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injustice seroit encore plus grande dans l'espèce, puisque le propriétaire du fonds n'acquiert pas gratuitement, mais à la charge, ainsi qu'on le dira dans un moment, de payer le prix des matériaux et de la main-d'oeuvre. On a donc dû lui donner la faculté ou de garder soit la plantation, soit la construction, ou d'exiger qu'on en débarrasse son terrein.

Toutefois l'équité commandoit de modifier cette règle par une exception que la section de législation du tribunat a réclamée. « La disposition de l'article, a-t-elle dit, paroît trop dure à l'égard du possesseur de bonne foi. On sent quelle est la perte énorme qui résulteroit souvent de la simple faculté de retirer des plantations ou des matériaux ; et celui qui auroit fait prononcer un désistement, abuseroit souvent de ce droit pour provoquer des sacrifices de la part du possesseur de bonne foi qui n'auroit presque rien de constructions ou de plantations qu'il seroit obligé de détruire, Il paroît donc plus juste dans ce cas d'interdire au propiétaire la suppression des constructions, plantations et ouvrages, et de l'obliger au remboursement d'une somme égale à celle dont le fonds auroit augmenté de valeur.

» Cependant, il pourroit arriver que cette augmentation de valeur ne fut pas l'effet immédiat

des avances de fonds de la part du possesseur de bonne foi. Par exemple, cent écus employés en conversion d'une terre en vigne peuvent avoir augmenté la valeur du fonds de 2000 fr. Cette augmentation de valeur ne doit pas profiter au possesseur de bonne foi. Alors le propriétaire pourra rembourser seulement les réparations. Cette option donnée au propriétaire, paroît concilier ses intérêts avec ce que la justice exige en faveur d'un possesseur de bonne foi » (1). La disposition a été admise sans difficulté le Conseil d'état (2).

par

La loi attache tant de faveur à la possession de bonne foi, qu'elle laisse à celui qui a ainsi joui animo domini, les fruits qu'il a perçus. Il seroit donc contre les principes de le traiter avec la même sévérité que l'individu dont la jouissance est entachée de mauvaise foi. Il ne doit pas perdre ses dépenses (3).

« Au moyeu de l'option donnée au propriétaire, dans quelque cas qu'on se trouve, le possesseur de bonne foi recevra toujours une indemnité relative à ses dépenses, lorsqu'il n'en aura d'utiles, et le propriétaire ne pourra ja

fait

que

(1) Observations manuscrites du Tribunat.- (2) Décision, Procès-verbal du 14 nivose an 12, tome III, page 171. M. Treilhard, ibidem.

- (3)

mais être grêvé, en remboursant une valeur qui seroit le produit même de sa propriété.

>> C'est aux jurisconsultes à apprécier cette disposition législative. Ils savent que ces différens cas n'étoient décidés par aucune loi positive, et qu'après avoir donné lieu à beaucoup de contestations, ils étoient entièrement soumis à l'arbitraire des tribunaux » (1).

Au reste, l'application de l'exception ne peut donner lieu à aucun débat. « La loi prend la sage précaution de n'admettre la preuve de la bonne foi, que lorsqu'elle résultera du jugement même d'éviction. Elle ne veut point ouvrir la porte à cette foule de difficultés qui ne manqueroient pas de naître, si la bonne foi pouvoit être établie par toute espèce de moyens » (2). Ainsi, « la justice, en prononçant l'éviction, décidera si le possesseur est de bonne ou de mauvaise foi. S'il n'est pas de bonne foi, il sera nécessairement condamné à restituer les fruits. La justice aura donc reconnu sa bonne foi, lorsque le jugement ne portera pas cette condamnation contre lui »> (3).

(1) M. Grenier, Tribun, tome II, 2o. partie, page 105. — (2) M. Faure, ibidem, page 79. — (3) Ibidem, page 78.

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Du cas où le propriétaire opte pour la suppression.

Ce choix du propriétaire a l'effet certain de faire retomber sur le planteur ou le constructeur les frais de l'enlèvement.

Il a l'effet hypothétique de soumettre le planteur ou le constructeur à des dommages-intérêts envers le propriétaire, à raison du préjudice que ce dernier peut avoir éprouvé. Par exemple, Jsi, en retirant les constructions ou les plantations, on dégrade, il faudra bien réparer les dégradations ɓ (1). La règle, au surplus, est générale et s'étend à toute espèce de préjudice.

<< Ces deux dispositionssont fondées sur le principe, que le propriétaire du fonds doit être parfaitement indemnisé » (2).

Elles n'ont rien d'injuste à l'égard du planteur et du constructeur : « On ne sauroit trop avertir les citoyens des risques qu'ils courent, quand ils se permettent des entreprises contraires au droit de propriété » (3).

On en sentira surtout la justice, si l'on se rappelle qu'elles ne sont pas applicables au possesseur de bonne foi.

(1) M. Faure, Tribun, tome II, 2o. partie, page 79. — (3) Ibidem. (3) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du a8 nivose an 12, tome IV, page 69.

Du cas où le propriétaire opte pour la conservation.

Si le propriétaire du fonds préfère de retenir les ouvrages, il est évident qu'il les approuve. Des qu'il les approuve, il est comme s'il les avoit commandés lui-même, et, comme il eût été obligé de payer le prix des fournitures et de la maind'œuvre, si dans le principe il les eût fait faire, son approbation ultérieure, qui le place dans la même situation, l'assujettit aux mêmes engagemens (1).

II. SUBDIVISION.

De l'alluvion.

ARTICLE 556.

LES atterrissemens et accroissemens qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d'un fleuve ou d'une rivière, s'appelle alluvion.

L'alluvion profite au propriétaire riverain, soit qu'il s'agisse d'un fleuve ou d'une rivière navigable, flottable ou non; à la charge dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de halage, conformément aux régle

mens.

(1) M. Faure, Tribun, tome II, 2o. partie, page 78.

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