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taire n'a, pendant tout le temps que dure cette jouissance, qu'une propriété très-imparfaite.

Il résulte de ces détails, qu'il peut exister une infinité de droits réels détachés de la propriété, et qui en sont comme autant de démembremens. Pour plus grande facilité, nous les réduirons à deux espèces principales, qui comprendront toutes les autres, droit de jouissance, et droit de servitude.

1 543.

Le droit réel de jouissance peut embrasser tout ou partie des produits de la chose. Dans le premier cas, il se nomme usufruit; dans le second, il prend le nom d'usage, s'il s'applique à un fonds; et d'habitation, s'il s'agit d'une maison. Nous traiterons de ces trois espèces de droits, dans le titre suivant ; et du droit de servitude, dans le Titre quatrième et dernier du présent Livre.

[ Il faut bien observer que nous ne considérons ici le droit de jouissance, qu'autant qu'il est droit réel, c'est-àdire démembrement de la propriété. Cela est d'autant plus essentiel à remarquer, qu'il existe beaucoup d'autres cas dans lesquels on peut avoir la jouissance de la chose d'autrui, sans avoir pour cela le jus in re comme dans le louage, le commodat, l'antichrèse. Et ce qui prouve que, dans ces cas, le droit de jouissance ne fait pas partie de la propriété, c'est que la valeur de la chose ne s'en trouve point, ou presque point diminuée dans la main du propriétaire. ]

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[Je ne parle point ici de l'hypothèque, qui est cependant un droit réel, mais seulement dans le sens qu'elle produit l'action réelle, c'est-à-dire qu'elle peut être exercée contre tout détenteur. En effet, il faut remarquer que je ne traite ici des droits réels, qu'autant qu'ils sont des démembremens de la propriété, c'est-à-dire qu'ils font réellement partie du domaine de la chose, qu'ils en augmentent ou en diminuent la valeur, suivant qu'ils sont réunis à la propriété, ou qu'ils en sont détachés. Or, ces caractères ne se rencontrent point dans l'hypothèque : elle n'est point un démembrement de la propriété; elle n'en diminue pas la valeur dans la main du propriétaire, qui vendra toujours

le fonds tout ce qu'il peut valoir, quoiqu'il soit grevé d'hy pothèques bien au delà de sa valeur; tandis que, souvent, il n'en retirera pas la moitié du prix réel, s'il est grevé d'un usufruit.

On peut voir un effet de cette différence, au Titre de l'Adoption.

Une seconde différence résultant de la première, entre l'hypothèque et les autres droits réels, c'est que l'hypothèque n'ayant d'autre motif que d'assurer le paiement d'une créance, le propriétaire du fonds hypothéqué peut toujours, par son fait seul, par sa simple volonté, c'est-àdire en remboursant le créancier, même malgré lui, faire disparaître le droit réel résultant de l'hypothèque; ce qu'il ne peut faire à l'égard de celui qui a sur le fonds un droit réel, dit démembrement de la propriété, tel qu'un usufruit, une servitude.

Enfin, une troisième différence, c'est que les droits réels, proprement dits, prennent la nature de l'objet auquel ils s'appliquent, et sont en conséquence meubles ou immeubles, suivant que les objets le sont eux-mêmes : l'hypothèque, au contraire, quoique ne pouvant s'appliquer qu'à des immeubles, suit entièrement la nature de la créance pour sûreté de laquelle elle est établie. ]

REMARQUES SUR LE TITRE II,

Relatif à la propriété, et sur la possession.

Le projet du titre du nouveau Code civil relatif à la propriété, et qui doit y former le troisième du second livre, a éprouvé jusqu'ici dans les chambres des États-généraux des difficultés qui en ont empêché l'admission. Ce contre-temps est d'autant plus grand, que c'est le seul titre dont il faille encore obtenir l'adoption pour le complément de ce Code.

Parmi les dispositions combattues, il en est particulièrement trois, dont deux, après avoir motivé le rejet du projet dans la session de 1823, ont cessé en 1824 d'être un obstacle à l'admission de la loi, dans la session suivante, à la seconde chambre des États-généraux ; et la troisième, qui n'avait été que légèrement combattue dans cette chambre, a été la cause principale de la non-admission par la première.

Une de ces dispositions tend à établir qu'il peut être apporté des restrictions à l'usage du droit de propriété, non-seulement par des lois, mais encore par des réglemens. C'est pour avoir confondu la dérogation au droit de propriété, avec la limitation de l'exercice de ce droit, qu'un grand nombre de membres de la seconde chambre avait cru que cet article du nouveau Code détruisait en quelque façon la garantie que la loi fondamentale accorde à la propriété.

Un autre point qui avait également excité la sollicitude de nos représentans, était la nécessité d'établir en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, le principe que l'indemnité devait être non-seulement juste, mais encore préalable. La seconde chambre qui, à la majorité, avait d'abord rejeté cet article, y a donné ensuite son assentiment, parce qu'elle a acquis la certitude qu'il n'était placé dans le Code qu'énonciativement, et que cet objet, qui tenait plus au droit public qu'au droit privé, ferait la matière d'une loi spéciale.

Enfin, le point qui a principalement déterminé la première chambre, c'est le principe qui fait du droit de chasse une conséquence du droit de propriété. Il eût été à désirer que comme il faut aussi une loi particulière pour l'exercice du droit de chasse, le Code n'eût fait autre chose que d'en parler énonciativement, sauf à poser les principes sur la nature de ce droit, dans cette loi spéciale.

Quoi qu'il en soit, à l'exception des dispositions des lois et arrêtés faisant partie de la législation intermédiaire que nous avons indiquées dans nos remarques sur le premier titre de ce livre, la législation française est encore jusqu'ici dans toute son intégrité, quant au droit de propriété.

Il est un objet que le droit romain avait traité dans les plus grands détails, et sur lesquels le législateur français a gardé le silence dans le Code civil et n'a dit que fort peu de choses dans le Code de procédure civile, c'est la possession, et par suite les droits qui en dérivent.

Une loi du nouveau Code est destinée à remplir pour nous cette lacune; c'est celle du 29 décembre 1823, formant le titre II du 2o livre.

En voici le texte :

ART. 1er. La possession est la détention ou la jouissance d'une chose que nous tenons en notre puissance, ou par nous-mêmes, ou par un autre, et comme à nous appartenante.

2. La possession est de bonne foi ou de mauvaise foi.

3. La possession est de bonne foi, lorsque le possesseur possède en vertu d'un titre translatif de propriété, dont il ignore les vices.

4. La possession est de mauvaise foi, lorsque le possesseur sait que la chose qu'il possède, ne lui appartient pas.

Après la demande en justice, le possesseur est réputé de mauvaise foi, lorsque la demande est adjugée.

5. L'on est toujours présumé posséder pour soi, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre.

6. Quand on a commencé à posséder pour autrui, l'on est toujours présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire.

7. L'on ne peut, par sa seule volonté, ni par le seul laps de temps, se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession.

8. Les biens appartenant à l'État, qui ne sont pas dans le commerce, peuvent être la matière de la possession des particuliers.

DEUXIÈME SECTION.

Des manières dont s'acquiert, se conserve et se perd la possession. 9. La possession s'acquiert par le fait de l'appréhension de la chose, l'intention de la posséder.

ne

dans

10. Ceux qui n'ont pas l'usage de la raison, ne peuvent, par eux-mêmes, acquérir la possession.

Le mineur capable de raison, la femme sous puissance de mari, peuvent, par le fait, acquérir la possession.

11. Nous pouvons acquérir la possession d'une chose, ou par nous-mêmes, ou par un autre qui la reçoit en notre nom.

Dans ce dernier cas la possession nous est acquise même avant d'en avoir eu connaissance.

12. La possession de tout ce que le défunt possédait, passe, dès l'instant de sa mort, en la personne de ses héritiers.

Cette possession est transmise avec toutes ses qualités et tous ses vices. 13. L'on conserve la possession aussi long-temps qu'elle n'est pas passée à un autre, ou abandonnée purement et simplement.

14. L'on perd volontairement la possession, lorsqu'on la transfère à un

autre.

15. L'on perd la possession, même sans la volonté de la transférer à un autre, lorsqu'on l'abandonne purement et simplement.

16. Si la transmission de la possession a été faite par une personne incapable d'aliéner, l'action en maintenue pourra être intentée dans l'année. 17. L'on perd contre sa volonté la possession d'un héritage :

1o. Lorsqu'un autre en prend possession, malgré le possesseur, et en jouit paisiblement pendant une année;

2o. Lorsque l'héritage est submergé par un événement extraordinaire. L'inondation momentanée d'un fonds n'en fait pas perdre la possession. L'on perd la possession d'une universalité de meubles, de la manière indiquée au no 1 de cet article.

18. L'on perd contre sa volonté la possession d'une chose mobilière : 1o. Lorsqu'elle a été soustraite ou volée;

2o. Lorsqu'elle est perdue de manière qu'on ignore dans quel lieu elle se

trouve.

19. L'on perd la possession des biens incorporels, lorsque, pendant une année, un autre en a eu paisiblement la jouissance.

TROISIÈME SECTION,

Des droits qui naissent de la possession.

20. La possession de bonne foi donne, sur la chose, à celui qui la possède, le droit :

1o. D'en être réputé propriétaire par provision et jusqu'à ce qu'elle soit revendiquée;

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2o. D'en acquérir la propriété par le moyen de la prescription;

3o. D'en percevoir à son profit, et jusqu'à la revendication, les fruits qu'elle a produits;

4o. D'être maintenu dans la possession de la chose contre celui qui viendrait l'y troubler, ou de s'y faire réintégrer, lorsqu'il l'a perdue.

21. La possession de mauvaise foi donne, sur la chose, à celui qui la possède, le droit :

1o. D'en être réputé propriétaire par provision et jusqu'à la demande en revendication;

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2o. D'en percevoir les fruits, mais à charge de les restituer à qui de droit; 3o. D'être maintenu ou réintégré comme il est dit au no 4 de l'article précédent.

22. L'action en maintenue a lieu lorsqu'on est troublé dans la possession, soit d'un fonds de terre, soit d'une maison ou bâtiment, soit d'un droit réel, soit d'une universalité de biens meubles.

23. Cette action n'a pas lieu contre celui qui, ayant payé une rente ou redevance foncière, refuse d'en continuer le paiement en prétendant que le fonds, par lui possédé, n'en est pas grevé.

24. Elle n'a pas lieu contre celui qui dénie un droit de servitude, à moins qu'il ne s'agisse de la possession d'une servitude continue et apparente.

25. Néanmoins, s'il y avait contestation sur la validité du titre constitutif d'une servilité discontinue, ou non apparente, celui qui est en possession de l'exercer, pourra être maintenu pendant la durée du procès.

26. L'action en maintenue ne peut avoir lieu pour des objets que le demandeur ne peut posséder légalement.

27. Les biens meubles corporels ne peuvent être l'objet d'une action en maintenue, sauf la disposition finale de l'art. 22.

28. Les preneurs à bail ou à ferme et ceux qui ne détiennent que pour autrui, ne peuvent intenter l'action en maintenue.

29. L'action en maintenue peut être intentée contre tous ceux qui troublent le possesseur dans sa possession; même contre le propriétaire, sauf à celui-ci l'action au pétitoire. Néanmoins, lorsque la possession est précaire, clandestine, ou usurpée par violence, le possesseur ne pourra diriger l'action en maintenue contre celui auquel la possession aurait été ainsi enlevée. 30. L'action en maintenue doit être intentée dans l'année, à dater du jour où le possesseur aura été troublé dans sa possession.

31. Cette action tend à faire cesser le trouble, et à maintenir le possesseur dans sa possession, avec dommages-intérêts.

32. Lorsque sur l'action en maintenue, le juge trouve que le droit de possession réclamé de part et d'autre n'est pas suffisamment justifié, il pourra, sans rien statuer sur la possession, ordonner que l'objet sera séquestré, ou enjoindre aux parties d'instruire au pétitoire, ou accorder à l'une d'elles une possession provisionnelle.

Cette possession ne donnera que le simple droit de jouir de l'objet contentieux pendant la durée du procès au pétitoire, et à charge de rendre compte des fruits perçus.

33. Lorsque, sans violence, le possesseur d'un fonds de terre ou d'un édi

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