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TITRE II.

De la Propriété.

[Voyez OEuvres de POTHIER, Traité de la Propriété.] La propriété est parfaite ou imparfaite.

La propriété est parfaite, quand l'exercice du droit du propriétaire ne peut être gêné par l'effet d'aucun droit appartenant à un autre particulier.

Elle peut être définie : le droit de jouir d'une chose et d'en disposer à sa volonté, pourvu qu'on n'en fasse pas un 544. usage prohibé par la loi ou par les réglemens.

[Il faut bien distinguer le droit de propriété en luimême, de l'exercice de ce même droit. Ainsi le mineur, l'interdit, la femme mariée, peuvent être bien réellement propriétaires, quoique la loi, pour leur propre intérêt, ou pour des raisons d'ordre public, leur interdise l'exercice des principaux droits attachés à la propriété. De même, le saisi réellement est bien propriétaire jusqu'à l'adjudication; et cependant il ne peut disposer. (Code de Procédure, articles 690 et 692.)]

[Du droit de disposer d'une chose à sa volonté, résulte le droit de la revendiquer 'contre toute personne qui la possède sans notre consentement; et ce, par l'action appelée en droit Revendication, Cette action n'est donnée qu'au propriétaire ; et comme onus probandi incumbit actori, il s'ensuit que celui qui l'intente, doit prouver qu'il est propriétaire; et c'est en quoi elle diffère essentiellement de l'action possessoire, qui n'a pour but que de réclamer la possession de la chose ou de s'y faire maintenir, et pour le succès de laquelle il suffit de prouver que l'on avait la possession légale de la chose, au moment où l'on en a été privé.]

Jouir: c'est-à-dire retirer de la chose tous les fruits, tout l'avantage qu'elle est susceptible de procurer.

Disposer: c'est-à-dire dénaturer la chose, la détériorer, l'aliéner, la perdre même, si cela plaît au propriétaire.

[Droit de dénaturer : le propriétaire d'une terre labourable peut en faire un étang, y planter un bois. Droit de détériorer : il peut la laisser en friche. Droit de perdre : le propriétaire d'un tableau peut l'effacer; celui d'un livre, peut le jeter au feu.]

:

A sa volonté parce que nul ne peut être contraint de céder la chose dont il est propriétaire, si ce n'est pour cause 545. d'utilité publique, et moyennant une juste indemnité.

[Ainsi, il n'est pas nécessaire qu'il y ait nécessité, il suffit qu'il y ait utilité. Il y a même des cas où il suffit de l'utilité particulière, comme dans les articles 660, 661 et 682.

Nota. Un avis du Conseil-d'État, approuvé le 12 janvier 1811 (Bulletin, no 6467), a déclaré que la disposition d'un ancien arrêt du Conseil, du 9 juillet 1718, qui autorisait les salpêtriers à continuer de jouir, même après l'expiration des baux, des lieux où étaient établis leurs ateliers, ne devait plus avoir force de loi.]

[Celui dont la maison est abattue, en cas d'incendie, pour empêcher la communication du feu, a-t-il droit à une indemnité? Je ne le pense pas. Il y a présomption, dans ce cas, que la maison abattue aurait été incendiée. La démolition n'a donc causé aucun préjudice au propriétaire.]

Dans ce cas, l'expropriation s'opère par l'autorité judiciaire, et les Tribunaux ne peuvent la prononcer, qu'autant que l'utilité ou la nécessité a été constatée dans les formes établies par la loi, et qui consistent :

1o. Dans l'ordonnance du Roi, qui seul peut ordonner des travaux publics, ou achats de terrains ou édifices destinés à des objets d'utilité publique ;

2o. Dans l'acte du préfet, qui désigne les localités ou territoires sur lesquels les travaux devront avoir lieu, lorsque cette désignation ne résulte pas de l'ordonnance même, et dans l'arrêté ultérieur par lequel le préfet détermine les propriétés particulières auxquelles l'expropriation est applicable. (Loi du 8 mars 1810, Bulletin, no 5255, art. 1, 2, 3.)

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[Voyez aussi celle du 16 septembre 1807 (Bulletin 11o 2797), sur les desséchemens, dont l'art. 4 porte, que

si les propriétaires de marais refusent d'exécuter les dessé chemens ordonnés par l'État, l'autorité supérieure est autorisée à les faire exécuter, et à leur rendre ensuite les terrains desséchés, à la charge par eux de payer une indem nité, consistant, suivant les circonstances, soit dans une somme d'argent, soit en une rente à 4 pour 100, soit enfin en une partie proportionnée du fonds. (Art. 20, 21 et 22.) Voir aussi le titre 11 de la même loi, relatif aux alignemens, l'ordonnance des eaux et forêts, de 1669, la loi du 9 floréal an 11, l'arrêté du Gouvernement du 28 du même mois, et le décret du 15 avril 1811, qui contiennent plusieurs modifications au droit de propriété, relativement aux bois et forêts appartenant à des particuliers.

Nota. Nous avons vu ci-dessus que les questions de propriété, même à l'égard du domaine, devaient, en général, être portées devant les Tribunaux.]

Au surplus, cette application ne peut être faite à aucune propriété particulière, qu'après que les parties intéressées ont été mises en état d'y fournir leurs contredits selon les règles établies par les articles 5 et suivans de la même loi; le tout, sans préjudice des arrangemens volontaires et amiables qui peuvent avoir lieu entre l'administration et les parties intéressées. (Ibid., art. 12.)

Tout propriétaire dépossédé doit être indemnisé. Le paiement de l'indemnité doit, en général, être fait au comptant. Si cependant des circonstances particulières empêchent le paiement actuel de tout ou partie de ladite indemnité, les intérêts en sont dus à compter du jour de la dépossession, et payés de six mois en six mois, sans néanmoins que le paiement du capital puisse être retardé au delà de trois ans, sans le consentement des propriétaires. (Ibid. art. 20.)

Pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé, etc.: parce que l'homme jouissant des avantages de la société, doit, de son côté, accomplir les obligations qu'elle lui impose, au nombre desquelles est celle de ne point faire des chose un usage contraire aux dispositions établies par lois ou les réglemens, dans l'intérêt, soit du public, soit des particuliers.

les

[Nous disons par les lois. Par exemple, celles qui défendent de vendre des grains en vert, ou de vendre telle ou telle denrée, ailleurs qu'aux marchés.

Par les réglemens. Par exemple, ceux qui sont relatifs à l'ouverture et à la fouille des carrières, et à la construction de certaines usines qui peuvent incommoder sensiblement les voisins, tels que les fours à chaux, à plâtre, et en général les manufactures, établissemens et ateliers, qui répandent une odeur insalubre ou incommode. Voir l'ordonnance du Roi du 14 janvier 1815. (Bulletin, no 668.) Voir aussi les décrets des 11 janvier 1808 (Bulletin, no 2926), et 4 juillet 1813 (Bulletin, no 9427), relatifs à l'exploitation des carrières de pierres à bâtir, et celui du 22 mars 1813, relatif à la responsabilité de ceux qui exploitent ces carrières. (SIREY, 1813, 2o partie, page 365.)

Dont l'intérêt, soit du public. Comme il est de l'intérêt public qu'une mine, qui peut être un objet précieux pour tout le royaume, soit exploitée, et en même temps qu'elle ne le soit que par des personnes qui aient le talent et les moyens suffisans pour en retirer le plus grand produit possible, le propriétaire du terrain où elle se trouve, ne peut l'exploiter, qu'après avoir obtenu la concession du Gouvernement, qui peut même l'accorder, sans son consentement, à tout autre qu'à lui, s'il ne la demande pas, ou s'il n'est pas en état de l'exploiter utilement. (Loi du 21 avril 1810, Bulletin, no 5401.)]

La propriété est imparfaite, lorsque l'exercice du droit du propriétaire peut être gêné par l'effet d'un droit appartenant à un autre particulier.

Ainsi, celui qui a la propriété parfaite, a, comme nous avons dit, le droit de perdre entièrement sa chose, et, à plus forte raison, celui de lui donner une autre forme, meilleure ou pire que celle qu'elle avait auparavant. Il peut également l'aliéner, et transférer par là à un autre la propriété irrévocable, comme il l'a lui-même. Mais si le droit du propriétaire n'est pas lui-même irrévocable, s'il est susceptible de se résoudre au bout d'un certain temps, ou par l'événement d'une certaine condition, comme dans les

biens grevés de restitution, les biens acquis à faculté de rachat, il est clair que le propriétaire ne peut transférer à d'autres personnes un droit irrévocable qu'il n'a pas luimême; qu'il ne peut dégrader la chose, au préjudice de celui ou de ceux qui peuvent avoir droit d'en réclamer la restitution, qu'il ne peut en changer la forme, etc.: sa propriété est donc, dans ce cas, une propriété imparfaite.

[Si je charge mon fils ou mon frère de rendre à ses enfans' lors de son décès, la portion de mes biens dont je dispose en sa faveur, cette portion est dite grevée de restitution. - Je vends ma maison sous la condition que je pourrai, pendant deux ans, la reprendre, en rendant le prix de l'acquisition. C'est une vente faite à faculté de rachat. Il sera traité de ces différens sous les Titres qui les con

cernent.]

cas,

En outre, celui qui a la propriété parfaite d'un héritage, a le droit d'empêcher toute autre personne d'en user, et celui d'en interdire à qui que ce soit l'entrée, et même la vue jusqu'à un certain point. Mais si le propriétaire voisin a le droit d'y passer, d'y puiser de l'eau, même d'y avoir des vues immédiates, on sent aisément que le propriétaire n'a encore, dans ce cas, qu'une propriété impar faite.

[La vue est immédiate, quand le mur où elle est prise, donne immédiatement sur le fonds voisin. On peut avoir vue sur le fonds voisin, sans avoir pour cela un droit de vue; il suffit que le mur où est prise la vue, soit à une certaine distance de la ligne de séparation des deux héritages. Dans ce cas le voisin n'en a pas moins la propriété parfaite de son fonds, puisqu'il peut, s'il le juge à propos, élever son mur assez haut pour empêcher qu'on ne voie ce qui se passe chez lui : ce qu'il ne pourrait faire, si le voisin. avait un droit de vue. (Art. 701.)]

Enfin, celui qui a la propriété parfaite, a le droit d'user de la chose et d'en jouir, c'est-à-dire de s'en servir comme il le juge convenable, et d'en percevoir tous les fruits. Mais si ce droit d'user ou de jouir appartient, en tout ou en partie, à une autre personne, il est évident que le proprié

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