Page images
PDF
EPUB

qu'elle aimait en véritable connaisseur. Le marquis ne reculait pas devant les dépenses. Le Marais devint, sous l'habile et fidèle jardinier Lamy, un des plus beaux jardins fleuristes de France. On venait de fort loin admirer les nombreuses serres. remplies des plantes les plus rares et surtout les splendides parterres à la Française, les plates-bandes nuancées comme des tableaux, les grands carrés creux où étincelaient en longues lignes les espèces les plus nouvelles. Quand les premières gelées d'automne, toujours assez précoces au Marais, ce qui désolait le pauvre Lamy, avaient éteint toutes ces splendeurs, le marquis, qui s'attardait souvent dans son superbe domaine personnel de La Roche, en Nivernais, remplaçait au Marais l'éclat des fleurs par celui des chasses et des battues, auxquelles il convoquait généreusement ses amis et ses voisins.

C'était une physionomie très originale que celle du grand marquis de la Ferté, un des derniers types de l'ancien seigneur. A la fois hautain et bon enfant, aimable et fier, il avait la stature gigantesque et la longue chevelure blond ardent des vieux Gaulois. « Regardez-moi bien, me disait-il un jour en plaisantant, je suis un Allobroge. » Représentant accrédité en France de la légitimité exilée, ce fut lui qui fut chargé d'adresser un adieu sur la tombe de Berryer.

ше

La grande tristesse pour le Marquis et la Marquise de la Ferté, c'est qu'ils n'avaient point de postérité et que leur nièce et héritière Me la duchesse d'Ayen, fille du comte de la Ferté, n'en avait poit encore. Le jour où fut annoncée enfin la naissance de son premier enfant, suivie bientôt de plusieurs autres, il y eut au Marais de grandes réjouissances dans le parc ouvert à toute la population d'alentour. Ce fut l'une des dernières fêtes. La Marquise, depuis longtemps souffrante, s'éteignit, et le Marquis, veuf et triste, ne tarda pas très longtemps à la rejoindre.

Infortune des grandes fortunes dans notre pays! fatalement le morcellement les attend et les atteint. Le duc d'Ayen,

[graphic][merged small]

devenu duc de Noailles, déjà possesseur des magnifiques terres de Maintenon, de Champlâtreux, de la Roche, ne crut pas devoir conserver celle du Marais. Elle fut mise en vente. Elle l'est encore. La valeur du domaine, des réparations nécessaires, un coûteux entretien, ont jusqu'à présent fait hésiter les prétendants.

Elle vous semble pourtant bien belle, n'est-il pas vrai? quoique en deuil de ses maîtres et de ses fleurs, presque entièrement démeublée, dans sa mélancolique solitude, cette royale demeure dont notre nombreuse et joyeuse caravane réveille aujourd'hui les échos.

En la quittant, formons des vœux pour que cette noble veuve un instant délaissée, comme Rachel de Cochefilet, retrouve encore un heureux sort, et qu'entre des mains dignes et généreuses elle voie bientôt revivre les meilleurs souvenirs de son brillant passé!!

L'allocution de M. Guyot, à laquelle tous applaudissent, terminée, nous parcourons le grand salon, auquel manquent maintenant ses belles tapisseries, la spacieuse salle à manger, les chambres à coucher; nous visitons la chapelle.

Allons admirer le portrait de Mme de la Briche, tenant sur ses genoux son arrière-petite-fille, aujourd'hui Mme la duchesse douairière de Noailles. Le grand portraitiste Dubufe, dont la réputation commença en 1827 et qui mourut en 1864, a, au château du Marais, une de ses plus belles toiles. Comme l'aïeule, qui a été une des femmes les plus charmantes de son temps et fut la reine d'une société disparue, est touchante dans sa simplicité, et que le portrait de sa petite-fille est gracieux!

Mais l'heure est venue de se retirer, malgré le charme qui

Le vœu de M. Guyot vient d'être exaucé. Le château du Marais a été acheté, en 1899, par M. le comte Boni de Castellane, député des BassesAlpes.

Nous devons à l'obligeance de M Collin les trois reproductions que nous donnons du château du Marais.

nous retient auprès de ce portrait. Après avoir remercié M. Guyot, M. Dupré et Me Collin 2, les membres de la Société archéologique remontent en voiture, car ils ont encore à s'arrêter à l'église du Val-Saint-Germain sur l'indication de M. Charles Périer et, si le temps le permet, à l'inauguration des verrières de l'église de Saint-Cyr-sous-Dourdan.

L'église du Val-Saint-Germain, qui contient les reliques de sainte Julienne, renferme aussi un grand nombre de chandeliers porte-souches. Sainte Julienne, pendant de longues années, fut un lieu de pèlerinage très fréquenté; au siècle dernier, on y venait encore de Marseille et de Lyon, dit dans un rapport le conventionnel Couturier en mission en Seine-et-Oise en 1793; tous les chandeliers porte-souches antérieurs à la Révolution ont été détruits, mais il y en a encore un grand nombre du commencement du siècle; il y en a de la paroisse de Rambouillet, de la paroisse de Dourdan, du Perray. Nous y voyons aussi le tombeau de Mme de la Briche.

M. le curé du Val-Saint-Germain, que nous rencontrons, nous introduit dans la sacristie, où il veut bien nous montrer les reliques de sainte Julienne.

A notre grand regret, nous ne pouvons nous arrêter à Saint-Cyr-sous-Dourdan et assister à l'inauguration des verrières, qui récemment ont été posées dans l'église.

Les voitures ramènent à Rambouillet les membres de la Société archéologique, heureux et satisfaits d'une si belle journée, parfaitement remplie, se promettant, l'an prochain, de visiter un autre coin de l'arrondissement de Rambouillet.

« PreviousContinue »