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mogène des longueurs égales de poudres sont brûlées dans des temps égaux» (Rapport de l'Académie sur le mémoire Piobert), ce qui revient à dire que le développement des gaz se produisant régulièrement, ces gaz donnent lieu à une production de force motrice régulière; tandis que la vitesse du boulet augmentant rapidement, il se soustrait, par son accélération, de plus en plus à l'action de cette force. Il faut donc, pour appliquer d'une manière rationnelle la force d'expansion des gaz de la poudre, arranger la charge de manière à faire suivre à la vitesse de la production de ces gaz la même loi que suit le mouvement des corps, c'est-à-dire que la production des gaz, au lieu d'être régulière et uniforme, se fasse de plus en plus rapidement.

Le mode actuel de charger les armes à feu avec une quantité de poudre homogène est donc irrationnel, puisque le projectile reçoit l'impulsion par une sorte de choc produit par une quantité considérable de gaz dans un moment très court, gaz qui réagissent sur les parois de l'arme, et que ce choc est assez violent pour la faire éclater. De plus, le reste de la charge, qui s'enflamme après l'origine du mouvement, suivant la même régularité de combustion, a une action de moins en moins grande sur le boulet qui fuit en se soustrayant de plus en plus à son action.

Le nouveau mode de chargement que je propose éloignerait ces inconvénients: il consisterait à former la gargousse non plus comme dans le procédé actuellement employé, et qui se compose d'une quantité plus ou moins grande de poudre homogène renfermée dans un cylindre de papier, de serge, ou toute autre matière, pour être ensuite placée dans le canon et refoulée au fond de l'àme; mais cette gargousse, dont l'enveloppe pourrait rester la même, serait formée de deux ou trois sortes très différentes de poudre, placées par couches successives, en commençant par la poudre la plus lente, qui trouverait sa place au fond de l'âme du canon, lorsque la gargousse y serait introduite. Après la poudre ordinaire viendrait celle un peu plus vive, laquelle serait suivie d'une poudre la plus énergique possible.

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On doit comprendre de suite l'effet qui doit résulter de cette combinaison. La première tranche de poudre, par sa combustion lente,

déplacerait le boulet, sans que la tension de ses gaz soit assez forte pour fatiguer la pièce; cet effet serait suivi par la combustion de la tranche de poudre plus vive, dont l'effort des gaz pourrait se produire impunément et sans danger pour la bouche à feu, puisqu'elle agirait non plus comme si le boulet était très rapproché du fond de l'âme celui-ci se trouvant déjà porté quelque peu en avant et que l'effort des gaz de cette deuxième tranche serait d'autant moins sensible pour la pièce, que ces gaz agiraient alors sur le boulet, qui possède déjà une certaine vitesse. La troisième tranche se conduirait absolument comme la deuxième, mais avec plus de vivacité encore, de sorte que la tension des gaz de la charge, au lieu d'arriver, comme avec la charge ordinaire, à son maximum, pour décroître de suite très rapidement, cette tension se maintiendrait pendant un temps relativement très long à la même intensité; et ses efforts, au lieu d'être plus grands que la résistance des pièces ne le comporte, comme il arrive avec l'emploi d'une seule poudre très énergique, ne dépasseraient jamais un certain degré; toute la puissance des gaz serait donc portée moins brusquement sur le projectile, mais l'action de cette puissance se ferait sentir sur le boulet pendant un temps beaucoup plus long.

Il s'agirait maintenant de choisir quelles sont les poudres les plus propres à former un chargement d'après cette donnée. La première tranche devra-t-elle être composée de pulvérin, la deuxième d'une poudre grenée d'une force moyenne, et la troisième sera-t-elle de poudre très fine ayant une grande énergie; et dans quelle quantité chacune de ces poudres devra-t-elle entrer dans la composition de la charge? Il me semble, au premier abord, que le pulvérin, employé pur pour la constitution de la première tranche, serait d'une combustion trop lente, surtout s'il était fortement tassé; une quantité de poudre grenée, mélangée avec ce pulvérin, modifierait ce résultat et augmenterait sa vivacité de combustion. Pour la dernière tranche, on ne devra pas reculer à employer la poudre la plus vive possible, si elle n'offre pas de dangers dans sa manipulation. Du reste, les charges devront être proportionnées aux pièces qui devront les recevoir. Quant à la quantité de chaque poudre devant entrer dans la composition de cette gargousse, elle sera déterminée par la différence de vivacité de combustion ou de l'énergie de chaque sorte, et il faudra, autant que possible, faire approcher cette progression de force motrice de la progression de mouvement que les corps prennent dans leur chute.

Si nous supposons, par exemple, pour plus de simplicité, que la vivacité de combustion des poudres, en commençant par la plus lente, soit dans le même rapport que les chiffres 1, 3 et 5, et que la charge

soit de 3 kilogrammes, il faudra faire entrer dans la composition de la gargousse 1 kilogramme de chacune des poudres. Si ce rapport diffère quelque peu de cette proportion, il faudra remédier à cette différence par la modification de la quantité de poudres ou d'épaisseur de chaque tranche, en rachetant, par une plus ou moins grande quantité de poudre, la différence de vivacité de combustion ou de degré d'énergie que présenteraient les diverses tranches dont la charge serait formée, et reporter à une tranche ce qu'on aurait retiré à l'autre.

Il est évident, toutefois, que la charge qui paraîtrait suivre le mieux, par ses effets, la loi du mouvement des corps, serait une gargousse composée de tranches excessivement minces, qui, par leur combustion de plus en plus vive, représenteraient la parabole du mouvement des corps. Mais une pareille gargousse ne pourra jamais être obtenue pratiquement, et il me paraît plus simple de proposer une charge composée de deux ou de trois tranches seulement, mais qui, par ses effets, se rapprochera d'ailleurs de la théorie.

Pour la charge à deux tranches, les poudres qui entreraient le mieux dans sa composition seraient, je crois, d'abord une poudre d'une bonne qualité, reconnue inoffensive, et suivie d'une même quantité de poudre très énergique,

La théorie et l'expérience auront du reste à examiner attentivement cette question de la composition des gargousses; mais il faudra toujours, je crois, se rapprocher le plus possible de la loi d'accélération que suivent les corps dans leur chute, pour éviter la destruction des pièces et avoir en même temps le plus d'effet possible sur le projectile.

Pour obtenir de grandes vitesses, augmentées encore, avec les fortes charges, il faudra avancer l'accélération de la vitesse de combustion entière de la charge, en diminuant d'une certaine quantité la longueur des tranches de poudre les moins vives, pour reporter cette différence de poids de la poudre sur la tranche la plus énergique, en conservant, toutefois, une juste mesure entre la tension maximum des gaz et la résistance de la bouche à feu.

Enfin, cette idée ou invention de former la charge de tranches de poudre successivement plus vives ou plus énergiques, permet de modérer l'énergie des poudres dites brisantes, aussi bien que d'améliorer encore, au point de vue des vitesses à obtenir, les poudres considérées jusqu'alors comme les plus propres à produire les meilleurs effets; et cette simple idée confirmera, je crois, les espérances que la commission nommée pour examiner le mémoire de M. Piobert a ainsi formulées : « Vos commissaires sont d'avis que M. Piobert, auquel

l'artillerie française doit déjà de si utiles applications scientifiques, n'a pas seulement ajouté aux travaux de ses prédécesseurs, mais qu'il s'est aussi frayé une route nouvelle et sûre qui pourra, par la suite, conduire à d'importantes découvertes. » D'ailleurs, l'invention que je présente est en parfait accord avec les observations que M. Piobert a faites sur les effets de la poudre, et dont je donne ici le résumé: Il est dit, dans le compte-rendu du mémoire de M. Piobert:

« 1o Que la vitesse de combustion ou de transmission du feu, de tranche en tranche, est la même dans toute l'étendue d'une galette homogène ;

« 2o Que des longueurs égales sont brûlées dans des temps égaux, soit qu'elles brûlent à la suite les unes des autres, soit qu'on les fasse brûler séparément ou à deux époques différentes ;

3o Que la vitesse de communication du feu, dans l'intérieur d'une même espèce de poudre, ne varie pas, lors même que l'étendue des surfaces en combustion passe du simple au quadruple;

40 Enfin que cette, constance de la vitesse de combustion, pour des dimensions variables des prismes d'une même espèce de poudre, n'a plus lieu lorsque la matière varie, soit dans sa densité, soit dans sa trituration, soit dans la nature de ses composants. »

Et plus loin:

1o La matière de la poudre est entièrement convertie à l'état de gaz et de vapeur, pendant la durée fort courte de la combustion des grains;

2o La vitesse de cette combustion est la même aux divers instants de la formation des gaz, ce qui revient à supposer implicitement qu'elle est indépendante de l'état variable de la température et de la tension;

3° L'inflammation se propage, pour ainsi dire, subitement, à toutes les parties de la masse ou à toutes les surfaces externes des grains.

Je pourrais borner là les exemples qui confirment la théorie de la charge que je présente; cependant je ne puis résister au désir de citer les lignes suivantes, qui résultent du compte-rendu du mémoire de M. Piobert, renvoyant pour le reste à ce mémoire lui-même.

Ainsi, par exemple, les galettes poreuses, qui forment les culots des mortiers de pilon, et surtout la poudre à grains fins, mise en roche par l'humidité, puis séchée, donnent des vitesses qui sont le triple de celles des compositions ordinaires, et qui s'expliquent par la facilité qu'ont les gaz entlammés à pénétrer, au travers des pores, jusque dans l'intérieur de la matière. »

CONCLUSIONS.

En résumé, il me semble que ce mode de chargement des canons, que je propose, aurait pour résultat des effets moins destructifs sur les pièces et les affùts; qu'il présenterait une économie dans le moyen d'obtenir la force motrice nécessaire pour lancer des projectiles, et qu'il permettrait d'obtenir de plus grandes portées là où elles seraient nécessaires, sans inconvénients pour les bouches à feu, mème en employant les plus fortes charges, soit dans le but d'atteindre l'ennemi à une plus grande distance, soit pour communiquer aux projectiles une plus grande force de pénétration dans les murs ou les vaisseaux contre lesquels ils seraient dirigés.

On peut établir approximativement, par un calcul très simple, qu'une charge composée de trois sortes de poudre, dont les rapports d'énergie soient comme les chiffres 1, 3 et 5, et dont la première tranche serait composée de poudre ordinaire, que cette nouvelle charge développerait sur le projectile un effort représenté par 9,

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tandis qu'à poids égal, et avec une charge homogène de poudre ordinaire, cet effet ne serait représenté que par 3,

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l'effet destructif de la bouche à feu étant le même dans les deux cas. Ce résultat est assez important pour qu'on y réfléchisse, et pour déterminer à expérimenter ce nouveau mode de chargement.

DU SYSTÈME ACTUEL DE SELLE DE LA CAVALERIE SUISSE. RECTIFICATIONS A L'ARTICLE DU NO 4 DE 1865.

Si l'on prétend que le rembourrage en crins sous le cuir du siége a été introduit malgré mon opposition, cela n'est pas exact, car si j'ai été de l'avis qu'une selle, d'après le système Barth, pouvait être employée sans aucun rembourrage entre le siége et la couverte, je

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