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TITRE VIII.

De la Puissance Paternelle.

La puissance paternelle peut être définie : un droit ac2 cordé aux pères et mères, par la nature et par la loi, sur la personne et sur les biens de leurs enfans.

Aux pères et mères : parce que, dans notre droit, la puissance paternelle étant uniquement fondée sur les rapports naturels qui unissent les parens et les enfans, appartient à la mère aussi bien qu'au père; mais comme, durant le mariage, la femme est elle-même soumise à la puissance maritale, l'exercice de la puissance paternelle a dû être accordé au père seul pendant le même temps.

[Le principe que, même durant le mariage, le droit de la puissance paternelle appartient virtuellement au père et à la mère, quoique le père seul puisse l'exercer, résulte de la combinaison des articles 372 et 373. Le premier dit que l'enfant reste sous leur autorité, c'est-à-dire sous l'autorité de ses père et mère, jusqu'à sa majorité, etc. L'article 373 ajoute le père seul exercé cette autorité durant le mariage; ce qui distingue bien le droit en lui-même, de l'exercice du droit distinction qui peut être utile pour résoudre plusieurs questions sur cette matière.

Une Ordonnance du Roi, en date du 25 avril 1820 (Bulletin, no 8678), communiquée à la Chambre des Pairs, et transcrite sur ses registres, a réservé au Roi et à ses successeurs, la puissance paternelle sur les enfans du Duc de Berry, mort le 13 février précédent, ainsi que le droit de nommer tous tuteurs onéraires, subrogés-tuteurs, ou curateurs. ]

[ Quid, s'il y avait séparation de corps? Il faut se repor ter à la note dernière sur le dernier alinéa de la section relative à la séparation de corps. (V. page 444, 1er vol.) Cependant deux arrêts de la Cour d'appel de Paris, rapportés tous deux dans le Journ, de la Jurisp. du Cod. civ.,

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tom. X, pag. 337, ont jugé que, même lorsque les enfans avaient été confiés à la mère, le père conservait la puissance paternelle, et par conséquent la tutelle. A la vérité, ces arrêts ont été rendus pour le cas de divorce. Mais il en devrait être de même à bien plus forte raison pour le cas de séparation de corps, qui ne dissout point le lien du mariage. Cependant, quand la mère est chargée exclusivement d'administrer la personne des enfans; quand, d'un autre côté, il est de principe que l'administration de la personne emporte celle des biens, tutor datur personæ, rebus per consequentias tantùm, je le demande, sur quoi peut s'exercer la puissance paternelle?]

:

Par la nature et par la loi parce que c'est la nature elle-même, comme nous l'avons dit au Titre du Mariage, qui a posé les fondemens des devoirs respectifs des parens et des enfans : mais le principe établi, c'était à la loi civile à en régler l'application.

Sur la personne : l'enfant est soumis par la loi à l'autorité 372. de ses père et mère, jusqu'à sa majorité ou son émancipation. [Quid, si le père ou la mère est condamné à une peine afflictive ou infamante? Si c'est la mère, il n'y a point de difficulté: la puissance continue d'être exercée pår le père mais si c'est le père, je pense que cet exercice doit lui être ôté, quand même la séparation ne serait pas demandée. (Argument tiré de l'article 221.) La puissance paternelle sera donc exercée par la mère, avec le concours des deux plus proches parens paternels. ( Argument tiré de l'art. 581.)]

Il résulte de cette disposition:

1o. Qu'il ne peut jusque là quitter la maison paternelle sans leur permission: cependant la nécessité du recrutement a fait admettre qué cette prohibition cesserait à l'égard du fils enrolé, même volontairement, mais seulement après 574. dix-huit ans révolus.

Nota. Les filles qui veulent s'engager dans les congrégations hospitalières avant l'âge de vingt et un ans, sont obligées de se conformer aux articles 148, 149, 150, 159 et 160 du Code. Décret du 18 février 1809, Bulletin, no 4127,

article 7.) [ Le décret n'a pas rappelé l'article 151. L'on doit en conclure que les filles majeures de vingt et un ans ne sont pas obligées, dans ce cas, de demander le conseil de leurs père et mère, ou autres ascendans; et cela, pour deux raisons: la première, c'est que l'engagement dans une congrégation est loin d'avoir les mêmes résultats que le mariage; et la deuxième, c'est que cet engagement, même à l'égard des novices majeures, n'est, au plus, que pour cinq ans. (Art. 8 du même décret.)]

2o. Que la loi a dû mettre dans la main des père et mère les moyens de corriger l'enfant qui leur donnerait des sujets graves de mécontentement.

Ces

moyens varient en raison de l'âge et de la position de

l'enfant.

S'il n'a pas encore quinze ans accomplis, le père peut, par sa seule volonté, le faire détenir pendant un mois au plus; et, à cet effet, l'ordre d'arrestation est délivré, sur sa simple demande non motivée, par le Président du tribunal de son domicile.

[Quoique la simple demande du père, même sans énonciation de motif, soit suffisante pour faire détenir l'enfant, il faut néanmoins toujours l'ordre du Président: d'abord, parce que l'arrestation exige le concours de la force publique, qu'un simple particulier n'a pas le droit de mettre en action; et, en deuxième lieu, parce qu'aux termes de l'article 120 du Code pénal, le gardien ou concierge de la maison de détention ne peut recevoir qui que ce soit, sans un ordre de l'autorité compétente, à peine d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et d'une amende de seize à deux cents francs.

Le germe de cette disposition se trouve dans la loi 3, Cod., de Patria Potestate. ]

Depuis l'âge de quinze ans accomplis jusqu'à la majorité ou l'émancipation, le père ne peut plus agir que par voie de réquisition. En conséquence, il est tenu d'adresser sa demande motivée au Président du même tribunal, qui, après en avoir conféré avec le Procureur du Roi, peut délivrer ou refuser l'ordre d'arrestation; ou même, en l'ac

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cordant, abréger le temps de détention fixé par le père, 577. lequel ne peut, dans aucun cas, excéder six mois.

380.

Les mêmes formalités doivent être observées, même à l'égard de l'enfant qui n'a pas quinze ans accomplis, dans les quatre cas sui vans :

1o. Si le père est remarié. [ Car on peut craindre que le père ne se laisse séduire par les artifices d'une belle-mère. ] 2o. Si l'enfant a des biens personnels;

3o. S'il exerce un état.

Dans ces deux derniers cas, l'enfant détenu peut même adresser un mémoire au Procureur-général près la Cour royale, qui, après s'être fait rendre compte, par le Procureur du Roi, des motifs de l'arrestation, en fait son rapport au Président de la Cour. Ce dernier en donne avis au père; et, après avoir pris les renseignemens convenables, il peut 382. révoquer ou modifier le premier ordre.

[Les mots qui précèdent, l'enfant détenu, prouvent que l'ordre d'arrestation a dû s'exécuter provisoirement, et que le pourvoi de l'enfant n'est pas suspensif. L'avis du Président est donné au père ou à la mère, ou au tuteur, si c'est par eux que la détention a été requise. ]

4o. Enfin, si la puissance paternelle est exercée par la mère, la détention de l'enfant ne peut être que requise par elle, et encore autant qu'elle n'est pas remariée, et qu'elle 381. agit avec le concours des deux plus proches parens paternels.

[Il paraît qu'il faut le concours des deux. Si l'un des deux ne consentait pas, la détention ne pourrait avoir lieu, au moins par cette voie. Mais elle pourrait être requise, soit par le tuteur, soit par la mère même, si elle était tutrice, suivant la forme prescrite par l'article 468, c'est-à-dire, avec l'autorisation du conseil de famille, qui déciderait alors à la pluralité des voix (Art. 416 ). Quid, s'il n'y avait pas de parens paternels, ou s'ils demeuraient à une distance trop éloignée ? Il faudrait alors recourir à l'article 468. ]

Au reste, ceux qui ont ordonné ou requis la détention, ont toujours le droit de l'abréger; comme aussi ils peuvent en ordonner ou requérir une nouvelle, si l'enfant, après sa sortie, retombe dans de nouveaux écarts; mais, dans

tous les cas, à la charge de payer tous les frais, et de fournir 579. les alimens convenables.

Il ne doit y avoir, d'ailleurs, aucune espèce de formalités, que l'ordre d'arrestation, qui ne doit pas même énoncer les motifs, quand il a dû en être donné.

[Quoique l'article 379 paraisse ne donner qu'au père le droit de requérir la détention, je pense cependant, contre M. PROUDHON, qu'il n'y a aucune raison de la refuser à la mère ou au tuteur, en observant que ces derniers doivent être assujettis, pour abréger la détention, aux mêmes formalités qui sont exigées pour qu'ils puissent la requérir; et, ce qui prouve combien il est dangereux de s'attacher trop servilement à la lettre de la loi, c'est que M. PROUDHON, qui refuse à la mère légitime le droit d'abréger la détention de son enfant, même avec le concours des parens paternels, accorde ces mêmes droits à la mère naturelle, seule, et sans le concours de qui que ce soit. L'immoralité de celte distinction suffirait seule pour la faire proscrire.]

Et sur les biens : Le droit des père et mère sur les biens de leurs enfans, consiste dans la jouissance desdits biens, aux conditions suivantes :

༈ |:,༽ .

[Ce droit ressemble beaucoup à celui qui, dans la plupart des anciennes coutumes, était accordé au survivant des père et mère, et même quelquefois aux ascendans. Dans quelques provinces, il se nommait bail; dans d'autres, et notamment à Paris, on l'appelait garde noble ou bourgeoise, suivant la qualité des personnes. PoTHIER et RENUSSON ont fait chacun un traité sur cette matière.

En pays de droit écrit, avant le Code, il existait quatre espèces de biens ou pécules, que pouvait acquérir le fils de famille. 1°. Le pécule castrense, que le fils acquérait à la guerre, ou à l'occasion de la guerre.

2o. Le pécule quasi-castrense, que le fils acquérait dans les emplois de la maison des princes, les fonctions de la magistrature, les bénéfices ecclésiastiques, et dans la profession des arts libéraux.

Le père n'avait aucun droit sur ces deux espèces de pécules, à l'égard desquels le fils était regardé comme père de

378.

ibid.

384.

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