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prouve que le législateur lui-même n'a pas entendu donner à l'adopté le même droit qu'à l'enfant légitime, relativement aux donations entre-vifs, c'est que l'adoption ne révoque pas ces donations, comme le ferait la survenance d'un enfant légitime. L'adoption étant un acte qui dépend entièrement de la volonté de l'adoptant, on n'a pas voulu mettre dans sa maison un moyen de révocation des donations qu'il aurait pu faire. C'eût été contrarier ouvertement le système de la législation relativement à l'irrévocabilité des donations entre-vifs. D'après toutes ces raisons, je pense donc que l'adopté ne peut faire réduire ces donations. Quant aux dispositions testamentaires, il n'y a pas les mêmes inconvéniens: les légataires n'ont jamais été saisis; ils n'ont pu transmettre à d'autres; ils n'ont pas dû compter sur leurs legs, arranger leurs affaires en conséquence. D'ailleurs, le texte est formel: L'adopté a tous les droits d'un enfant légitime. Or, un de ces droits est celui de prendre sa réserve sur les biens donnés. A la vérité, il n'a ces droits que sur la succession; mais comme les objets légués font partie de la succession, il paraît difficile de lui refuser le droit de faire réduire les legs, pour le complément de sa réserve.

Quid, à l'égard des institutions contractuelles que l'adoptant aurait pu faire antérieurement à l'adoption? Ces sortes d'institutions sont irrévocables, dit l'article 1083, dans le sens que l'instituant ne peut plus disposer à titre gratuit des biens qui les composent. Or, il est certain que, dans notre droit, l'adoption a pour principal effet d'assurer à l'adopté la succession de l'adoptant; et que par conséquent, sous ce rapport, elle n'est autre chose qu'une disposition à titre gratuit des biens composant la succession: donc elle ne peut préjudicier à l'institution contractuelle antérieure, à l'égard de laquelle l'adoption doit être regardée comme non avenue. ]

[Par les motifs ci-dessus rapportés, l'adopté exclura tous les collatéraux, et même les ascendans. Le Code Prussien, partie 2, Titre 2, art. 673, conserve à ceux-ci leur légitime, quand ils n'ont pas consenti à l'adoption. Cette distinction ne pourrait être admise dans notre droit qui donne

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à l'adopté les droits d'enfant légitime. Or, l'enfant légitime exclut totalement les ascendans; cependant il faut avouer que la disposition du Code Prussien est plus conséquente; car l'on ne voit pas comment celui qui ne peut, par aucune donation, préjudicier à la légitime des ascendans, peut l'anéantir entièrement par une adoption, qui, encore une fois, n'est autre chose qu'une donation de la succession.

Si l'adopté était mort avant l'adoptant, ses enfans pour→ raient-ils le représenter dans la succession de ce dernier?

L'on peut dire pour l'affirmative, que l'enfant adoptif a les droits d'un enfant légitime, et qu'au nombre de ces droits, est celui de transmettre à ses enfans la faculté de le représenter dans les successions ouvertes depuis son décès. Mais l'on pourrait répondre que l'adopté n'a de droit que sur la succession; que son droit ne naît conséquemment qu'au moment de l'ouverture de la succession; or, dans l'espèce, nous le supposons mort avant cette ouverture; il n'a donc jamais eu de droit ; il n'a pu en transmettre aucun.

D'ailleurs, dans notre droit, et à considérer la chose sous son véritable point de vue, l'adoption n'est réellement autre chose qu'une institution irrévocable d'hériter, une donation de la succession. Or, il est de principe que toutes les dispositions de ce genre sont caduques par le prédécès du donataire. Il n'y a qu'une seule exception en faveur des institutions faites par contrat de mariage; mais, encore une fois, il est impossible d'argumenter, par analogie, du mariage à l'adoption. ]

[Nous avons dit ci-dessus page 116: Quand même il y en aurait de cette dernière qualité, nés depuis l'adoption. Cette dernière phrase a été ajoutée, parce que l'adoption étant, comme nous l'avons dit, une véritable donation, l'on aurait pu croire qu'elle devait être révoquée par la survenance d'enfans; ce qui n'est pas.

L'adoptant venant à se marier depuis l'adoption, l'on demande si l'adopté pourrait se prévaloir du bénéfice de l'article 1098, et fait réduire à une part d'enfant le moins prenant, et au plus au quart, les avantages faits par l'adoptant à son conjoint.

Il me semble que la solution de cette question dépend du système qui sera adopté, relativement à l'action en retranchement. En effet, si l'on décidait, conformément à l'opinion que nous venons d'émettre, que l'adopté n'a aucun droit sur les biens donnés entre-vifs, mais qu'il peut exercer le droit de réserve sur les biens donnés à cause de mort: je pense que l'on devrait appliquer la même distinction aux donations faites à l'époux depuis l'adoption, sauf qu'on devrait regarder comme donations testamentaires, celles de biens à venir, faites par contrat de mariage. ]

[Les droits de l'adopté ne s'étendent pas à la succession des parens de l'adoptant; c'est ce qui constitue encore une différence essentielle entre l'adopté et le fils légitime ou légitimé. ]

3o. L'adoptant et l'adopté sont soumis tous deux à l'obligation de se fournir mutuellement des alimens en cas de besoin;

4o. Enfin, l'adoption produit entre l'adopté, l'adoptant, et quelques-uns de leurs parens et alliés, l'empêchement dont nous avons parlé au Titre du Mariage.

349.

548.

Mais comme tous ces rapports ne sont que l'effet d'une fiction de la loi, et que la fiction ne peut prévaloir sur la vérité, il s'ensuit que l'adoption ne peut préjudicier aux rapports naturels qui existent entre l'adopté et sa propre fa- ibid. mille. Il y conserve donc tous ses droits : il est soumis aux mêmes obligations que s'il n'eût pas été adopté, et notamment à celle de la prestation des alimens envers ses ascendans naturels, qui restent également assujettis, à son égard, à la même obligation, s'il y a lieu. Sa succession est dévolue à 549. ses parens dans l'ordre établi par la loi, sauf cependant l'exception suivante.

[Le Code ne rappelle expressément, dans l'article 349, que l'obligation relative aux alimens: nous allons en voir tout-à-l'heure la raison. Mais en disant que l'adopté reste dans sa famille, qu'il y conserve tous ses droits, c'est bien dire qu'il n'est dégagé d'aucuns des liens naturels, ni par conséquent, d'aucune des obligations qui en résultent. Il sera donc obligé, pour se marier, d'obtenir le consente

ment, ou de requérir le conseil de ses ascendans naturels, etc.

Mais est-il assujetti, envers l'adoptant, à d'autre obligation qu'à celle de lui fournir des alimens? Le Code est en-~ tièrement muet sur ce point : il aurait cependant paru natu-, rel qu'il fût soumis à ces devoirs de déférence que la reconnaissance seule semble exiger, tels que l'obligation de requérir son conseil pour le mariage, et autres semblables. Mais comme il n'existe, ainsi que nous venons de le dire, aucune disposition de la loi à ce sujet, il ne peut y avoir, de la part de l'adopté, aucune obligation civile. ]

[Quoique l'article 349 paraisse ne rappeler, relativement à la prestation des alimens, que l'obligation qui existe entre l'adopté et ses père et mère, il ne faut pas en conclure que la même obligation ait cessé d'exister entre l'adopté et ses autres ascendans. L'article 349 a été rédigé ainsi, parce que le législateur, ayant voulu établir un terme de comparaison, pour la prestation des alimens, entre la famille naturelle et la famille adoptive de l'adopté, n'a pu étendre cette comparaison aux autres ascendans naturels, puisque l'adopté n'acquiert aucune relation, même civile, avec les ascendans de l'adoptant; et, par conséquent, ne serait tenu, dans aucun cas, de leur fournir des alimens. ]

Si l'adopté n'a point de descendans légitimes, et qu'au nombre des biens qu'il laisse à son décès, il s'en trouve, en nature, quelques-uns qui lui aient été donnés par l'adoptant, celui-ci, en cas de survie, a le droit de les reprendre, à la charge de contribuer aux dettes, et sans préjudice. des droits acquis à des tiers sur ces mêmes biens.

[Quid, si les biens ont été aliénés; mais que le prix en soit encore dû? Je pense que ce prix appartient à l'adop–› tant, et qu'il en doit être de même dans le cas où il existerait dans la succession de l'adopté, une action en reprise de ces mêmes biens. (Argument tiré de l'art. 747. )

Quid, si l'adopté a disposé? Si c'est par donation entrevifs, il n'est pas douteux que l'adoptant ne soit exclu, puis-> que les objets ne se retrouvent plus en nature dans la suc-› cession de l'adopté. La même raison n'existe pas, quand

l'adopté a disposé par testament. Mais il faut observer qu'ici ce n'est pas un droit de retour, mais une véritable succession; et ce qui le prouve, c'est que l'adoptant est tenu des dettes au prorata. C'est d'ailleurs une succession légitime, puisqu'elle dérive de la disposition de la loi. Or, il est de principe, qu'en matière de succession, hors le cas de réserve, la disposition de l'homme détruit la disposition de la loi. Donc, si l'adopté a disposé, même par testament, des choses données, l'adoptant est exclu. Voir, d'ailleurs, ce que nous dirons sur l'article 747, dont les dispositions ont une parfaite analogie avec celle de l'article 351. ]

[La contribution aux dettes doit avoir lieu dans la proportion des biens qu'il prend, à la masse de la succession. Si la succession totale est de cent mille francs, que les biens repris par l'adoptant valent quarante mille francs, et qu'il y ait trente mille francs de dettes, l'on dira: les biens repris égalent les deux cinquièmes de la masse; l'adoptant est donc tenu des deux cinquièmes des dettes, ou de douze mille francs. ]

*

[Les droits acquis à des tiers dont il est ici question, sont ceux d'usufruit, d'usage, de servitude, d'hypothèque, avec cette différence cependant, que les droits d'usufruit, d'usage ou de servitude, étant des démembremens de la propriété, doivent être supportés par l'adoptant seul, sans recours contre les autres héritiers de l'adopté : le bien est censé se trouver en nature dans la succession, moins l'usufruit, l'usage, etc. L'hypothèque, au contraire, n'est pas un démembrement de la propriété ; elle ne diminue en rien la valeur du fonds hypothéqué, dans la main du propriétaire; elle a pour objet unique d'assurer le paiement d'une créance. En conséquence, la reprise, par l'adoptant, du bien hypothéqué, ne peut, à la vérité, préjudicier à l'hypothèque, dans le sens que le créancier pourra toujours l'exercer sur ce bien; mais si l'adoptant est obligé, par suite de l'action hypothécaire, de payer toute la dette, il aura son recours contre les autres héritiers de l'adopté, pour la part qu'ils doivent supporter dans cette même dette. ]

Le même droit de reprise dans la succession de l'adopté,

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