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le code des transactions maritimes, et qui traitent des avaries, du

prêteur, parce que, en cas de fraude, on aurait pu penser qu'elle prononçait toujours la nullité du contrat.-Ces considérations nous ont amenés a une rédaction que nous avons crue plus exacte. L'art. 127 (316) du projet porte la nullité du contrat, quel que soit l'objet sur lequel le prêt est affecté; mais cette nullité ne doit être déclarée que sur la demande du prêteur.

L'expression générique des objets sur lesquels le prêt est affecté com prend, suivant la différence des cas, la totalité ou la partie du navire ou des marchandises. Le contrat étant déclaré nul n'a pu produire aucun effet, ni par conséquent aucun profit maritime. L'option accordée au prêteur n'est qu'une suite naturelle des principes que l'on doit appliquer à cette espèce, et une nouvelle garantie de ses véritables intérêts. En effet, il s'agit de fraude. Ce n'est pas celui-là même qui est en fraude qui pourrait l'alléguer; ce serait le prêteur, à la charge de la prouver. Et si le prêteur préfère de ne point intenter cette action, dont l'instruction pourrait être difficile et le résultat incertain, comment lui en contester la faculté? ce serait, dans la supposition contraire, le condamner, sans exception, aux chances d'un procès qui pourrait tourner à son préjudice; il se trouverait quelquefois compromis ou ruiné par la faveur apparente de la loi.

Il est bien vrai que le prêteur ne réclamant pas la nullité d'un contrat fait en fraude, pourrait, dans le cas de l'arrivée du navire ou des marchandises, exiger la somme prêtée et le profit maritime, quoiqu'il n'eût point couru un risque proportionné; mais cette faveur lui est due d'un côté, d'après ce que nous venons do dire; et cette punition est due, de l'autre, à l'emprunteur qui est en fraude. Celui-ci gagne même à cette espèce de transaction: il rachète, par ce payement, la honte d'un procès, et le risque d'une condamnation criminelle.

18. Le développement que je viens de donner à l'art. 127 m'impose le devoir de justifier les dispositions de l'art. 129 (318), qui rétablit là peine de nullité, sans aucun égard à la demande du prêteur, toutes les fois que le prêt est affecté sur quelqu'un des objets prohibés par la loi. La différence des deux cas est sensible: l'emprunteur est le seul coupable dans les cas de l'art. 127. Ici le prêteur est son complice; car ils connaissaient l'un et l'autre la disposition prohibitive de la loi. Le préteur, à la vérité, est le seul puni dans ce cas; car il ne reçoit aucun intérêt de la somme prêtée; et l'emprunteur en a joui, en attendant: mais aussi le plus sûr moyen de prévenir les prêts prohibés, est précisément de punir les prêteurs. On ne trouvera point à emprunter toutes les fois qu'il n'y aura qu'à perdre en prêtant.

19. L'art. 130 (319) généralise la défense que l'ordonnance avait rendue partielle, de prêter à la grosse sur les loyers des gens de mer.-Qu'il me soit permis d'entrer ici dans quelques détails. On conçoit, disaient les commentateurs de l'ordonnance, de quelle dangereuse influence il serait de permettre aux matelots d'emprunter sur leurs loyers, puisque le gain de leur loyer les attache autant que la crainte de la mort à la conservation du navire? Et d'abord, n'y aurait-il pas peut-être de l'inconséquence à affaiblir ce motif, en diminuant presque de la moitié, comme le permettait l'ordonnance, l'intérêt du matelot à la conservation du navire? Mais il faut consulter l'expérience; il faut remonter à des principes. -Les contrats à la grosse sont sans doute nécessaires; mais, en général, ils sont onéreux. Le profit maritime que l'on y stipule est au-dessus, non-seulement de tout intérêt ordinaire, mais de toute prime d'assurance; et quoique cet intérêt puisse être juste, il n'en écrase pas moins le preneur, toutes les fois que celui-ci n'a pas en vue une spéculation assez lucrative et assez grande pour lui faire espérer un bénéfice extraordinaire. Or, il faut avouer qu'un simple matelot ne se trouve guère dans ce cas: et quand même ce cas se présenterait en effet, quelle somme le matelot pourrait-il tirer d'un emprunt à la grosse, qui n'aurait pour base que quelque chose de moins que la moitié de ses minces loyers? Il essuierait tous les inconvénients d'un prêt onéreux, sans pouvoir jamais espérer d'en atteindre les avantages.

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jet, de la contribution, des fins de non-recevoir et des prescriptions,

veur quelques exemples, nous n'hésiterions pas à répondre que ce ne sera certainement pas en France, et dans une matière de tant d'importance, que la législation naturalisera la fureur du jeu et l'immoralité des paris.

Il n'y a qu'à faire l'application de ces principes à l'objet qui nous occupe. Le loyer du matelot dépend de l'arrivée du navire, de la durée du service: il n'est par conséquent qu'espéré; il n'existe pas, il n'a pas existé, il ne constitue pas un véritable risque au moment du contrat; il est même impossible de prévoir jusqu'à quel point il existera dans la suite. Nulle différence dans ce cas entre le fret à faire par le navire, et le loyer à gagner par le matelot, et si l'ordonnance prescrivait elle-même que le fret à faire ne pourrait fournir le sujet d'un emprunt à la grosse, comment se refuser à la déduction exacte d'un principe reconnu, quand il s'agit de l'appliquer, à bien plus forte raison, aux loyers des gens, dont l'intérêt ne saurait être trop lié à la conservation du navire?

20. Une observation importante se présente encore sur l'art. 142 (351) du projet, et le dernier du titre qui concerne les contrats à la grosse; S'il y a contrat à la grosse et assurance sur le même navire ou sur le même chargement, l'art. 142 établit une concurrence entre le donneur à la grosse et l'assureur sur le produit des effets sauvés du naufrage : il accorde même quelque avantage à ce dernier; pendant que l'ordonnance accordait au contraire un privilége au donneur à la grosse. - Il est à observer que le contrat à la grosse était, à l'époane de l'ordonnance, bien plus répandu et plus utile qu'il ne l'est des jours. Le système des assurances s'étant amélioré depuis cette époque, les rapports ont entièrement changé. Il serait actuellement impossible qu'un grand commerce. subsistât sans assurances, et il serait impossible qu'il subsistât longtemps avec les contrats à la grosse. La raison de la préférence accordée à cette dernière espèce de contrat a donc cessé, et il a fallu rentrer, par une route presque opposée, dans ce même système d'équité que l'ordonnance avait établi sous des rapports différents.

21. Nous arrivons, Messieurs, au contrat d'assurance, et je touche presque à la fin des observations que je devais vous soumettre. Il est agréable de reposer un instant l'attention fatiguée sur ce beau contrat, noble produit du génie, et premier garant du commerce maritime. Les chances de la navigation entravaient ce commerce. Le système des assurances a paru; il a consulté les saisons; il a porté ses regards sur la mer; il a interrogé ce terrible élément; il en a jugé l'inconstance; il en a pressenti les orages; il a épié la politique; il a reconnu les ports et les côtes des deux mondes; il a tout soumis à des calculs savants, à des théories approximatives; et il a dit au commerçant habile, au navigateur intrépide: certes, il y a des désastres sur lesquels l'humanité ne peut que gémir; mais quant à votre fortune, allez, franchissez les mers, déployez votre activité et votre industrie je me charge de vos risques. Alors, Messicurs, s'il est permis de le dire, les quatre parties du monde se sont rapprochées. Tel est le contrat d'assurance. En traçant les dispositions qui le concernent, avec combien de plaisir nous nous sommes renfermés dans le beau système de l'ordonnance! Es forme presque, sous ce rapport, le droit commun des nations. Feu de modifications nous ont paru nécessaires; je n'en indiquerai que les plus importantes.

22. Nous avons exigé, dans l'art. 143 (352), l'indication du jour où le contrat d'assurance est souscrit: nous avons même voulu qu'il y fût énoncé si la souscription a lieu avant ou après midi : ces dispositions sont nouvelles, elles n'en sont pas moins nécessaires. Il est généralement senti combien il est utile de dater le contrat. Les assurances qui, en couvrant tout le risque, se trouvent antérieures à d'autres, qu'on aurait faites sur le même risque dans la suite, annulent ces dernières. L'époque du contrat, le point fixe, l'heure même de cette époque seraient d'ailleurs necessaires à établir pour régler les cas où il pourrait y avoir présomption de la nouvelle de l'arrivée ou de la perte du navire au temps de l'assurance; et, en général, pour régler les droits de tous les créanciers qui pourraient avoir intérêt dans le bâtiment ou dans l'objet assuré. I faut convenir que ce raisonnement nous conduisait à imposer le devoir de l'indication de l'heure précise où le contrat serait souscrit. Mais

et faciles du commerce. On ne saurait, dans la pratique, exiger, sans beaucoup d'inconvénient, une précision plus grande que celle que nous avons demandée.

Mais il y a plus: l'art. 4 de l'ordonnance défend les emprunts à la grosse, sur le fret à faire; et en consultant l'esprit général de ce bel ouvrage, nous voyons que ses rédacteurs ont exigé partout un risque réelle-ici, la stricte sévérité des principes a dû s'accommoder aux formes larges ment existant pour base d'un contrat à la grosse ou d'une assurance. De là, la réduction des contrats, ou même leur annulation en cas de fraude, toutes les fois que le risque est évalué au-dessus de sa réalité. De là, la défense de prêter sur des profits espérés. De là, l'obligation imposée à P'emprunteur et à l'assuré de prouver l'existence d'un risque proportionné à l'emprunt ou à l'assurance. Il s'ensuit que tout prêt ou toute assurance qui n'auraient point pour objet un risque véritable, ne seraient dans le fond qu'une gageure. L'assureur et le prêteur parieraient que le bâtiment arriverait à bon port: l'assuré et le preneur parieraient le contraire. Par ce système, tout se trouverait renversé. Au lieu d'intéresser tout le monde à la navigation heureuse d'un navire, on établirait des intérêts contradic toires. L'assuré aurait tout à gagner à la perte du navire: en payant une faible prime, il exigerait le montant de l'assurance: le preneur à la grosse n'aurait, en cas de perte, pas même de prime à payer. Il est facile de sentir les inconvénients d'un pareil système; et si l'on citait en sa fa

23. Nous avons dit, à l'art. 145 (554), que toutes les valeurs estimables à prix d'argent et sujettes aux risques de la navigation, peuvent former un sujet d'assurance. Cette rédaction nous a paru répondre avec une plus grande exactitude à l'esprit des art. 9 et 10 de l'ordonnance, qui permetlent d'assurer la liberté des hommes, et qui défendent de faire des assurances sur leur vie. La liberté est estimable à prix d'argent; la vie de l'homme ne l'est pas. Cependant il y a une exception à ce second principe; la vie des esclaves de la Guinée est estimable à prix d'argent quoique ce soient des hommes; car, l'application qu'on leur a faite de la jurisprudence romaine n'est pas allée jusqu'à leur refuser cette qualité. L'ordonnance, en défendant en général l'assurance sur la vie des hommes, paraissait ou supposer que les nègres ne l'étaient pas, ou prescrire

l'ont été aussi le même jour par M. Maret (1). Enfin, le 15 sept. sui- [ vant, l'adoption de ces divers titres a été successivement proposée,

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l'assurance sur leur vie. La rédaction du projet écarte toute équivoque. 24. L'art. 159 (348) peut encore, messieurs, fixer votre attention: «Toute réticence, y est-il dit, toute fausse déclaration de la part de l'assuré, toute différence entre le contrat d'assurance et le connaissement, qui diminueraient l'opinion du risque ou en changeraient le sujet, annule l'assurance.-L'assurance est nulle même dans le cas où la réticence, la fausse déclaration ou la différence n'aurait pas influé sur le dommage ou la perte de l'objet assuré. » — Quoique cet article soit nouveau, il est moins une addition à l'ordonnance qu'un sommaire des principes qu'elle avait consacrés. L'expérience a prouvé, cependant, que cet article, par la disposition surtout de son second paragraphe, pouvait prévenir des discussions spécieuses, qui ont quelquefois retenti dans les tribunaux de commerce. L'assureur a le droit de connaître toute l'étendue du risque, dont on lui propose de se charger lui dissimuler quelque circonstance qui pourrait changer le sujet de ce risque ou en diminuer l'opinion, co serait lui faire supporter des chances dont il ne voulait peut-être pas se charger ou dont il ne se chargerait qu'à des conditions différentes : ce serait, en un mot, le tromper. Dès lors le consentement réciproque, qui seul peut animer un contrat, viendrait à manquer. Le consentement de l'assuré se porterait sur un objet, et celui de l'assureur sur un autre; les deux volontés, marchant dans un sens divergent, ne se rencontreraient pas: et il n'y a cependant que la réunion de ces volontés qui puisse constituer le contrat. La seconde partie de la disposition découle nécessairement de ces principes. Le contrat n'ayant pas existé, aucune conséquence, aucun effet n'en ont pu résulter. Dès lors il est indifférent, à l'égard de l'assureur, que le navire périsse ou ne périsse pas, ou qu'il périsse par une chance sur laquelle la réticence ou la fausse déclaration n'auraient pas influé : l'assureur serait toujours autorisé à répondre qu'il a assuré un tel risque, et que ce risque n'a pas existé.

25. C'est ici, messieurs, que finissent les changements ou les innovations importantes que nous avons apportées à l'ordonnance. Au reste, elle justifie assez notre projet partout où il se trouve d'accord avec elle. Ainsi les dispositions successives du projet ne pourraient présenter que le sujet d'une discussion stérile et inutilement prolongée. Nous espérons, messieurs, que vous jugerez digne de vos suffrages cette importante partie du code maritime.

(1) Exposé des motifs des tit. 11, 12, 13 et 14 du liv. 2 c. com., présentés au corps législatif par M. Maret, conseiller d'Etat (séance du mardi 8 sept. 1807).

26. Messieurs, nous présentons à votre sanction les derniers titres du iv. 2 c. com., des Transactions maritimes. Ces titres traitent des avaries, du jet et de la contribution, des prescriptions, des fins de non-recevoir. Vous y reconnaîtrez l'esprit, et le plus souvent les termes de l'ordonnance de 1681. Elle est devenue la législation maritime de l'Europe; elle n'a dù éprouver, dans la loi que nous vous présentons, que de légers changements et quelques additions réclamés par l'expérience. C'est donc en quelque sorte plutôt une nouvelle rédaction de l'ordonnance de 1681 qu'une loi nouvelle.

Nous commençons par définir l'avarie en général; nous distinguons ensuite et nous classons les diverses sortes d'avaries; nous appliquons à chaque espèce la disposition qui lui est propre; nous posons enfin les exceptions et nous établissons les fins de non-recevoir. Cet ordre, indiqué par l'analyse des idées, nous a paru devoir remplacer avec avantage celui de l'ordonnance où les art. 1 et 2 sont des définitions, où l'art. 3 dispose, où les art. 4, 5 et 6 contiennent des définitions, ce qui rend l'ordre du tit. 7 pénible et embarrassant.

Ainsi que nous vous l'avons déjà dit, quelques changements et quelques additions nous ont paru devoir être faits à l'ordonnance.

27. Cette disposition de l'art. 6: « Les frais de la décharge pour entrer dans un havre ou dans une rivière, sous avaries grosses ou communes,» nous a paru nécessiter une addition. Nous avons examiné s'il y avait avarie grosse ou commune dans tous les cas, et dans celui de la crainte d'un naufrage ou de prise, et dans celui où le navire, arrivé dans la rade du port de sa destination, ne peut entrer dans un havre, dans un port, dans une rivière, sans décharger, suivant l'usage, des marchandises dans des alléges. Nous sommes aussi convaincus que l'ordonnance laissait une incertitude qu'il fallait faire disparaître; et la loi dit que ces frais sont avaries communes, seulement quand le navire est contraint à entrer par tempête ou par la poursuite de l'ennemi. La raison en est que, dans ce cas, il s'agit du salut commun du navire et des marchandises qu'il porte; tandis que, dans l'autre, les frais ne regardent que ceux auxquels appartiennent les marchandises chargées dans les alléges.

28. L'art. 8 de l'ordonnance porte : les lamanages, touages, pilotages, pour entrer dans les havres ou rivières, ou pour en sortir, sont menues avaries. La loi a dû dire: les lamanages, touages et pilotages, etc., ne sont point avaries, mais ils sont de simples frais à la charge du navire (art. 217; 406 du code).—Les motifs sont qu'il est évident, par la nature des choses, qu'il ne s'agit que des frais de navigation qu'on a pu prévoir et calculer à l'avance, el qui, par conséquent, ne sont point des avaries; TOME XVIII.

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que s'il est question de frais extraordinaires, ils sont prévus au n° 7 de l'art. 211 (400); que s'il s'agit de dépenses ordinaires, il est plus simple de les faire entrer dans le montant du fret; car c'est là qu'est leur place : au surplus, en disposant ainsi, la loi ne fait que confirmer ce qui s'est établi par l'usage; et en effet, jamais on ne dresse des comptes d'avaries pour de pareils articles; mais par le connaissement, on convient d'une somme fixe avec le capitaine.

29. Nous passons à l'art. 218 (407) de la loi, qui indique par qui le dommage est payé en cas d'abordage. L'ordonnance avait statué sur deux cas (art. 10 et 11): l'un, quand l'abordage a été fait par la faute de l'un des capitaines; l'autre, quand il y a doute sur les causes de l'abordage. Il en est un troisième, quand l'abordage est un effet du hasard qu'on ne peut imputer ni à l'intention, ni à la maladresse, ni à la négligence de personne, alors c'est un événement dont quelqu'un peut souffrir, mais dont nul ne doit répondre. La loi ajoute en conséquence aux dispositions de l'ordonnance en cas d'abordage de navires, si l'événement a été purement fortuit, le dommage est supporté, sans répétition, par celui des navires qui l'a éprouvé.

50. Après avoir défini l'avarie en général, après avoir classé les différentes sortes d'avaries, après avoir appliqué à chaque espèce la disposition qui lui est propre, après avoir posé les exceptions, nous sommes arrivés à cette question: une demande pour avarie sera-t-elle toujours recevable? Nous avons considéré que la demande ne devait point être admise, quand, pour jouir de son effet, il faudrait dépenser en frais autant ou plus que le dommage qu'on obtiendrait, parce qu'alors il n'y avait d'intérêt pour personne, soit à demander, soit à défendre. Cependant nous n'établissons ce principe que dans le cas où le silence des parties n'aurait pas fait connaître leurs volontés.

31. Tels sont les motifs qui ont déterminé quelques changements et additions au titre des avaries de l'ordonnance. La loi n'en présente aucun d'essentiel au titre du jet et de la contribution, et à celui des fins de nonrecevoir. A l'égard de celui des prescriptions, nous y avons distingué l'action en délaissement de celle dérivant d'un contrat à la grosse ou d'une police d'assurance. L'action en délaissement est prescrite dans le terme de six mois, à partir du jour de la réception de la nouvelle de la perte, suivant l'art. 184(373), dont l'un des orateurs qui nous a précédé à celto tribune vous a fait connaître les motifs.-En ce qui concerne l'action dérivant d'un contrat à la grosse et d'une police d'assurance, elle est prescrite après cinq ans, à compter de la date du contrat. Le commerce réclamait ce changement de l'art. 48 de l'ordonnance, dont l'exécution a été accompagnée d'un grand nombre de procès, parce qu'il établissait une grande diversité de prescriptions. Mais si des prescriptions doivent être établies contre les négociants qui négligent d'user de leurs droits, il était aussi de la justice de dire qu'elles ne pourront avoir lieu quand il y aura eu cédule, obligation, arrêté de compte ou interpellation judiciaire, et c'est ce que veut l'art. 245 (434) de la loi.

32. Messieurs, le livre dont nous venons de vous faire connaître les dispositions complète le code du commerce. Comme les ordonnances de Louis XIV qu'il va remplacer, c'est environné des trophées de la victoire qu'il prend sa place parmi les lois, qu'il vient régler les transactions commerciales d'un peuple dont les rapports de tout genre se trouvent étendus par les armes, par les négociations politiques, et plus encore par cette influence qu'un grand homme exerce sur les nations voisines de son empire, surtout quand les unes l'ont voulu pour législateur, quand les autres l'ont proclamé leur protecteur.

Par suite de cette augmentation de rapports commerciaux entre le peuple français et les autres peuples de l'Europe, l'action du code ne sera pas renfermée dans les limites de la France, il peut même devenir une loi commune aux peuples que leur intérêt place dans notre système de fédération et d'alliance. Notre auguste empereur l'avait ainsi prévu, quand il a demandé que les dispositions du code de commerce fussent, le plus possible, en harmonie avec les autres législations commerciales de l'Europe; quand il a demandé qu'on interrogeât tous les intérêts; quand, après avoir confié une première rédaction du code à des hommes habiles, il l'a fait discuter dans les cours de cassation et d'appel, dans les tribunaux, dans les chambres et dans les conseils de commerce. Nous devons le dire, cette discussion a été honorable pour ceux qui y ont pris part; ils ont été dirigés par le seul sentiment d'améliorer un travail déjà très-recommandable en lui-même.

Les résultats de cette discussion lumineuse formaient une collection immense; recueillie par les ministres de la justice et de l'intérieur, il fallait analyser toutes les observations qu'elle contenait; il fallait les comparer; il fallait profiter de ce faisceau de lumière pour faire à la première rédaction du code tous les changements que réclamaient les besoins du commerce et l'intérêt national. La commission instituée en l'an 9, ayant rempli sa tâche, se regardait comme dissoute; trois des membres de cetto commission, MM. Gorneau, Legras et Vital-Roux, jurisconsultes et négociants éclairés, pleins de zèle, mais surtout forts de leur dévoûment à l'empereur, sollicitent des ministres de sa majesté la permission d'entreprendre, à leurs frais, la révision du code; ces ministres les y autorisent;

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au nom des sections de législation et de l'intérieur du tribunat,

ils font plus, ils les y encouragent. Bientôt, ils se livrent avec ardeur à ce nouveau travail; ils accroissent leurs lumières de celles de MM. Vignont et Boursier, de celles qu'ils trouvent dans les auteurs français, dans la législation des autres peuples de l'Europe; ils s'établissent juges impartiaux d'un ouvrage auquel ils avaient pris tant de part; ils mettent ainsi sa majesté à mème d'ordonner, en l'an 11, l'impression du code du commerce revisé, lequel a servi de base aux méditations du ministre de l'intérieur, aux discussions du conseil d'État.

Si le sentiment de la reconnaissance nous a déterminés à vous désigner ceux qui nous ont plus particulièrement aidés à répondre au vœu de sa majesté et du commerce, qu'il nous soit permis d'exprimer le même sentiment à ceux d'entre vous, messieurs, qui ont éclairé de leurs lumières les cours, les tribunaux et la chambre du commerce dont ils sont membres. - C'est cette réunion de lumières qui a produit le code du commerce; il n'est l'ouvrage de personne en particulier : c'est une sorte de monument national élevé par le concours de tous les hommes éclairés de l'empire.

(1) Discours prononcé par M. Perrée, au nom des sections de législation et de l'intérieur, sur les huit premiers titres du liv. 2 c. com (séance du 15 sept. 1807).

55. Messieurs, nous avons l'honneur de présenter au corps législatif le vœu du tribunat sur le second livre du code de commerce. Ce livre forme seul le cadre du code maritime. Vous connaissez, messieurs, tout ce que le monde doit à la navigation; intimement liée au commerce, tous deux auraient fait le bonbeur de l'univers, si l'envie n'avait abusé de leurs moyens. Dès le principe de la navigation, il fut nécessaire de mettre un frein à la licence et à la force, dont les mers semblent destinées à étre le théâtre. Les plus anciennes lois maritimes sont attribuées aux Rhodiens; elles suffirent sans doute aux navigateurs de la Méditerranée, jusqu'au temps où Rome, dans sa grandeur, combattait les pirates, et. où, dans sa caducité, elle confia à la vénération des siècles le code de ses lois elles furent suivies d'une longue nuit de barbarie et d'ignorance; quelques lueurs d'ordre et de civilisation se manifestèrent successivement dans des règlements particuliers à des provinces ou à des villes, que leur position et la nécessité forçaient de s'occuper de la navigation.

34. Le restaurateur des lettres, François Ier, ne négligea pas la législation des mers; il ordonna la révision de l'ordonnance de 1400, notre premier corps de lois maritimes. Jusqu'alors, toutes ces lois n'avaient statué que sur la police et l'intérêt de la navigation des côtes : l'Océan était resté dans le silence de sa création. Tout à coup l'esprit humain sembla sortir de sa léthargie: trois grandes découvertes, à peu près contemporaines, l'invention de l'imprimerie, de la poudre et de la boussole produisirent la plus mémorable révolution. La Providence aussi fait naître les grands hommes avec les grands événements; sa justice accorda aux rivages de la Méditerranée, berceau de la navigation, le navigateur destiné à découvrir un autre monde: Colomb parut; il donna à l'Espagne un nouvel hémisphère. La découverte de l'Amérique étendit les bornes du monde; le commerce appela à son secours tous les genres d'arts et de sciences, pour le succès d'un ordre de navigation qui offrait à la curiosité, à la fortune, à l'ambition, à la gloire, une carrière sans

terme.

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35. Vers le milieu du seizième siècle, Colbert appela des commerçants instruits dans le commerce maritime, tous les rameaux de cette branche nouvelle furent confiés à des priviléges exclusifs; ils firent les frais de l'expérience: l'envie aussi calomnia leurs sacrifices, pour s'approprier leurs procédés. Un code de lois maritimes fut le complément de l'impulsion donnée par Colbert aux grandes spéculations d'outre-mer. L'ordonnance de 1681 fut l'ouvrage des connaissances pratiques, de la théorie des lois civiles, et de la combinaison des us et coutumes de la mer, dont les peuples navigateurs anciens et modernes avaient donné l'exemple. Cette ordonnance fut regardée comme un chef-d'œuvre : la France la reçut avec reconnaissance, et les nations de l'Europe, en applaudissant à sa sagesse, la citèrent comme le droit public des peuples navigateurs.

36. Vous savez, messieurs, quelle puissance maritime et commerciale la France avait acquise depuis cette époque jusqu'à nous, malgré la perte de ses possessions au nord de l'Amérique. La compagnie des Indes orientales avait doublé le cap de Bonne-Espérance; Pondichéry était sorti des sables du Coromandel; l'Orient, de ses marais; Marseille était l'entrepôt de l'ancien monde; Dupleix allait donner à sa patrie l'empire de l'Indostan, si d'odieuses intrigues n'avaient provoqué son rappel.-Dans le même temps, les Antilles prospérèrent sous le régime prohibitif des lettres patentes de 1717; leurs rapports naturels avec nos possessions du continent de l'Amérique, d'immenses capitaux en cultivateurs et en marchandises, jetés à la culture, multiplient les produits d'une terre vierge; le goût progressif de l'Europe pour ces denrées, nos retours toujours excédant notre consommation, l'activité de la pêche et du cabotage, ie succès de la guerre de 1777, la liberté de l'Amérique, tout avait concouru, malgré les fautes des hommes, à porter le commerce et la navigation française au plus haut degré de valeur, de perfection et d'utilité.

par M. Perrée (1), dont le discours porte sur les huit premiers

57. Dès lors on reconnut que le temps et les choses avaient terni queiques dispositions de l'ordonnance de 1681. D'autres ont été effacées par la révolution. Mais quel monarque aurait ordonné de toucher à ce monument, autre que celui qui a rétabli l'ordre social, qui a reculé les bornes de l'empire au delà des conquêtes de Charlemagne, qui a présidé aux discussions qui ont fondu le code de Justinien avec les coutumes modernes, qui a donné au continent une paix établie sur les bases de la générosité, et qui déclare, sur les champs de de bataille, que les colonies et le commerce sont l'objet de ses travaux et de ses dangers? Cette bienfaisante pensée a produit le code du commerce, dont le corps législatif a déjà approuvé le premier livre. MM. les orateurs du gouvernement vous ont soumis les motifs du second livre; le texte de l'ordonnance a dù changer, mais son esprit est resté le même l'ordre des matières est traité et suivi avec plus d'analogie; on y reconnait, en général, cette clarté qui distingue les ouvrages des jurisconsultes formés par l'étude, et des administrateurs instruits par l'expérience.

38. Vous aurez observé, messieurs, que le premier article déclare meubles les navires et autres bâtiments de mer. Cette disposition absolue anéantit d'anciennes exceptions locales; elle est, sous tous les rapports, favorable au commerce qui aime en tout la précision de l'ordre. Il applaudira aussi au classement des divers priviléges affectés sur ces espèces de meubles, dont la valeur et l'importance ne permettent la transmission qu'avec des formes légales; elles sont toutes aussi fixées pour la saisie et la vente des navires : l'intérêt du commerce, de l'État, des absents, a voulu que le respect pour le droit particulier cédât au bien général; la faculté de donner caution empêche la saisie d'un navire lorsque le capitaine a levé ses expéditions (tit. 1 et 2).

59. Si les propriétaires des navires sont civilement responsables des faits du capitaine, l'effet de la responsabilité cesse par l'abandon du navire et du fret, les propriétaires ont leur recours direct contre leurs capitaines, suivant leurs conventions de copropriété ou de salaires; ces conventions sont réglées par le droit commun, s'il n'y a pas d'écrits contraires (tit. 3). 40. La propriété mérite la sécurité de la loi; elle devait tracer avec plus d'attention encore les devoirs du capitaine (tit. 4). Le salut, la vie de son équipage, des passagers, la fortune de tous les intéressés au navire et à son chargement lui sont confiés ; il est le maître absolu de sa conduite sur les mers; le salut de tous dépend de sa vigilance et de sa fermeté; de la confiance qu'il inspire, et de la rapidité de l'obéissance qu'elle commande; mais aussi il répond de ses actions, quelque simples qu'elles soient, s'il est prouvé, par les procès-verbaux qu'il doit déposer à son arrivée, qu'elles ont été des fautes, même légères, préjudiciables à des intérêts privés ou à l'ordre général; partout où le capitaine est en présence des propriétaires, il ne peut rien faire sans leur aveu ; loin d'eux il devient le mandataire commun des propriétaires et des chargeurs; et dans tous les cas, il est obligé de soumettre, à son arrivée, les faits de mer à l'attention des magistrats, et à l'action des lois.

41. Le tit. 5 est un amendement aux dispositions de l'ancienne ordonnance; justice est rendue aux marins, soit que la rupture du voyage, par le fait des propriétaires ou capitaine, arrive avant ou après le voyage commencé. Ce titre est entré dans tous les détails d'une généreuse sollicitude pour cette classe d'hommes qui vivent au milieu des privations et des dangers, dont le courage et la patience, l'audace et la soumission provoquent l'estime et l'attachement.

42. La loi veille aussi avec la plus scrupuleuse prévoyance sur les intérêts des tiers, les chargeurs ou affréteurs des bâtiments; les conventions entre eux et les propriétaires ou le capitaine, seront toujours écrites et exécutées dans toutes leurs dispositions, hors les cas de force majeure sur lesquels la loi statue pour l'intérêt commun des parties (tit. 6).

43. La loi conserve l'ancienne forme du connaissement; ce contrat, si simple dans ses expressions, comprend des engagements communs et des intérêts opposés, il est la lettre de change des mers, rien ne peut le suppléer, ni lui être substitué (tit. 7).

44. Le fret est le prix convenu pour le transport des marchandises à un lieu donné, sauf les périls et fortune de la mer; le capitaine et l'affréteur contractent des garanties qui servent de bases aux conditions entre les assurés et les assureurs (tit. 8).-Il était nécessaire d'éclaircir ce que l'ordonnance avait laissé sous le doute. Le fret est acquis pour les marchandises que le capitaine a été contraint de vendre dans ses relâches, pour subvenir aux victuailles, radoub ou autres nécessités pressantes du navire; mais il est obligé de tenir compte de la valeur de ces marchandises, si le navire se perd, sur le prix de leur vente dans la relâche; s'il arrive à sa destination, au cours de pareille qualité de marchandise, le jour de l'arrivée.

45. L'art. 109 (298) a paru susceptible d'éclaircissement; la réflexion démontre que son apparente sévérité n'est qu'un avertissement aux capitaines de redoubler de soins pour mettre leurs navires en état de prendre la mer. Cette disposition littérale ne peut inquiéter la bonne foi ni la bonne condeite; elle n'est qu'un épouvantail utile contre la corruption et l'immoralité. D'ailleurs, si le texte de la loi pouvait faire naître des questions relatives, l'œil éclairé de la jurisprudence saurait distinguer l'innocence

titres, concernant les navires, les gens de mer, les chartes-par

et le malheur, de la conspiration, du dol, et d'une criminelle spéculation. 46. Messieurs, nos observations et votre assentiment seront auprès du gouvernement le gage de notre constante union pour sa prospérité et pour le bonheur des peuples. Ces sentiments ont été les guides des deux sections de législation et de l'intérieur du tribunat, en proposant au corps législatif l'adoption de la loi. Vous reconnaîtrez de plus en plus, messieurs, la justice de ce vœu par les détails lumineux que vont vous soumettre les orateurs du tribunat sur la suite du liv. 2 c. com.

(1) Discours prononcé par M. Challan, au nom des sections de législation et de l'intérieur du tribunat, sur les tit. 9 et 10 du liv. 2 c. com. (séance du 15 sept. 1807).

47. Messieurs, si les conventions commerciales doivent être soumises à des règles qui préviennent la fraude et garantissent la bonne foi, combien plus doivent y être rigoureusement assujettis ces contrats dont les effets réciproques dépendent d'un événement incertain. Sans doute le calcul des probabilités ne peut pas prévoir toutes les chances du hasard; mais la loi, en secondant les combinaisons de ceux qui s'y exposent, peut les obliger à fixer leurs traités d'une manière invariable, ou, à défaut de traités, imposer des conditions à ceux qui n'auraient pas pris cette précaution; elle peut même les restreindre en déclarant illicites celles qui faciliteraient les surprises. La nécessité du projet de loi vous a élé prouvée par M. le conseiller d'État, et je n'essayerai pas d'ajouter à votre conviction; j'éviterai même, autant qu'il sera possible, d'entrer dans les détails qu'il a déjà mis sous vos yeux : cependant, messieurs, je serai souvent forcé de m'en rapprocher, parce que l'ordre des mêmes matières amène nécessairement la série des mêmes idées.

48. D'abord il vous aura paru juste, messieurs, que le contrat du prêt à la grosse aventure devienne tellement authentique, que l'on n'ait pas besoin de recourir à la preuve testimoniale presque toujours incerlaine: il doit donc être écrit. Toutefois la loi, en imposant cette obligation, n'a pas exigé le concours des officiers publics; elle admet aussi celui qui est sous signature privée. Comme cet acte emporte privilége, et que tout privilége peut être préjudiciable à des tiers, elle en a ordonné l'enregistrement dans les dix jours au tribunal de commerce ou devant les magistrats qui en tiennent lieu à l'étranger.-Quelques personnes avaient d'abord craint que cette publicité ne mit obstacle à la bonne volonté des prêteurs peu curieux d'être connus: ils appuyaient cette crainte des raisonnements produits autrefois contre la publicité des hypothèques; mais, dans l'espèce, considérant que les objets affectés au prêt sont mobiliers, qu'ils peuvent être facilement offerts à plusieurs, et procurer ainsi à l'emprunteur des sommes supérieures à la valeur d'un gage déjà morcelé, quoique montré comme entier à chacun des prêteurs, on a donc senti la nécessité de conserver l'intégrité des objets sur lesquels l'emprunt est affecté; et, par l'art. 127 (316), on a décidé que tout emprunt à la grosse, fait pour une somme excédant leur valeur, pouvait être déclaré nul, à la demande du prêteur, s'il était prouvé qu'il y avait fraude de la part de l'emprunteur. Cet article, messieurs, a donné cette faculté au préteur, afin qu'il ne soit point dupe de celui qui aurait grossi la valeur du gage. Cependant si, comme il est prévu par l'art. 129 (318), le prêt est affecté sur des objets prohibés, alors le prêteur et l'emprunteur étant tous deux en contravention, la nullité est encourue par le fait.

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49. Au surplus, messieurs, il ne suffisait pas de veiller à la sûreté du préteur; il fallait encore empêcher que quelques individus, sollicités par le besoin, ou trop confiants dans l'espoir d'un gain considérable, puissent risquer les fonds destinés à leurs premiers besoins. - Ainsi, on a défendu de faire aucun prêt à la grosse sur les loyers des matelots ou gens de mer. L'ancienne ordonnance le permettait cependant; mais dès lors on en sentait le danger, puisqu'elle restreignait cette faculté à la moitié des loyers, et qu'elle exigeait le consentement du capitaine. Il a donc paru plus convenable de proscrire ces sortes de prêts, attendu que, loin d'être nécessaires, ils sont dangereux et ruineux. Ils sont dangereux, parce que les emprunts, soit à la grosse, soit par voie d'assurance, pourraient rendre moins soigneux les hommes de l'équipage, qui n'auraient plus le même intérêt à la conservation du navire. Ils sont ruineux, cause du prix que le prêteur met à son argent, et ensuite parce que plus le matelot touche avant son embarquement, plus il dissipe, et ses gains se trouvent mangés avant que d'être acquis. Enfin, ils ne sont pas nécessaires, parce qu'il est des moyens moins dispendieux de pourvoir aux besoins des matelots; l'armateur ou le capitaine pouvant subvenir au peu d'avances que leur embarquement ou un cas fortuit rendent indispensables,

50. L'on ne sentira peut-être pas avec la même facilité les motifs qui ont déterminé de défendre le prêt à la grosse sur le fret et le profit espéré des marchandises. - Pour se convaincre de la justice de cette prohibition, il faut considérer la nature de chacun de ces bénéfices. Le fret est un profit incertain qui sera le prix de la navigation heureuse; et, s'il st permis de s'exprimer ainsi, le fruit civil du navire sur lequel il y a deja action pour la portion des emprunts que le capitaine est autorisé de faire, sans la participation des propriétaires; de plus, soumis à un privilege, il ne peut devenir la matière d'un contrat à la grosse, de la part

ties, etc.; par M. Challan (1), qui s'est occupé des titres 9 et 10,

de ceux qui ont des droits à la propriété du navire ou des marchandises. A l'égard des bénéfices présumés, puisqu'on ne peut prêter à la grosse au delà de la valeur des objets sur lesquels le prêt est affecté, puisqu'on ne peut connaître la valeur des bénéfices qu'après le voyage, il s'ensuit que si le prêt se fait au départ, l'objet.affecté n'est point connu; que si l'on attend le retour, il n'y a plus de risques à courir, et par conséquent plus de motifs d'emprunter à la grosse.

51. Nous ne nous étendrons pas, messieurs, sur les autres stipulations du contrat à la grosse, parce que l'on trouvera dans les articles relatifi aux contrats d'assurance la solution des doutes qui pourraient s'élever dans l'application. Cette dernière espèce de contrat, réglé par le titre 1C du projet, est comme celui à la grosse, fondé sur les risques des cas fortuits auxquels une chose est exposée. Par cet acte, un des contractants s'oblige envers l'autre de l'indemuiser de la perte, moyennant une somme que donnera ce dernier, pour le prix des risques dont il charge le premier.

D'après cette définition, on conçoit combien doivent varier les conventions renfermées dans les contrats d'assurance, et la nécessité qu'ils soient rédigés par écrit, comme les contrats à la grosse. Le législateur ne l'a cependant pas, comme celui-ci, soumis à la formalité et l'enregistrement, parce qu'il est purement synallagmatique à l'égard des parties contractantes, et ne peut nuire à l'intérêt des tiers.

52. Quoique le contrat d'assurance soit de tous ceux qui se font pour le commerce de mer, celui auquel la loi et l'usage ont donné le plus de latitude, néanmoins, pour le rendre parfait, il faut non-seulement qu'il y ait une matière qui en soit l'objet, que cette matière soit ou doive être exposée aux risques dont se charge l'assureur, mais encore que ce risque soit ignoré lors de la signature de la police. La première section du tit. 10 développe ces principes, indique pour chacun d'eux des règles propres à les conserver et à éviter une partie des discussions qui peuvent naître entre l'assureur et l'assuré en cas de sinistre. Elle prévoit aussi la faillite de l'assureur ou de l'assuré. Cet événement, il est vrai, les soumettra l'un et l'autre aux règles générales sur cette partie; mais comme ces règles ne déterminent point ce que deviendra l'assurance ou la prime au milieu des débats qui agitent une réunion de créanciers; que d'ailleurs il y a urgence par la nature même des choses, il a bien fallu que la loi prononce elle autorise la résiliation, si l'on ne préfère un cautionnement.

55. Il est inutile, sans doute, messieurs, de retracer les causes qui ont fait proscrire les assurances sur le profit espéré des marchandises, le fret et les loyers des gens de mer; elles sont les mêmes que pour le contrat à la grosse. Plusieurs tribunaux, plusieurs chambres de commerce ont observé de plus que si cette prohibition faisait porter à l'étranger quelques primes, les bénéfices n'étaient point assez grands pour renoncer a la sécurité qui résulte de la défense.

54. Après avoir réglé la forme, et fixé les conditions du contrat dans la première section, le projet de loi établit dans la seconde les obligations réciproques de l'assureur et de l'assuré. L'art. 160 (349), qui est le premier de cette section, fixe l'indemnité de l'assureur si le voyage est rompu avant le départ du navire. Cet article n'a pas besoin de développements; mais celui qui le suit et qui énumère les différentes circonstances dans lesquelles les pertes et dommages sont aux risques des assureurs, mérite toute votre attention. Si elles sont nombreuses, au moins sont-elles faciles à reconnaître; il n'en est qu'une dont on ne peut aisément fixer l'époque, depuis qu'un ennemi, qu'il n'est pas besoin de nommer, se fait un jeu de violer le droit des gens, et de commencer les hostilités par la piraterie et le brigandage.

55. Il est impossible d'insérer dans une loi générale un article qui donne quelque certitude aux armateurs mais ainsi que dans les traités de paix on détermine l'époque à laquelle cessent les risques, sa majesté l'empereur et roi, dont la sollicitude veille au bonheur de tous, jugera sans doute convenable de proclamer, par un manifeste, le moment où les risques de guerre ont dû commencer dans les différents parages; de sorte que, quelle que soit la fixation, elle fera cesser le litige ou obligera les tribunaux à prononcer d'une manière uniforme.

56. L'art. 28 de l'ordonnance de la marine admettait les assurances sur les prévarications du capitaine, désignées dans la jurisprudenco nautique, sous le nom de baraterie. Quelques-uns voulaient faire disparaître cette disposition, qui semble garantir un délit; quelques commentateurs célèbres sont de cet avis, et le règlement d'Anvers annule ces sortes d'actes. Malgré ces opinions, ce genre d'assurance ayant été admis par l'usage dans beaucoup d'endroits, on a cru devoir le conserver. Le considérant d'ailleurs comme une preuve de la confiance que l'assureur a dans la probité et l'intelligence du capitaine, on a jugé que ce cautionnement n'avait rien de contraire à la saine morale, et les diverses opinions se sont trouvées conciliées, en faisant dépendre l'assurance de la convention des parties.

57. Tous les articles qui suivent dans cette section sont conformes à l'ancienne ordonnance, et dès lors connus de vous, messieurs; nous n'avons donc plus qu'à vous entretenir des dispositions de la troisième scction. L'abandon que les propriétaires font en justice des objets qu'ils

relatifs aux contrats à la grosse et aux assurances; et enfin par M. Jubé, qui s'est borné à dire quelques mots sur les derniers titres du livre dont il s'agit (1).

ont fait assurer sur un navire, ou du navire lui-même, n'est pas sans inconvénients; il importe donc que la loi détermine dans quelles circonstances et à quelles époques les objets assurés pourront être délaissés. On a recueilli, pour faire connaître les premières, tout ce que l'ordonnance et l'usage ont appris jusqu'à ce jour; les secondes ont été fixées à raison du jour où la nouvelle est reçue, et de la distance d'où elle est partie; on a réservé ensuite aux assureurs la preuve contre les faits énoncés pour motiver le délaissement. Ainsi, encore que les avis doivent être signifiés dans les trois jours de leur arrivée, le délaissement ne pourra être fait au plutôt que six mois après. Si, au contraire, il n'y a aucune nouvelle, les délais se comptent du jour du départ : ils sont prolongés à une année pour les voyages ordinaires, et à deux pour ceux de long cours.

58. L'observation de toutes ces formalités doit encore être appuyée de la bonne foi, et l'assuré, pour la justifier, énoncer dans l'acte de délaissement toutes les assurances, tout l'argent qu'il a pris à la grosse, enfin toutes les obligations qu'il a pu contracter; en cas de déclarations frauduleuses, il est privé des effets de l'assurance, et tenu de payer les sommes empruntées, nonobstant la perte ou la prise du navire.

59. L'assureur, de son côté, quoique admis à la preuve des faits contraires à ceux consignés dans les attestations, est tenu de payer l'assurance dans les délais fixés, sauf à exiger caution. Quel que soit, au surplus, le droit de l'assuré pour faire le délaissement, toujours est-il obligé de travailler au recouvrement des effets naufragés. L'assuré peut encore composer en cas de prise, s'il n'a pu en prévenir l'assureur. Mais alors ce dernier a le choix de prendre la composition ou d'y renoncer dans des délais fixés.

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60. Nous venons, messieurs, de vous présenter les principales dispositions des tit. 9 et 10 c. com.; vous y aurez reconnu une grande partie de celles de l'ordonnance de 1681, améliorées par des additions ou des modifications, que les combinaisons variées du commerce, que les efforts de l'intérêt personnel, toujours disposé à se soustraire à l'autorité des lois, ont nécessitées. Mais ce que vous aurez remarqué sans doute, messieurs, c'est qu'aucune ne porte atteinte aux spéculations que la théorie unie à l'expérience peuvent inspirer au génie.

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(1) Discours prononcé par M. Auguste Jubé, orateur de la section de l'intérieur du tribunat, sur les titres 11, 12, 15 et 14 du livre 2 du code de commerce (séance du 15 sept. 1807).

61. Messieurs, le projet de loi dont nous venons vous entretenir, complète le vaste plan du code de commerce. Les titres 11, 12, 13, 14 et dernier du second livre prononcent sur les avaries, sur le jet et la contribution, sur les prescriptions et sur les fins de non recevoir, pour les actions relatives aux transactions du commerce maritime.-Les avaries, le jet et la 'contribution avaient fixé toute l'attention des savants rédacteurs de l'ordonnance de 1681; et graces à l'exactitude de leurs définitions et à l'équité de leurs décisions, la jurisprudence française était devenue, à cet égard, un guide sûr, estimé et généralement suivi. Le plus bel hommage que cette ordonnance ait pu recueillir, est sans doute d'avoir servi de base à cette partie du code qui se trouve, en ce moment, soumis à votre adoption. Mais on vous a déjà fait connaître, messieurs, combien ce grand ouvrage est perfectionné. En effet, pour nous servir de l'heureuse expression de l'un des ministres de sa majesté, « tout ce que ne crée pas ce prince, il l'améliore; les formes qu'il emprunte aux gouvernements passés, se ressentent bientôt de la supériorité du sien » (rapport fait à l'empereur par le ministre du trésor public, août 1807).

Ce code, au surplus, consacre d'une manière authentique le respect dû aux conventions particulières, et ce n'est qu'à leur défaut qu'il se charge de déterminer la nature des avaries.

62. L'ancienne ordonnance exemptait de la contribution, en cas de jet, le loyer des matelots. Notre art. 230 (419) ne garde silence sur cel objet, que parce que toutes les garanties pour ce salaire sont déjà assurées par les art. 69, 70, 71 (258, 259, 260), et surtout 259 (428) de ce code.

63. L'art. 231 (420), en ajoutant les mots : « ou déclaration du capitaine, » étend les dispositions de l'ordonnance qui semblait ne point permettre que rien pût suppléer le connaissement. Mais la fraude que l'on pourrait craindre sera probablement prévenue par le danger qu'auront à courir les propriétaires de marchandises précieuses, enfermées dans des ballots, dans des coffres ou autrement, et que les circonstances urgentes auront fait jeter-avant que l'exhibition détaillée ait pu en être faite.

64: Le titre des prescriptions et celui des fins de non-recevoir, rédigés avec une clarté que n'offrait point l'ancienne ordonnance, rendent aux polices une faveur qu'elles enviaient depuis longtemps et à juste titre, aux contrats à la grosse, et concourent, d'ailleurs, à donner aux opérations commerciales cette activité qui leur est indispensable.

65. En applaudissant, messieurs, à toute cette belle loi, nous formons le vœu que l'administration publique en fortifie la marche par les autres dispositions qui dépendent de son ressort. Que surtout les infortu

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191. Sont privilégiées, et dans l'ordre où elles sont rangées, les dettes ci-après désignées : 1o Les frais de justice et autres, faits pour parvenir à la vente et à la distribution du prix; -2° Les droits de pilotage, tonnage, cale, amarrage et bassin ou avant-bassin; - 3° Les gages du gardien et frais de garde du bâtiment, depuis son entrée dans le port jusqu'à la vente; 4° Le loyer des magasins où se trouvent déposés les agrès et les apparaux; 5° Les frais d'entretien du bâtiment et de ses agrès et apparaux, depuis son dernier voyage et son entrée dans le port; 6° Les gages et loyers du capitaine et autres gens de l'équipage employés au dernier voyage; -7° Les sommes prétées au capitaine pour les besoins du bâtiment pendant le dernier voyage, et le remboursement du prix des marchandises par lui vendues pour le même objet; -8° Les sommes dues au vendeur, aux fournisseurs et ouvriers employés à la construction, si le navire n'a point encore fait de voyage; et les sommes dues aux créanciers pour fournitures, travaux, main-d'œuvre, pour radoub, victuailles, armement et équipement avant le départ du navire s'il a déjà navigué; -9° Les sommes prêtées à la grosse sur le corps, quille, agrès, apparaux, pour radoub, victuailles, armement et équipement avant le départ du navire; -10° Le montant des primes d'assurances faites sur le corps, quille, agrès, apparaux, el sur armement et équipement du navire, dues pour le dernier voyage; -11° Les dommages-intérêts dus aux affréteurs, pour le défaut de délivrance des marchandises qu'ils ont chargées, ou pour remboursement des avaries souffertes par lesdites marchandises par la faute du capitaine ou de l'équipage. - Les créanciers compris dans chacun des numéros du présent article viendront en concurrence, et au marc le franc, en cas d'insuffisance du prix. V. n° 38.

192. Le privilége accordé aux dettes énoncées dans le précédent article, ne peut être exercé qu'autant qu'elles seront justifiées dans les formes suivantes: -1° Les frais de justice seront constatés par les états de frais arrêtés par les tribunaux compétents; -2° Les droits de tonnage et autres, par les quittances légales des receveurs; -3° Les dettes désignées par les n° 1, 5, 4 et 5 de l'art. 191 seront constatées par des élats arrêtés par le président du tribunal de commerce; 4° Les gages

et loyers de l'équipage, par les roles d'armement et désarmement arrêtés dans les bureaux de l'inscription maritime; 5o Les sommes prêtées et la valeur des marchandises vendues pour les besoins du navire pendant le dernier voyage, par des états arrêtés par le capitaine, appuyés de procès-verbaux signés par le capitaine et les principaux de l'équipage, constatant la nécessité des emprunts; 6° La vente du navire, par un acte ayant date certaine, et les fournitures pour l'armement, équipement et victuailles du navire, seront constatées par les mémoires, factures ou états visés par le capitaine et arrêtés par l'armateur, dont un double sera déposé au greffe du tribunal de commerce avant le départ du navire, ou, au plus tard, dans les dix jours après son départ; -7° Les sommes prêtées à la grosse sur le corps, quille, agrès, apparaux, armement et équipement avant le départ du navire, seront constatées par des contrats passés devant notaires, ou sous signatures privées, dont les expéditions ou doubles seront déposés au greffe du tribunal de commerce dans les dix jours de leur date; 8° Les primes d'assurances seront constatées par les polices ou par les extraits des livres des courtiers d'assurances;-9° Les dommages-intérêts dus aux affréteurs seront constatés par les jugements, ou par les décisions arbitrales qui seront intervenues. 193. Les priviléges des créanciers seront éteints, Indépendamment des moyens généraux d'extinction des obligations, Par la vente en justice faite dans les formes établies par le titre suivant; - Ou, lorsqu'après une vente volontaire, le navire aura fait un voyage en mer sous le nom et aux risques de l'acquéreur, et sans opposition de la part des créanciers du vendeur.- V. n° 4.

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194. Un navire est censé avoir fait un voyage en mer, Lorsque son départ et son arrivée auront été constatés dans deux ports différents et trente jours après le départ; - Lorsque, sans être arrivé dans un autre port, il s'est écoulé plus de soixante jours entre le départ et le retour dans le même port, ou lorsque le navire parti pour un voyage de long cours a été plus de soixante jours en voyage, sans réclamation de la part des créanciers du vendeur.

195. La vente volontaire d'un navire doit être faite par écrit, et peut

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