Page images
PDF
EPUB

Il faut que tous ces objets aient été placés par le propriétaire.]

Il faut observer, au surplus, que les objets meubles par leur nature, destinés par le propriétaire au service du fonds, n'acquièrent la qualité d'immeubles qu'à raison de l'emploi qui en est fait par le propriétaire, et qu'ils ne la conservent qu'autant que cet emploi n'est pas changé par le propriétaire lui-même. Ainsi, des matériaux provenant de la démolition d'un édifice sont meubles, ainsi que ceux qui sont assemblés pour en construire un nouveau, jusqu'à ce que les uns ou les autres soient employés dans une construction.

[Les Romains faisaient, à cet égard, une distinction. Ils regardaient comme meubles, les matériaux assemblés pour construire un édifice, et comme immeubles, ceux qui avaient été détachés d'un édifice, pour y être replacés. Ea quæ ex ædificio detracta sunt, ut reponantur, ædificii sunt: at quæ parata sunt ut imponantur, non sunt œdificii. (L. 17, § 10, ff. de Act. empt.) Cette distinction qui est fort raisonnable, peut se concilier avec la disposition du Code, si l'on entend l'article 532, des matériaux provenant d'un édifice entièrement démoli, qui sont bien certainement meubles, jusqu'à ce qu'ils soient employés dans une autre construction. Mais quant à ceux qui ont été dé– tachés momentanément, pour cause de réparation, et pour être ensuite replacés, je pense qu'ils conservent leur qualité d'immeubles. Posita sunt ad integrandam domum. (Voir un arrêt de Lyon, du 23 décembre 1811, rapporté dans SIREY, 1813, 2o partie, page 307.)]

Après avoir fait connaître les objets qui sont immeubles, soit naturellement, soit par destination, il suffira, pour donner une idée de ceux qui doivent être regardés comme meubles, de dire en général que ce sont les biens qui sont tels par leur nature, et qui ne sont pas compris dans les exceptions ci-dessus, quels que soient d'ailleurs leur volume ou leur valeur.

Ainsi, les diamans et pierres précieuses, les pièces d'argenterie, les bateaux, bacs, moulins et bains sur bateaux,

552.

et généralement toutes usines non fixées par des piliers, et ne faisant point partie de la maison, sont meubles. Il en est Com.de même des navires et bâtimens de mer, quels que soient 190. leur nature et leur port en tonneaux ; le tout sans préjudice 531. des dispositions des articles 620 et 621 du Code de Procédure, et 197 et suivans du Code de Commerce, relativement aux formes particulières à suivre pour la saisie et la vente de ces objets. [Et sans préjudice également des dispositions des articles 190 et 191 du Code de Commerce, relativement aux dettes auxquelles les navires peuvent être spécialement affectés. ] Les meubles se divisent en choses fongibles et non-fongibles.

[Cette distinction est nécessaire, notamment pour l'intelligence des dispositions relatives à l'usufruit, au prêt à usage ou de consommation. Ces deux espèces de choses diffèrent principalement, quant au droit, en ce qu'à l'égard des choses non-fongibles, le droit de jouissance peut être distingué de celui de propriété, et appartenir à une autre personne qu'au propriétaire; tandis que ces deux droits se confondent nécessairement, lorsqu'ils s'appliquent à des choses fongibles.]

Les choses fongibles sont en général celles dont on ne peut se servir sans les consommer, ou au moins sans en changer la nature, comme le vin, le blé, etc. L'argent monnayé est aussi une chose fongible; car bien que la pièce de monnaie soit toujours la même, elle périt cependant pour celui qui l'emploie, utenti perit.

[Nous avons défini les choses fongibles uniquement, parce qu'il est possible que la manière dont une chose est considérée, soit d'après l'usage qui en est fait communément, soit d'après la convention, lui donne la qualité de chose fongible, quoiqu'elle ne se consomme pas réellement, ou que la nature n'en soit pas réellement changée par l'usage. Ainsi,bien certainement des animaux ne sont pas en général des choses fongibles; et cependant le menu poisson qui sert à peupler les étangs, et autres pièces d'eau, et qu'on appelle, suivant les lieux, alvin, fretin, ou peuple, pourrait être l'objet d'un prêt de consommation, qui ne peut cependant com

prendre que des choses fongibles, parce qu'on ne peut présumer que celui qui prête du fretin, a eu l'intention qu'on lui rendît les mêmes poissons in specie, ou, comme disent les auteurs, in individuo, mais bien une pareille quantité de poissons semblables.]

[Une pièce de toile pourrait être, suivant les circonstançes, une chose fongible ou non-fongible. En effet, si elle est prêtée, par exemple, pour servir momentanément de tenture, il est certain que c'est la même pièce qui doit être rendue, et que par conséquent, elle est considérée comme une chose non-fongible. Mais si elle est prêtée pour en faire des habillemens, comme on ne peut alors s'en servir sans la couper, la dénaturer, et conséquemment sans en changer la nature, et sans qu'elle cesse d'être pièce de toile, elle doit être regardée comme une chose fongible, puisqu'il est impossible de la rendre in individuo.

Remarquez que les choses fongibles sont ainsi appelées, quia una fungitur vice alterius, l'une peut être remplacée par l'autre ; ce qui confirme les distinctions que nous venons d'établir.

Un fonds de commerce est-il une chose fongible? L'affirmative paraît avoir été jugée par un arrêt de la Cour de Cassation, du 9 messidor an 11 (SIREY, tome 4, 1oo partie, page 89), et la négative par un autre arrêt de la même Cour, du 10 avril 1814. (ibid. 1814, 1re partie, page 238.) A la vérité, dans l'espèce de ce dernier arrêt, les circonstances pourraient avoir influé sur la décision. Je pense qu'en point de droit, le fonds proprement dit, c'est-à-dire l'achalandage, doit être regardé comme une chose nonfongible: mais que les marchandises garnissant ledit fonds, sont évidemment des choses fongibles; en effet, la nécessité du commerce exige qu'elles puissent être remplacées par d'autres, ut una fungatur vice alterius; ce qui est le caractère de la chose fongible.]

Les choses non-fongibles sont celles qui s'altèrent à la vérité, mais qui ne se consomment pas entièrement, ou dont la nature n'est pas changée, par le premier usage: tels sont les vêtemens, les meubles meublans,

etc.

SECTION II.

Des Biens Incorporels.

Les biens incorporels sont ceux qui ne consistent que dans un droit, et qui n'existent, pour ainsi dire, que civilement; telles sont les créances, les actions, les servitudes actives. [Quæ tangi non possunt, et quæ in jure consistunt. (Inst., liv. 2, Tit. 2, S 2.)]

Ces biens n'ayant donc pas d'existence réelle et effective, il en résulte qu'ils ne peuvent avoir d'autre nature que celle de l'objet auquel ils se rapportent. Ils seront donc meubles ou immeubles, suivant que cet objet le sera lui-même. Ainsi, toute créance pécuniaire ou d'effets mobiliers, est meuble, soit qu'elle ait pour objet une somme ou une chose exigible, ou une rente perpétuelle ou viagère, constituée 529. sur l'état ou sur particuliers.

[Qui actionem habet ad rem recuperandam, ipsam rem habere videtur. (L. 15, ff. de Regulis juris.)

Anciennement, dans la plupart des pays coutumiers, les rentes perpétuelles étaient regardées comme immeubles.

Il faut néanmoins observer, à l'égard des rentes sur particuliers, que, sans sortir de la classe des meubles, elles ne peuvent être saisies qu'avec des formalités spéciales, dont on peut voir le détail dans les art. 636 et suivans du Code de Procédure. Quant aux rentes sur l'État, elles ne sont point saisissables. (Loi du 8 nivose an 6.)]

Les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, commerce ou industrie, sont également meubles, quand même ces compagnies seraient propriétaires d'immeubles; sans que cette disposition puisse cependant rien changer à la nature des droits qui pourraient appartenir, soit à des tiers, pendant la durée de la société, soit aux associés euxIbid. mêmes après sa dissolution.

[L'action diffère de l'intérêt, en ce que l'intéressé est ce que l'on appelle associé en nom collectif. (Code de Commerce, art. 20 et suivans.) Il court tous les risques de l'affaire, et peut être poursuivi sur tous ses biens, pour raison

des dettes de la société. L'actionnaire, au contraire, n'est jamais qu'associé commanditaire (Ibid., art. 23 et 26.); c'est-à-dire qu'il ne peut jamais perdre au delà de la valeur de son action.]

[Aux termes de l'article 7 du décret du 16 janvier 1808 (Bulletin, no 2953), les propriétaires d'actions de la Banque peuvent, en remplissant certaines formalités, leur donner la qualité d'immeubles; auquel cas, lesdites actions sont soumises aux dispositions du Code, relatives à l'aliénation des immeubles, et aux priviléges et hypothèques auxquels les immeubles peuvent être assujettis. Ces actions, et les rentes sur l'État, peuvent encore être immobilisées pour former un majorat. (Statut du 1er mars 1808, art. 2, 3, 4 et 5, Bulletin, no 3207.) Mais elles reprennent leur qualité de meubles, si la demande en institution de majorat est rejetée ou retirée. (Décret du 21 décembre 1808, Bulletin., no 4029.) Toutes ces dispositions sont appliquées aux actions des canaux d'Orléans et de Loing, par l'article 13 du décret du 16 mars 1810. ( Bulletin, no 5355.)

Nota. Un arrêt de la Cour de Paris, du 2 mai 1811, rapporté dans SIREY, 1814, 2o partie, page 213, a jugé que les actions ou intérêts dans les compagnies de finance ou d'industrie, pouvaient être saisies, et que, s'il y avait lieu à en poursuivre la vente forcée, elle devait avoir lieu après trois publications, en l'étude d'un notaire, et sans l'intervention d'un commissaire-priseur.]

[Nous avons dit : quand même ces compagnies seraient propriétaires d'immeubles, parce que la compagnie est un être moral, distinct des actionnaires ou intéressés qui la composent, et qui sont tous censés ses créanciers. Or, une créance n'est pas immobilière, parce qu'elle doit être exercée contre un propriétaire d'immeubles. Ce ne sera donc qu'au moment de la dissolution de la société, et par le partage, que l'on saura si tel ou tel associé est ou non propriétaire d'immeubles. C'est pour cela que l'article dit: << Que ces actions ou intérêts sont réputés meubles à l'égard » de chaque associé, tant que dure la société. » Par la même raison, il faut tenir que l'hypothèque légale des femmes

« PreviousContinue »