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le moindre défaut est d'être à la glace? Pourquoi voler des devises à M. Mezes? L'éditeur a-t-il cru s'enrichir beaucoup en imprimant les ennuyeux bouts-rimés que ce Céladon moderne adresse à . l'on ne sait qui, et dont voici le début :

Allons, il est tems d'en finir,

C'est assez nous tromper l'un l'autre,
Vous ne sauriez plus me revenir,

Je ne saurais plus être vôtre.

Quel ton! quelle grâce! quelle harmonie! n'admirezvous pas l'élégance de ce dernier joli vers, à moitié marotique Je ne saurais plus être vôtre. Déifiant une aimable impertinence, il se console lestement des rigueurs de sa belle en s'écriant :

Vous ne m'adorez plus, hélas!

Que voulez-vous que je vous dise?

Effectivement, il est difficile de trouver après cela quelque chose à dire. Il a préféré le mot d'adorer à celui d'aimer. Aimer, fi donc ! On n'aime qu'un provincial, un bon diable. Tout en grondant sa dame, qui a eu l'imprudence de le quitter pour un rival, dit-il, plus aimable que lui, il l'engage à ne point se plaindre de ses mépris, sur-tout à ne point jeter les hauts cris; voilà au moins qui est généreux, charitable, c'est avoir des mœurs et des principes. Je vois que M. Mezes menace de recommencer Dorat, au talent près, car Dorat avait dans son style du coloris, de l'éclat, de la fraîcheur; c'était, pour me servir de son langage, un papillon poétique dont les ailes étaient bien enluminées. Je ne sais si le nouveau Céladon a autant de bonnes fortunes que son devancier en avait ou croyait en avoir; mais je voudrais qu'en visant à l'esprit il le rencontrât quelquefois, et qu'en parlant de légéreté il en mît un peu plus dans ses vers.

D.

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OU OBSERVATIONS SUR LES LETTRES, LES ARTS; LES MEURS

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L'ESPRIT de coterie est tellement répandu en France, que pour plaire à chaque coterie il faudrait diversifier ses couleurs comme celles du Caméléon. Tout est soumis à son influence, depuis la jeune beauté qui entre dans le monde jusqu'à la coquette qui est tout près de lui dire adieu, et depuis le compilateur à la toise jusqu'au leste écrivain qui broche sur son genou, au spectacle, pendant que telle actrice chante ou déclame, l'article dont il doit le lendemain régaler son public. Un pauvre diable, condamné à mettre du noir sur du blanc, à tant la feuille, qui taille de bonne heure sa plume, afin d'avoir plus tôt rempli sa tâche et de pouvoir s'égayer à dîner, est triste ou gai, charmant, ou frappé de bêtise, suivant la coterie où il est invité. Est-il assis à la table bien servie d'une de ces nymphes radieuses qui ne s'occupent que du soin de faire valoir leurs charmes ? l'a-t-on placé près de ce beau diseur qui vient de faire la toilette de son esprit ? s'il n'est le singe, le génie de la coterie, tout ce qu'il a pensé, fait, dit ou écrit, n'a pas le sens commun. « Comment! s'écrie la dame du logis, Monsieur trouve quelque chose dans TipooSaeb? à moins que ce ne soit de l'ennui, je ne vois pas ce qu'on peut y découvrir. Eh puis! c'est une mauvaise plaisanterie qu'un homme qui fait une tragédie, quand il n'a jamais composé que des vaudevilles et des opéras. Il faut le renvoyer à sa Vestale. Mais il n'est pas si à plaindre, Madame, et bien des gens se contenteraient de son lot. Quant à Tipoo-Saëb, on a beau le poignarder, il ressuscite, et l'auteur peut dire comme la Mothe, qui entendait mettre en pièces Inès de Castro: Allons à la onzième représentation de cette mauvaise tragédie. »

Le lendemain, le pauvre diable d'homme de lettres est plus heureux. «Votre article sur Me Festa, lui dit en grasseyant une belle qui copie une de nos plus jolies actrices, est vraiment fort aimable; il est plus, il est juste.

Dd

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Tout le monde hier chez moi en a fait l'éloge: quand vous auriez été l'écho de ma société, vous n'auriez pas mieux dit.n-Votre compliment me paie de l'injure que j'ai reçue ailleurs. Madame, un croquenote, qui n'a certainement pas vos oreilles, jugé les miennes très-anti-musicales pour avoir eu l'impudence de vanter une cantatrice dont la voix ne comporte pas deux octaves et demie, et même ne donne pas franchement le si bemol.―J'ai entendu, pourraisje lui répondre, des violons qui m'ont fait moins de plaisir que des bassons et des violoncelles. L'étendue de la voix est en raison de la musique qu'on chante. Faudra-t-il renoncer à mon admiration pour Me Barilli, dont les intonations sont toujours si justes, l'organe si jeune, si frais, si pur, la méthode si parfaite, parce que la célèbre Catalani a les cordes aiguës de la voix un peu plus hautes encore que les siennes, et qu'elle franchit avec plus de rapidité peut-être l'échelle des sons? N'estimez-vous un virtuose que parce qu'il joue toujours sur la chanterelle? Il est des genres divers : plus d'un chemin mène au plaisir. Jouissons de nos richesses sans les déprécier, et n'opposons point une cantatrice à l'autre. Elles ont un mérite particulier à leur organe.

Chacun se doit contenter de son bien,

Tout uniment, sans se vanter de rien.

-

Que de coteries n'ont-elles pas croisé la lance, aiguisé l'épigramme, depuis le fameux débat entre M Mars et M Levert? La société a ses petites guerres, ses carrousels et ses tournois; elle aime à distribuer les couronnes. C'est même un chagrin pour elle que la lutte entre nos deux héritières de Thalie se soit aussitôt terminée. C'est un aliment qui lui manque, il faudra s'en créer un autre. Quoi qu'il en soit, Mille Mars, au jugement de toutes les coteries, toujours sûre par son talent d'être la reine des ingénues, cède dans cet emploi son droit d'aînesse, pour prendre le sceptre des coquettes. Mile Levert, devenue souveraine dans les ingénuités, se dispose à faire respecter les droits de sa couronne, et malheur aux princesses qui yondront contester sa puissance, et ne pas lui rendre foi et hommage. On parlait, il y a quelques jours, au foyer de Feydeau, du contrat définitif passé entre Miles Mars et Levert; on s'échauffait, quand un merveilleux d'un de nos théâtres dit à l'oreille d'un autre merveilleux de ses amis: « On n'y conçoit plus rien; de quoi se mêle donc le public?« D. D.

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Nous nous croyions menacés de ne pas entendre MTM Sessi de deux mois encore. Elle a reparu dans Roméo et Juliette avec plus d'éclat que jamais. Les spectateurs s'étaient portés en foule à l'Odéon; et par l'accueil qu'ello a reçu on aurait pu croire que c'était un jour de début pour elle. Mme Sessi est une de ces cantatrices.qui ne sollicitent pas, mais qui arrachent l'applaudissement. Quand elle ne se jette point dans ces écarts réprimés par le goût, l'admirer à demi serait presqu'une insulte; mais son ambition parfois l'égare: elle veut trop souvent franchir les limites de son art, et chanter, pour ainsi dire, d'inspiration. De pareils défauts n'appartiennent qu'aux trèsgrands talens, et à moins qu'on ne soit descendu en droite Ligne du roi Midas, on ne peut nier que Me Sessi ne soit une excellente virtuose. Dans ce second acte de Roméo et Juliette, formé d'une seule scène, et dont la catastrophe est si dramatique, elle a su fondre avec adresse les teintes délicieuses du sentiment et les déchiremens du désespoir; ce chant mélancolique et, si j'ose m'exprimer ainsi, tout mouillé de larmes, navre et attendrit tour-à-tour le cœur. Que le jeu de Mme Sessi n'est-il égal à son organe ! La surprise, le saisissement, ce froid mortel qui doit se répandre sur tous les membres de Roméo, à l'apparition subite de Juliette, tout ce concours d'expressions terribles, exigerait, pour être bien rendu, le talent de l'acteur le plus énergique et le plus versé dans son art. Je ne connais que Talma qui fût à la hauteur d'une situation semblable.

Me Sessi a été bien secondée par Mme Neri. Cette jeune cantatrice fait des progrès visibles. Son début dans l'Opéra-Séria est une bonne fortune pour elle et pour nous. Il nous apprend que sa voix se prête également aux deux genres; elle a de l'éclat, de la légèreté et de la force. On ne saurait trop cependant recommander à Mme Neri de ne. point se laisser entraîner au désir de risquer des choses. irop au-dessus de ses moyens, de marteler moins ses roulades, et sur-tout de perfectionner ses cadences qui dégénèrent quelquefois en chevrottemens. Du reste, Me Neri justifie pleinement les espérances qu'elle a données. Son talent qui fleurit à peine, promet à son été de la gloire et des jouissances, et puisse-t-on lui répéter un jour le vers de Malherbe !

Et les fruits ont passé la promesse des fleurs.

D. D.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

Programme des prix proposés par l'Académie de dessin peinture, sculpture et architecture de la ville de Gand, pour le concours de 1814; précédé d'une notice sur les vainqueurs aux concours de 1812.

Dix tableaux ont été présentés au Concours d'Histoire de 1812, dont le sujet était : Virgile lisant le VIe livre de l'Eneide à Auguste en présence d'Octavie et de Julie; les artistes-juges, après avoir honoré d'une distinction particulière quatre tableaux parmi ceux qui étaient exposés, ont adjugé le prix à celui qui portait pour épigraphe : S'occuper, c'est savoir jouir.

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A l'ouverture du billet joint au tableau, on a reconnu que l'auteur était M. F. J. Navez, de Charleroi.

Le tableau portant pour marque trois ***, et indiqué dans la notice G. 179, est celui qui a obtenu le plus de voix après le tableau cou

ronné.

Seize tableaux ont été présentés au Concours du Paysage; le prix a été remporté par M. J. B. Dejonghe, de Courtrai.

L'accessit a été accordé à M. Ducorron, d'Ath.

Mention honorable a été faite des tableaux de M. Paul Joseph Noël, de Wausort, et de M. Henry Voordekkers, de Bruxelles.

L'Académie avait proposé pour prix de Sculpture le buste de Gaspar Craeyer, peintre flamand. Ce prix a été remporté par M. J. B. Depauw, de Termonde.

Celui d'Architecture, dont le sujet était une Bourse pour la ville de Gand, a été adjugé à M. J. B. Debaets, d'Everghem, et celui du Dessin, d'après Achille de la galerie des antiques, à M. P. Van Hanselaere, de Gand, actuellement élève de M. David, à Paris.

M. le Maire de Gand ayant proposé un prix pour la meilleure esquisse sur la Naissance de S. M. le Roi de Rome, ce prix a été remporté par M. J. Bailly, de Gand, membre de la Société des Beaux-Arts

- L'esquisse portant pour marque : une louve allaitant un enfant, et indiqué dans la notice sous le N° 198, est celle qui a obtenu le plus de voix après l'esquisse couronnée.

La direction de l'Académie propose les sujets suivans :

I. Pour le prix du tableau d'Histoire :

SACRIFICE D'ABEL. Abel offre un sacrifice à Dieu; Caïn, déjà dévoré de jalousie, survient et frémit.

Conditions.

-1°. Le tableau n'offrira que

deux figures.

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