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de contrats se propage. Jusqu'à ce que ce point. fut décidé, tout travail ultérieur devenoit inutile» (1).

Sous ce rapport, on a proposé contre le bail à rente deux objections:

D'abord, « l'inconvénient de ces rentes, a-t-on dit, étoit qu'à raison de ce qu'il n'étoit point permis de les racheter, elles imprimoient à l'héritage une tache perpétuelle qui le suivoit dans toutes les mutations de propriété, et qui gênoït la circulation des immeubles : peu de personnes consentoient à se soumettre à une charge dont rien n'étoit capable de les affranchir » (2).

En second lieu, le rétablissement des rentes foncières nuiroit aux revenus publics,

1°. « Le fonds chargé à jamais d'une semblable rente, perd nécessairement de sa valeur vénale. Dès-lors, les mutations qui surviennent à l'égard de ces sortes de biens, produiront moins de droits d'enregistrement » (3).

2o. « Ce fonds ne peut être chargé de contributions aussi fortes que le fonds libre, et cependant les impositions ne sont pas réparties sur le propriétaire de la rente » (4).

(1) Le premier Consul, Procès-verbal du 15 ventose an 12, tome V, pages 247 et 248. (2) M, Tronchet, ibidem, page 240. (3) M. Bérenger, ibidem, page 244. — (4) Ibidem.

Il a été répondu

« Que, fût-il vrai qu'un fonds soumis à une rente foncière seroit hors du commerce et invendable, il vaudroit toujours mieux pour l'État et pour le particulier, qu'un fonds en friche qui est bien aussi hors du commerce et qui ne rapporte rien, tandis que l'autre paye un impôt et produit des denrées.

» Mais de plus, c'est au hasard et contre l'expérience du passé qu'on prétend qu'un fonds soumis à une rente foncière seroit hors du commerce; la presque universalité des terres, dans le midi de la France, étoit possédée à ce titre, et ces terres se vendoient comme les autres, moins le capital de la rente; encore étoient-elles grêvées alors de droits seigneuriaux, qui depuis ont été abolis.

:

>> Il seroit sans doute à désirer que toutes les rentes fussent créées rachetables, et les habitans des campagnes prendroient sans doute bien plus volontiers les fonds en friche avec cette stipulation mais ce sont les propriétaires de ces fonds qu'il faut d'abord engager à s'en dessaisir; or, il est bien constant qu'ils ne les donneront point moyennant une rente qui ne peut être que trèsmodique, vu l'état des fonds au moment du hail, s'ils ne sont pas assurés de la stabilité de

cette rente, et s'ils prévoyent, au contraire, que le preneur l'éteindra moyennant un prix bien bas, dès qu'il aura mis les fonds en pleine production.

>> Tout ce qu'il importe de faire pour alléger la condition du preneur, c'est de lui laisser la pleine liberté d'abandonner le fonds, dès que la rente lui devient à charge; et c'est-là encore un grand avantage de ce contrat sur le bail à ferme, dans lequel le cultivateur, quoique trompé dans ses spéculations, n'en est pas moins obligé de payer le prix de ferme jusqu'à la fin » (1).

On a eu raison de dire que l'État a intérêt à ce que les propriétaires ne soient pas grêvés de charges tellement pesantes, qu'il ne reste plus de matière aux impositions.

>> Mais ce principe ne reçoit pas ici d'application; car il faut prendre garde que la concession à rente foncière n'est employće que par le vendeur qui n'a pas les facultés nécessaires pour exploiter, et par l'acquéreur qui n'a pas de fonds pour acheter. Si on leur refuse ce moyen, les terres ne rendent plus de produits, et n'offrent pas dès-lors de matière imposable.

» Au reste, le propriétaire de la rente représentative du fonds doit supporter les impositions

(1) M. Malleville, Procès-verbal du 15 ventose an 12, tome V, pages 241 et 242.

sur la rente, comme il les supporteroit sur le fonds même.

» On a observé encore que les aliénations à rente foncière diminueroient les produits de l'enregistrement.

» Il y a lieu de croire, au contraire, que la fréquence des mutations, sera en raison des facilités plus grandes que le contrat de rente foncière donne pour aliéner le bien et pour l'acquérir» (1).

Il a été répliqué, que, « considérées sous le rapport de l'intérêt de l'État, les rentes foncières ne paroissent pas présenter d'avantage. On conçoit difficilement qu'il puisse être utile à l'État que les terres soient chargées envers lui d'une imposition du quart de leur produit, qu'un bailleur en prélève encore un autre quart ou même une portion plus forte, qu'enfin le preneur les donne encore à ferme à des cultivateurs.

«Tel est, cependant le résultat que ce contrat doit avoir, après un certain laps de temps » (2).

III.

Résultat de la discussion et système qui a été adopté.

La discussion qu'on vient de rapporter devoit

(1) Le consul Cambacérès, Procès-verbal du 15 ventose an 12, tome V, pages 244 et 245. (2) Le premier consul, ibidem, page 248.

naturellement conduire à voir si la législation actuelle ne suffisoit point pour obtenir les avantages du bail à rente sans admettre ce contrat et en excluant ainsi les inconvéniens qu'on prétendoit en être la suite. C'est aussi sous ce dernier rapport qu'on a fini par envisager la matière.

« Dans l'ancien système politique, le bail à rente pouvoit être utile. Alors la féodalité avoit placé la propriété des terres dans un petit nombre de mains, et il étoit dans ses principes de les y maintenir. C'étoit donc adoucir le sort du peuple que de lui donner sur les terres un droit plus fort que celui de simple fermier.

» Mais cette considération devient maintenant impuissante. L'avantage que les rentes foncières donneroient aujourd'hui à ceux qui n'ont pas de moyens pécuniaires d'acquérir des propriétés, on peut également l'obtenir par l'achat à rente rachetable » (1). « Ces sortes de rentes étoient avantageuses aux personnes qui ne pouvoient faire les frais d'une grande exploitation, et à qui l'ancienne jurisprudence ne permettoit pas de

faire des baux au-dessus de neuf ans. Cette dernière difficulté n'existe plus aujourd'hui : on peut faire des baux même de cent ans, et dès-lors le

(1) Le premier Consul, Procès-verbal du 15 ventose an 12 tome V, page 248.

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