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Il est notoire que l'on a peu fait chez nous jusqu'à présent touchant ce point important de l'art militaire; que l'on cherche en vain des principes fixes à ce sujet, et que les avis de ceux qui en ont sont habituellement très divergents. (')

Pour arriver à ce but, le dépôt de la guerre doit être chargé de l'analyse des mémoires et de leur élaboration, en tenant compte des circonstances actuelles. Il désignera les travaux qui restent à faire.

Le dépôt de la guerre ne peut pas élaborer les questions d'une manière définitive, (2) mais il est l'organe qualifié pour réunir les matières.

La dernière main doit être mise à la suite d'une discussion et de l'adhésion d'un grand nombre d'officiers compétents. (3)

Les premiers travaux portent sur les points suivants :

(1) Erreurs redoublées! Si l'on parle de géographie, la Suisse a fait beaucoup, à preuve la belle carte Dufour, une foule de cartes cantonales, les Gemaelde, des manuels, des indicateurs, des dictionnaires en abondance, et jusqu'à l'introduction d'un cours de géographie dans les écoles d'état-major. Quant aux problèmes d'art militaire soulevés par l'appréciation des réseaux de routes, des lignes, des frontières, des places, etc., nous ne sachions pas qu'en Suisse on ait moins fait qu'ailleurs. On n'a pas encore préparé, il est vrai, des recettes d'opérations prétendant à remplacer les autorités politiques et militaires du pays en temps de guerre, et l'on a eu raison. Mais quant aux principes ils existent en Suisse et y sont connus et pratiqués pour le moins autant qu'ailleurs. Ce sont ceux mis en honneur par les dernières grandes guerres, par les guerres de la Révolution et de l'Empire entr'autres, principes qui se datent essentiellement de Napoléon pour la stratégie, de Wellington, de Frédéric pour la tactique, principes développés depuis par de nombreux disciples et lieutenants de ces grands capitaines, principes exposés avec clarté et autorité par des militaires de renom fort connus en Suisse, bien plus, par deux Suisses surtout, par les généraux Jomini et Dufour, sans parler de l'archiduc Charles, de Masséna et à certains égards de Clausewitz qui ont guerroyé en Suisse et écrit sur la Suisse, et de tant d'autres; principes qui sont passés de là dans nos règlements, dans nos ordonnances et dans nos instructions, ainsi que dans les cours de nos écoles et dans nos principales publications militaires. Que malgré cela il y ait encore des officiers réduits à chercher ces principes en vain, c'est ce que nous ne voulons malheureusement pas contester. Nous nous permettrons seulement de douter que ce soit le dépôt de la guerre, tel que l'entend le Message, qui les leur fasse jamais trouver.

(2) Il n'aurait vraiment plus manqué que cela, et que le dépôt, après tant de titres, prit encore celui d'oracle de Delphes! Le seul fait qu'on a dù poser une telle réserve montre les rêveries et les écarts fondamentaux du projet.

(5) C'est juste le contraire qui devrait être posé comine règle. Le « grand nombre d'officiers compétents» ou tout au moins la commission du dépôt, devrait fixer les bases d'un travail; une sous-commission conviendra pour élaborer le mémoire, et le dépôt y mettra la dernière main, c'est-à-dire le mettra au net, le recopiera, y joindra les annexes statistiques, techniques, topographiques convenables, les croquis, les autres mémoires analogues, formera le dossier en un mot de la question, puis le classera dans des cartons bien étiquetés.

La plupart des matériaux qui se trouvent aux archives ont été élaborés à une époque où le système des armes rayées et le transport par chemins de fer ne pouvaient exercer aucune influence quant au parti à tirer du terrain et aux dispositions stratégiques.

Une position, une ligne stratégique qui alors pouvaient être d'une grande importance, n'en ont plus aujourd'hui.

D'autres positions géographiques ont par contre gagné en impor

tance.

De plus, les études existantes se basent sur les conditions de frontières antérieures. A la suite de la campagne française en Italie, et des changements de frontières qui en ont été la conséquence, nos rapports stratégiques, tant du côté de la France que vers l'Italie et l'Autriche, ont subi des modifications essentielles.

Un des travaux du bureau d'état-major consistera dans l'étude de la situation au point de vue des progrès réalisés dans les engins de guerre, dans les armes, les chemins de fer et les télégraphes, ainsi qu'en ce qui concerne les changements de frontière.

Nos montagnes les plus inaccessibles ont été ouvertes par les routes des Alpes; le principal but en était de renforcer la défense du pays. Or, si nous voulons que les grands avantages que ces moyens de communication améliorés peuvent nous procurer ne profitent qu'à nous et non pareillement à l'adversaire, il y a aussi à prendre des mesures militaires de nature à tenir ces lignes ouvertes pour nous, et à les fermer à l'ennemi. Pour déterminer les points les plus convenables, ainsi que les meilleurs moyens, il importe d'étudier à fond les conditions militaires géographiques, à quel effet le dépôt de la guerre devra fournir les matériaux.

Il nous reste encore l'importante question de savoir comment mettre, à l'aide de fortifications, la défense du pays à la hauteur des moyens d'attaque modernes.

Déjà avant l'introduction des armes rayées, maint officier compétent était de l'opinion que telle ou telle de ces fortifications offrait autant de chances à l'attaque qu'à la défense.

L'emploi des armes rayées a, depuis lors, notablement amoindri, sur divers points, l'importance des ouvrages existants.

A la faveur de la grande portée, l'artillerie d'attaque et même l'infanterie ont gagné les positions contre lesquelles on était précédemment défendu par la distance.

Tous les autres Etats s'occupent de résoudre la question de savoir quelles sont les modifications à apporter aux ouvrages existants pour les mettre en état de résister aux nouveaux moyens d'attaque, et (ainsi que l'Assemblée fédérale l'a déjà reconnu), nous ne pouvons,

pour notre part, nous abstenir de travailler à ces améliorations sans renoncer aussi au concours des moyens de défense des fortifications.

Or, avant que l'on puisse aborder seulement les études techniques, il est nécessaire de s'entendre préalablement sur la valeur stratégique des positions et sur leur influence quant aux opérations, si l'on ne veut pas occasionner des dépenses qui seraient aussi peu utiles pour la défense qu'onéreuses au fisc.

(A suivre.)

DES NOUVELLES ARMES A FEU PORTATIVES.

Mon cher Lecomte,

Clarens, le 26 janvier 1865.

Vous avez bien voulu me demander les notes que j'ai communiquées le 16 courant aux officiers réunis aux Trois-Suisses. Je vous les envoie telles quelles. J'avais recueilli ces notes dans un but d'instruction personnelle; elles proviennent, en bonne partie, des excellents ouvrages de MM. de Plönnies et César Rüstow. Je n'ai fait que les classer et les accompagner de quelques appréciations, dans l'intention d'en faire le sujet d'une leçon spéciale de mon cours aux écoles de tir. Je ne vous donne donc point ceci comme un travail qui épuise la matière, cela peut tout au plus servir de base à une discussion plus approfondie de la question. Si vous croyez qu'à ce titre ces notes puissent intéresser quelques-uns de vos lecteurs, faitesen l'usage que bon vous semblera, et recevez l'assurance de mon affectueux dévouement.

W. VAN BERCHEM, lieut.-colonel.

L'idée du chargement par la culasse remonte aux premiers temps de l'emploi de la poudre et de l'introduction des armes à feu.

La forme générale de toute arme à feu, déterminée par le mode d'action de la poudre comme force motrice, est celle d'un tube solidement fermé à un bout. La charge se place au fond du tube, la balle recouvrant la poudre que l'on se réserve la faculté d'enflammer, par un procédé quelconque, au moment où le coup devra partir. La paroi postérieure et les parois latérales doivent présenter une résistance suffisante à l'action des gaz et ne leur offrir aucune issue; le tube doit avoir une longueur assez grande pour que la poudre soit entièrement consumée au moment où le projectile parvient à l'extrémité antérieure.

။ y aura donc deux méthodes possibles :

La première consistera à employer un tube fermé à un bout d'une manière permanente, tube dans lequel on introduira la charge par l'extrémité ouverte (la bouche) par laquelle le projectile ressortira plus tard. Il faudra, dans ce cas, se servir d'instruments accessoires pour faire parvenir la poudre et la balle au fond du tube où doit se produire l'explosion.

La seconde méthode consistera à employer un tube qui puisse s'ouvrir à son extrémité postérieure (la culasse) à la volonté du tireur, permettre à celui-ci de placer la charge directement à l'endroit qu'elle doit occuper et se refermer ensuite aussi solidement que cela est nécessaire.

Cet aperçu des deux modes de chargement permet déjà d'apprécier d'une manière générale les avantages et les inconvénients respectifs des deux systèmes.

Avec le chargement par la bouche, la construction du canon est simple et solide; mais en revanche l'opération de charger est plus compliquée et ralentie par la nécessité de se servir d'accessoires.

Avec le chargement par la culasse, la manière de charger est simple et rapide; mais, en revanche 1o il y a un mécanisme de plus dans l'arme; 20 il est difficile d'obtenir une clôture hermétique avec une pièce que l'on doit pouvoir enlever et replacer facilement; 30 il est difficile de construire un mécanisme qui, tout en jouant aisément, possède la solidité et la durabilité nécessaires.

Ces considérations très simples résument la question et suffisent pour expliquer ce qui s'est passé à toutes les époques.

Assurer aux armes la plus grande efficacité possible, voilà le but que l'on s'est toujours proposé. Pour une arme de tir, les facteurs principaux de cette efficacité sont la portée, c'est-à-dire la distance à laquelle peut s'étendre l'effet de l'arme; la précision, c'est-à-dire la probabilité plus ou moins grande d'atteindre le but que l'on veut toucher; la pénétration, c'est-à-dire l'action destructive exercée par le projectile sur l'objet qu'il vient frapper; la tension de la trajectoire, qui diminue l'influence des erreurs dans l'estimation des distances et dans la hauteur des coups; enfin la rapidité du tir, c'està-dire la possibilité de tirer le plus grand nombre de coups dans un temps donné.

Les perfectionnements introduits successivement dans le but d'augmenter ces divers éléments de l'efficacité du tir peuvent se résumer de la manière suivante :

Construction toujours plus soignée des diverses parties de l'arme et surtout du canon.

Introduction des rayures en spirale destinées à produire le mouvement de rotation normale.

Modifications successives du système destiné à communiquer le feu à la charge.

Application de systèmes de mire qui assurent la justesse du tir aux diverses distances.

Diminution du calibre, qui permet d'augmenter le poids de la charge relativement à celui de la balle.

Emploi des balles allongées, qui surmontent plus facilement la résistance de l'air.

Pour faciliter le chargement: perfectionnements apportés à la baguette, emploi de la cartouche et invention de systèmes de forcement qui permettent de charger un fusil rayé aussi facilement qu'un fusil lisse.

La construction des armes de guerre doit tenir compte de l'emploi tactique des troupes auxquelles ces armes sont destinées et présenter à côté des garanties d'efficacité absolue, la simplicité, la solidité et la durabilité indispensables pour l'usage militaire.

C'est surtout à ce point de vue que les difficultés que nous avons signalées s'opposèrent constamment à l'introduction générale de fusils se chargeant par la culasse, bien que l'on n'ait jamais perdu de vue les avantages qu'offrirait leur emploi, puisque l'on retrouve à toutes les époques des tentatives faites pour surmonter ces difficultés.

Malgré l'intérêt historique qu'offrirait l'étude de ces tentatives, il suffira, pour notre but, d'en indiquer rapidement les phases principales, avant d'arriver à examiner ce qui nous intéresse plus directement l'état actuel de la question.

Les premiers modèles d'armes se chargeant par la culasse remontent à l'origine même des armes à feu, on en trouve dans toutes les collections, et quelques-uns d'entre eux renferment, en principe, des idées que nous voyons appliquées dans les systèmes modernes les plus perfectionnés. Un modèle, datant de 1550, est attribué au roi Henri II de France.

Beaucoup d'anciens fusils de rempart ont une culasse qui s'enlève complètement pour permettre d'introduire la charge par un prolongement de l'âme en arrière. L'on replace ensuite la culasse qui se fixe solidement au moyen d'un coin ou d'une vis de pression; c'est l'enfance du système de clôture d'Armstrong.

Une arme, également assez ancienne, a un canon mobile qui vient s'adapter, au moyen d'un pas-de-vis qui fait un demi-tour, sur une culasse fixe terminée par un tronc de còne; une poignée, fixée au canon, permet de le faire tourner pour le dégager de la culasse et le pousser ensuite en avant.

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