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que le désir de connaître le nom du gendre de Mlle Arnould a redoublé après avoir lu dans l'Arnoldiana (pag. 88 et 89) ces deux couplets sur le même personnage.

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On aime à savoir sur qui portent des traits piquans. Je désire que mes lecteurs aient plus de pénétration que moi.

L'Arnoldiana contient plus de quatre cents articles; il y en a pour tous les goûts, et sur tous les contemporains de Me Arnould. On pense bien que Mme du Barri y est quelquefois en scène. L'éditeur de l'Arnol diana a répété dans une note que cette fameuse comtesse devait le jour à un moine picpus ; c'est l'opinion reçue par beaucoup de personnes. J'oserai en avoir une autre voici l'autorité sur laquelle je m'appuie. Dans la Vie de M. Grosley écrite en partie par lui-même (page 112), on lit ce qui suit:

Dans mes campagnes d'Italie, je ne négligeais au» cune des occasions qui pouvaient prêter à la gaîté. Telle fut celle que m'offrit le baptême d'un enfant qui fut depuis la fameuse comtesse D.. B....

» A notre passage en Italie, elle venait de naître dans » le mariage d'une ancienne cuisinière de M. Dumon»ceau et d'un homme pâle et gravé de petite-vérole » auquel, en considération de ce mariage, il avait con» féré le magasin d'Albenga.

» Le garde-magasin d'Albenga proposa à M. Dumon

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» ceau (Billard Dumonceau, munitionnaire-général de » l'armée d'Italie en 1745) d'être le parrain de la nou» velle née; mais pressé de continuer sa route, il pro» mit de faire la chose au retour et tint parole. Je fus » chargé, comme caissier, de l'arrangement et de la » dépense de la cérémonie. En faisant cet arrangement » avec le curé, je lui dis qu'il était d'usage en France » de demander le catéchisme aux parrains, et que je » l'engageais d'autant plus à en user ainsi avec M. Du» monceau, qu'il était très-délicat sur ces pieux usages, » et qu'il se trouverait choqué si on y manquait à son » égard. L'enfant fut porté à l'église par sa mère, qui » suivait M. Dumonceau, donnant la main à la mar» raine, et escorté des chefs des vivres. Il trouva à » l'église le curé cantonné d'une part par moi qui tenais » un grand cierge, et de l'autre par Billard portant une » chandelle. Le cortège arrivé aux fonts, le curé se » tourna vers M. Dumonceau et lui demanda, en mauvais français: Combien y a-t-il de sacremens ? Lẹ baptême en est un, répondit M. Dumonceau, je ne me » rappelle pas des autres. Le curé se retournant lui » demanda: Combien y a-t-il de péchés capitaux 2 » Bon, bon, monsieur, répliqua M. Dumonceau, si » nous nous mettions à les compter, nous en aurions pour » la journée. Le bon curé désarçonné ne poussa pas plus » loin ses questions et finit la cérémonie, au retour de » laquelle M. Dumonceau, furieux, chanta pouille au » père, à la mère, qui augmentèrent son chagrin en » l'assurant que ces questions n'étaient point d'usage.

C'est donc un tour qu'on m'a joué, s'écria-t-il, et me » fixant, il ajouta : Je parie que c'est à ce grand nigaud » avec son grand cierge que j'en ai Pobligation. Je ne

m'en défendis point, et cet événement nous apprêta à » rire pour le reste de la route. Ainsi fit son entrée dans le monde la comtesse D... B....>>

Je n'ai pas le mérite d'avoir deviné ce que signifiaient ces, initiales; le nom de Mme du Barri est écrit à la main dans mon exemplaire de la Vie de Grosley, et j'écrirai dans l'Arnoldiana la signification des initiales A. M. quand je l'aurai apprise. A. J. Q. B.

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LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE, poëme en vingt chants, tirés des vieux romanciers; par M. CREUZE DE LESSER. Seconde édition. Un vol. in-12. Prix, 3 fr., et 3 fr. 50 c. franc de port. A Paris, chez Delaunay, libraire, Palais-Royal, galeries de bois, n° 243.

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Tout ce qu'on a jamais pu dire de plus encourageant pour les écrivains et de plus glorieux pour la littérature,' c'est qu'un livre est un ami; puisque cet éloge, en supposant qu'il fût mérité, serait en même tems le plus grand qu'on pût faire d'un d'entre nous; mais aussi combien peu de gens, et à plus forte raison combien peu de livres dignes de ce nom! Parmi ces prétendus amis de la seconde classe, aussi bien que dans la première, on en rencontre par-ci, par-là, de tristes, de secs, et même de fatigans, qui ne parlent ni à votre esprit, ni à votre cœur, et avec qui l'on s'en tient à une simple connaissance, averti par un secret pressentiment qu'on ne les aimera jamais. Tantôt ce seront des bavards qui vous diront et rediront impitoyablement mille choses que vous savez, et mille qu'ils ne savent pas : un bavard ne peut pas être un ami. D'autres vous feront des raisonnemens à perte de vue sur la métaphysique, la morale, la politique, l'histoire, etc.; ils se perdent dans les nues; ils s'enfoncent dans les abîmes; vous ne les suivez ni là, ni là, et vous cherchez ailleurs vos amis. On en rencontre qui ne cessent de déplorer le sort de ce bas monde et qui vous en dépeignent les misères de manière à les augmenter. Ces très-dignes gens-là peuvent avoir tout l'esprit, toute l'éloquence imaginables... mais Jérémie est sans doute un grand poëte, qui plus est, un grand prophète, et cependant, je lui en demande pardon... il ne sera jamais mon ami. N'en avez-vous pas vu qui ne cessent de soigner leurs périodes, de cadencer leurs phrases, d'assortir toutes leurs paroles avec un soin qui ne se dément jamais, espérant sans doute que les belles pensées viendront d'elles-mêmes s'y loger ? mais ce sont de ma

gnifiques écrins, où il ne manque rien, que dés diamans, et l'amitié ne se paie pas de cette monnaie-là. Il s'en rencontre, en petit nombre, à la vérité, dont chaque parole est une flèche, qui de près ou de loin portera toujours sur quelqu'un; vous en rirez tant que ce ne sera pas sur vous; mais ce qui ne plaît qu'à votre malice, ne suffit pas à votre cœur; ainsi point d'ami. Vous avez encore dans vos bibliothèques certains amis prédicateurs qui vous parlent soi-disant pour le plus grand bien de tous; mais on reconnaît bientôt que c'est pour le plus grand ennui de chacun; or, l'ennui est en amitié un empêchement dirimant. L'esprit humain a besoin de la vérité pour sa nourriture, c'est pour lui le meilleur et sur-tout le plus sain de tous les mets; il est même du goût de tout le monde, mais il faut savoir l'apprêter. Que dironsnous maintenant de quelques-uns de ces amis-là qui ne songent qu'à montrer plus d'esprit qu'on ne leur en montrera jamais, et qui en montrent toujours, et surtout, et sur rien, de manière qu'on en serait, à la longue, ébloui, étourdi, comme d'un feu d'artifice éternel? Quant à moi, je n'aimerais pas trop un ami si merveilleux, je trouverais trop de distance de lui à moi pour que tous ses beaux discours pussent se marier avec mes très-humbles pensées, et sans cela point d'amitié.

Parlerons-nous ici de ces conteurs de profession, moitié revendeurs, moitié fabricans, qui tiennent soit dans leur mémoire, soit dans leur imagination, un magasin de tant de choses (et quelles choses encore!) qu'ils se plaisent à nous débiter ? Eh oui! nous en parlerons; car c'était précisément où nous en voulions venir. Quoi! me dira-t-on, vous qui vous êtes montré si difficile jusqu'ici, vous iriez vous relâcher en faveur d'un genre qui convient mieux pour de petits enfans que pour des hommes et pour lequel tant d'esprits de la première volée affectent si peu d'estime ! Grace au ciel ! nous ne sommes point de ces esprits-là, et heureusement pour nous, ni le bon La Fontaine, non plus.

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Nous ne ferions pas plus les dégoûtés que lui, surtout s'il était conté par celui qui en parle, ou même par quelqu'un que nous savons, et qui sûrement aurait fait grand plaisir au bonhomme; mais tout dépend de la manière de s'y prendre, et c'est dans ce genre-là particulièrement qu'il y a fagots et fagots.

par

Si, dans le nombre de nos conteurs modernes, il s'en présentait un par hasard qui ne songeât point à montrer plus d'esprit qu'on ne lui en demanderait, et qui aurait toujours celui qu'on n'attendrait pas; qui semblerait souvent oublier qu'il est en présence de lecteurs, pour rire, comme s'il était seul, de tout ce qui lui passerait par la tête; qui tantôt nous endormirait ses bonnes simplicités, tantôt nous réveillerait par ses saillies; qui saurait également donner aux vieilleries le vernis de la nouveauté, et la couleur antique à des pensées toutes battant - neuves; que nous trouverions toujours divers, toujours le même; qu'on croirait partout à sa portée sans pouvoir l'atteindre; qui cacherait plus de raison dans sa folie, plus de talent dans son abandon, que d'autres n'en montrent dans leurs compositions les plus pédantesques et les plus travaillées ; enfin qui suivrait d'un bout à l'autre son caractère, son humeur, son caprice (le premier conseiller des poëtes), racontant, divaguant, chantant, quand la fantaisie lui en prendrait, changeant de manière, comme un virtuose qui jouerait de plusieurs instrumens, et qui laisserait chaque fois en doute, si ce n'est pas le dernier dont il joue le mieux enfin, songeant moins à se faire admirer qu'à nous plaire, moins à nous plaire qu'à nous amuser, moins à nous amuser qu'à s'amuser lui-même, comme un aimable échanson qui s'enivrerait le premier de la liqueur qu'il nous verserait.... Et voilà précisément ce qui arrive à l'ami si bien choisi, qui vient de nouveau nous inviter à la Table Ronde.

Le voici donc encore une fois ce joli poëme qui a fait tant de plaisir à sa première apparition, et qui en fera toutes les fois qu'il reparaîtra, à moins (ce qui est impossible) que l'honneur, l'audace, la gaîté, la courtoisie, que nous aimons à regarder comme des produc

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