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l'article 1551 du Code Civil; il arrivera donc, de là, qu'un tribunal de première instance pourra, mais entre d'autres parties, juger le contraire de ce qui a été jugé par une Cour Royale. Ainsi, Pierre et Paul se disputent la propriété d'une créance; elle est adjugée à Pierre. Il notifie l'arrêt au débiteur. Je prétends être propriétaire de cette créance : je ne puis empêcher le débiteur de payer, qu'en formant tierce-opposition à l'arrêt. Mais s'il a payé, et que je veuille agir contre Pierre en restitution, je ne devrai point me rendre tiers opposant; mais je serai tenu de me pourvoir contre lui par action principale.

Mais, dira-t-on encore, il y a chose jugée avec l'adoptant. Or les héritiers de celui-ci peuvent-ils revenir contre ce qui a été jugé avec leur auteur, et peuvent-ils avoir, à cet égard, plus de droit que lui? Je réponds qu'il faut distinguer deux espèces d'actions qui peuvent être exercées par les héritiers; les unes qu'on peut appeler héréditaires, c'est-à-dire, que les héritiers exercent comme représentant le défunt, et comme étant la continuation de sa personne; et, dans ces sortes d'actions, il est certain qu'ils ne peuvent exercer que les droits qu'avait leur auteur; et les autres, qu'ils exercent comme appelés par la loi à recueillir la succession, et auxquelles il est évident que le même principe n'est pas applicable. Car autrement il en résulterait que les actes faits par un défunt, en fraude de ses héritiers, ne pourraient jamais être attaqués par ces derniers; ce qui est faux, puisqu'il y a même dans le Code une disposition expresse qui permet aux héritiers de l'un des époux de faire annuler les avantages indirects faits par lui au profit de l'autre époux ́(Art. 1594). Sic jugé par la Cour de Colmar, le 28 juillet 1821. (SIREY, 1821, 2° partie, pag. 288.)]

Le décès de l'adoptant, survenu depuis l'acte de consentement passé devant le juge de paix, et avant la prononciation du jugement définitif, n'empêche point la continuation de l'instruction, et par suite l'admission de l'adoption, s'il y a lieu. Mais, dans ce cas, les héritiers de l'adoptant peuvent transmettre au Ministère public tous les moyens qu'ils croient propres à faire déclarer l'adoption inadmissible. 560.

[L'article 560 dit : « Si l'adoptant vient à mourir après » que l'acte d'adoption a été reçu par le juge de paix, et >> porté devant les tribunaux, et avant que ceux-ci aient » définitivement prononcé, l'instruction sera continuée, >> etc. » D'où quelques personnes ont voulu conclure que, si le décès de l'adoptant arrivait dans le délai accordé par l'article 554 pour porter l'acte devant les tribunaux, l'adoption serait nulle. Je ne puis partager cette opinion. Comme je l'ai déjà dit, tout est consommé par l'acte passé devant le juge de paix, puisque l'on n'exige plus, pour le reste des opérations, que l'intervention d'une seule des parties. Quant à la rédaction, un peu embarrassée à la vérité, de l'article 360, je crois qu'on a voulu seulement exprimer deux choses la première, qu'il n'était pas nécessaire que les deux parties vécussent jusqu'au moment où l'adoption serait définitivement admise; et la seconde, que le décès arrivé pendant l'instruction ne l'interromprait pas; et cela par dérogation aux règles ordinaires de procédure, qui veulent que, dans les affaires qui ne sont pas encore en état de recevoir jugement, toutes procédures faites postérieurement à la notification de la mort de l'une des parties, soient nulles. (Cod. de Proc., art. 544.)]

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[Les héritiers de l'adoptant auraient le droit de faire annuler, après le décès de l'adoptant, l'adoption, même consommée pendant sa vie, si elle était contraire aux lois; à plus forte raison doivent-ils avoir celui d'en empêcher l'admission dans le même cas.

L'adoption est-elle révocable, au moins avec le consentement des deux parties? D'abord, l'affirmative n'est pas douteuse, tant que l'adoption n'est pas inscrite sur les registres de l'état civil. Car puisque tout est anéanti par le seul défaut de poursuite avant le jugement, et, après le jugement, par le seul défaut d'inscription dans le délai fixé, à plus forte raison la déclaration expresse des parties doit-elle avoir le même effet. Il serait absurde qu'elles ne pussent pas faire directement, ce que la loi leur permet de faire indirectement. Mais si l'adoption est inscrite, cela présente plus de difficulté. Cependant la négative me paraît préférable;

et je me fonde, 1° sur ce que l'adoption confère une espèce d'état civil nouveau à l'adopté. Or les individus ne peuvent, de leur seule autorité, disposer de leur état civil. Et en effet, comment annulera-t-on l'inscription faite sur les registres? Il faudrait donc faire inscrire la révocation. Or, nulle part la loi ne parle de cette prétendue révocation. 2° Sur ce que l'adoption est un don de la succession; et n'est même pas, à proprement parler, autre chose: renoncer à l'adoption, serait donc réellement, de la part de l'adopté, renoncer à une succession future; ce qui est prohibé.

Nota. Le Code Prussien permet de révoquer l'adoption en suivant les mêmes formes avec lesquelles elle a été opérée, c'est-à-dire, avec le consentement de toutes les parties et la sanction des tribunaux.]

REMARQUES SUR LE TITRE IX,
Relatif à l'Adoption.

Cette matière se trouve éliminée du nouveau Code des Pays-Bas; nous n'aurons donc qu'à rendre compte de la jurisprudence de nos Cours sur l'application des lois françaises en cette partie. Elle ne présente que fort peu d'arrêts, les cas d'adoption étant devenus très-rares, et il faut le dire à la honte de la morale, le bienfait qu'avait voulu introduire le législateur étant dégénéré en abus, puisqu'on ne voit presque plus pratiquer l'adoption que pour donner un nom et un état à des enfans incestueux ou adultérins, et rendre ainsi leur condition préférable à celle de simples enfans naturels. La situation du juge est souvent très-pénible en ces sortes de matières, puisque la disposition de la loi qui défend la recherche de la paternité, le force en quelque façon à consentir à une adoption dont les effets sont entièrement en opposition avec l'état de réprobation dont cette même loi a voulu frapper les enfans nés d'un commerce criminel.

C'est surtout dans les provinces du nord que l'on a été le plus frappé de l'imperfection et des inconvéniens du système de l'adoption établi par les lois françaises auxquelles on y a été soumis depuis l'an 1811.

Voici un cas qui s'est présenté dans l'intervalle de cette année à 1814. Deux époux avaient eu ( de notoriété publique) des relations d'une grande intimité, pendant un temps où l'un des deux se trouvait encore retenu par les liens d'un premier mariage. Celui-ci étant devenu libre, contracta un second mariage, et bientôt après l'on vit paraître chez ces époux, sous le titre de neveu et de nièce, deux enfans dont la naissance paraissait se reporter à l'époque où avait paru régner entre eux la plus grande intimité, et à laquelle l'épouse avait fait des absences dont le public n'avait pas hésité à soupçonner le motif.

On ne connaissait d'ailleurs dans la famille, ni de l'un ni de l'autre époux, aucune personne que l'on pût regarder comme le père ou la mère de ces enfans.

Ils recurent au reste, chez leurs prétendus oncle et tante, l'éducation la mieux soignée ; et la fille étant parvenue à l'âge de majorité, les époux susdits prirent la résolution de l'adopter, et se pourvurent en conséquence devant le tribunal de leur arrondissement.

Ce tribunal, dont tous les membres connaissaient le véritable état de choses, crut ne pas pouvoir légitimer une union et une naissance immorale, par l'application d'une loi dont le principal caractère était la moralité et le maintien de l'honnêteté publique, et rejeta la demande. Sur l'appel, les époux représentèrent que l'état et la qualité des personnes ne pouvaient dépendre de la malignité et de la médisance du public; que quelque mystère qui enveloppât la naissance de la demoiselle qu'ils se proposaient d'adopter, il n'était aucune puissance qui pût forcer à lever le voile qui la couvrait; qu'il suffisait que cette circonstance fût connue dans les familles respectives des appelans et de la jeune personne, et que tous ceux qui les composaient donnassent les mains à l'adoption projetée. Qu'admettre le système du tribunal, c'était autoriser indirectement la recherche de la paternité, prohibée en toute occasion, mais surtout par rapport aux enfans adultérins. Qu'en vain le tribunal argumentait de ce que l'adoption projetée deviendrait un moyen de faire entrer un enfant adultérin dans la famille des appelans, et de lui assurer toute leur succession, puisqu'il était reconnu que l'adoption, telle que l'admettait le Code français, ne conférait point l'état de famille, et que la paternité de cette fille ne pouvant être recherchée, il était loisible aux appelans de lui laisser toute leur fortune, quand même ils ne l'adopteraient pas.

Ces raisons prévalurent auprès de la Cour de Bruxelles, et l'adoption fut autorisée.

Il s'est encore présenté, depuis 1814, quelques demandes en adoption; mais nous ne saurions dire si elles ont donné lieu à discuter ou à fixer des points de droit de quelque importance, les jugemens et arrêts qui prononcent sur de semblables demandes n'étant pas motivés, et les parties qui les forment, y donnant rarement une grande publicité.

TITRE X.

De la Minorité, de la Tutelle, et de l'Emancipation.

LES personnes, considérées par rapport à l'âge, se divisent en majeurs et mineurs.

Le majeur est celui qui a atteint l'âge de vingt et un ans accomplis; il est capable de tous les actes de la vie civile, sauf les restrictions portées aux Titres du Mariage et de 488. l'Adoption. [Sauf encore le cas d'interdiction, et celui du sourd-muet, qui, s'il ne sait pas écrire ne peut accepter une donation que par le ministère d'un curateur (Art. 936.)]

Le mineur est celui qui n'a pas encore atteint l'âge de vingt-et-un ans; il est soumis à la puissance paternelle ou à l'autorité d'un tuteur; ou enfin, il a besoin, dans certains 388. cas, de l'assistance d'un curateur, s'il est émancipé.

Nous avons traité de la puissance paternelle dans un des Titres précédens; il nous reste à parler, dans celui-ci, de la tutelle et de l'émancipation.

La tutelle officieuse étant soumise à des règles particulières, quant au mode de l'établir, de l'administrer, et quant à ses résultats, nous commencerons par en exposer les principes. Elle se trouvera d'ailleurs, par là, placée à la suite du Titre de l'adoption, avec laquelle elle a une trèsgrande affinité.

Un second chapitre exposera les règles de la tutelle ordinaire.

Nous traiterons, dans un troisième, de l'émancipation et de la curatelle.

Et enfin, dans un quatrième, d'une espèce particulière de tutelle légitime.

REMARQUES SUR LA MINORITÉ.

La loi du 28 mars 1813, formant le titre 16o du 1er livre du nouveau Code civil, a changé l'âge auquel cesse la minorité. Le mineur est l'individu qui n'a pas encore l'âge de 23 ans accomplis.

Nous ferons connaître successivement, après chaque section de ce titre, les modifications qu'apportera dans la législation notre nouveau Code civil, renvoyant à la fin du titre nos remarques sur la jurisprudence et la législation intermédiaire en matière de minorité et de tutelle.

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