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tudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres.

La possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir; sans cependant qu'on puisse attaquer aujourd'hui les servitudes de cette nature déjà acquises par la possession, dans les pays où elles pouvoient s'acquérir de cette manière.

J'exposerai les motifs qui ont empêché d'admettre la possession pour l'acquisition des servitudes continues non apparentes et des servitudes discontinues.

Je parlerai de l'exception qui a été faite à la règle générale.

I". SUBDIVISION.

Motifs qui ont empêché d'admettre l'établissement par la possession, même immémoriale, des servitudes continues, non apparentes et des servitudes discontinues.

On ne pouvoit pas appliquer les principes admis pour les servitudes continues, apparentes, aux servitudes continues non apparentes et aux servitudes discontinues apparentes ou non è (1).

«Dans ce dernier cas, rien n'assure, rien ne

(1) M. Berlier, Exposé des motifs, Procès-verbal du 5 pluviose an 12, tome IV, page 104.

peut même faire légalement présumer que le propriétaire voisin ait eu une suffisante connoissance d'actes souvent fort équivoques, et dont la preuve est dès-lors inadmissible.

» La preuve de la possession trentenaire sera donc recevable dans la première espèce; mais nulle preuve de possession même immémoriale, ne sera admise dans la seconde.

>> Cette décision, conforme à la justice et favorable à la propriété, est l'une des plus importantes du chapitre, et mérite d'autant plus d'attention, qu'elle n'étoit pas universellement admise dans le dernier état de la jurisprudence. >> Nulle part on n'avoit pu méconnoître la différence essentielle qui existe entre ces diverses espèces de servitudes; mais tout ce qui en étoit résulté dans quelques ressorts, c'est qu'au lieu de la possession trentenaire, on exigeoit, à défaut de titres, la possession immémoriale, pour l'acquisition des servitudes discontinues.

>> De graves auteurs, et notamment Dumoulin, avoient adopté cette opinion; mais qu'est-ce qu'une posse ssion immémoriale pouvoit ajouter ici, et quelle confiance pouvoient mériter audelà de trente ans les mêmes faits, les mêmes actes que l'on avouoit être équivoques et nonconcluans pendant cette première et longue série d'années ?...

» En rejetant cette possession immémoriale, le Code a donc fait une chose qui, bonne en soi, s'accordera aussi avec les vues générales de notre nouvelle législation en matière de prescription: la plus longue doit être limitée à trente ans, et les actes qui ne prescrivent point par ce laps de temps, peuvent bien être considérés comme de nature à ne prescrire jamais » (1).

II. SUBDIVISION.

Exception à la règle générale.

Cette exception, contenue dans la seconde partie de l'article, fait cesser la règle générale à l'égard des servitudes acquises par la possession dans les pays où elles pouvoient s'acquérir de cette manière.

Elle ne se trouvoit pas dans le projet de la commission (2).

La cour d'apel de Metz rappela que, 5 dans plusieurs localités, la possession immémoriale avoit force de titre à l'égard des servitudes; que

(1) M. Berlier, Exposé des motifs, Procès-verbal du 5 pluviose an 12, tome IV, pages 104 et 105.- Voyez aussi M. Albisson Tribun, tome II, 2. partie, page 199. (2) Voyez Pro

et de Code Napoléon, Liv. II, Tit. IV, art. 42.

dans d'autres, la servitude s'acquiéroit par la possession de vingt ans. Elle observa que, s'il étoit essentiel d'avoir sur cet objet une unité de jurisprudence, il étoit juste aussi de ne pas porter atteinte à des droits légitimement acquis; que tel seroit cependant l'effet de l'article, si l'on n'y ajoutoit pas de clause salvatoire 5 (1).

Cette crainte étoit mal fondée, les lois ne pouvant avoir aucun effet rétroactif sur des droits létimement acquis avant leur mission. Néanmoins on a pensé qu'il seroit sage d'ajouter la déclaration expresse qui étoit réclamée, afin de prévenir, à cet égard, tout sujet ou tout prétexte d'inquiétude (2).

La cour d'appel de Besançon demandoit « s'i ne conviendroit pas de déterminer un mode et de fixer un délaipour faire constater les servitudes qui auroient été régulièrement prescrites avant la publication du nouveau Code. Le silence de la loi sur ce point, disoit-elle, présenteroit un double inconvénient; il pourroit laisser penser, ou que les servitudes déjà acquises ne sont pas conservées, ou que la preuve de la prescription d'une servitude discontinue pourroit encore être admise pendant un temps indéfini, lorsqu'on ar

(1) Observations de la cour d'appel de Metz, page 25. M. Albisson, Tribun, tome II, 2°. partic, page 199.

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ticuleroit qu'elle a été acquise avant la publication du Code; ce qui donneroit lieu à une multitude de difficultés qu'il est de la sagesse du législateur de prévenir » (1).

La cour d'appel de Limoges, en reconnoissant que la loi ne peut pas enlever un droit acquis, parce qu'elle ne peut pas avoir d'effet rétroactif, ajoutoit : « il peut arriver néanmoins que les preuves dépériront: quelles précautions prendre pour éviter cet inconvénient et pour conserver, des droits acquis? Faudrat-il qu'ils fassent reconnoître leurs droits, ou qu'ils les réclament en justice? Quelle foule de procès » (2)!

Les précautions qu'on proposoit étoient au moins inutiles, pour ne rien dire de plus; les embarras qu'elles tendoient à prévenir étoient imaginaires. Du moment que le droit antérieur est maintenu pour les servitudes acquises, on prononcera sur les questions qu'elles pourront faire naître, comme si le Code n'existoit pas ; et que la publication de cette loi ne change pas l'état des choses, la fixation d'un mode ou d'un délai ne seroit plus qu'une innovation rétroactivement faite à la jurisprudence qui régit la matière.

dès

(1) Observations de la cour d'appel de Besançon, page 9. (2) Ibidem, de Limoges, page 7.

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