Page images
PDF
EPUB

une erreur grossière, qui a été mise à néant par M. Vian dans son histoire de Saint-Chéron; la famille de Lamoignon avait répondu, en 1781, par des faits précis à cette insinuation perfide qui se fit jour alors. Saint-Simon raconte :

«La terre de Courson appartenait à un gentilhomme nommé de Fargues, après les troubles de la Fronde, cù il avait joué un rôle contre la cour. L'amnistie publiée, il s'était retiré dans sa terre où il vivait tranquille, aimé et estimé de ses voisins; le comte de Guiche, le comte, depuis duc du Lude Vardes et Lauzun s'étaient égarés la nuit à un retour de chasse et cherchant un asile, la lumière qu'ils aperçurent les guida vers le lieu d'où elle partait, qui était Courson, où ils demandèrent retraite jusqu'au jour. Fargues les reçut avec joie, leur donna à manger et les combla de poli

tesse.

De retour à la cour, ils contèrent au roi leur aventure et se louèrent beaucoup de Fargues. A ce nom, qui réveilla dans le cœur du roi le ressentiment de la Fronde:

Comment dit-il - ce coupable-là est dans le royaume et si près de moi! Il manda le premier président de Lamoignon et lui ordonna de faire rechercher toute la vie de Fargues; malheureusement il se trouva coupable d'un meurtre les crimes n'avaient pas dus être fort rares dans ces temps de troubles), et le procureur général eut l'ordre de poursuivre l'accusé qui fut arrété, condamné et décapité, malgré l'amnistie qui semblait avoir dû effacer tout ce qui était arrivé. Quoiqu'il en soit, ses biens furent confisqués et le roi donna la terre de « Courson» au premier président. Le journal des Savants de mai 1781 réfute très nettement toutes les assertions de Saint-Simon.

[ocr errors]

Ainsi, Saint-Simon affirme que Fargues était gentilhomme

p. 369.

1 Histoire de Saint-Chéron, tome I Journal des Savants de mai 1781. Bibl. nat. inventaire, 1, 4075, 115. Saint-Simon. Mémoires, Paris, 1873, p. 311. Il existe une notice autographiée sur LaunayCourson, de 1839.

et qu'il fut jugé par le Parlement; il résulte, au contraire, des citations du journal des Savants que Fargues n'était pas gentilhomme et qu'il fut jugé par une commission spéciale siégeant à Abbeville; Fargues fut condamné par un arrêt du 16 mars 1665 non pas à être décapité, mais à être pendu, non pas pour meurtre, mais pour malversation comme fournisseur de pain et munitions pendant plusieurs années à la garnison de Hesdin.

Louis XIII avait pris Hesdin le 29 ou le 30 juin 1639; il en avait donné le gouvernement à M. de Bellebrune, colonel d'un régiment dans lequel Fargues était major; le sieur de la Rivière, beau-frère de Fargues, devint major de la ville de Hesdin. Bellebrune mourut en 1657; Fargues chercha à le remplacer; il vendit la ville de Hesdin à Don Juan d'Autriche et fit tirer sur l'armée française.

A la paix des Pyrénées, Fargues parut compris dans l'amnistic; il sortit de Hesdin par la porte neuve et se retira à Courson; mais bientôt il se rendit à Paris où il étala un luxe scandaleux.

Louvois, furieux, fit examiner la conduite qu'il avait eue à Hesdin; son cas sembla à la justice rentrer non dans les crimes politiques, mais dans les crimes de droit commun; une dénonciation précisa les griefs que le gouvernement avait contre lui; il fut arrêté ainsi que son valet Mathurin ; il avoua quatre millions de détournement; un jour que l'interrogatoire qu'il subissait avait été plus long que d'habitude, Fargues, prévoyant sa condamnation, demanda qu'on lui servit une carpe de quelque prix qu'elle fût; on lui en donna. une, mais sans arête de peur qu'il ne s'étranglât.

Les pièces de cet intéressant procès se trouvent, sans doute, aux archives du département de la Somme.

Quoi qu'il en soit, en 1667, Louis XIV donna au président Guillaume de Lamoignon les biens confisqués sur de Fargues. La terre de Courson resta entre les mains des descendants de Lamoignon jusqu'en 1775, époque à laquelle ils vendirent

[graphic][merged small][subsumed][merged small][merged small]

cette terre à Dupleix de Bacquencourt, qui fut guillotiné sous la Terreur.

La fille de Dupleix de Bacquencourt avait épousé le comte de Montesquiou-Fezensac, qui, lui-même, maria sa fille au général Arrighi de Casanova, duc de Padoue, qui prit une grande part aux batailles de Wagram, de Leipzig et à la campagne de France. Le duc de Padoue mourut en 1853, sénateur et gouverneur des Invalides.

Le domaine de Courson appartint depuis à son fils, qui fut préfet de Seine-et-Oise et ministre sous le second Empire. Le château de Courson, rebâti en 1550 par Gilles Le Maistre, augmenté par les Lamoignon, fut restauré en 1822 par l'architecte Berthault, qui dessina le parc. Il se compose d'un grand corps de logis et de deux ailes avec six pavillons. La Société, dirigée par M. le comte de Caraman, visite les différentes salles du château, qui comptent des toiles de Herrera, de Murillo, de Vélasquez, de Zurbaran, d'Andréa del Sarto, de Rembrandt, de Mignard, de Rigaud, et de Delaroche. On s'arrête devant le beau portrait de la femme de Dupleix de Bacquencourt peinte par Nattier, et surtout devant les souvenirs laissés par Napoléon Ier au duc de

Padoue.

La Société a achevé son excursion; elle prend congé de M. le comte de Caraman, que M. de Marsy remercie. Ses membres remontent dans les voitures qui les ont amenes, les uns se dirigeant vers Limours, les autres revenant vers Briis-sous-Forges, où ils entendent des vers de M. Mouton et du poète Patrix et visitent en détail l'église, tous ravis de la bonne journée, instructive et agréable, qu'ils ont passée, et de l'accueil excellent que partout ils ont reçu à Limours, à Briis et à Courson.

« PreviousContinue »