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rappelle celle qu'on trouve dans le droit romain, qui paroît aussi avoir été faite avec soin; jus utendi et abutendi re suá, quatenùs juris ratio patitur. Mais, osons le dire, la définition contenue dans le Code est plus exacte. L'esprit se refuse à voir ériger l'abus en droit. Il est bien toléré par loi civile tant qu'il ne nuit point à autrui, mais, dans les règles de la loi naturelle et de la morale, on ne doit pas se le permettre. Aussi on étoit porté à penser que par ces expressions, jus abutendi, les Romains n'avoient voulu entendre que le droit de disposer de la manière la plus absolue, et qu'ils s'en étoient seulement servis par opposition à ces mots jus utendi et fruendi, sous lesquels ils avoient défini l'usufruit >> (1).

II. SUBDIVISION.

Des limites où s'arrêtent les droits qui dérivent de la propriété.

Il faut d'abord exposer les principes sur lesquels est fondé le droit de donner des limites à l'usage de la propriété.

Nous verrons ensuite comment le législateur use de ce droit.

(1) M. Grenier, Tribun, tome II, 2. partie, page 100.

NUMÉRO Ier.

Du droit d'apposer des limites à l'usage de la propriété.

«La condition de ne point faire de la propriété un usage prohibé par les lois et par les règlemens est d'une justice évidente »> (1). «Comme les hommes vivent en société et sous des lois, ils ne sauroient avoir le droit de contrevenir aux lois qui régissent la société.

Il est d'une législation bien ordonnée de régler l'exercice du droit de propriété comme on règle l'exercice de tous les autres droits. Autre chose est l'indépendance, autre chose est la liberté. La véritable liberté ne s'acquiert que par le sacrifice de l'indépendance.

>> Les peuples qui vivent entre eux dans l'état de nature, sont indépendans sans être libres. Ils sont toujours forçans ou forcés. Les citoyens sont libres sans être indépendans, parce qu'ils sont soumis à des lois qui les protègent contre les autres et contre eux-mêmes.

» La vraie liberté consiste dans une sage composition des droits et des pouvoirs individuels avec le bien commun. Quand chacun peut faire

(1) M. Grenier, Tribun, tome II, 2. partic, page 100.

ce qui lui plaît, il peut faire ce qui nuit à autrui, il peut faire ce qui nuit au plus grand nombre. plus La licence de chaque particulier opéreroit infailliblement le malheur de tous.

>> Il faut donc des lois pour diriger les actions relatives à l'usage des biens, comme il en est pour diriger celles qui sont relatives à l'usage des facultés personnelles.

>> On doit être libre avec les lois, et jamais contre elles. De-là, en reconnoissant dans le propriétaire le droit de jouir et de disposer de sa propriété de la manière la plus absolue, le législateur a ajouté: pourvu qu'il n'en fasse pas un usage prohibé les lois ou par les règlemens » (1).

par

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5 La limitation de l'usage de la propriété a lieu

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 28 nivose

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lorsqu'elle est commandée par un intérêt plus puissant : elle est établie pour le bien général, auquel l'intérêt particulier doit toujours céder (1).

« Si, par exemple, la loi ne permet pas que le propriétaire d'une forêt la fasse défricher, c'est une précaution sage qu'elle prend pour la conservation d'un genre de richesses précieux, sous tant de rapports, à tous les membres de l'État.

>> De même, si des règlemens de police défendent à tout propriétaire de faire sur son propre terrein des constructions qui obstrueroient la voie publique ; s'ils défendent de vendre et ordonnent même de jeter des alimens qui par leur nature pourroient occasionner des maladies, ou s'ils prohibent à tout autre qu'à des personnes de l'art de vendre des objets trop dangereux par leur nature pour être mis indiscrètement à la disposition de tout le monde : ce sont autant de mesures nécessitées par l'intérêt général; et chacun est censé avoir consenti d'avance à ces prohibitions, auxquelles tous sont également intéressés » (2).

On avoit demandé 5 la suppression, dans l'article, du mot règlement (3).

(1) M. Faure, Tribun, tome II, 2o. partie, page 71. — (2) Ibidem. —(3) M. Pelet, Procès-verbal du 20 vendémiaire an 12, tome III, page 92.

Cette proposition n'a pas été admise: «<l'usage de la propriété est soumis, non-seulement à la loi, mais encore aux règlemens de police » (1).

Des limites établies pour l'intérêt particulier.

L'usage de la propriété s'arrête là où il ne sauroit être étendu plus loin sans blesser le droit de propriété dans autrui.

Le principe est incontestable, mais il seroit difficile de l'appliquer sans le secours de la loi positive, car, dans beaucoup de circonstances', il s'élève entre les propriétaires des conflits de droit, pour le règlement desquels l'équité naturelle ne présente aucun moyen de solution.

Le législateur y a donc pourvu dans le chapitre II du titre IV.

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(3) M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), Procès-verbal du 20 vendémiaire an 12, tome III, page 91.

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