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du matériel topographique, pour rattacher au dépôt de la guerre à Berne un bureau topographique permanent.

Le colonel Wieland, dans les efforts qu'il faisait pour élever les connaissances de notre état-major, sentait la lacune qui existait dans l'instruction ordinaire qui est donnée aux officiers d'état-major pour ce qui concerne la connaissance du pays, la défense nationale, ainsi qu'en ce qui comprend les travaux préparatoires de cette défense; aussi voulait-il utiliser la formation d'un dépôt de la guerre, jusqu'à un certain point, pour combler cette lacune, en donnant aux officiers l'occasion de se familiariser avec ces travaux et en les y occupant temporairement. (') En somme, la tâche qui inconbait au dépôt de la guerre était la suivante:

La mise en ordre, l'augmentation et l'étude des collections militaires dont nous disposons et leur organisation de manière à ce qu'on puisse les utiliser; l'achèvement des travaux préparatoires nécessaires à la défense nationale; la continuation des travaux de l'atlas topographique, en ce qui concerne les changements survenus et la confection de cartes nécessaires à la guerre ou pour des manoeuvres militaires; de servir de moyen d'instruction pour les officiers d'état-major.

Les archives militaires ont été par le fait jusqu'à présent des collections improductives, où les matériaux réunis étaient simplement amassés.

Il n'y existe pas une classification propre à en faire un usage sûr et facile, une élaboration régulière pour compléter et augmenter la collection n'a pas eu lieu, sauf pour ce qui concerne les reconnaissances annuelles.

(') Ici commence dans le message la déplorable confusion entre des exercices d'instruction d'état-major et la classification de travaux utiles à l'armée, entre des études d'écoliers et l'élaboration de plans de campagne.

Quant à la lacune signalée elle n'est ni aussi grande ni aussi grave qu'on veut bien le dire. Nos officiers ne manquent pas de connaissances géographiques; ils laisseraient peu à désirer si sur les autres branches ils étaient à la même hauteur. D'ailleurs on peut être un excellent officier d'état-major sans être un géographe consommé, tout comme on pourrait savoir par cœur tous les noms de localités d'un pays, et ne pas savoir y faire bouger une brigade. Les cartes et croquis sont précisément faits pour soulager la mémoire à cet égard. Le meilleur moyen de combler ladite lacune, si lacune il y a, c'est de faire cadeau de bonnes cartes à tous les officiers de l'étatmajor, et, dans les cours de Thoune, d'apprendre aux élèves à les bien lire et à en tirer des calques.

Quant à l'instruction insuffisante « en matière de défense nationale» nous avouons ne pas comprendre ce qu'on entend par-là. Si l'on veut parler de projets d'opérations dans telle éventualité donnée, ces projets, bien loin de faire l'objet d'un enseignement, doivent être laissés en dehors des discussions, et même tenus parfaitement secrets.

Il en est résulté que la collection des matériaux relatifs à la connaissance du pays et à la défense territoriale est restée incomplète, et contient des lacunes soit pour ce qui est relatif à certaines parties du territoire, soit pour ce qui concerne le travail en lui-même. Relativement aux zones frontières il existe encore des lacunes; les matériaux concernant l'intérieur de la Suisse, ainsi que le territoire étranger avoisinant nos frontières, manquent complétement.

Les mémoires militaires existants relatifs à la défense territoriale. sont en majeure partie surannés, en ce qu'ils proviennent d'une époque à laquelle l'introduction des armes rayées, les transports au moyen des voies ferrées et le changement de nos frontières vis-à-vis de trois pays voisins n'avaient pas encore produit des modifications essentielles dans notre position stratégique.

L'état dans lequel se trouvent les archives réclame l'établissement de fonctions qui soient chargées de réunir, en temps de paix, les renseignements qui sont nécessaires à la guerre.

Les archives militaires forment une collection fermée, aucune disposition ne permet à notre état-major général d'utiliser cette collection. Les officiers, dont on exige à la guerre les connaissances que l'on ne peut puiser que dans ces matériaux, n'ont pas l'occasion d'en prendre connaissance.

Le dépôt de la guerre sera chargé des travaux préparatoires aux opérations de la guerre, qui incombent en temps de paix à tout étalmajor, et donnera ainsi aux officiers, qui seront tour à tour appelés à y travailler, l'occasion d'acquérir la connaissance de notre territoire et des moyens de défense, connaissance qui leur manque généralement. Ils y seront appelés, en outre, à des travaux qu'ils n'ont pas l'occasion de faire dans le service ordinaire d'adjudant. (')

(') Il serait bon de savoir ici ce que le message entend par ces travaux préparatoires qui incombent en temps de paix à tout état-major», car il y en a beaucoup et de nature fort diverse. S'il ne s'agit que d'apprendre à « connaître le territoire on n'y arrivera pas facilement, ce nous semble, en enfermant des officiers dans une salle du palais fédéral. Ceux-ci, en étudiant leurs cartes chez eux, atteindraient au même but. Apprendront-ils mieux à connaitre les moyens de défense »? Notre meilleur moyen, notre principal et presque unique moyen de dé-feuse en Suisse est l'armée. Ce n'est pas au dépôt de la guerre, pensons-nous, que nos officiers apprendront à la connaître et à l'employer. Le prétendu avantage qu'on offre aux adjudants d'y apprendre des choses étrangères à leur service ordinaire vandra-t-il le dérangement cansé à des miliciens par cette nouvelle école? Si l'on veut les charger de six semaines de plus d'instruction, ne serait-il pas mieux peutêtre de prolonger la durée de l'école centrale de Thoune, ou bien d'envoyer régulièrement les officiers d'état-major aux écoles des armes qui leur sont étrangères, ou bien de les commander à tour de rôle pour suivre les grandes manoeuvres des armées voisines? N'y aurait-il pas vingt moyens plus utiles d'employer ces six semaines qu'à paperasser au dépôt de la guerre?

Le matériel du bureau topographique à Genève sera réuni aux archives du Département militaire aussitôt que l'atlas sera terminé, et des travaux topographiques non interrompus seront nécessaires pour achever ce qui nous manque.

Les originaux topographiques constituent les matériaux indispensables à l'état-major: il s'en suit que le nouveau bureau topographique devra être réuni avec le bureau d'état-major, comme cela est nécessaire en suite des rapports constants de ces deux branches et comme c'est le cas dans d'autres pays.

Lors de la nouvelle organisation, on devra avoir également en vue l'achèvement de la collection et son utilisation.

L'achèvement exige encore de nombreux travaux qui seront l'attribution du nouveau bureau topographique.

Ces travaux comprendront entre autres:

la continuation de la carte réduite en 4 feuilles;

un travail continu pour reporter dans l'atlas topographique les changements qui ont eu lieu depuis la publication, ainsi que toutes les corrections;

l'achèvement de la mise au net des levés topographiques ;

la préparation et l'impression des cartes nécessaires en cas de guerre, dans l'intérieur du territoire, ainsi que des cartes des pays qui bornent nos frontières.

Par la réunion du bureau topographique avec le bureau d'état-major, le matériel topographique pourra être plus utilisé que cela ne pouvait avoir lieu jusqu'à présent, avec la position excentrique de ce bureau et sa destination exclusive qui était l'achèvement de l'atlas.

Les reconnaissances annuelles atteindront mieux leur but, lorsque chaque brigade possédera des copies à l'échelle des levés sur le terrain à reconnaître.

L'utilisation du matériel topographique s'étend aussi aux différents besoins des places d'armes fédérales, qui exigent des cartes de ma

nœuvres.

Le bureau topographique devra être encore à la disposition des chefs d'armes si les besoins l'exigent.

Les gouvernements des Cantons qui ne se sont pas chargés euxmêmes des triangulations et levés, auront besoin de posséder des copies des minutes qui les concernent; il en sera de même des sociétés de construction et de savants.

Les originaux topographiques appartiennent dans un sens plus général à la science et sont par cela même du domaine du public; il faudra en faciliter l'utilisation d'une manière libérale. (')

() Voilà beaucoup d'excellentes choses et qui à elles seules justifieraient ample

L'organisation projetée d'un dépôt de la guerre est donc fondée en général :

1o sur la nécessité de compléter les collections et de les organiser de manière à en rendre l'usage facile;

2o sur l'intérêt incontestable qu'il y a de rendre le contenu des archives utile à l'état-major fédéral et par suite à l'armée en général. Pour motiver plus en détail le projet qui va suivre, le Conseil fédéral estime utile d'énumérer ci-après les travaux qui incombent au dépôt de la guerre, puis de soumettre un projet pour les travaux à exécuter en 1865, en ayant égard à ce qui est le plus urgent, dès à présent, pour pouvoir déterminer le personnel et le chiffre à porter au budjet.

ORGANISATION DU DÉPOT DE LA GUERRE. (')
A.

Bureau d'état-major,

Travaux de ce bureau:

1.

1 Analyse et classification des matériaux existants et rentrant annuellement aux archives militaires;

2o Statistique militaire des Etats avoisinants;

30 Travaux préparatoires et rédaction finale des reconnaissances annuelles;

40 Rédaction de mémoires sur la défense territoriale;

ment la création d'un dépôt de la guerre. Reste à souhaiter qu'on ne soit pas trop avare de ces cartes, et qu'on donne un exemplaire de la carte réduite en 4 feuilles à tout officier d'état-major, ainsi que plus de facilités encore pour obtenir des feuilles détachées du grand atlas. Si l'on y joignait une courte légende et quelques indications statistiques, cela vaudrait tout un cours de géographie militaire.

() Le Conseil national a repoussé cette dénomination impropre. Les arsenaux sont les vrais dépôts de la guerre, tandis que celui-ci est l'arsenal littéraire et scientifique de l'armée. Le nom vient de la France et de l'origine même de l'établissement. En 1688, Louvois fit débarrasser ses bureaux de toutes les paperasses qui n'étaient pas immédiatement nécessaires aux besoins de l'administration; on les mit en dépôt dans un grenier de Versailles. Plus tard on les classa, les augmenta, les réunit à des ateliers topographiques et à une bibliothèque, pour en faire le dépôt actuel, un des bureaux du ministère de la guerre. Dans d'autres pays l'institution plus ou moins analogue à celle-là porte des noms très divers. Le nom le plus convenable serait selon nous archives militaires. Celui de bureau d'état-major est plus complexe. Il correspond à une autre idée et à d'autres besoins. Il a en vue plutôt le personnel que les collections, et nous ramène par un chemin détourné à la création du chef d'état-major en temps de paix qui manque à notre organisation. Si l'on elo nous ne demandons pas mieux ! Mais gare aux équivoques!

50 Statistique des communications et des moyens de transport; 6 Examen des différentes publications ayant pour objet des sujets militaires, travaux sur les opérations des guerres contemporaines ;

Collection historique militaire;

7o Communications réciproques entre le dépôt de la guerre et les bureaux du génie et de l'artillerie;

8 Conservation des collections et, spécialement, service de la bibliothèque :

90 Travaux spéciaux des officiers du génie ;

100 Travaux sur des questions militaires spéciales et travaux administratifs en général que le Département militaire peut demander au bureau d'état-major.

(A suivre.)

LE GÉNÉRAL AMEIL.

(Fin.)

Dans notre numéro du 26 novembre écoulé nous avons rappelé la touchante notice biographique du général Ameil, écrite par lui-même sur le mur de sa chambre au château de Lucens en 1816. Quelques détails de plus sur ce malheureux général, victime de l'effroyable réaction qui suivit la rentrée des Bourbons en France et réfugié alors dans notre canton, intéresseront sans doute nos lecteurs.

Né à Paris, le 6 janvier 1775, Ameil fut, au commencement de la révolution, grenadier dans la garde nationale parisienne, et, le 17 mai 1792, sous-lieutenant dans les chasseurs du Gévaudan. I fut, l'année suivante, adjoint à l'état-major de l'armée du Nord, et fit en cette qualité les premières campagnes de cette guerre, sous Dumouriez et sous Jourdan. Il concourut ainsi aux victoires de Valmy, de Jeшmapes, de Fleurus. Il fut embarqué, en 1798, pour l'expédition d'Irlande, sur le brick l'Anacréon, qui échappa aux poursuites des Anglais. Nommé, en 1799, chef d'escadron au 7e régiment de chasseurs à cheval, il fit, sous le général Brune, la campagne de Hollande contre les Anglo-Russes, passa ensuite à l'armée de Hanovre et épousa la fille d'un habitant de ce pays; puis à celle du Rhin, où il se distingua à la prise de Munich, en octobre 1804, en prenant avec son seul escadron, cent vingt hussards et trois cents chasseurs autrichiens. Dans la même campagne, il fut blessé d'un coup de sabre à la figure. Son corps étant resté à l'armée d'Allemagne, il fut employé dans la guerre de Prusse et dans celle d'Autriche. Il fut blessé au bras, par un boulet, à la bataille d'léna, et d'un coup

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