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J'appelle produits extraordinaires d'exploita tion les coupes extraordinaires.

J'appelle produits pour l'usage, les arbres de hautes futaies qu'on coupe pour employer à des réparations, les échalas qu'on prend dans les bois pour les vignes.

J'appelle produits accidentels les arbres forestiers ou fruitiers qui meurent ou qui sont fortuitement, soit arrachés, soit brisés. Ces derniers cependant ne méritent qu'improprement le nom de produits. Je le prouverai dans le numéro

suivant.

NUMÉRO III.

Des droits de l'usufruitier sur les diverses espèces de produits.

Toutes les questions qu'on peut former sur ce sujet ont leur principe de solution dans la définition même de l'usufruit.

Il résulte de cette définition que l'usufruitier a toutes les jouissances que la chose

peut donner, moins celles qui en altèrent la substance.

En appliquant ce principe aux bois, on aperçoit facilement quels produits la loi donne ou refuse à l'usufruitier.

Quels produits le Code attribue à l'usufruitier.

Il est évident d'abord que l'usufruitier doit avoir les produits ordinaires tels qu'ils ont été définis dans le numéro précédent : ce sont-là des fruits que la chose est naturellement destinée à produire et qu'on recueille sáns en altérer le fonds.

C'est d'après ce principe que les articles 590 et 591 donnent à l'usufruitier les coupes ordinaires tant des taillis que des futaies, pourvu qu'il les fasse pendant la durée de sa jouissance, car l'article 590 lui refuse, ainsi qu'à ses héritiers, toute indemnité pour celles qu'il auroit négligées, ce qui n'est que l'application de la règle établie par l'article 585.

C'est encore d'après le même principe que, sur la demande de la section de législation du tribunat, on a inséré dans l'article 593 la disposition qui porte que l'usufruitier peut prendre sur les arbres les produits annuels et périodiques. « Cette rédaction, a dit la section du tribunat, aura l'avantage de comprendre le produit annuel et périodique de certains arbres qui ne sont ni bois de futaie ni bois taillis, tels les saules, peupliers, aunes, bouleaux, bois Tome VII.

que

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de liége, etc., pour lesquels le projet de loi présentoit une lacune >> (1).

Observons que les arbres dont parloit la section n'ont été rappelés que par forme d'exemple et non pour limiter la disposition. La section elle-même le supposoit puisqu'elle ne vouloit qu'assimiler ces arbres aux futaies et aux taillis. D'ailleurs, le texte est général; il n'admet pas de distinctions.

Enfin l'article 590 donne à l'usufruitier les arbres qui peuvent être levés dans une pépinière sans la dégrader, et à la charge de remplacement, si tel est l'usage des lieux.

La rédaction originaire assujétissoit indéfiniment l'usufruitier au remplacement de ces arbres (2).

Au Conseil d'état, on a réclamé contre cette condition. On a dit : « qu'il étoit contre la nature des choses d'imposer cette obligation à l'usufruitier les arbres d'une pépinière sont les fruits mêmes dont on fait la récolte après trois ans; les remplacer, c'est créer une pépinière nouvelle » (3).

:

Il a été observé « que, puisque sur la jouissance

(1) Observations manuscrites du Tribunat. — (2) Voycz 1o Rẻdaction [ art. 586], Procès-verbal du 27 vendémiaire an 12, tome III, page 100.- (3) M. Pelet, ibidem, page 108.

des taillis, l'on s'étoit référé à l'usage, on pouvoit également laisser l'usage déterminer les conditions de l'usufruit établi sur une pépinière » (1).

C'est d'après cette observation qu'a été ajouté la disposition qui, sur la condition du remplacement, renvoie à l'usage local (2).

L'usufruitier ne doit donc remplacer les arbres qu'il lève, que dans les pays où le remplacement est usité.

Voici maintenant les droits de l'usufruitier sur les produits extraordinaires.

L'article 592 lui attribue celui d'employer réparations les arbres de haute futaie arrachés ou brisés par accident, même d'en faire couper à cet effet;

L'article 593 l'autorise à prendre dans les bois des échalas pour les vignes;

L'articles 594 lui adjuge les arbres fruitiers morts, arrachés ou brisés aussi par accident.

Les deux premières de ces dispositions sont également fondées sur le principe que l'usufruit se compose non-seulement de la jouissance des fruits, mais encore de toutes celles que la chose peut fournir sans que sa substance en soit com

(1) M. Bigot-Préameneu, Procès-verbal du 27 vendémiaire an 12, tome III, page 108. (2) Décision, ibidem.

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promise; qu'en un mot, à cette dernière limitation près, l'usufruitier jouît comme le propriétaire lui-même. Certes, le propriétaire ne s'aviseroit pas d'acheter des bois pour faire des réparations ou pour fournir ses vignes d'échalas, quand il trouve ces bois dans sa propriété. La même faculté devoit donc être accordée à l'usufruitier.

Toutefois, comme il pourroit en abuser, l'article 592 l'a très-sagement obligé de faire constater la nécessité avec le propriétaire.

La troisième disposition procure moins un avantage à l'usufruitier qu'elle ne lui impose une charge; car, si elle lui adjuge les arbres fruitiers morts, arrachés ou brisés par accident, ce n'est qu'en l'astreignant à les remplacer. Ce qu'il prend n'est donc qu'une foible indemnité de ce qu'il met. Il étoit juste, au reste, de lui laisser les débris des choses qu'il remplace en entier.

Il y a ici deux remarques à faire.

La première est que l'article 594 ne comprend que les arbres péris par accident: il n'est point permis à l'usufruitier d'en arracher même en les remplaçant; ce seroit changer la forme et la substance de la chose.

La seconde, que la disposition ne s'étend pas aux arbres forestiers; qu'au contraire l'article 592 défend à l'usufruitier de toucher aux arbres

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