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60. L'usufruit peut aussi cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouis sance, soit en commettant des dégradations sur le bien, soit en le laissant dépérir faute de réparation et d'entretien.

61. Les juges pourront, dans ces cas et suivant les circonstances, ou prononcer l'extinction absolue de l'usufruit, ou mettre les biens sous la régie d'un tiers, ou le remettre au propriétaire, à charge de payer annuellement à l'usufruitier une somme déterminée, jusqu'à l'instant où l'usufruit aurait dû cesser.

Néanmoins si l'usufruitier ou ses créanciers offrent de réparer aussitôt les abus commis et de donner des garanties suffisantes pour l'avenir, le juge pourra laisser l'usufruitier dans la jouissance de ses droits.

62. Si l'usufruitier d'un navire ne l'a point fait assurer pendant un voyage de mer, il en supportera la perte et les avaries seront pour son compte.

Si le navire a été assuré, il pourra se libérer en cédant au propriétaire son action contre les assureurs, sans pouvoir redemander la prime d'assu

rance.

Nous avons eu l'occasion de recueillir quelques arrêts concernant l'usufruit.

I. La durée des baux faits par un usufruitier, se règle non pas d'après la loi en vigueur au temps auquel ils ont été passés, mais d'après la loi sous la¬ quelle l'usufruit a pris naissance. ( Cour de Bruxelles, arrêt du 13 avril 1815.)

II. La puissance paternelle n'avait pas l'effet en Brabant d'attribuer au père l'usufruit ou la garde-noble des biens adventices de ses enfans, à moins qu'elle ne fût établie par la coutume locale, ou stipulée dans le contrat antenuptial. ( Arrêt de la même Cour du 11 mai 1815.)

III. Le vendeur sous réserve d'usufruit, doit-il faire dresser un inventaire des choses ainsi vendues et comprises dans son usufruit? Résolu affirmativement par arrêt de ladite Cour du 9 juin 1815, d'après l'article 600 du Code, l'article 601 ne concernant que la dispense de donner caution.

IV. L'usufruit coutumier ou stipulé par contrat de mariage, conformément à la coutume au profit du survivant des époux, doit-il être considéré comme un avantage qui doit être fictivement réuni à la masse des biens d'une succession pour en déterminer la réduction? En d'autres termes, un époux dont l'épouse survivante a droit à l'usufruit de ses biens immeubles, en vertu de la coutume, peut-il encore lui laisser un legs sur la portion disponible de ses biens? La première question a été résolue négativement, et la seconde affirmativement par arrêt de la Cour de cassation de Bruxelles, du 24 juin 1816. Déjà cette Cour et la Cour de cassation en France, avaient jugé dans le même sens; mais cette dernière Cour avait changé sa jurisprudence, et la Cour de Liége avait suivi cet exemple, lorsqu'à la suite d'une discussion solennelle, la Cour de Bruxelles a irrévocablement fixé la sienne dans le sens que nous venons d'indiquer.

V. Deux époux se sont mariés sous l'empire d'une coutume qui ne confère point d'usufruit au survivant sur les biens propres du prédécédé, ni sur sa part des immeubles de la communauté. Mais le prédécédé a des immeubles situés sous une coutume qui accorde un pareil gain de survie. Le survivant peut-il prétendre à l'usufruit desdits biens? Décidé affirmativement par ar

rêt de la Cour de Bruxelles, du 13 décembre 18r7, sur le fondement que les coutumes qui confèrent l'usufruit au survivant, sont des statuts réels, et qu'il faut par conséquent suivre à l'égard de chaque portion de biens, le droit du lieu de sa situation.

VI. L'acquéreur de la pleine propriété d'un immeuble, peut-il en prescrire l'usufruit appartenant à un tiers par 10 ou 20 ans, ou seulement par 30 ans? Décidé dans le premier sens par jugement du tribunal de Termonde, du 14 avril 1819, dont il n'y a pas eu d'appel valable. La Cour de Bruxelles à laquelle l'affaire a été déférée, semble avoir laissé entrevoir qu'elle n'eût pas partagé cette opinion.

CHAPITRE II.

De l'Usage et de l'Habitation.

[Voyez, dans les OEuvres de PoTHIER, un petit Traité du Droit d'habitation, qui se trouve à la tête de son Traité des Donations entre mari et femme.]

Nous avons dit que le droit de jouissance, considéré même comme droit réel, pouvait embrasser seulement partie des produits de la chose, et qu'alors il prenait le nom d'usage ou d'habitation, suivant qu'il se rapportait à un fonds de terre ou à une maison. Ces droits s'établissent et se perdent de la même manière que l'usufruit, et ils exi625. gent les mêmes formalités et garanties. Leur étendue est 626. ordinairement déterminée par le titre qui les constitue : si 628. le titre est muet à cet égard, ils sont réglés de la manière 629. suivante.

[La caution n'est due par l'usager, que quand il perçoit les fruits par lui-même; car s'il reçoit de la main du propriétaire la portion de fruits nécessaire à ses besoins, il est évident qu'il n'y a pas lieu à exiger de caution. Il est possible que l'usage emporte le droit de percevoir une plus grande quantité de fruits que celle qui est absolument nécessaire pour les besoins de l'usager. Mais ce sera toujours un droit d'usage, tant que la jouissance n'embrassera pas tous les fruits. C'est à peu près la seule différence qui existe entre le droit d'usage et celui de l'usufruit, ou plutôt c'est celle d'où découlent toutes les autres.]

L'usage d'un fonds se borne au droit d'exiger la quantité de fruits nécessaires pour les besoins de l'usager et ceux de sa famille; et le droit d'habitation dans une maison, à ce 630. qui est également nécessaire pour le logement des mêmes 633. individus.

[Que doit-on entendre par les mots : et ceux de sa famille? D'abord sa femme et ses enfans; puis ceux auxquels il est tenu, d'après la loi, de fournir des alimens. Quant aux autres parens, peut-être pourrait-on distinguer, et lui permettre de prendre des fruits pour les besoins de ceux qu'il avait à sa charge, quand le droit d'usage a été établi ; secùs, pour ceux qu'il a pu prendre depuis.]

La famille se compose, non-seulement des enfans existant au moment de la concession, mais encore de tous ceux qui sont survenus depuis, et ce, quand même l'individu 650. n'aurait pas été marié à l'époque de l'établissement du droit. 652. [Par conséquent celui qui a un droit d'habitation, qui se marie, et à qui il survient des enfans, peut exiger un logement plus étendu. Cependant on tenait anciennement, que le droit d'habitation accordé à une femme par son mari, s'éteignait par son second mariage. Je pense qu'il en serait de même encore aujourd'hui. C'est à son second mari à la loger: et il serait contre toute bienséance qu'elle l'introduisît dans une maison, dont l'habitation doit être présumée ne lui avoir été accordée par son premier époux, que dans la supposition qu'elle resterait en viduité.]

Ceux qui ont un droit d'usage ou d'habitation, sont assujettis aux mêmes charges que l'usufruitier, dans la proportion de l'émolument qu'ils retirent du fonds ou de la 635. maison; et ils doivent, comme l'usufruitier, user en bons pères de famille. Mais il y a cette différence entre eux et 627. l'usufruitier, qu'ils ne peuvent louer, céder, ni vendre leur droit à des tiers. [Je pense, cependant, qu'il faudrait 651. excepter le cas où l'usage absorberait tous les fruits du fonds, 634. et l'habitation, la maison entière; car alors, ce serait vraiment un usufruit; et par conséquent, comme le jouissant serait assujetti à toutes les obligations de l'usufruitier (Article 635), il devrait en avoir tous les droits.

' II.

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De ce que les droits d'usage et d'habitation ne peuvent être cédés ni vendus, il faut en conclure qu'ils sont insaisissables. Et en effet, ce sont vraiment des alimens : Legatis alimentis, cibaria, et vestitus, et habitatio, debebitur, quia sine his ali corpus non potest.... (L. 6, ff. de Aliment. vel cibar. legat.)]

L'usage des bois et forêts est réglé par des lois particu656. lières. [Voyez l'Ordonnance des Eaux et Forêts, du 13 août 1669, un avis du Conseil-d'État, approuvé le 16 frimaire an 14 (Bulletin, no 1173); et un arrêt de la Cour de Cassation, du 21 novembre 1812, rapporté dans SIREY, 1821, 2o partie, page 257, qui a jugé que l'usager qui, sans être autorisé, coupe des bois dans la forêt dont il a l'usage peut être poursuivi correctionnellement.]

REMARQUES

Sur le chapitre 2, relatif à l'usage et à l'habitation.

L'habitation et l'usage forment la matière du titre 10 du second livre du nouveau Code civil des Pays-Bas, compris dans une loi du 8 janvier 1824, et dont voici les divers articles :

ART. 1er. Les droits d'usage et d'habitation sont des droits réels, qui s'établissent, et se perdent de la même manière que l'usufruit.

2. L'obligation imposée à l'usufruitier de donner caution, de faire état et inventaire, de jouir en bon père de famille, et de restituer la chose, est commune à celui qui a le droit d'usage ou d'habitation.

3. Les droits d'usage et d'habitation se règlent par le titre qui les a établis. Si le titre ne s'explique pas sur l'étendue de ces droits, ils sont réglés conformément aux articles suivans.

4. Celui qui a le droit d'usage sur un fonds, ne peut en tirer de fruits, qu'autant qu'il lui en faut pour ses besoins et ceux de sa famille.

5. Les choses fongibles ne peuvent être l'objet d'un droit d'usage. Mais si ce droit est accordé, il sera considéré comme un usufruit.

6. L'usager ne peut céder, ni louer son droit à un autre.

7. Si le droit d'usage est établi sur des animaux, l'usager n'a d'autres droits que ceux de s'en servir, et de prendre le laitage et fumier nécessaires à ses besoins.

8. Le droit d'usage sur un fonds ne comprend ni la chasse, ni la pêche, mais l'usager jouit des servitudes.

9. Il n'y a pas de différence entre le droit d'habitation et le droit d'usage d'une maison.

Celui qui a le droit d'habitation dans une maison, peut y demeurer avec sa famille, quand même il n'aurait pas été marié à l'époque où ce droit lui a été donné.

Ce droit se restreint à ce qui est nécessaire à l'habitation de l'usager et de sa famille.

10. Le droit d'habitation ne peut être cédé, ni loué.

11. Si l'usager absorbe tous les fruits du fonds, ou s'il occupe la totalité de la maison, il est assujetti aux frais de culture, aux réparations d'entretien, et au paiement des contributions et autres charges, comme l'usufruitier. S'il ne prend qu'une partie des fruits, ou s'il n'occupe qu'une partie de la maison, il contribuera aux frais et charges, au prorata de sa jouissance.

12. L'usage des bois et plantations, accordé à un particulier, ne donne à l'usager que le droit de prendre le bois mort, et dans le taillis ce qui lui est nécessaire pour lui et sa famille.

'La jurisprudence n'offre que peu de questions intéressantes sur les points de législation qui précèdent, et concerne particulièrement le droit d'usage dans les forêts.

I. La défensabilité, dans le sens des lois forestières, résulte-t-elle de cela seul que le bois est assez fort pour être à l'abri des attaques des bestiaux, ou bien faut-il indépendamment de l'âge du bois, que les lieux soient expressément déclarés défensables par l'administration des eaux et forêts, pour que l'on puisse y exercer le droit de pâturage et de paccage ? Résolu dans le sens de la seconde alternative, et il a même été décidé que la déclaration de défensabilité devait être renouvelée annuellement. (Arrêt de cassation de Bruxelles, du 16 février 1815.)

II. La Cour de cassation de Paris a partagé la même opinion dans un arrêt du 26 février 1824.

Voyez ultérieurement la jurisprudence relativement aux servitudes, au volume suivant de cet ouvrage.

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