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Au commencement du mois de frimaire de l'an II (novembre 1793,, 188 prisonniers furent transférés de Chartres à Rambouillet; le 8 frimaire' (28 novembre), ils saisissaient le Conseil municipal de la ville où ils arrivaient d'une pétition, se plaignant des huées qui les avaient accueillis, le 7, à leur entrée à Rambouillet et de l'impossibilité physique où ils se trouvaient de pouvoir rester, sans mourir, dans l'église qui les renfermait, à cause du grand froid: ils réclamaient un logement plus sain.

La municipalité, dans sa séance du même jour, s'inspirant de sentiments d'humanité et considérant que les pétitionnaires prisonniers n'étaient pas des criminels, que, quand même ils le seraient, la loi aurait seule le droit de les punir, arrêta qu'ils seraient transférés de l'église, dans le ci-devant Gouvernement 2 et nomma deux de ses membres, Godard et Alix, commissaires, à l'effet d'empêcher leur évasion.

1 Archives municipales de Rambouillet, à la date indiquée.

2 L'hôtel du Gouvernement, qui devint plus tard le palais du roi de Rome, occupait la poste d'aujourd'hui et maisons voisines.

Quelques instants après ce vote, un officier de la garde nationale de Chartres se présentait à la municipalité, muni d'une feuille de route contenant l'envoi que faisait Chartres à Rambouillet de 91 prisonniers; le Conseil levait aussitôt. la séance pour assister à l'arrivée de ces prisonniers.

Le 9 frimaire (29 novembre), un membre de la municipalité déclarait que les détenus venus de Chartres manquaient de pain et exprimait l'avis qu'il y avait lieu de leur en fournir provisoirement en prévenant le département d'Eure-etLoir de cette situation.

Le 10 frimaire (30 novembre), le Conseil prenait un arrêté aux termes duquel les détenus étaient transférés de l'hôtel du Gouvernement, dans le bâtiment national, dit le Corridor', au deuxième étage; l'arrêté ajoutait que les prisonniers seraient gardés à leurs frais, la République ne leur devant que la paille, le pain et l'eau on nommait Cant Martin concierge de la prison 2.

Guérin, boulanger, était chargé de fournir 564 livres de pain par jour, à raison de 2 livres par ration; on désignait Dufour, maire, à l'effet de dresser un état des détenus, contenant leurs nom, prénoms, âge, profession, facultés et le lieu de leur domicile; le concierge était autorisé à retirer de la poste les lettres qui leur étaient destinées.

Le 12 frimaire (2 décembre) 3, Cant Martin se rendait au Conseil municipal et exprimait les craintes qu'il avait de l'évasion des prisonniers, à cause du peu de hauteur des croisées; il demandait que l'on établit une garde du côté du parc; il fut convenu qu'il y aurait 3 factionnaires pendant la nuit, et 2 pendant le jour, l'un dans le parc et l'autre à la grande porte du côté de l'église ; on décida que les per

1

Aujourd'hui école des enfants de troupe.

2 Né à Vaucresson, près Versailles, 33 ans, employé à la vénerie de Capet, avant la Révolution, depuis perruquier et gardien de la prison. 3 Archives municipales de Rambouillet.

L'église se trouvait là où est aujourd'hui la place René Masson.

sonnes qui donnaient à manger aux détenus ne pourraient communiquer avec eux qu'accompagnées d'un garde, et que les tailleurs, ainsi que les autres fournisseurs, ne seraient admis au corridor qu'après approbation du gardien et cela de huit heures du matin à six heures du soir seulement.

Le lendemain (13 frimaire), le concierge demandait et ob tenait du Conseil la fixation d'une heure pour l'entrée de la nourriture des prisonniers et de la paille, l'établissement de réverbères et un adjoint, à raison du nombre des détenus qui étaient environ 300.

Cant Martin était un concierge très humain; le 17 frimaire (7 décembre), il revenait devant le Conseil municipal; les détenus ne consomment pas toutes leurs rations de pain, disait-il, l'excédent devrait lui appartenir, à lui, mais, étant données les souffrances des malheureux prisonniers qui n'avaient pas le moyen de se chauffer, il proposait de vendre cet excédent pour leur avoir du chauffage; le Conseil félicitait Martin de son humanité, mais, ne pouvant plus prendre sur lui de décider ce cas, il écrivait au district.

Le 22 frimaire (12 décembre), la municipalité donnait aux sentinelles du Corridor les capotes rouges des bedeaux, provenant de l'église, et permettait à la citoyenne Champigny de faire la cuisine aux détenus dans l'ancien presbytère.

Mais quels étaient ces prisonniers, à quelle partie de la société appartenaient-ils, de quoi étaient-ils prévenus et d'où venaient-ils ? Une lettre du citoyen Charpentier, administrateur du département de Seine-et-Oise, va nous renseigner '.

Le 23 frimaire (13 décembre 1793), Charpentier arrive de Versailles à Rambouillet et provoque immédiatement une réunion extraordinaire du Conseil municipal; à cette réunion, il exhibe un arrêté du département le déléguant et annonçant

1 Cette lettre est signalée par M. Wallon, Représentants du peuple en mission, tom. III, pag. 373. M. Wallon commet une petite erreur : Charpentier n'était pas représentant du peuple; nous reproduisons en entier la lettre de Charpentier.

que 300 détenus nouveaux vont arriver, le soir même, à Rambouillet pour y rester deux jours seulement; pendant ce laps de temps, ils seront confiés à la garde de la municipalité qui les logera dans les bâtiments nationaux et dans l'église 100 de ces prisonniers seront transférés à Montfort, 100 à Étampes et 100 à Dourdan; le lendemain, il en passera encore 400, mais ceux-ci seront répartis dans les districts de Corbeil, Étampes, Pontoise, Gonesse. Les frais de garde et de nourriture seront à la charge des détenus, conformément à la loi du 17 septembre; les autorités fourniront le pain et la paille qui seront remboursés1.

Charpentier demande que le pain des boulangers soit mis en réquisition, il compte sur la municipalité pour le placement des détenus; le Conseil nomme des commissaires et de la paille est mise dans le temple de la Raison.

Les prisonniers arrivent, le jour même, de Chartres, mais ils ne sont point 300 comme on l'avait prévu, ils sont près de 700, 682.

Le 24 frimaire (14 décembre), Charpentier rend compte au département de la mission qu'il avait accomplie et les détails qu'il donne indiquent que les prisonniers de Rambouillet étaient, en général, des paysans, à qui l'on reprochait des idées contre-révolutionnaires; ils faisaient partie de la même catégorie que ceux qui étaient renfermés, depuis le 30 novembre, dans le Corridor avec cette différence que ceux-ci étaient pour la plupart des prêtres.

1 Archives municipales.

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