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523. M. Valette, sur Proudhon, t. 1, p. 182 et suiv., soutient néanmoins que les deux décrets sont abrogés. Quant à celui de 1809, il en trouve la preuve dans ce fait que le code pénal de 1810 lui étant postérieur, et ayant abrogé par son art. 484 toutes les dispositions pénales qui l'avaient précédé, n'a pu laisser subsister le décret de 1809, au moins quant à la pénalité qu'il prononçait. · - Mais cet argument n'est pas fondé, car le décret du 26 août 1811 déclare celui de 1809 encore en vigueur dans son art. 27, qui porte: « Notre décret du 6 avril 1809 continuera à être exécuté pour tous les articles qui ne sont ni abrogés ni modifiés par les dispositions du présent décret, et notammentàl'égard des Français qui, étant entrés sans notre autorisation au service d'une puissance étrangère, y sont demeurés après la guerre déclarée entre la France et cette puissance. » — Pour établir l'abrogation des deux décrets, M. Valette dit aussi qu'ils ne pouvaient pas être attaqués par le tribunat pour cause d'inconstitutionalité, puisque le tribunat avait été supprimé dès 1807; d'où il suit qu'on ne peut se prévaloir du silence de ce corps pour prétendre que lesdits décrets sont obligatoires. - Mais l'art. 21 de la constitution de l'an 8 donnait aussi au gouvernement le droit de déférer au sénat tous les actes qu'il jugeait inconstitutionnels; la suppression du tribunat n'a donc pas été, en droit, un obstacle à l'attaque des décrets de 1809 et de 1811; or, comme cette attaque n'a pas eu lieu, ils sont nécessairement devenus obligatoires, ainsi, d'ailleurs, que cela résulte de l'art. 4 de l'ord. du 10 avril 1823 (V. au reste sur ce point vo Lois ).— Peut-être remarquerait on avec plus de fondement que ces décrets sont, dans la totalité de leurs dispositions, tellement en dehors de nos usages actuels et des principes de liberté que nos lois constitutionnelles ont posés depuis, que, dans l'impossibilité où l'on est d'établir une limite un peu certaine aux effets de l'abrogation partielle, il serait plus sage de déclarer qu'ils ont disparu entièrement devant nos institutions plus libérales et plus philanthropiques; qu'il y a d'autant moins de difficulté de le déclarer ainsi, que les lacunes que cette abrogation générale pourrait laisser sont sans importance véritable et seraient facilement comblées par les déductions des lois en vigueur. Nous n'osons pas prédire que le pouvoir interprétatif aille de longtemps jusque-là, et il devra en attendant rechercher avec patience quelles sont celles des dispositions des décrets que l'abrogation a touchées virtuellement, quelles sont celles dont l'application n'est pas repoussée par d'autres lois.

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524. En punissant de confiscation et de la perte des droits civils la simple expatriation non autorisée, le décret du 26 août 1811 a violé un principe de droit naturel. Tous les publicistes reconnaissent que nul n'est contraint de demeurer dans le lieu où le hasard l'a fait naître, à moins que les circonstance ne changent en désertion ou félonie la transmigration dans un autre lieu. V. n° 508.

525. Au reste, le décret du 26 août 1811 n'est pas applicable aux femmes; c'est ce qu'a décidé un avis du conseil d'Élat, du 22 mai 1812 (V. p. 39). Un autre avis du conseil d'État, du 21 janv. 1812, résout diverses questions nées de l'application du décret du 26 août 1811 (V. p. 39).

526. Depuis l'abolition de la confiscation, à qui passent les biens qui, selon l'art. 6 du décret du 26 août 1811, devaient être confisqués sur le Français naturalisé ou entré au service d'une puissance étrangère (art. 25) sans la permission du gouvernement? - Sont-ils recueillis par ses héritiers? A quel titre exerceraient-ils ce droit, pendant l'existence du ci-devant Français? Sa succession n'est point ouverte. Mais, dit-on, il a perdu ses droits civils.MM. Delvincourt, t. 1, p. 205, note 4, 2° édit., Duranton, t. 1, nos 178, 179, 182, 197 et 200, et Foucart, Dr. adm., t. 1, p. 195, le placent sur la même ligne que le mort civilement. Il ne paraît pas que son état soit l'équivalent de la mort civile. En effet, 1° si telle avait été la pensée du législateur, il eût employé l'expression : mort civile, comme il l'a fait dans les art. 22, 26, 28 et 29 du décret du 6 avril 1809 contre des Français, qui méritaient moins de faveur que ceux dont parle le décret de 1811; 2° il eût prononcé la dissolution du mariage. Or il se borne à régler les droits pécu

(1) (Caravaca C. Caminondo.) - LA COUR; - Sur la deuxième fin de non-recevoir, prise de ce que l'arrêt du 17 juill. 1833 a déjà rejeté le

niaires de la femme, comme en cas de viduité (art. 9), à raison seulement de la confiscation, qui nécessitait une liquidation de ses reprises; 3° la mort civile n'est encourue que par suite d'une condamnation judiciaire; elle est la conséquence d'une peine afflictive perpétuelle (c. civ., 22, 24); 4o l'ouverture de la succession n'est point un effet de la privation des droits civils. Posséder est un acte du droit des gens; cela est si vrai, que les régicides déclarés, par l'art. 7 de la loi du 12 janv. 1816 (V. no 489 et 492), privés de tous les droits civils, n'ont pas moins conservé les biens qu'ils possédaient en France. Si l'art. 25 c. civ. ouvre la succession du mort civilement, c'est une rigueur toute spéciale commandée, ainsi que le disait M. Siméon, à la chambre des pairs (Mon. 21 avril 1821), par l'impossibilité physique où se trouve le condamné à une peine afflictive perpétuelle, d'administrer ses biens; rigueur, du reste, qui a soulevé les justes réclamations de plusieurs pairs (Mon., loc. cit.), et qu'il faut bien se garder d'étendre à des cas non formellement prévus. Si le Français dont il s'agit n'a pas encouru la mort civile, c'est lui-même, et non ses héritiers, que le fisc dépouillait en s'emparant de ses biens; c'est à lui que préjudiciait la confiscation; c'est donc à lui que son abolition doit profiter. Telle est aussi l'opinion de M. Merlin, Rép., vo Français, § 1, no 4, Coin-Delisle, art. 17, n° 9, Valette sur Proudhon, t. 1, p. 187, et Demolombe, t. 1, n° 188.-M. Duranton lui-même est revenu à ce sentiment, au n° 197 de sa 4o édition.

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527. L'incapacité de succéder, prononcée par le même art. 6 du décret de 1811, est-elle abolie par la loi du 14 juill. 1819, qui appelle indistinctement tous les étrangers à succéder en France? La négative repose sur cette considération bien simple, que ce n'est pas sa qualité d'étranger qui rend le Français, naturalisé sans autorisation, incapable de succéder; c'est sa désobéissance à une loi prohibitive dont on a voulu le punir; telle est la doctrine implicite de M. Delvincourt, t. 1, p. 203, et explicite de MM. Duranton, t. 1, no 180 et 195; Demante, Revue française et étrang., t. 8, p. 443, et Demolombe, t. 1, no 188.- Mais M. Merlin, loc. cit., paraît pencher vers le sentiment contraire qui est adopté par M. Guichard, Tr. des dr. civils, no 306, et par MM. Valette sur Proudhon, t. 1, p. 188, Duvergier sur Toullier, t. 1, no 271, note b, et Legat, p. 37 et 423. C'est le lieu, disent-ils, d'user d'indulgence; le décret du 26 août 1811 est déjà si rigoureux! D'ailleurs, ne suffit-il pas qu'il soit étranger, pour que les termes généraux de la loi du 14 juill. 1819 le comprennent dans sa disposition illimitée?-Nous ne saurions nous défendre d'une sorte de sympathie pour cette doctrine; mais il nous semble qu'elle avait besoin d'être formellement consacrée par la loi de 1819, dont le texte comme la discussion sont tout à fait silencieux à cet égard. Les auteurs de cette loi paraissent avoir seulement voulu abroger les art. 726 et 912 c. civ., c'està-dire ne plus faire dépendre la capacité de succéder ou de disposer de la condition de réciprocité; elle est destinée à suppléer les traités avec tous les peuples. Or, il est évident que le Français, naturalisé sans autorisation, n'aurait pu succéder, avant 1819, à la faveur des traités. A la vérité, si l'on ne consultait que l'art. 17 c. civ., qui assimile entièrement le ci-devant Français à l'étranger de naissance, il n'est pas douteux qu'il succéderait en France au même titre que ses nouveaux concitoyens; mais l'art. 6 du décret dit, sans réserve ni distinction: « il n'aura plus le droit de succéder. » C'est une incapacité absolue, comme celle du mort civilement, qui, certes, eût-il acquis la qualité d'étranger, ne continuerait pas moins d'être exclu en France de toute succession. C'est ainsi que, sous les ordonnances de Louis XIV et de Louis XV, les protestants émigrés n'étaient point habilités à succéder dans le royaume par les traités qui en déclaraient capables les habitants du pays où ils se réfugiaient.

528. Il a été décidé que celui qui s'est fait naturaliser en pays étranger sans autorisation du gouvernement, n'a pu, même depuis la loi du 14 juill. 1819, valablement disposer, par testament, des biens qu'il possède en France, encore qu'il soit intervenu entre ces puissances des traités abolissant le droit d'au baine; ces traités n'étant applicables qu'aux nationaux d'origine et non à ceux frappés par le décret (Pau, 19 mars 1834) (1). moyen que Caminondo tire du décret du 26 août 1811: - Attendu que, lors de cet arrêt, Caminondo soutenait que le testament de feu Bordes,

529. Mais on a vu (no 527) que depuis que la confiscation a été abolie, le Français naturalisé en pays étranger conserve la propriété de ses biens.-Or, s'il en est ainsi, on doit reconnaître, par suite, qu'il a le droit d'en disposer, alors que le droit d'aubaine L'existe plus. Peu importe, ce semble, la disposition de l'art. 7 du décret cité, d'après lequel l'effet de la naturalisation non autorisée est de faire perdre les droits civils en France. La perte des droits civils, en effet, n'emporte pas la mort civile; seulement, dans ce cas, le Français est assimilé à un étranger, et, comme tout étranger, il doit pouvoir disposer par testament des biens situés en France, car il n'existe aucun texte de loi qui lui interdise, en termes formels, cette faculté. Il semble, en outre, qu'on devrait plutôt s'attacher aux circonstances qui ont motivé le décret de 1811, qu'aux règles strictes du droit, et que des sentiments généreux devraient faire triompher la maxime: Cessante causá, cessat effectus, surtout lorsque les traités ont depuis aboli le droit d'aubaine. C'est en ce sens qu'il a été jugé que depuis la loi de 1819, le décret de 1811 n'empêche pas le Français, devenu étranger par sa naturalisation, de disposer, comme tout autre étranger, de ses biens situés en France (Paris, 1er fév. 1836, aff. Imbert, V. Succession),

530. Les art. 16 et 26 du décret du 26 août 1811 déclaraient applicables les dispositions qu'il contenait aux individus qui se trouvaient déjà paturalisés en pays étranger, ou au service d'une puissance étrangère, lors de sa publication, en leur accordant toutefois (art. 14 et 26) un délai (d'un an, s'ils étaient sur le continent européen, de trois ans, s'ils étaient hors de ce continent, de cinq ans, s'ils étaient au delà du cap de Bonne-Espérance et aux Indes Orientales), pour obtenir du gouvernement l'autorisation de rester dans le pays où ils s'étaient fait naturaliser. Les décrets des 31 juill. 1812 et 13 août 1813 ont prorogé le délai le premier d'une année, à partir de l'expiration des termes portés par le décret de 1811; et le second d'une autre année, à dater du délai fixé en 1812.

531. Aux termes de l'art. 12, du décret de 1811, les Français naturalisés à l'étranger sans autorisation pouvaient être relevés des déchéances et affranchis des peines portées par le décret, en obtenant des lettres de relief, accordées par le chef de l'Etat en conseil privé, comme les lettres de grâce. L'art. 15 voulait aussi que des lettres de relief pussent être accordées à ceux qui, déjà naturalisés avant la publication du décret, étaient en retard pour obtenir l'autorisation. L'effet de ces lettres de relief est de rétablir les Français qui les obtiennent au même élat que s'ils n'avaient pas encouru l'application du décret. Ils rentrent, en conséquence, dans les droits que leur avait enlevés leur faute. Cela est juste; car ceux qui ont recueilli ces droits à leur place, n'ont pas dû ignorer la condition résolutoire dont naturalisé en Espagne sans autorisation, était nul à l'égard des biens situés en France, parce que Bordes en avait été dépouillé par la confiscation que prononce contre lui le décret précité; - Que l'arrêt écarta cette prétention, par le motif que la charte de 1814 ayant aboli la confiscation, les dispositions du décret de 1811, à cet égard, ne pouvaient plus être appliquées, et que, d'ailleurs, Caminondo, en faveur de qui elles n'avaient pas été faites, ne pouvait les invoquer - Que, aujourd'hui, il tire du même décret un moyen de nullité tout différent, pris de ce que Bordes étant privé en France des droits civils, n'a pu, d'après ledit décret, valablement disposer, par testament, des biens qu'il possédait dans ce royaume; · Qu'il résulte de l'art. 1351, que quoiqu'on ait succombé sur une demande en nullité fondée sur une cause, on peut la renouveler pour une cause différente; Que ce principe a été consacré par la jurisprudence de la cour de cassation; - Qu'ainsi, la fin de non-recevoir dont il s'agit doit être rejetée;

Au fond: Attendu que c'est en vain que Caravaca prétend que le décret du 26 août 1811, établissant, par abus de pouvoir, une peine qu'aucune loi ne prononce, n'est plus obligatoire;-Que ce décret ne sera jamais attaqué pour cause d'inconstitutionnalité; Qu'il subsiste

donc encore dans toute sa force, suivant les principes établis par la jurisprudence de la cour de cassation; - Attendu que, aux termes de l'art. 7 de ce décret, l'effet de la naturalisation non autorisée, est de faire perdre les droits civils en France, - Que, suivant tous les auteurs, la faculté de disposer de ses biens par testament, est au nombre de ces droits; -Que telle est, d'ailleurs, la disposition du § 3 de l'art. 25 c. civ.; Qu'étant constant que fou Bordes se fit naturaliser en Espagne, sans en avoir obtenu l'autorisation, il fut privé de cette faculté ; — Que, par suite, son testament doit être regardé comme non avenu, par rapp rt aux biens qu'il avait en France, lesquels sont dévolus à ses héritiers légitimes

l'effet est réglé par l'art. 11 du décret. C'est ce qu'enseigne trèsbien M. Duranton, t. 1, nos 197 et 198, qui distingue les lettres de relief des lettres de grâce, dont l'effet est bien moins étendu, les droits acquis au profit des tiers étant toujours respectés. V. Grâce.

532. Quant aux Français qui veulent se faire naturaliser en pays étranger avec l'autorisation du gouvernement, l'art. 2 du décret du 26 août 1811 exige qu'ils obtiennent, à cet effet, des lettrès patentes qui doivent être insérées au Bulletin des lois et enregistrées en la cour d'appel de leur dernier domicile.- Mais l'obtention de cette autorisation n'empêche pas la perte de la qualité de Français, ainsi que le font remarquer MM. Legat p. 21 et 22; Guichard, no 306 et Duranton, t. 1, no 176. Ce qui le prouve, c'est que les art. 3 et 4 du décret énumèrent les droits qui sont réservés à celui qui a obtenu cette autorisation. D'après l'art. 3, les Français, ainsi naturalisés, jouissent du droit de posséder, de transmettre des propriétés et de succéder. L'art. 4 déclare étrangers les enfants nés d'eux, depuis la naturalisation, mais il leur permet d'invoquer le bénéfice des art. 9 et 10c. civ., de recueillir toutes les successions et d'exercer tous les droits ouverts pendant leur minorité et dans les dix ans qui suivent leur majorité accomplie. — Toutefois, ce n'est pas dans le sens qui vient d'être exprimé que le pouvoir exécutif paraît entendre le décret de 1811. En effet, diverses ordonnances (V. notamment la 7° série du Bulletin des lois, année 1815, nos 14 et 42) autorisant la naturalisation en pays étranger, contiennent au profit de l'impétrant la réserve suivante : « sans qu'à raison de ce, il perde la qualité et les priviléges de citoyen français, dont il continuera de jouir, nonobstant ladite naturalisation.» Mais nous estimons, avec M. Legat, qu'il y a erreur dans ces expressions, et que leur unique objet n'est que de maintenir les droits de posséder, de transmettre et succéder, énoncés en l'art. 3 du décret, réserve qui est au surplus inutile depuis que la loi du 14 juill. 1819 a été portée.

533. La disposition qui prononce la perte de la qualité de Français est pénale; elle doit, en conséquence, être restreinte à ses termes. Or, la loi ne considère que la naturalisation comme étant dé nature à faire perdre la qualité de Français, indépendamment d'un établissement fait en pays étranger, de l'acceptation de fonctions hors de France, non autorisée, d'un mariage contracté par une Française avec un étranger.

534. Il ne faudrait pas assimiler à la naturalisation tout acte par lequel un Français obtiendrait, dans un pays étranger, la jouissance de certains droits civils.—C'est ce qu'enseigne très-bien M. Legat, p. 22.-Ainsi, la dénization, accordée en Angleterre par de simples lettres du souverain, ne suffit pas pour opérer la perte de la qualité de Français (Req., 29 août 1822) (1). La dénization est, comme s'il fût mort ab intestat; Que le traité par lequel la France et l'Espagne ont exempté leurs sujets respectifs des droits d'aubaine, ne saurait avoir l'effet de neutraliser le décret du 26 août 1811; — Que les traités de ce genre ne sont faits qu'en faveur des nationaux d'origine, et ne peuvent affranchir des peines prononcées par ledit décret, ceux qui, sans remplir les conditions qu'il impose, se font naturaliser en pays étranger; Que ce décret forme, en effet, une loi spéciale, à l'application de laquelle on ne peut échapper en invoquant les principes du droit commun; Que de tout ce qui précède, il suit que Caravaca et ceux qui tiennent leurs droits de lui, ne pouvant tirer aucun avantage du testament dont il excipe, quant aux biens que feu Bordes a laissés en France, l'arrêt qui en a ordonné le partage entre les héritiers légitimes de celui-ci, ne lui cause aucun préjudice, et que, par conséquent, il doit être débouté de sa tierca opposition envers cet arrêt; Par ces motifs, sans s'arrêter aux fins de non-recevoir respectivement proposées par les parties, et les rejetant, déboute Caravaca de sa tierce opposition, etc. Du 19 mars 1834.-C. de Pau.-M. Figarol, 1er pr. (1) Espèce : - (Crewe C. Brunet.) – Crewe, arrêté provisoirement pour dettes envers Brunet, avait demandé son élargissement, vu la qualité d'étranger de ce dernier. Cette demande avait été rejetée en première instance et en appel. — Brunet requiert que l'arrestation soit définitive, et que Crewe soit condamné à lui payer le montant de sa créance. Crewe décline la compétence du tribunal de Rouen, à raison de la naturalisation de Brunet en Angleterre. Le tribunal rejette ce déclinatoire, vu l'autorité de la chose jugée résultant des jugement et arrêt, qui ont reconnu dans le créancier la qualité de Français. - Appel de Crewe. Ses moyens sont dans l'arrêt ci-après. Il conclut à 100,000 fr. de dommages-intérêts.

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27 août 1817, arrêt infirmatif de la cour de Rouen : « Attendu que

en effet, très-différente de la naturalisation opérée par acte du parlement. C'est une grâce limitée qui ne fait que relever l'étranger de certaines incapacités, l'affranchir de quelques prohibitions et lui conférer la jouissance de certains droits civils, dont l'exercice, suivant l'art. 9, est indépendant de la qualité de citoyen. Blakstone (t. 3, ch. 15, p. 71), dit que le dénizen tient le milicu entre les naturalisés et les sujets (V. no 56).

Dans l'espèce ci-dessus, le général Crewe produisait en cassation deux pièces qui n'avaient pas été soumises à la cour d'appel. M. Merlin, dans son Supplément au Répertoire, au mot Denization, pense que ces deux pièces n'ayant pas été mises sous les yeux de la cour de Paris, ne pouvaient, par cette raison, être invoquées par le général Crewe, à l'appui du pourvoi qu'il avait formé contre l'arrêt de cette cour. Cette observation ne nous semble pas exacte. Sans doute on ne peut se prévaloir pour la première fois, devant la cour de cassation, d'un titre ou d'un acte, en tant qu'il aurait pour objet de donner naissance à un moyen sur lequel la cour d'appel n'aurait pas prononcé ni pu prononcer. Mais en est-il de même d'un acte de notoriété, d'un parère ou d'un document quelconque, qui tend à éclaircir la question de droit qui a été discutée devant la cour d'appel, et sur laquelle prononce l'arrêt déféré à la censure de la cour suprême? Évidemment non. De semblables actes peuvent être produits, en tout état de cause, devant la cour de cassation comme devant la cour d'appel : il en est de ces sortes de documents comme d'une opinion d'auteur, d'une consultation, d'un mémoire dans lequel on peut toujours faire valoir des arguments nouveaux et ajouter des considérations à celles qui avaient été présentées devant les juges dont la décision est attaquée. Bien plus, le juge peut et doit même demander d'office ces documents, lorsque sa religion n'est pas suffisamment éclairée, comme c'est un devoir pour lui de suppléer les raisons de décider puisées dans les règles

le fait de la naturalisation de Brunet en Angleterre n'avait point été articulé par le général Crewe, lors des jugements précédemment rendus, et présente sa réclamation sous un nouveau point de vue; -Que lesdits jugements n'ont statué que sur l'arrestation provisoire, et ne peuvent avoir acquis force de chose jugée qu'en ce point; - Qu'aujourd'hui il n'est plus question de provisoire, mais du principal, sur lequel chacune des parties rentre nécessairement dans le droit de proposer de nouveaux moyens, ou de donner à ceux déjà produits tous les développements dont ils sont susceptibles; - Que les jugements opposés par Brunet ont d'ailleurs été rendus dans la présupposition d'une action compétente et légitime, dont la discussion devait rester entière; d'où il suit qu'il ne peut s'en prévaloir pour écarter les exceptions qui appartiennent à la défense du général Crewe contre ladite action; - Attendu, au fond, qu'il est établi par pièces authentiques et en due forme, qu'en l'année 1806 Brunet s'est fait naturaliser en Angleterre ; qu'il est également constant qu'il a formé à Londres un établissement considérable, et y a fixé son domicile; que, d'une autre part, il ne justifie pas qu'il se soit fait réhabiliter dans la qualité de citoyen français, et la jouissance des droits attachés à tette qualité; en sorte qu'il est et ne peut être considéré que comme étranger, d'après les dispositions du code civil, art. 17;- Que les titres dont Brunet est porteur consistent en des mandats ou traites tirées de Londres, en 1811, sur un pair des royaumes-unis, qui ne paraît posséder aucune propriété en France; - Que Brunet, réputé sujet du roi d'Angleterre, ne peut invoquer le bénéfice de l'art. 14 c. civ., et les autres lois françaises sur la compétence et les attributs des actions des Français contre les étrangers; Et que le tireur, l'accepteur et le porteur des traites en question étant tous Anglais, l'action en payement desdites traites est exclusivement de la compétence des tribunaux de la Grande-Bretagne. » Pourvoi de Brunet et Crewe : 1° de Brunet, en ce que la cour de Rouen l'a considéré comme Anglais; 2° de Crewe, en ce qu'elle ne lui a pas adjugé de dommages-intérêts pour l'illégalité de son arrestation. La cour suprême n'a statué que sur les moyens de Brunet. Celui-ci distinguait la dénization qu'il avait obtenue par lettres patentes du roi d'Angleterre, et la naturalisation qui ne peut être accordée que par un bill du parlement, et qui seule attribue la qualité d'Anglais (B. Blackstone, t. 3, th. 15, p. 71; M. Merlin, Rép., v° Dénization). - M. Merlin (loc. cit.) rapporte un arrêt du parlement de Rouen, du 8 août 1647, qui a décidé in terminis que la dénization ne conférait pas la qualité d'Anglais. — Il rappelle aussi l'opinion conforme de Basnage sur l'art. 235 de la coutume de Normandie. A la différence de l'Anglais, le dénizé ne peut hériter de ses parents étrangers; il est soumis aux taxes imposées aux étrangers.

A la différence de l'étranger, il peut acheter des terres et les léguer. Il tient donc le milieu entre l'étranger et l'indigène; mais il n'est pas Anglais. Crewe opposait les termes généraux des lettres patentes, qui renferment les titres d'affranchis, naturalisés loyaux sujets, et disent

du droit. Le demandeur en cassation était donc incontestable. ment recevable à argumenter, devant la cour de cassation, des deux pièces dont il s'agit, quoiqu'il n'en eût été aucunement question devant la cour de Paris. Mais ces pièces étaient-elles d'un grand secours au général Crewe pour la justification de son pourvoi? Nous ne le pensons pas. D'une part, en effet, comme le fait très-bien observer M. Merlin, la seconde de ces pièces, le prétendu acte de notoriété, était dans une forme que hotre législation ne permettait pas de regarder comme légalement probante. D'autre part, cet acte était, en quelque sorte, contredit par le bill de naturalisation obtenu par l'italien Luigi, en 1819, lequel différait notamment du diplôme de dénization de Brunet en ce que ce dernier était seulement déclaré habile à acquérir, posséder, aliéner, donner, léguer et recevoir par donation des immeubles situés dans la Grande-Bretagne, tandis que Luigi était en outre déclaré, par son acte de naturalisation, apte, sous tous les rapports, à tous effets et sous toutes conditions quelconques à hériter, c'est-à-dire à recueillir des successions ab intestat, capacité dont la loi d'Angleterre exclut les étrangers, ceux mêmes qui sont dénizés, comme n'ayant pas, suivant l'expression des publicistės anglais, le sang qui fait heritier (inheritable blood). En effet, ainsi qu'on le voit dans Blakstone, liv. 2, ch. 15 de l'acquisition par Échotte, p. 88, trad. de Chompré, éd. de 1823, pour pouvoir recueillir une succession immobilière ab intestat, il faut que l'héritier n'ait pas cessé un instant dans sa vie de jouir de la plénitude des droits civils, et la loi seule peut purger l'incapacité qui résulte de l'extranéité ou de toute autre cause, telle que la bâtardise, la mort civile, la naissance même de l'enfant d'un dénizé avant la dénization de son père.

ART. 2. Acceptation non autorisée de fonctions publiques. 535. Aux termes de l'art. 17 c. civ. l'acceptation de fone

qu'ils pourront en toutes choses être considérés, tenus et gouvernés comme ses loyaux sujets nés en Angleterre. Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Vu les art. 8 et 17 c. civ.; Attendu que, suivant ces mêmes articles, la qualité de Français et les droits attachés à cette qualité ne se perdent que par la naturalisation acquise en pays étrangers; que, d'après les publicistes anglais, la naturalisation n'est acquise en Angleterre que par acte du parlement; que la dénization, qui s'y accorde par de simples lettres-royaux, n'y est considérée que comme une concession de l'exercice de certains droits et libertés interdits aux étrangers qui commence la naturalisation, mais qui ne l'accomplit point; d'où il suit qu'elle n'est pas suffisante pour opérer la perte de la qualité de Français et des droits y inhérents, que les articles précités n'attachent qu'à la naturalisation acquise en pays étranger, et qu'en jugeant le contraire, l'arrêt attaqué viole formellement ces articles; Attendu, enfin, que le pourvoi du général Crewe est connexe à celui de Brunet, et que l'annulation de l'arrêt dans l'intérêt de l'un doit nécessairement l'entraîner dans celui de l'autre, afin de mettre les parties en état de faire valoir leurs droits et moyens respectifs ainsi et de la même manière qu'elles le pouvaient avant ledit arrêt; La cour, joignant les deux pourvois, casse, etc.

Du 19 janv. 1819.-C. C., sect. civ.-MM. Brisson, pr.-Chassaigne, rap. L'arrêt de cassation ci-dessus avait renvoyé le général Crewe et Brunet devant la cour de Paris qui, le 17 juill. 1820, a maintenu l'arrestation du général par les motifs que voici : « Considérant que la dénization obtenue par Brunet du roi d'Angleterre est très-différente, ainsi qu'il résulte des lettres mêmes, de la naturalisation opérée par acte du parlement; Que c'est une grâce limitée qui ne fait que relever l'étranger de certaines incapacités, l'affranchir de quelques prohibitions et lui accorder la jouissance de certains droits civils dont l'exercice, suivant l'art. 7 de notre code, est indépendant de la qualité de citoyen; que c'est l'idée qu'en ont les jurisconsultes anglais, et notamment Blackstone, qui dit que la dénizain tient le milieu entre les naturalisés et les sujets; Que c'est aussi l'opinion qu'on s'en est formée depuis longtemps en France, ainsi qu'il résulte d'un arrêt du 8 août 1647, rapporté par Basnage, et rendu par le parlement de Normandie, lieu où s'est élevée la contestation actuelle. »Pourvoi du général Crewe. - Arrêt.

LA COUR;

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Attendu, sur le premier moyen, qu'il n'est aucunement justifié en fait; Sur le deuxième moyen, attendu qu'il n'est pas fondé en droit; Sur le troisième moyen, attendu que la question qu'il renouvelle a été déjà solennellement jugée contradictoirement entre les parties par l'arrêt de la section civile de la cour, du 19 janv. 1819, et qu'il résulte de cet arrêt (comme l'a jugé à bon droit l'arrêt de la cour royale de Paris, attaqué), qu'à la naturalisation seule et formelle acquise en pays étranger, s'applique la disposition prohibitive de l'art. 17 c. civ.; Rejette.

Du 29 août 1822.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr.-Gartempe, r.

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DROIT CIVIL. -TIT. 3, tions publiques, à l'étranger, fait perdre la qualité de Français, à moins que cette acceptation n'ait été autorisée par le gouvernement. C'est un changement à la constitution de l'an 8, qui ne distinguait point de fonctions autorisées. On a pensé que l'intérêt de la France ou d'une nation alliée solliciterait quelquefois le service public d'un Français en pays étranger. guerre ou de rappel, tout service de ce genre doit cesser (décr. En cas de 6 avr. 1809, art. 6 et 7; décr. 26 août 1811, art. 17). — Que doit-on entendre par fonctions publiques? L'avis du conseil d'État des 14 et 21 janv. 1812, cinquième question, en restreint la signification aux fonctions exercées près la personne d'un souverain étranger, ou dans une administration publique étrangère.L'art. 17 c. civ. exige deux conditions auxquelles il faut se Soumettre impérieusement, à savoir, que les fonctions soient publiques et conférées par le gouvernement étranger. L'absence de l'une ou de l'autre de ces conditions empêche le Français de perdre sa qualité.

CHAP. 1, SECT. 2, ARt. 2.

qualité de Français, poursuivre ou accepter la collation faite par le pape, d'un évêché in partibus, s'il n'a été autorisé du gouvernement (décr. 7 janv. 1808).

537. Et, bien que nommé avec l'autorisation du gouvernement, il ne peut recevoir la consécration avant que ses bulles aient été examinées en conseil d'État et que le pouvoir exécutif en ait permis la publication (art. 2, décr. du 7 janv. 1808).

538. Conformément à notre explication, il a été décidé que, par l'expression générale de fonctions publiques dont parle l'art. 17 c. civ., on doit entendre les fonctions politiques, administratives et judiciaires, les services et titres personnels auprès des princes étrangers, et les serments incompatibles avec la qualité de Français, mais nullement des fonctions ou titres qui se rattachent exclusivement au culte, et qui n'exigent pas même des vœux et la séparation du siècle, comme, par exemple, les titres et prébende de chanoinesse dans un chapitre, à l'étranger (Req., 15 nov. 1836) (1).

539. Du reste, lorsqu'un arrêt, après avoir jugé qu'une Française n'avait pas perdu sa qualité par l'acceptation de fonctions en pays étranger, déclare, en outre, que cette même sonne, bien que décédée en pays étranger plus de soixante ans per

était morte Française, cette dernière décision est fondée sur une appréciation des faits et circonstances de la cause, qui échappu à la censure de la cour de cassation (même arrêt).

536. L'exercice des fonctions ecclésiastiques en pays étrangers fait-il perdre la qualité de Français ? si les emplois, qu'y a occupés le prêtre n'ont eu rapport qu'à ce - Il faut distinguer: que le ministère sacerdotal a de spirituel ou de divin, et l'ont ainsi soumis à l'autorité ecclésiastique plutôt qu'à l'autorité ci-après, n'avait jamais perdu l'esprit de retour, et, par suite, vile, il conserve la qualité de Français. la loi de ce pays fonctionnaire public? Y a-t-il prêté serment de - Mais est-il réputé par fidélité au monarque? En a-t-il reçu un traitement comme en France? Alors il est censé avoir renoncé à la qualité de Français. - Cette distinction a été expressément consacrée par la cour suprême, le 17 nov. 1818 (aff. Tempié, v° Dispos. entre-vils et test.). « Attendu, a dit la cour, qu'il n'est pas prouvé que les fonctions sacerdotales que feu Antoine Tempié a exercées en Pologne, aient été du nombre de celles à l'égard desquelles l'autorisation du gouvernement français fút nécessaire. » Elle est approuvée par MM. Merlin, Rép. v° Français, § 1, n° 4, et Guichard, Tr. des dr. civ., no 311. Le parlement de Rouen a jugé, le 10 août 1647, qu'un Français n'avait pas perdu cette qualité par l'acceptation de bénéfices ecclésiastiques accordés par le roi d'Angleterre. - M. Demolombe, n° 180, conseille, en pareil cas, à l'ecclésiastique de demander l'autorisation du gouvernement français. Nul ecclésiastique ne peut, sans perdre la

(1) Espèce : - (Préf. du Pas-de-Calais C. d'Asbeck.) - En 1826, la dame de Ghistelle, épouse du baron d'Asbeck, Prussien, demanda, par application de la loi du 27 avril 1825, la portion d'indemnité qui devait appartenir à Marie-Thérèse de Ghistelle, sa tante, ex-chanoinesse à Ardennes, dans le Hainaut autrichien, décédée à Mons (Belgique) en 1817, dont elle était héritière universelle. Cette ex-chanoinesse avait elle-même succédé aux droits du prince de Ghistelle et de la dame Parfaite de Ghistelle, ses frère et sœur, dont les biens situés dans le département du Pas-de-Calais furent vendus, par suite de leur émigration, au profit de l'État.

La demande fut rejetée par la commission le 24 déc. 1832, et, sur l'action judiciaire, le tribunal d'Arras en fit autant; mais, sur l'appel du sieur d'Asbeck, et le 1er déc. 1835, arrêt infirmatif de la cour de Douai, ainsi motivé : lotte-Guislaine de Ghistelle est née en France, de parents Français; -«Attendu que Marie-Thérèse-CharQue, si, en 1755, elle a été pourvue du titre et prébende de chanoinesse dans le chapitre de Sainte-Berthe à Ardennes, en Autriche, ce titre et les avantages, soit pécuniaires, soit honorifiques, qui y étaient attachés, ne lui imposaient aucun væu, et ne la séparaient pas du siècle; ni de l'acceptation qu'elle en a faite, ni de son habitation continuée jus- Que, qu'à sa mort dans la ville de Mons, ne résulte de sa part l'intention d'abdiquer la qualité de Française par un établissement en pays étranger, sans esprit de retour, etc. » — Pourvoi du préfet. LA COUR ; Arrêt. Sur la première partie du premier moyen (le second dans l'ordre de la requête): - Attendu, en droit, que, du rapprochement des art. 20 et 29, tit. 2, § 2 du décret du 6 avril 1809; des art. 17 et 18 du décret du 26 août 1811, expliqué par l'avis du conseil d'État du 21 janv. 1812, et d'après la disposition de l'art. 17 c. civ., il résulte que, sous le nom de fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger et par l'acceptation desquelles on perd la qualité de Français, on doit bien comprendre les fonctions politiques, administratives et judiciaires, les services et titres personnels auprès des princes étrangers, et les serments incompatibles avec la même qualité de Français; mais qu'on n'y doit nullement comprendre des fonctions qui se rattachent exclusivement au culte, et qui n'exigent pas même des vœux et la séparation du siècle;

540. Et, sur la question de savoir si une personne née de parents français, qui a acccepté le titre de chanoinesse et a constamment résidé en pays étranger, jusqu'à sa mort, a conservé sa qualité de Française, l'arrêt qui déclare que cette personne n'avait accepté aucunes fonctions, ni fait aucun établissement qui, d'après les lois, pût lui faire perdre cette qualité, sans développer, d'ailleurs, davantage ces différentes propositions, motive néanmoins d'une manière suffisante sa décision (même arrêt).

541. La profession d'avocat, exercée hors de France n'ôte point la qualité de Français. Elle ne constitue pas, à proprement parler une fonction publique; elle est d'ailleurs entièrement indépendante. Le diplôme est moins une investiture qu'une preuve de capacité (Montpellier, 12 juill. 1826) (2).

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549. La même décision doit s'appliquer aux médecins et bende de chanoinesse dans le chapitre de Sainte-Berthe à Ardennes (Autriche), le titre et les avantages soit pécuniaires, soit honorifiques qui y étaient attachés, ne lui imposaient aucun vœu et ne la séparaient pas du siècle; Que, dans ces circonstances, en décidant que, par l'acceptation de ce titre et de cette prébende, Marie-Thérèse de Ghistelle n'avait point perdu la qualité de Française, l'arrêt attaqué a fait une juste application des lois de la matière ; Attendu que, pour décider que Marie-Thérèse de Ghistelle, n'ayant jaSur la seconde partie du moyen : mais perdu la qualité de Française, était demeurée et décédée à Mons, non sans esprit de retour dans sa patrie, l'arrêt attaqué n'a fait qu'apprécier les faits et circonstances de la cause, appréciation que la loj abandonne aux lumières et à la conscience des juges;

Sur le deuxième moyen (le premier dans l'ordre de la requête): Attendu que, pour décider que Marie-Thérèse de Ghistelle avait conservé la qualité de Française, l'arrêt attaqué a considéré, en termes formels, qu'elle n'avait accepté aucune fonction, ni fait aucun établissement à l'étranger, qui, d'après les lois, aurait pu lui faire perdre cette qualité; qu'ainsi, l'arrêt est motivé, et que, par là, le vœu de la loi a été rempli; Rejelle, etc.

Du 15 nov. 1856.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Lasagni, rap.Nicod, av. gén., c. conf.-Teste-Lebeau, av.

ment.

(2) Espèce: (Me Travy C. Salsas.) — Vincent de Travy exerçait la profession d'avocat à Barcelonne, lorsqu'il a été appelé à la succession de son frère décédé en France. signé en payement de leur legs, d'abord devant le tribunal de Barcelonne, - Les mineurs Salsas, légataires, l'ont asensuite devant le tribunal de Prades, qui a condamné Travy au payeAppel. Il soutient qu'il est naturalisé Espagnol; qu'il a à Barcelonne le siége de ses affaires, et il se prévaut surtout de ce qu'il y exerce la profession d'avocat. Il prétend que l'art. 14 c. civ. ne lui est pas applicable, parce qu'il n'a contracté aucune obligation envers les miproduit en preuve une enquête reçue d'autorité du tribunal de Barcelonne. neurs; enfin, il demande son renvoi pour litispendance devant le tribunal de Barcelonne, premier saisi. - Au fond, il soutient qu'il est libéré, et - Arrêt. Attendu que Vincent de Travy, Français d'origine, n'a point perdu sa qualité de Français; que la profession d'avocat qu'il ex

LA COUR;

Et attendu qu'il est constant et reconnu, en fait, par l'arrêt attaqué, que Marie-Thérèse de Ghistelle, auteur des époux d'Asbeck, est née en France de parents Français; que si, en 1755, elle a été pourvue du titre et pré-cipe, alors même qu'il serait justifié qu'il en exerce les fonctions, sans

thirurgiens, également libres dans l'exercice de leur état, et qui ne revêtent un caractère public que lorsqu'ils sont admis par le gouvernement dans les armées ou préposés à l'administration publique des hospices.- Telle est l'opinion de M. Merlin, Rép., yo Francais, § 4, et de MM. Guichard, n°311, et Legat, p. 27. -M. Coin-Delisle, art. 17, n° 14, la taxe néanmoins de sévérité en ce qui concerne les médecins attachés aux hospices. Le fait d'appartenir à un hospice et même de recevoir un traitement du gouvernement étranger ne lie pas le médecin à ce gouvernement, dit M. Coin-Delisle. Mais c'est perdre de vue le caractère public dont est revêtu le médecin attaché à un hospice par l'investiture du gouvernement que de ne pas lui appliquer l'art. 17 c. civ. En conséquence, nous persistons dans l'opinion que nous avions émise à cet égard dans notre première édition. - Toutefois il a été très-bien jugé que, sous l'empire des édits de 1669 et 1705 et des déclarations de juill. 1682 et 14 août 1685, l'exercice, sans l'autorisation du roi, de la profession de chirurgien dans un régiment de pays étranger, ne suffisait pas pour faire perdre la qualité de Français. « La cour; attendu que la cour d'appel [de Montpellier) ayant (par arrêt du 5 mess. an 11) décidé, d'après les faits et les circonstances de l'affaire, que Jean Lance n'avait jamais témoigné l'envie de renoncer à sa patrie, et que, dès lors, il ne pouvait être réputé étranger, l'édit de 1669, la declaration de juill. 1682, celle du 14 août 1685 et l'édit de 1705, invoqués par les demandeurs se trouvent sans application à l'espèce; rejette » (Req., 30 pluv. an 13, MM. Muraire, pr., Vallée, rap., aff. Depaule C. Talere).

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543. A plus forte raison, déciderons-nous, avec MM. CoinDelisle, art. 17 n° 14, et Demolombe, t. 1, no 180, que la profession d'instituteur ne fait pas perdre la qualité de Français. M. Legat (p. 27) enseigne toutefois l'opinion contraire. Mais le professorat n'est pas une fonction publique proprement dite, alors même que celui qui l'exerce a été nommé par un gouvernement étranger dans un collége. Il reste, en effet, en dehors de toute action du gouvernement dont il n'est l'agent qu'autant qu'il s'est lié envers lui par un serment, ou que l'enseignement dont il est chargé lui donne des droits et un pouvoir qu'on ne peut exercer sans entrer dans la hiérarchie administrative du pays où il s'est retiré.

544. La question ne pourrait, au surplus, faire doute à l'égard du Français qui aurait accepté les fonctions de professeur dans un athénée étranger, quand ces fonctions lui ont été conférées par l'autorité municipale d'une ville, et ne le soumettent à aucun serment (Douai, 12 nov. 1844, aff. Williate, D. P. 45. 4.167).

545. L'acceptation du titre de commissaire des relations commerciales d'une puissance étrangère ne fait pas perdre la qualité de Français (décis. min. du 28 vend. an 9) — Ces fonctions n'obligent pas à résider dans les pays étrangers, et ceux qui en sont chargés ne sont en quelque sorte que des mandataires des puissances étrangères. — Aussi M. Legat (p. 29), estime-t-il, avec raison, que la décision de vend. an 9 doit encore être suivie. 546. L'acceptation du titre de conseiller aulique à la cour de Russie, avec prestation de serment à l'empereur, fait perdre la qualité de Français (Rej., 14 mai 1854, aff. Despine, V. n° 138).

autorisation du roi, devant les tribunaux étrangers, n'est pas suffisante pour lui faire perdre sa qualité originaire; d'où il suit que les tribunaux français sont ses juges naturels; Attendu que, fallùt-il le considérer comme étranger, la compétence appartiendrait encore aux mêmes tribunaux, l'art. 14 c. civ. étant à cet égard formel et sans exception, sans qu'il serve à Vincent de Travy de dire qu'il n'a pas contracté d'obligation envers les intimés, son obligation existant dans le fait de ladition de l'hérédité sur laquelle le legs est demandé; - Attendu que l'art. 171 c. pr. ne saurait s'appliquer à des causes pendantes devant des tribunaux de différents royaumes, puisque, d'après l'art. 121 de l'ordonnance du mois de janv. 1629, les jugements étrangers n ayant pas force exécutoire en France, quelle que soit la discussion qui est pendante à l'étranger, les juges français ne sont pas tenus de s'y arrêter et de se dépouiller; Attendu, au fond, qu'une enquête reçue d'autorité d'un juge étranger, en vertu d'un jugement étranger, ne peut avoir plus de force en France que n'en aurait le jugement dont elle est la suite, quelle que soit d'ailleurs la nature des faits sur les lesquels elle a été reçue; - Par ces motifs, condamne ledit Travy. TOME XVIII.

547. Quand re gouvernement français a autorisé l'acceptation des fonctions publiques à l'étranger, celui qui a obtenu cette autorisation conserve la qualité de Français, et les enfants qui naissent de lui à l'étranger sont Français, par application de l'art. 10 c. civ. — C'est ce que fait remarquer MM. Legat, p. 26, et Coin-Delisle, art. 17, no 12.

548. L'autorisation est accordée par des lettres patentes dressées par le ministre de la justice, et enregistrées à la cour d'appel du dernier domicile de celui qu'elles concernent (décr. 26. août 1811, art. 2 et 19).

549. L'art. 26 du même décret porte que les Français quí avaient, antérieurement à sa promulgation, accepté des fonctions publiques en pays étranger sans y être autorisés par le gouverment, sont tenus de se munir de ces lettres patentes. — L'avis précité du conseil d'Etat des 14-21 janv. 1812 a décidé que ceux qui avaient pris du service avec la permission du gouver nement, doivent accomplir la même formalité.

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550. Aux termes du § 3 de l'art. 17, « la perte de la qualité de Français résulte de tout établissement fait en pays étranger sans esprit de retour. >>

551. La loi n'a pas déterminé quels sont les établissements faits sans esprit de retour. Elle ne pouvait pas faire cette détermination, car c'est là un point de fait et d'intention, abandonné à l'appréciation des tribunaux. Les magistrats, qui sont ici des jurés plutôt que des juges, devront se determiner par les circonstances. M. Demolombe, t. 1, no 181, pose à cet égard l'hypothèse suivante le Français a vendu toutes ses proprietés en France, il en a acheté en pays étranger; il s'y est marié, il a rompu tous ses liens, toutes ses relations avec sa patrie; il a changé de religion... Tels sont les faits principaux qui seront pris en considération.On devra aussi tenir compte du temps qui s'est écoulé depuis l'établissement en pays étranger.

552. Mais la loi ne suppose pas facilement l'intention de renoncer à la qualité de Français. C'est une peine qu'elle prononce dans certains cas, et la présomption est en faveur du Français qui s'est établi en pays étranger. — L'esprit de retour est tou jours présumé. C'est ce qu'enseignent MM. Merlin, Répert., vo Français, § 1, no 3; Guichard, no 312; Legat, p. 32; CoinDelisle, n° 18; Demolombe, t. 1, no 181; Marcadé, art. 17, no 2, et Richelot, t. 1, no 95.

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553. Conformément à cette doctrine, il a été jugé que l'abandon du titre de Français exige une volonté bien décidée et un établissement qui soit en quelque sorte incompatible avec l'intention de revoir sa patrie (Rennes, 1er juin 1852) (1).

554. Déjà Pothier avait émis la même doctrine, sous l'empire de notre ancien droit (Des personnes, 1re part., tit. 2, sect. 4). Enfin, le nescio quid natale solum, etc., et le vers: « A tous les cœurs bien nés que la patrie est chère,» révèlent la raison instinctive de cette proposition. On pourrait peut-être la combattre par le texte même du 3o de l'art. 17 qui, après avoir posé le principe de la perte de la qualité de Français par tout établissement fait à l'étranger sans esprit de retour, ajoute :

Du 12 juill. 1826.-C. de Montpellier.-M. de Trinquelague, 1or pr.

(1) (Duboistaillé C. Berthois.) LA COUR ;- Considérant que l'exo ception de peregrinité proposée par l'intimé principal est péremptoire e peut être invoquée pour la première fois sous l'appel, suivant l'art. 464

c. pr.;

Considérant qu'aux termes de l'art. 17 c. civ., l'on abdique la qualité de Français par tout établissement fait en pays étranger, sans esprit de retour, et qu'il n'est pas nécessaire, pour en être privé, d'étre admis au rang des naturels du pays que l'on aura préféré ;-Que l'abandon du titre de Francais se présume très-difficilement; qu'il ex ge une vo◄ lonté bien décidée, et un établissement qui soit en quelque sorte incompatible avec l'intention de revoir sa patrie; que cette volonté et cet établissement ne sont pas justifiés dans la cause; mais que le sieur Berthois a maintenu des faits qui tendraient à les constater, et qu'il importe de les veritier ;-Déclare admissible l'exception de pérégrinité proposée, clc.; -Autorise le sieur Berthois à prouver, etc.

Du 1er juin 1832.-C. de Rennes, 2 ch.-M. de la Villemoisan, pr.

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