266. Tout prêteur à la grosse, en France, est tenu de faire enregistrer son contrat au greffe du tribunal de commerce (ou, s'il n'en existe pas, au greffe du tribunal civil qui en remplit les fonctions) dans les dix jours de la date, à peine de perdre son privilege (c.com.312). —L'ordonnance n'exigeait pas cette formalité. Valin la réclamait pour empêcher l'esprit de fraude de supposer à des prêts simples le caractère du prêt à la grosse, ou de leur donner une fausse date. Le tribunal de commerce de Bordeaux éleva la même réclamation, en disant que « tout contrat qui peut être exécuté au préjudice d'un tiers, doit nécessairement avoir ne date certaine et un caractère authentique. » En conséquence, la formalité de l'enregistrement du contrat a été admise. Elle met obstacle à ce qu'un négociant, près de faire faillite, puisse conférer à des prêteurs supposés, au moyen de billets à la grosse antidatés, un privilége au préjudice des créanciers légitimes. Elle est exigée pour tous les contrats à la grosse, sans distinction, et par conséquent aussi bien pour ceux qui ont été passés devant notaire, que pour ceux qui sont sous seing privé.

1267. Le contrat doit être enregistré dans les dix jours de sa date. La cour de Rennes regardait comme suffisant qu'il le

(1) Espèce: (Delattre et autres C. Leroux.) - En 1856, une société de pêcherie se constitue sous la dénomination de compagnie du Tréport. Le 14 juill. 1837, suivant acte authentique, et en vertu d'une délibération du 15 juin précédent, Lavoisier, au nom de la société, emprunta à Leroux, banquier à Paris, 34,000 fr., que celui-ci déclara prêter à la grosse. Il fut dit dans l'acte que Lavoisier obligeait la société et s'obligeait solidairement avec elle, à rendre à Leroux cette somme de 54,000 fr., dans un an du jour de l'emprunt, avec le profit maritime au taux de 12 p. 100 par an. Une autre clause portait: « Le présent prêt à la grosse aventure est fait sur les corps, quilles, agrès et apparaux des douze bâtiments de pêche ci-après désignés, appartenant à la compagnie du Tréport, ainsi qu'il résulte des actes de francisation desdits bâtiments. » Suit la désignation des bateaux, et plus loin : « En conséquence, lesdits bâtiments, avec tous leurs agrès et apparaux, répondront non-seulement du capital du présent prêt, mais encore du profit maritime stipulé en faveur de M. Leroux, et ils y demeurent affectés chacun par douzième. » — Par dérogation à l'art. 350 c. com., il fut convenu que les avaries simples resteraient à la charge de la compagnie du Tréport. Le contrat fut enregistré le 20 juillet au greffe du tribunal de commerce de la Seine (c. com. 312). 10 juill. 1838, la société est déclarée en faillite. Leroux demande à être admis, par privilége, sur le prix de vente des bateaux, pour la somme de 54,000 fr. et pour le profit maritime de 12 p. 100. Sur la contestation des syndics, jugement du tribunal de commerce d'Eu, du 22 janv. 1840, refusant au contrat du 14 juill. 1827 le caractère de contrat à la grosse, pour lui reconnaître seulement celui d'un simple prêt, rejetant le privilége et l'allocation d'intérêts supérieurs à 6 p. 100. Ce jugement est ainsi motivé:

« Vu l'acte de prêt du 14 juill. 1857, pour lequel un privilége est réclamé ; - Attendu que le contrat de grosse doit être nécessairement aléatoire; que les gros intérêts que la loi permet d'y insérer sont pour dédommager le prêteur des risques qu'il court; que la durée de ces risques est ordinairement fixée par le commencement et la fin du voyage du navire;

Attendu que le contrat de grosse doit être enregistré au greffe du tribunal, dans les dix jours de sa date, sous peine, par le prêteur, de perdre son privilége; Attendu que, quoique cette prescription de la loi n'indique pas précisément le greffe du lieu où est amarré le navire, tout doit le faire supposer, puisque le but de cette prescription est non-seulement de Sonner une date certaine, mais une plus grande et utile publicité au conIrat de grosse; Attendu que le contrat de grosse, étant de sa nature Joujours onéreux, ne doit ni ne peut être employé que pour faire face à des accidents imprévus, les réparer et conduire à sa fin un voyage déjà commencé, mais jamais comme moyen de conduire à bien une entreprise maritime; Attendu que le contrat de grosse, souscrit au profit du sieur Leroux, par le sieur Lavoisier, n'est point réellement aléatoire, puisque, outre la garantie stipulée sur les barques pour les 34,000 fr. prêtés, Lavoisier a obligé la société et s'est obligé lui-même, solidairement avec zette société, à rendre et payer à M. Leroux ladite somme; d'où il résulte que les risques maritimes étant couverts par la garantie de la société et du sieur Lavoisier, le prêteur n'en courait plus aucuns; que le prêt rentre dans la classe des prêts ordinaires, et que, conséquemment, l'intérêt de 12 p. 100 deviendrait pour ainsi dire usaraire, puisqu'il aurait pour but de dédommager de risques garantis. - Attendu que l'usage ordinaire du commerce borne l'effet du contrat de grosse à l'espace de temps

fût avant le départ du navire. Mais entre la date de l'acte et le départ du vaisseau, il peut s'écouler un temps considérable qu'on n'a pas voulu laisser libre à la fraude. L'enregistrement effectué après les dix jours ne ferait pas renaître le privilége du prêteur vis-à-vis des créanciers de l'emprunteur antérieurs à cet enregistrement; mais il conserverait, à quelque époque qu'il fût fait, le privilége à l'égard des créanciers postérieurs, car il n'y a pas de fraude à craindre envers ces derniers (Locré et Laporte, sur l'art. 312; Boulay-Paly, t. 3, p. 23; Dageville, t. 2, p. 490). - Du reste, le défaut d'enregistrement n'anéantit pas le contrat entre les parties; il ne fait que le priver de son principal effet, le privilége.

1268. M. Boulay-Paty estime, t. 3, p. 24, que l'enregistrement doit être fait au greffe du tribunal du domicile de l'emprunteur, parce que c'est là que ceux qui auraient à traiter avec lui doivent prendre connaissance de ses engagements. Mais il a été jugé avec raison que la loi n'exige pas que cet enregistrement ait lieu au greffe du tribunal dans l'arrondissement duquel l'emprunteur exerce son négoce, plutôt qu'au greffe du lieu de la confection du contrat, ou à celui du domicile du prêteur; qu'on ne peut ajouter aux dispositions de la loi, surtout quand il s'agit d'établir des déchéances; et qu'ainsi l'enregistrement fait au greffe de l'un quelconque de ces lieux, et par exemple à celui du domicile du prêteur, satisfait au vœu de l'art. 312 (Rej., 20 fév. 1844) (1).

qui existe entre le départ et l'arrivée du navire, c'est-à-dire pour un voyage dont le temps peut être fixé par la durée de ce voyage, mais jamais pour un temps déterminé indépendamment du voyage; qu'un emprunt à la grosse sur des barques de pêche, dont l'aller et le retour s'effectuent en un ou quelques jours au plus, est un fait sans exemple dans le commerce; que ce fait devient ridicule, sinon répréhensible, si le temps des risques est fixé à une année, puisque les risques cessant lorsque les barques sont dans le port, l'intérêt exorbitant de 12 p. 100 n'en est pas moins permanent au profit du prêteur; Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que le prêt dont il s'agit, sous la désignation de prêt à la grosse, n'offre que le caractère d'un prêt ordinaire déguisé, dont l'intérêt doit être réduit au taux légal, en écarlant toute présomption do mauvaise foi; Attendu que, considéré comme contrat à la grosse, le bon sens, les présomptions tirées de la loi, tout indique que, pour conserver son privilége, le prêteur devait, pour exécuter strictement les prescriptions de la loi, faire enregistrer son contrat au greffe du tribunal de commerce du port où séjournaient les barques. >>

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Appel, et le 23 mai 1840, arrêt infirmatif de la cour de Rouen, ainsi conçu « Vu les art. 311, 191, n° 9, 320 et 312 c. com.;-Et attendu que le contrat notarié, intervenu le 14 juill. 1837, entre Leroux, banquier à Paris, et Lavoisier, agissant au nom et comme gérant de la société connue sous la dénomination de compagnie du Tréport, pour la pêche de la marée, a été rédigé dans la forme et suivant les conditions tracées par le code de commerce; que c'est en présence et sous la foi d'une délibération prise en assemblée générale des sociétaires que le prêt à la grosse de 34,000 fr., aujourd'hui réclamés, a été fait sur les corps, quilles, agrès et apparaux des douze sloops de pêche, qui devaient répondre non-seulement du capital, mais encore du profit maritime stipule en faveur du prêteur; Attendu que celui-ci réclame, sur le prix des navires affectés à la garantie du prêt, et vendus après la dissolution de ladite société, tombée en faillite, le privilége que les art. 191 et 320 cidessus visés accordent au prêteur à la grosse; que les syndics contestent vainement et la nature du prêt dont il s'agit, et le privilége qui s'y rattache; que les stipulations du contrat prédaté repoussent énergiquement leurs prétentions à cet égard, puisqu'il est manifeste que le capital aventuré, dont le sort était lié à celui des sloops de pêche, eût été perdu pour le prêteur, si ces navires avaient péri; Attendu que tel est, en effet, le caractère distinctif, essentiel, du contrat à la grosse, soit qu'il ait en pour objet un voyage, un temps limité, un ou plusieurs navires, comme dans l'espèce, lesquels n'étaient pas constamment en mer, et séjournaient plus ou moins longtemps dans le port qui leur était assigné; que, si le profit maritime n'a été fixé qu'à 12 p. 100, c'est bien évidemment parce que lesdits sloops ne devaient pas tenir constamment la mer; que c'est toujours suivant les circonstances, en contemplation de chances plus ou moins périlleuses, qu'en cette matière les parties contractantes conviennent des intérêts si variés de cette sorte de prêts, justement nommés à la grosse aventure;

» Attendu, en ce qui touche le privilége réclamé sur les deniers provenant de la vente des douze bâtiments qui faisaient la matière du contrat en question, qu'il est constant que ce contrat du 14 juill. 1837 a été enregistré le 20 du même mois, à Paris, lieu de sa confection; qu'ainsi le vœu de l'art. 312, sainement entendu, a été rempli; que l'esprit, comme la lettre de co texte, résistent à la prétention élevée par les syndics de la

1209. L'assureur du billet de grosse n'est pas fondé à se prévaloir du défaut d'enregistrement de ce billet dans le délai voulu par l'art. 312 (Aix, 8 déc. 1820, aff. Crozet, V. no 1588). 1270. Celui qui est porteur à la fois d'un billet à la grosse à l'égard duquel ont été remplies les formalités prescrites par l'art. 412 c. com., et d'un autre billet non transcrit dans les termes de cet article, ne peut imputer, au détriment des tiers, sur le billet irrégulier la somme qu'il aurait touchée en cours de

faillite sur ce point; et, pour le démontrer, il suffit de faire observer que les prêts à la grosse se font ordinairement ou sur des navires à l'étranger, dans des passages lointains, ou dans un port de France, quelquefois à cent myriamètres du lieu où les parties contractent; que si, dans le premier cas, il n'y a pas d'enregistrement possible, dans l'autre la loi qui prescrit un délai de dix jours, sous peine de perdre le privilege, serait inexécutable, si le système adopté par les premiers juges était consacré But l'appel;

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» Attendu, quant à la première partie des conclusions subsidiaires, relative au profit maritime, qu'il est allégué, mais non justifié, que les risques de mer avaient cessé pour le prêteur, six mois avant la vente des douze sloops affectés à la garantie du prêt; que, d'ailleurs, cette prétendue cassation des risques n'a point été notifiée au prêteur; - Attendu, sur la délation du serment déféré par les syndics au banquier, qu'encore bien qu'il apparaisse de l'énonciation du contrat que 34,000 fr. auraient été prêtés, les syndics articulent que 30,000 fr. seulement ont été versés par ledit banquier; que, sous ce point de vue, le serment est décisoire et qu'il y a lieu de l'ordonner;-Par tous ces motifs...;-Réformant, di que l'appelant a privilége sur les douze sloops de pêche vendus par les liquidateurs de la société du Tréport, pour le capital de 54,000 fr. par lui prétés à la grosse, et pour le profit maritime convenu de 12 p. 100 par an, mais seulement jusqu'au jour de la vente desdits navires; dit qu'à partir de ce jour, l'intérêt ne sera que de 6 p. 100; ordonne que le serment déféré sera prété. »

Pourvoi par Delattre : 1° Violation des art. 512 et 192 c. com., en ce que cet arrêt a validé un prêt à la grosse déposé et enregistré au greffe du tribunal de commerce du domicile du prêteur. Il est évident, disaiton, que la loi n'a pas exigé le dépôt et l'enregistrement de l'acte de prèt à la grosse, au greffe du tribunal de commerce, seulement afin de donner à cet acte une date certaine vis-à-vis des tiers. Pour cela, l'enregistrement ordinaire aurait suffi. Cependant elle exige un enregistrement spéciai ap greffe du tribunal de commerce; elle veut même que le double ou une expédition de l'acte reste en dépôt à ce greffe. Dans quel but? C'est dans un but de publicité, pour que chacun puisse prendre connaissance du contrat, et soit averti par là, s'il se propose de traiter avec l'emprunteur et devenir créancier ordinaire, que déjà il existe sur la valeur du navire un créancier privilégié en vertu d'un prêt à la grosse, créancier qui primera toutes les créances ordinaires, en cas de faillite de l'emprunteur.-Or, s'il est vrai que le dépôt et l'enregistrement de l'acte au greffe ont eu pour objet de faire connaître aux tiers l'existence du prêt à la grosse, il s'ensuit nécessairement qu'ils doivent avoir lieu au tribunal du domicile de l'emprunteur ou du port auquel appartient le navire et non pas au tribunal du domicile du prêteur. C'est au domicile de l'emprunteur que seront contractés de nouveaux engagements relativement au navire plutôt qu'au domicile du prêteur, peut-être fort éloigné. C'est au lieu où l'emprunteur a le siége de son établissement maritime et le centre de toutes ses opérations qu'il peut trailer avec les tiers, et que, dès lors, il est utile de faire connaître au public l'existence du prêt à la grosse. Le dépôt et l'enregistrement au domicile du prêteur seraient parfaitement inutiles; car ce domicile reste inconnu aux tiers comme le prêt lui-même, et il peut arriver que jamais l'emprunteur n'ait plus d'affaires en ce lieu. Il faudrait donc parcourir tous les greffes des tribunaux du royaume pour savoir s'il a été contracté un prêt à la grosse sur tel navire; -2° Violation des art. 191, 192 et 311 c. com., en ce que l'arrêt attaqué a reconnu le caractère de prêt à la grosse à un prêt fait sur de simples barques de pêche et non sur un navire et pour un voyage, et qui, d'ailleurs, n'a point été employé a l'usage de ces barques. Il est de l'essence du prêt à la grosse que la chose pour laquelle le prêt est fait soit exposée à perir par des risques de mer, et qu'en cas de perte, le prêteur perde entièrement la somme qu'il a prêtée. Ainsi, quand des sommes sont prêtées sur un navire, il faut qu'elles aient servi à l'usage direct du navire. Elle sont alors soumises à une chance directe de perte par les risques que le navire court en mer. Dans l'espèce, les 34,000 fr. prêtés ont servi au payement de dettes de la société dont aucune n'avait pour cause l'armement ou l'équipement des barques. Le prêt manquait donc ici du caractère essentiel pour qu'il fut privilégié en vertu de l'art. 191 c. com. - Il y a plus, du principe que la somme prêtée doit courir des risques de perte pour qu'il y ait prêt à la grosse, il suit que le prêt à la grosse doit être fait sur un navire et pour un voyage. Or, d'une part, l'emprunt contracté par la compagnie du Tréport n'a point été fait sur un navire, mais sur des barques de pêche, et admit-on que ces barques fussent comprises dans l'acception générale du mot navire, toujours est-il que les risques du pré

voyage, alors même que ce billet contiendrait stipulation de payement au lieu où la somme a été reçue: l'imputation doit, au contraire, avoir lieu, à l'égard des tiers, sur le billet de grosse enregistré, et jouissant dès lors du privilége: celle stipulation de payement en cours de voyage est d'ailleurs, comme exorbitante du droit commun, de nature à faire suspecter la sincérité du titre non transcrit (Aix, 10 août 1838 (1).

1271. Si le contrat est fait à l'étranger, il est soumis aux

teur n'étaient assurément pas les mêmes que si le prêt avait été fait sur un navire; le navire est exposé à périr d'une seule fois; douze barques, au contraire, ne courent de risques que chacune séparément. — Il n'exis tait pas davantage de risque sous le rapport du voyage. Les barques ne faisaient pas ce qu'on appelle dans le langage maritime un voyage, mais de petites courses d'un jour ou deux, près de la côte, pour la pêche de la morue; aussi, ne pouvant pas indiquer un voyage, on s'est borné à exprimer que le prêt devait durer un an. -5° Violation de l'art. 191 c. com., en ce que les intérêts dus aux préteurs ne devaient pas être privilégiés. Arrêt.

LA COUR;

Attendu, sur le premier moyen, que le contrat du 14 juill. 1857 a été enregistré le 20 du même mois au greffe du tribunal de commerce du lieu de sa confection; Attendu que les art. 192 et 312 c. com., en imposant aux préteurs à la grosse l'obligation de faire enregistrer leurs contrats au greffe du tribunal de commerce, n'exigent pas que cet enregistrement ait lieu au greffe du tribunal dans l'arrondissement duquel l'emprunteur exerce son négoce, plutôt qu'au greffe du lieu de la confection du contrat, ou à celui du domicile du prêteur, et qu'on ne peut ajouter aux dispositions de la loi, surtout quand il s'agit d'etablir des déchéances;

Attendu, sur le deuxième moyen, que le prêt dont il s'agit au procès a été fait en vertu d'une délibération prise en assemblée générale des actionnaires qui en a indiqué la destination, et que le contrat de prêt luimême énonce la destination conforme, en exprimant que les deniers ont pour objet de subvenir au payement des droits, devoirs et dus des bâtiments de péche; que, si l'emploi du prêt avait été changé malgré des stinulations aussi positives, ce serait par une fraude dont le prêteur ne saurait être responsable; que, d'ailleurs, il n'est nullement établi que la somme prétée ait été détournée de la destination indiquée par les actes; - Attendu que, des termes de l'art. 190 e. com., il résulte que la loi autorise le prêt à la grosse tout à la fois sur les navires proprement dits et sur les autres bâtiments de mer; qu'il faut entendre par bâtiments de mer, quelles que soient leurs dimensions et dénominations, tous ceux qui, avec un armement et un équipage qui leur sont propres, remplissent un service spécial et suffisent à une industrie particuliere; que les sloops, barques où bâtiments de pêche forment à eux seuls le matériel d'entreprises commerciales dont l'importance se trouve démontrée par l'existence même qu'a eue la société du Tréport, et que de telles entreprises ne peuvent être privées des avantages de tous les contrats maritimes qu'autant que la loi l'aurait formellement exprimé; Attendu, au surplus, que les barques de pêche sont exposées aussi à des risques de mer; que, si elles ne sont pas employées à des voyages de long cours, elles le sont à des courses plus ou moins aventureuses, réitérées dans toutes les saisons, et qu'enfin, pour la validité du contrat à la grosse, il suffit qu'il ait eu lieu pour un temps déterminé, quel qu'il soit;

Attendu, sur le cinquième moyen, en principe que l'accessoire suit le sort du principal, et qu'ainsi le privilége acquis à celui-ci s'étend aux intérêts;

De tout quoi il suit que l'arrêt attaqué, en jugeant que la créance du sieur Leroux était admise par privilege au passif de la faillite, soit pour le capital de 54,000 fr., soit pour le profit maritime a raison de 12 pour 100 par an depuis le 14 janv. 1858, jusqu'au jour de la vente des navires, soit pour les intérêts à raison de 6 pour 100 depuis cette dernière époque, a fait une juste application de la loi; - Rejette.

Du 20 fev. 1844.-C. C., ch. civ.-M. Teste, pr.-Duplan, rap.-Pascalis, 1er av. gen., c. conf.-Godard-Saponay et Huet, av. (1) Espèce: (Barry, etc. C. Laurent.) 4 juin 1858, jugement du tribunal de Marseille en ces termes : « Attendu, en droit, que c'est un principe consacré par l'art. 1256 c. civ., qu'en matière de payemer l'imputation doit se faire sur la dette que le débiteur avait le plus grand intérêt d'acquitter, et, entre dettes d'égale nature, sur la plus ancienne;

Attendu, en fait, que les sieurs Barry et Dervieu sont porteurs de deux billets de grosse sur le sieur Gouiraud, propriétaire du navire l Solide, affecté au payement de ces billets à la grosse; — Attendu que de ces deux billets le premier est transcrit, conformément aux dispositions de l'art. 312 c. com. ; le second ne l'est pas; - Attendu que, si le défaut d'accomplissement de cette formalité n'entraine pas la nullité du contrat, elle le dépouille de son privilége; Attendu que, simple acte sous seing privé et enregistré, et sans date certaine, il ne peut, d'après l'art. 1528 c. civ., ètre opposé aux tiers, et n'est, à leur encontre, qu'un titre sans force, sans valeur, et même sans existence;

»Attendu qu'il résulte de ces derniers principes, ainsi combinés et réunis,

formalités prescrites à l'art. 234 (c. com. 312), c'est-à-dire qu'il doit avoir été autorisé par le consul français, ou, à défaut, par le magistrat des lieux, sur le vu d'un procès-verbal, signé des principaux de l'équipage, et constatant la nécessité de l'emprunt; à peine, pour le prêteur, de perdre son privilége; et cela, quand même le prêt serait directement contracté par le propriétaire des objets y affectés (Pardessus, no 900).— V. suprà, nos 436 et s. 1272. Le contrat à la grosse fait à l'étranger par le capitaine sans l'observation des formalités prescrites par l'art. 234 c. com., serait-il valable à l'égard du propriétaire du navire? le prêteur aurait-il action contre ce propriétaire en payement des sommes prêtées et du profit maritime? Cette grave question a été examinée plus haut nos 442 et suiv. Nous avons cru devoir adopter la solution affirmative consacrée par la cour de cassation, nonobstant l'avis contraire émis par MM. Pardessus et Laporte, et fortement développé par Boulay-Paly, t. 3, p. 24 et s. 1273. Le contrat à la grosse peut être fait à ordre. Déjà, sous l'ordonnance, qui gardait le silence sur les contrats à ordre, l'usage les avait admis; et l'intérêt du commerce exigeait que cet

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que le payement prétendu fait à Alger à la maison Barry-Dervieu et compagnie en une partie du fret du navire le Solide, pour le voyage de Marseille à Alger, n'a pu, au détriment des créanciers du sieur Gouiraud, porteurs de créances certaines, de billets authentiques réguliers, être imputé sur une créance douteuse reposant sur un titre sans privilége et sans authenticité, de préférence à une créance privilégiée provenant d'un contrat de grosse au profit de la même maison, et transcrit conformément à la loi; Que vainement on excipe de l'affectation spéciale sur le fret de Marseille à Alger, mentionné dans le billet de grosse non transcrit; que cette affectation, exprimée dans un titre non existant à l'encontre des tiers, dont les droits étaient nés à l'époque du payement, ne peut leur être opposée; Que si le système des sieurs Barry et Dervieu pouvait prévaloir, on pourrait, au profit de créanciers simulés, absorber d'avance, pendant le cours du voyage, le gage affecté à des créanciers légitimes et porteurs de titres privilégiés et non suspects; Attendu que, dans l'espèce de la cause, l'imputation peut d'autant moins s'effectuer sur le billet non transcrit, que cette créance est loin de rassurer complétement la conscience des magistrats; qu'il y a lieu de s'étonner, en effet, qu'une maison de commerce soigneuse de ses intérêts ait consenti à prêter de nouveaux fonds sur un navire et son fret, alors que le produit s'en trouve presque entièrement absorbé par d'autres emprunts à la grosse et par d'autres dettes privilégiées, et qu'en livrant ainsi ses deniers, cette maison n'ait pas eu la precaution de conserver ses droits et priviléges, en remplissant la formalité élémentaire prescrite par la loi; qu'on doit s'étonner encore que ce prêt, fait par l'armateur lui-même au moment même du départ du navire, n'ait pas été employé à payer entièrement les fournitures d'armement et de victuailles, puisque des créanciers de ce genre se présentent encore aujourd'hui, et à faire assurer le navire, puisque Laurent et Autran, vendeurs du navire, y ont fait procéder euxmémes après son départ, en vertu d'un jugement du tribunal de commerce, du 16 mars 1856;

» Attendu, au surplus, que les stipulations énoncées dans ce titre sont exorbitantes du droit commun; qu'elles rendent exigible, pendant le cours du voyage, une partie de la somme prêtée; tandis que, d'après la nature du contrat et l'esprit de la loi, l'emprunt ne doit être remboursé qu'à la fin du voyage; Qu'elles autorisent à recevoir en à-compte le fret de Marseille a Alger, alors que le fret ne doit être versé que comme dépôt entre les mains de Barry et Dervieu, en leur qualité d'armateurs; Attendu que les précédents de Goviraud, sa conduite envers Laurent et Autran, qu'il a voulu dépouiller de tous gages de leurs créances, ainsi que cela résulte d'un jugement du tribunal de Marseille, en date du 17 août 1837, ne sont pas de nature à mériter la confiance de la justice; - Que, d'après toutes ces considérations, en fait et en droit, la somme de 1,648 fr. reçue à Alger par les sieurs Barry et Dervieu doit être imputée sur le montant du billet de grosse, dont la sincérité et l'existence ne sont pas contestées; Que c'est dans ce sens que doit être réformé l'état de collocation provisoire par les sieurs Laurent et Autran, vendeurs non payés du navire dont le prix et le fret sont mis en dis ribution;

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Par ces motifs, le tribunal réforme l'état de distribution du prix du navire le Solide, vend sur saisie au préjudice du sieur Gouiraud, ainsi que du montant du fret, en ce qui concerne la collocation faite au profit des sieurs Barry, Dervieu et compagnie, laquelle est et demeure réduite d'une somme principale de 1,648 fr., laquelle réduction profitera d'autant à la collocation obtenue par les sieurs Laurent et Autran. » -Appel.-Arrêt. LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges, confirme. Du 10 août 1858.-C. d'Aix.-M. Pataille, 1er pr.

(1) Espèce: (Bouten C. Van-Lerius.) Le 15 août 1807, contrat à la grosse passé devant notaire, à Amsterdam, entre le capitaine bouten et Gerrit Scholten. Ce contrat porte que celui-ci a prété à celui-là

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usage fût sanctionné. De là l'art. 313 c. com., amsi conçu: « Tout acte de prêt à la grosse peut être négocié par la voie de l'endossement, s'il est à ordre. En ce cas, la négociation de cet acte a les mêmes effets et produit les mêmes actions en garantie que celle des autres effets de commerce » (sauf néanmoins ce qui est dit à l'art. 314 ci-après). La cour de Rennes demandait que tout acte de prêt à la grosse fût négociable de plein droit, s'il n'y avait convention contraire. Mais il a paru préférable de ne le déclarer négociable que quand il serait à ordre. .

1274. L'acte de grosse qui n'est pas à ordre ou au porteur n'est qu'une créance ordinaire dont le transport est réglé, quant à ses formes et à ses effets, par les dispositions des art. 1690 et suiv. c. civ. Le cessionnaire serait alors exposé aux compensations et autres exceptions qui pourraient être opposées au cédant (Boulay-Paty, t. 3, p. 98; Dageville, t. 2, p. 495).

1275. Un contrat à la grosse est négociable, lors même qu'il n'y est pas dit expressément qu'il est à ordre, si, d'ailleurs. il contient des expressions équipollentes, telles que payable à un tel, ou au porteur légitime (Req. 27 fév. 1810) (1).—On ne peut

7,000 florins de Hollande; que cette somme a été prêtée pour l'utilité du navire la Jeune-Catherine, destinée pour un port de France, et que, trois jours après l'arrivée du navire dans ce port, les 7,000 florins seront payés au prêteur ou au porteur légitime du contrat, avec 7 pour 100 de prime ou intérêts.-Le capitaine Bouten mit à la voile à Rotterdam pour Anvers. Le contrat à la grosse fut endossé par le prêteur à l'ordre de Van-Lerius, négociant à Anvers. Après son arrivée à Anvers, le capitaine Bouten a été sommé de payer.-Refus; assigné devant le tribunal de commerce d'Anvers, il a soutenu que le contrat à la grosse n'avait pu être négocié n'étant pas à ordre.

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Le 23 août 1808, jugement: « Attendu que l'art. 313 c. com. dit en toutes lettres que tout acte de prêt à la grosse peut être négocié par là voie de l'endossement, s'il est à ordre, d'où il résulte, à contrario, que s'il n'est pas à ordre, il ne peut pas être négocié par la voie de l'endossement; que le contrat à la grosse dont il s'agit n'est pas à ordre, mais porte seulement la faculté au porteur d'en recouvrer le montant; que, le mot à ordre étant sacramentel, celui qui est porteur du contrat, quand ce mot y est inséré, ne peut être considéré que comme un mandataire pour en exiger le montant, ou tout au plus comme simple cessionnaire qui, dans ce cas, n'aurait pas plus de droits que son cédant, et à qui on pourrait par conséquent opposer la compensation ou toutes autres exceptions qu'on pourrait opposer au cedant. >>

Appel. Van-Lerius prétendit que, le contrat à la grosse ayant été passé à Amsterdam, c'était d'après les lois de cette ville qu'il devait être apprécié; et que d'après ces lois, il était permis de transmettre, par la voie de l'endossement, tout contrat à la grosse, payable au porteur légitime. Le 15 déc. 1808, arrêt de la cour de Bruxelles : « Attendu qu'il est prouvé au procès que, dans la ville d'Amsterdam, lieu du contrat à la grosse, l'acte portant tel contrat était transmissible par endossement; qu'au surplus, dans l'espèce, le preneur à la grosse a promis de payer au porteur légitime du contrat; d'où il résulte que, si même la législation française devait servir à la decision de la présente cause, d'apres l'art. 513 c. com., l'acte serait transmissible par simple endes

sement. >>

Pourvoi de Bouten. Il soutenait : 1° que les juges devaient appliquer la loi française, et nom celle d'Amsterdam. 2° Que, d'après les lois françaises, un contrat à la grosse n'était négociable que dans le cas où il était à ordre. V. Emérigon, ch. 9, sect. 1, et Discours au corps législatif par M. Corvetto.

Au surplus, en supposant ce contrat négociable, le cessionnaire ou porteur ne pouvait être affranchi des exceptions qui pouvaient être opposées à l'endosseur primitif.-La loi assimile bien le simple endossement à un transport, et dispense bien celui en faveur de qui il a été fait de le signifier au débiteur; mais l'effet endossé reste d'ailleurs soumis aux régles générales. Or dans le cas d'une obligation non négociable, le cessionnaire qui aurait fait signifier le transport au débiteur, pourrait-ii repousser les exceptions que ce dernier ferait valoir contre lui, et qu'il aurait pu opposer au cédant? Non, sans doute. Il doit donc en être do même a l'égard du tiers porteur d'un effet négocié et qui était susceptible de l'être. En jugeant le contraire, la cour de Bruxelles a violé la maxime: Nemo plus juris in alium transferre potest quàm ipse habet.

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Nous accorderous au demandeur, a dit M. Daniels, portant la parole dans cette affaire, que, pour déterminer la valeur et les effets de l'endossement dont il s'agit, on doit recourir, non pas aux usages d'Amsterdam, ma s aux lois françaises. Mais il nous semble qu'aux termes mêmes du code de commerce, le contrat à la grosse, signé par le demandeur, est à ordre; que, par conséquent, il pouvait être négocié. Le mot ordre ne se trouve pas, à la vérité, dans ce contrat à la grosse ; mais aucune loi n'exige qu'on s'exprime précisément en ces termes : il

opposer au tiers-porteur de bonne foi d'un contrat à la grosse negociable les exceptions dont le prêteur serait passible (même arrêt).

1276. Mais celui qui n'est porteur d'un billet de grosse qu'en vertu d'un endossement en blanc, est réputé simple mandataire du prêteur, surtout quand il ne prétend point avoir déboursé la valeur de ce billet; il ne peut dès lors réclamer le privilége de tiers porteur, et est passible des exceptions que le souscripteur peut opposer au prêteur, son mandant (Bordeaux, 5 fév. 1839) (1).

1277. Le cessionnaire d'un billet de grosse à ordre en devient le véritable propriétaire, et dès lors le profit maritime lui appartient. Par la même raison, il est passible des risques maritimes qui, avant la cession, étaient à la charge du donneur; de sorte qu'en cas de perte, par fortune de mer, des objets affectés au prêt, ce cessionnaire n'a rien à réclamer, soit contre son cedant, soit contre le preneur.

1278. L'acte de grosse à ordre qui a été négocié, doit être protesté, faute de payement, de même que tous les autres effets de commerce, et dans les mêmes délais, à peine par le porteur d'encourir les mêmes déchéances (c. com. 162, 168). Si donc le billet est payable à jour prefix, à tant de mois ou de jours, le porteur doit exiger le payement au jour indiqué, ou faire protester le lendemain (Boulay-Paty, t. 3, p. 104; M. Pardessus, n° 899).

voquées contre lui (MM. Boulay-Paly et Pardessus, iisd.).—Il a été jugé, d'après ces règles,' que dans le cas où l'exigibilité du contrat à la grosse provient du déroutement (changement de route) du navire, le porteur est tenu, à peine de perdre son recours contre les endosseurs, de faire protester le lendemain du jour où il a connu le déroutement, et où il l'a notifié à ces derniers (trib. de com. de Marseille, 19 avril 1820) (2).

1280. La garantie de payement (du billet de grosse à ordre qui a été négocié) ne s'étend pas au profit maritime, à moins que le contraire n'ait été expressément stipulé (c. com. 514), c'est-àdire que, s'il y a heureuse arrivée, et que, par l'effet de circonstances particulières, celui au profit duquel l'acte de prêt a été endossé, ne puisse se faire rembourser ni le capital ni le profit, il aura recours contre son endosseur, mais seulement pour le capital, à moins de stipulation contraire, parce que ce dernier n'ayant reçu que ce capital, il paraît juste que la garantie par lui due ne s'étende pas au delà. La cour de Rennes voulait, au contraire, que le profit maritime suivit, comme accessoire, le sort du prin cipal, et fùt compris dans la garantie dérivant de l'endossement. Mais ce système a été repoussé.-V. les motifs et rapp., no 16. SECT. 3.- Des choses qu'on peut prêter à la grosse et de celles qui peuvent être affectées au prét.

1281. Des choses qu'on peut préter à la grosse. — Ainsl que nous l'avons déjà dit, la chose prêtée consiste ordinairement en une somme d'argent; mais rien n'empêche de prêter toute es

1279. Toutefois, cette règle, en ce qui concerne le délai du protêt, peut être modifiée suivan! les circonstances et la nature des choses. Si l'époque du remboursement du prêt est indé-pèce de choses appréciables, susceptibles de se consomme, terminée, comme cela a lieu, par exemple, sauf clause contraire, lorsque les risques ne doivent durer que jusqu'à l'arrivée du navire à telle hauteur en mer, le porteur, ne pouvant connaftre cette arrivée au moment même où elle a lieu, ne doit exiger le payement ou faire protester qu'aussitôt qu'il en est instruit. C'est, du resté, aux tribunaux à apprécier, en pareil cas, d'après les circonstances, les exceptions de déchéance qui seraient in

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suffit que l'ordre y soit virtuellement; et les termes payable à un tel ou au porteur légitime, expriment la même chose. Dans l'un comme dans l'autre cas, le débiteur déclare que son intention est de faire regarder son engagement comme s'il avait été pris, non-seulement envers le créancier primitif, mais encore envers tout autre porteur du billet ou contrat à la grosse. Si la cour admet ce principe, elle ne balancera pas à décider que le tiers porteur n'était pas passible des exceptions qui auraient pu être opposées à l'endosseur primitif. Il est vrai que le code de commerce n'a pas établi expressément pour les effets négociables une exception à la maxime invoquée par le demandeur. Mais l'usage général a consacré cette exception; et l'on ne doit pas croire que tous les usages de commerce, reconnus et respectés depuis des siècles, doivent se trouver écrits dans le code pour conserver leur empire. Arrêt.

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LA COUR; Attendu que l'obligation de payer au porteur contractée par l'acte de prêt à la grosse, a le même effet que celle à ordre, quant à la faculté de le transmettre par la voie de l'endossement; que, par conséquent, en déclarant valable l'endossement de celui dont il s'agit, l'arrêt attaqué n'a contrevenu à aucune loi; - Que, dès lors, la pégociation de l'acte ayant les mêmes effets que celles des autres effets de commerce, le débiteur ne peut opposer au porteur aucune des exceptions qu'il aurait pu opposer au cédant; ce qui justifie suffisamment cet arrêt; Rejette, etc. Du 27 fév.1810.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Cassaigne, rap.

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(1) Espèce: (Delbos C. Postel.) - Postel, capitaine du navire la Dryas, souscrit au profit de Leusinger et comp., ses consignataires, une lettre de change de 12,765 fr. 95 c. pour solde de son compte courant avec eux; et, pour donner à ses créanciers un privilége sur le navire, il leur consent en même temps un contrat à la grosse pour la même somme de 12,765 fr. 95 c., avec stipulation d'un profit maritime de 60 p. 100. -24 mars 1856, la traite est protestée faute d'acceptation. Postel arrive à Bordeaux avec son navire. La veuve Delbos, porteur du contrat à la grosse, en vertu d'un endossement en blanc, en demande le payement. Postel offre de payer le montant de la lettre de change avec les intérêts à 6 p. 100 et les frais, mais il refuse de payer les profits maritimes. Il soutient que le prêteur n'ayant eu aucun risque maritime à courir, il ne lui était dû aucun profit; que le contrat d'assurance n'ayant été transmis à la veuve Delbos que par un endossement en blanc, elle était mandataire de Leusinger, et, dès lors, passible des exceptions qui pouvaient être opposées à ses mandants.-27 nov. 1837, jugement du tribunal de Bordeaux, conforme aux conclusions de Postel.- Appel. Arrêt.

LA COUR; Attendu que le contrat à la grosse ne contient, en faveur des appelants qu'un endossement en blanc;- Qu'ils ne prétendent point

dont l'emprunteur puisse librement disposer.-Il a été jugé que le montant d'une facture de marchandises vendues et dont l'acquit est remis contre un billet de grosse de la même somme souscrit par l'acheteur, est un aliment valable et suffisant pour le contrat de grosse (trib. de com. de Marseille, 30 août 1827, aff. Bourly). 1282. L'emprunteur peut faire tel usage qu'il lui plaît de la somme empruntée, sans que le défaut d'utilité de l'emploi par

en avoir déboursé la valeur ;-Qu'ils ne peuvent dès lors être considérés que comme mandataires de Leusinger et comp.; Que le capitaine Postel peut leur opposer les mêmes exceptions qu'à leurs commettants; Attendu que les appelants, en se conformant aux instructions qu'ils ont reçues, prétendent qu'il avait été convenu, entre Leusinger et comp., et le capitaine Postel, que celui-ci serait tenu de payer le contrat à la grosse et le profit maritime dans le cas où la lettre de change ne serait pas acquittée à l'échéance; mais que cette convention n'est nullement prouvée, et qu'il n'y a pas lieu d'en examiner le mérite; Attendu que le contral à la grosse est essentiellement aléatoire, et que le risque couru par le donneur peut seul l'autoriser à recevoir légitimement le profit stipulé.

Attendu que la lettre de change dont il s'agit au procès, soit qu'on la considère comme inhérente au contrat, soit comme postérieure d'un jour à cet acte, a eu pour effet de faire cesser ce qu'il y avait d'aléatoire dans le contrat, et d'autoriser le prêteur à se faire payer de la somme prétée, alors même que le navire aurait péri; Que, dans cette situation, le contrat à la grosse ne peut pas avoir d'effet, et que le capitaine Pustel est valablement libéré en payant le montant de la traite; - Attendu que si des assurances ont été faites par les appelants, elles ont eu lieu dans leur intérêt, et qu'elles sont étrangères au capitaine; d'où il suit qu'il ne peut être tenu d'en rembourser les primes; Met l'appel au néant. Du 5 fév. 1859.-C. de Bordeaux, 1re ch.-M. Roullet, 1 pr. (2) Espèce: (Jumelin C. Bonnet.) Le 30 mars 1819, Bonnet, propriétaire et commandant du brick l'Emile, souscrit à l'ordre de Doi ur billet à la grosse. Le prêt était fait pour le voyage de Marseille à SaintThomas et retour, et remboursable la quinzaine après ce retour. Le billet fut successivement endosse à plusieurs commerçants, et en dernier lieu à Jumelin. — Arrivé à Saint-Thomas, le navire, au lieu de revenir à Marseille, fait voile pour Amsterdam. Instruit de cet événement qui rompait le voyage, Jumelin assigne en payement le souscripteur et les endosseurs du billet. Les endosseurs soutiennent que sa demande est non recevable à leur égard, pour n'avoir pas été précédée d'un protêt effectué à l'époque où Jumelin avait été instruit du déroutement. — Jugement. LE TRIBUNAL; Considérant que le sieur Jumelin était obligé de faire protester le lendemain du jour où le déroutement lui a été connu et où il l'a notifié aux endosseurs, aux termes de l'art. 162 c. com. ; que la déchéance prononcée par l'art. 168 du même code est formelle; que le sieur Jumelin n'excipe d'aucune force majeure qui l'ait empêché de protester; qu'il pouvait faire protester quand il a fait ajourner le soucripteur et les endosseurs; que ne l'ayant pas fait, etc. - Déclare la demande de Jumelle non recevable à l'égard des endosseurs.

Du 19 avril 1820.-Trib. de com. de Marseille

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DROIT MARITIME.

lui fait de cette somme puisse être invoqué contre le prêteur comme moyen de nullité du contrat. Il a été jugé, en ce sens, d'une part, qu'on peut valablement emprunter à la grosse des sommes destinées à subvenir au payement des droits, devoirs et dus d'un ou plusieurs bâtiments, sans que ce prêt puisse être attaqué sous le prétexte qu'en pareil cas les sommes empruntées ne sont pas destinées au service direct des bâtiments, mais bien au payement des dettes du propriétaire armateur (Rej, 20 fév. 1844, aff. Leroux, V. no 1268); - Et que, d'un autre côté, celui qui a prêté à la grosse des sommes destinées, d'après le contrat, à subvenir aux besoins du navire, n'est point tenu de veiller à ce qu'elles reçoivent cette destination. Si l'emploi du prêt vient à élre changé, c'est par une fraude dont le prêteur n'est point responsable (même arrêt). - V. infrà, no 1392.

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sur

1283. Des choses qui peuvent être affectées à l'emprunt à la grosse. - Les emprunts à la grosse peuvent être affectés sur le corps et quille du navire, sur les agrès et apparaux, l'armement et victuailles, sur le chargement, sur la totalité de ces objets conjointement, ou sur une partie déterminée de chacun d'eux (c. com. 315; ord. 1681, tit. des contr. à la grosse, art. 2). — En un mot, toutes les choses qui, étant dans le commerce, sont exposées à des risques maritimes, peuvent être la matière d'un contrat à la grosse.

1284. L'argent donné sur le corps et quille du vaisseau s'entend du prêt d'une somme fournie pour être employée au payement des frais de radoub, ce qui comprend les matériaux employés à ce radoub et les journées des ouvriers. Le prêt fait sur les agrès et apparaux s'applique aux voiles, cordages, vergues, poulies et autres ustensiles du navire. Celui sur l'armement et les victuailles s'applique aux canons et autres armes, aux provisions de guerre et de bouche (Valin, sur l'art. 2, Cont. à la grosse), aux avances faites à l'équipage, et à tous les frais jusqu'au départ (Boulay-Paty, t. 3, p. 110).

1285. On doit considérer comme pouvant être affectés à un contrat à la grosse tous les bâtiments de mer qui, avec un armement et un équipage qui leur sont propres, remplissent un service spécial et suffisent à une industrie particulière, quelles que soient d'ailleurs leurs dimensions et dénominations, et quelque limitée que soit la durée de leurs voyages. De ce nombre sont notamment les sloops, barques ou bâtiments de pêche formant à eux seuls le matériel d'une entreprise commerciale (Rej., 20 fév. 1844, aff. Leroux, V. no 12€8).

-

1286. Le prêt fait sur le chargement ou sur facultés affecte toutes les marchandises chargées sur le bâtiment. Il affecte même, lorsque le contrat contient la clause de faire échelle, nonseulement les marchandises chargées lors du départ, mais encore celles qui ont été chargées pour le compte du preneur pendant le voyage. Quant aux marchandises achetées par le preneur au port de la destination ou durant la traversée de retour, il est évident qu'elles ne sont pas affectées au prêt, quand celui-ci n'a été fait que pour le voyage d'aller. Mais il en est autrement lorsque le contrat a été fait d'entrée et de sortie du port de destination: dans ce cas, les marchandises de retour chargées pour le compte du preneur sont affectées au prêt, à l'exception toutefois de celles qui seraient chargées volontairement et sans nécessité sur des bâtiments autres que celui désigné au contrat; car le prêteur n'est point responsable des risques de ces dernières marchandises, alors même qu'elles auraient été achetées avec le produit de celles transportées au lieu de destination (Émérigon, ch. 5, sect. 1, § 2; Delvincourt, t. 2, p. 310).

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tés, le donneur a un privilége solidaire sur l'un et sur l'autre, parce que, dit Émérigon, t. 2, p. 561, « le preneur par une conjonction re et verbis, n'a établi qu'un seul capital de l'intérêt qu'il avait au navire et aux marchandises. Ce capital est affecté par privilége et sans division au donneur, qui peut se payer sur l'un et sur l'autre des deux objets, ou sur les deux pris ensemble. » 1288. L'emprunt peut n'être fait que sur telles marchandises, ce qui exclut les autres marchandises appartenant au même propriétaire. Il peut aussi l'être sur les pacotilles, sur telle pacotille, ou même sur une quotité: dans ce cas, le reste du chargement n'est pas affecté. En cas d'emprunts distincts sur la cargaison, puis sur les pacotilles, ces deux objets formeraient deux masses séparées, produisant aussi des retours séparés (parlem. d'Aix, 21 juill. 1779.— Conf. Émérigon, t. 2, p. 475).

1289. L'énonciation insuffisamment expliquée s'interprèté contre le preneur. Le prêt fait, par exemple, soit sur le corps, soit sur les facultés de tel navire, ne donnerait pas à l'emprunteur le droit de rejeter le risque soit sur le corps, soit sur les facultés, à son choix, suivant l'événement; la convention devrait s'exécuter sur la totalité de l'intérêt du preneur tant sur l'un que sur l'autre objet (Dageville, t. 2, p. 499; Boulay-Paty, 1. 3, p. 116).

1290. Quoiqu'en général l'emprunt fait sur tel navire doive s'appliquer au corps du navire, il peut néanmoins aussi, suivant les circonstances du fait et l'intention présumée des parties, s'appliquer aux facultés. C'est ce qui aurait lieu, non-seulement si l'emprunteur sur tel navire n'avait intérêt que sur le chargement, mais encore dans le cas où il serait intéressé tout à la fois dans le navire et dans la cargaison, si la somme empruntée était relative à la valeur du chargement et à celle du navire réunies. A l'appui de cette décision, Emérigon, t. 2, p. 577, invoque la loi Cùm tabernam 34, ff. De pignor., aux termes de laquelle celui qui hypothèque son magasin est censé hypothéquer les effets qui s'y trouvent. Le patron, ajoute-t-il, qui fait la caravane avec son navire et ses fonds propres, considère le tout comme formant l'objet indivisible de son commerce nautique (Conf. parlem. d'Aix, 24 janv. 1748; Valin, t. 2, p. 5; Boulay-Paty, t. 3, p. 117). M. Dageville, t. 2, p. 499, combat avec force un jugement du tribunal de Marseille, rendu en sens contraire, le 1er fév. 1822.

1291. A l'exemple de l'art. 4, tit. 5, de l'ord. de 1681, l'art. 318 c. com. déclare que tous emprunts sur le fret à faire du navire et sur le profit espéré des marchandises, sont prohibés. Le prêteur, dans ce cas, n'a droit qu'au remboursement du capital, sans aucun intérêt.—Cette prohibition est fondée sur ce que le fret à faire, le profit espéré ne sont, au moment du contrat, que des objets incertains et sur lesquels, dès lors, ne peut porter le prêt à la grosse, étant de l'essence de ce prêt que le capital en soit représenté par les objets y affectés. Elle est fondée, en outre, relativement au fret à faire, sur ce que l'emprunt sur ce fret aurait nécessairement pour effet, au grand préjudice de l'expédition, de rendre l'emprunteur indifférent au succès de celle-ci, la perte du chargement étant désormais à la charge du prêteur.-V. au surplus les motifs et rapp. no 50.

1292. Comme, en cas de contravention à la prohibition de l'art. 518, le prêteur et le preneur sont également coupables d'avoir transgressé la loi, la nullité du prêt peut être invoquée par une et l'autre des parties (Conf. M. Dageville, t. 2, p. 516).

1293. Cette circonstance que le prêteur est en faute, aussi bien que l'emprunteur, dans le cas de l'art. 518, expliqué aussi pourquoi cet article ne lui accorde que le remboursement du capital, sans aucun intérêt. Il est vrai qu'il sera ainsi seul puni d'une infraction à la loi dans laquelle il a eu pour complice l'emprunteur, puisque celui-ci ne lui payera pas l'intérêt des sommes dont cependant il aura joui; mais le législateur a pensé que le plus sûr moyen de prévenir les prêts prohibés était précisément de punir les prêteurs (V. les motifs et rap., no 18), Ainsi donc, dans le cas de l'art. 318, le prêteur n'a droit à aucun intérêt (st ce n'est du jour de la demande), quand même le navire reviendrait à bon port.-Mais, réciproquement, l'emprunteur est tenu de rembourser le capital, quand même il y aurait perte entière. - V. Pothier, Contr. à la grosse, no 14.

1287. L'emprunt à la grosse peut être fait sur les objets ci-dessus désignés ensemble ou séparément. Il peut être fait sur tout ou partie de ces objets (c. com. 315). —Dans l'usage, à moins que le contraire ne résulte évidemment de la convention ou des circonstances, le prêt sur corps et quille affecte les agrès, apparaux, armement et victuailles, le corps ne faisant qu'un même tout avec ses accessoires (Émérigon, ch. 5, sect. 1, § 2; Valin, loc. cit.) — Mais le prêt sur le navire ne porte pas sur ses facultés, parce qu'elles en sont indépendantes. Et vice versa, le prêt sur facultés ne porte pas sur le bâtiment. — Le prêt sur facultés, sans autre explication, porte sur l'entier intérêt appartenant au preneur tant sur la cargaison que sur les pacotilles 1294. Mais le prêt est permis sur le profit acquis des mar(Boulay-Paty, t. 3, p. 112). — En cas de prêt sur corps et facul-chandises; ainsi, un chargement valant 30,000 fr. a été assuré

TOME XVIII.

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