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L'ancienneté de ses édifices réduit cette maison à des réparations considérables, qu'elle ne pouvait éviter que par une reconstruction; mais, dénuée de ressources, dans un pays où les matériaux sont extrêmement chers, on a été obligé de se contenter de réparer.

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LE MARQUIS D'ARGENSON A SEGREZ1

René-Louis de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson, qui habita pendant quelques années le château de Segrez, naquit le 16 octobre 1694. Fils du lieutenant de police du même nom, le marquis d'Argenson fut, en 1716, conseiller au Parlement, maître des requêtes de l'hôtel en 1718, intendant de Hénault et de Cambrésis en 1719. Il exerça les fonctions de conseiller d'Etat de 1724 à 1733, devint ambassadeur en Portugal en 1737, entra au Conseil des dépêches en 1738, fut chancelier du duc d'Orléans en 1741, puis le 18 novembre 1744 ministre des Affaires étrangères; il quitta le ministère le 10 janvier 1774 et devint la même année président de l'Académie des inscriptions. Depuis lors il vécut dans la retraite, habitant une partie de l'année le château de Segrez à Saint-Sulpice-de-Favières, près d'Arpajon. Ses manuscrits fort intéressants ont été brûlés dans la bibliothèque du Louvre en 1871, mais Sainte-Beuve, qui put les lire, en a donné une intéressante analyse dans le XIIe volume de ses Causeries; Rathery en a publié d'importants extraits.

Le marquis d'Argenson mourut à soixante-deux ans, le 26 janvier 1757.

Dans son journal, qui a été publié par Rathery, le marquis d'Argenson, fait allusion, à plusieurs reprises, à Segrez. A la date du 25 octobre 1749, il écrit:

J'habite une campagne à dix lieues de Paris, où le village n'a qu'une misère moyenne entre l'abondance de Paris et

Le château de Segrez, à Saint-Sulpice-de-Favières, est possédé aujourd'hui par la famille Lavallee. Voir notre « Excursion a Saint-Sulpice » (XP volume)

l'horreur qui règne dans ma patrie, la Touraine. On a voulu ici (Saint-Sulpice) établir la taille proportionnelle, mais tout n'était qu'injustice; les seigneurs ont prévalu pour diminuer leurs fermiers. Je compte d'y remédier cette année, me faisant autoriser par l'intendant pour présider au rôle de la taille, qui sera fait par un élu sous mes yeux. Convenons, d'après ce que j'ai vu et ce que j'en apprends chaque jour dans le village, que plus les gens d'autorité se mêlent de cette besogne commune, plus elle est mal faite et avec mystère. Une besogne commune doit être l'ouvrage du commun et revue seulement par la présidence des gens d'autorité. Parmi les gens d'autorité, convenons que les neuf dixièmes sont fort injustes et fort méchants.

Le 23 mars 1750, il s'exprime ainsi sur les habitants de Saint-Sulpice':

Je suis au fond d'une campagne qui ressemble beaucoup à un désert et où personne ne vient. A peine y sait-on les nouvelles les plus communes et les moins fraîches.

Les habitants de cette campagne ne sont point malheureux; les propriétaires des terres ou des maisons de campagne du pays sont des gens riches de Paris qui y viennent dépenser leurs revenus avec ce qu'ils recueillent de ces campagnes; on se plaint ici d'un grand fléau : le gibier, le lapin surtout mange les vignes, les grains de tous les fruits que recueilleraient les particuliers... Diminuez le pouvoir de la noblesse; substituez-y celui de la commune, de la démocratie admise avec égalité, et vous aurez un bon gouvernement. »

En avril 1750, Louis XV vient, en chassant jusqu'à Boissysous-Saint-Yon.

1 D'Argenson était à Segrez locataire à vie de Haudry de Soucy, grand propriétaire d'une partie de la contrée. Avant d'Argenson, la comtesse de Blot, maitresse du régent, y avait habité.

2 avril 1750.

Mardi dernier, le roi, chassant dans les bois de Verrières, poursuivit un cerf qui le mena par delà Marcoussy, jusque dans la paroisse de Boissy, où il s'informa de Segrais, qui est tout auprès.

Le 8 mai, Voltaire lui écrit de Sceaux:

<< N'en disons rien, Monsieur, à Mme la duchesse du Maine, mais je compte après-demain lundi venir faire ma cour dans votre ermitage de Segrais. J'y serai peu de temps, dont je suis très fàché! Comptez que je voudrais passer ma vie avec un philosophe comme vous, qui est si au-dessus de toutes les places. Ayez la bonté d'envoyer des chevaux de très bonne heure à Arpajon et de hàter le moment où j'aspire de rendre mes respects à votre sagesse dans votre respectable solitude.

A la même époque, d'Argenson écrit ceci :

Voltaire s'occupe toujours de l'Histoire de la guerre de 1741. Etant à ma campagne (Segrez), il m'a confié son manuscrit: Vie d'Argenson. Selon moi, cet ouvrage est supérieur à tout ce que j'ai lu de lui. Ce n'est pas l'éloge qu'il fait de moi durant mon ministère qui influe sur mon jugement... La bataille de Fontenoy est un morceau digne de l'Antiquité.

Voici comment le marquis décrit Segrez':

Rien ne ressemble aux Champs-Elysées, séjour des ombres heureuses, comme la maison de Segrez, près Arpajon, que je viens de louer. Il y a un jour doux et non brillant comme celui des vues étendues sur de grandes rivières. Cet affai

1 Voir Journal d'Argenson aux dates indiquées et à la table, au mot: Segrez.

blissement du jour vient de quantité de montagnes vertes qui rendent ce séjour sauvage avec peu d'échappées de vue. Il y a des prairies, et surtout des eaux courantes. Derrière la maison, au bas du rocher, est une futaie d'arbres, avec des ruisseaux qui coulent en nappes, cascades et bouillons d'eau, qui vont nuit et jour et qui rendent ce séjour tout semblable aux Champs-Elysées. Avec cela on y vit heureux et sans bruit du monde.

31 décembre 1751.

J'apprens que l'abbé de Prat a été condamné pour sa fameuse thèse de Sorbonne; en note l'éditeur met ceci :

Il était alors caché, ainsi que l'abbé Yon, son ami, chez le curé de Saint-Sulpice-de-Favières, d'Argenson lui facilita son évasion en Prusse.

En septembre 1752, le châtelain de Saint-Sulpice donne une grande fête à Segrez, dont rend compte la Gazette du 16 septembre 1752:

Le marquis d'Argenson, ci-devant ministre et secrétaire d'Etat, chargé du département des Affaires étrangères, donna, le 8, dans son château de Segrez, une très belle fête en réjouissance du rétablissement de la santé de Mar le Dauphin. L'illumination du château et du jardin présentait un coup d'oeil frappant. On admira surtout celle du canal et de la cascade. Il y eu un magnifique feu d'artifice, dont l'exécution fut aussi parfaite que l'ordonnance en était ingénieuse. L'artificier avait tellement corrigé l'effet de l'artifice que, par les divers degrés ménagés dans la vivacité et dans les nuances du feu, il parut exprimer en quelque sorte les différents mouvements d'inquiétude et de joye que la maladie et la convalescence de Mr le Dauphin ont fait éprouver à toute la nation. Cette fête emprunta un nouvel éclat de

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