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Mais quel enfant divin, comme un astre nouveau (6),
Aux yeux de l'univers brille dans son berceau ?
De Mars et de Vénus, par un doux assemblage
Les traits nobles et fiers composent son visage.
O toi qui dois un jour, digne fils d'un héros,
De l'Alcide français égaler les travaux,
Salut, noble César, prince de la jeunesse (7),
Des camps et des cités l'amour et l'allégresse !
Rome, au sein des débris, levant son front altier,
Eu toi, d'un autre Auguste, invoque l'héritier,
Et voit ce demi-dieu qu'une docte sibylle (8),
En des vers inspirés, révélait à Virgile.

Oui, l'oracle a parlé, tu dois nous rendre encor,

Et le règne d'Astrée, et l'antique áge d'or;

Et par leur charine heureux, dans une paix profonde,

Tes lois, auguste enfant, te soumettront le monde.

Tel est l'arrêt des Dieux.. · ; mais avant qu'aux humains
La céleste faveur accorde ces destins,

Contre les ennemis de ton illustre père

La victoire armera ton audace guerrière.

s;

Argonautes nouveaux, près d'un second Tiphys (9),
Tes guerriers braveront l'empire de Téthis
Achille renaissant, sous une autre Pergame
Ira porter encore et le fer et la flamme;

Et sous un bras d'airain crouleront ses remparts.

Ainsi, sœur de l'histoire, et fille des beaux arts,
La médaille, fidèle au génie, à la gloire,
Des plus grands souvenirs occupe ma mémoire

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(6) Médaille frappée à l'occasion du baptême du roi de Rome. (7) Les médailles et les monumens du Bas-Empire donnent aux Empereurs et aux Césars le titre Nobilis Cæsar. Princeps juventutis, titre accordé pour la première fois aux petits-£ls d'Auguste, Caius et Lucius Cæsar, et qui servit depuis à désigner les successeurs à l'Empire, les enfans des Césars.

(8) Ce vers et les suivans rappellent la quatrième Eglogue de Virgile, Sicelides Musa, etc.

(9) Alter erit tum Tiphys, et altera quæ vehat argo

Delectos heroas: erunt etiam altera bella,

Atque iterum ad Trojam magnus mittetur Achilles.
VIRG., Ecl. IV.

Et de l'antiquité le spectacle imposant
M'offre dans le passé le tableau du présent.

Eh! quel siècle jamais à la numismatique
Ouvrit un champ plus beau que cet âge héroïque,
Ce règne sans modèle où le plus grand des rois
Occupe l'univers du bruit de ses exploits?
Son bras a reconquis les antiques limites (10),
Qu'à l'Empire des Francs Charles avait prescrites.
Législateur sublime, illustre conquérant,

Dans la paix, dans la guerre, aussi juste que grand,
Ah! pour lui chaque année est un siècle de gloire,
Déjà sur l'avenir conquis par la Victoire.

Ce sont là des sujets que rival du burin,
A l'immortalité doit consacrer l'airain......

Mais, amant éclairé de la numismatique,
Ne pense pas qu'épris d'un culte fanatique,
J'aille du gros l'Exergue adopter le travers,
Ne rêver que légende, et que face et revers,
Adorer comme lui cette rouille sacrée,
Du tems qui la produit empreinte révérée,
D'an Othon, d'un Cécrops, admirer la couleur (11),
Et la loupe à la main, empesé connaisseur,
Emprunter l'air, le ton du poudreux antiquaire
Que dupe dans Vérone un habile faussaire.

Non : pour
moi la médaille est un vrai monument :
Ce que me tait l'histoire, elle le dit souvent.
Débrouillant le chaos de la chronologie,
Elle écarte la nuit dont elle est obscurcie;
Et des peuples divers, ainsi que leurs exploits,
Elle me dit les mœurs, et le culte, et les lois ;

Elle me peint leurs jeux, leurs triomphes, leurs fêtes;
Je les suis dans la paix, au sein de leurs conquêtes ;

(10) Celles de l'Empire de Charlemagne, barné par la mer Baltique, l'Ebre et le Volturne.

(11) La rouille de couleur bleuâtre s'attache aux médailles d'argent, et celle de couleur verte aux médailles de cuivre. Les antiquaires font un cas particulier des médailles recouvertes de ce vernis séculaire.

Dans Athènes, dans Rome, elle offre à mes regards,
Et les fruits du génie, et les tributs des arts;
De Palmyre, et de Tyr, de la fière Carthage
C'est elle qui chez nous a transmis le langage.
Des Empires souvent éclairant le berceau,
La médaille sur eux fait luire un jour nouveau.

C'est au chantre inspiré des filles de Mémoire,
De vanter ses trésors, de rehausser sa gloire :
Dans ses doctes écrits, des belles, des héros,
Lui seul doit rappeler les charmes, les travaux ;
Leurs myrtes rajeunis, à sa voix refleurissent,
Et leurs lauriers flétris croissent et reverdissent.
Interprète éloquent du marbre et de l'airain,
Des peuples et des tems il est contemporain.
Oui, Tersan, de ton art l'auguste poésie

Se plaît à se montrer la compagne et l'amie.
Ces travaux renommés dont s'illustre ton nom (12)
Charmaient dans la grandeur les loisirs d'Addisson,
Pope les célébrait, et pour eux dans Vérone
Maffey de Melpomène abdiquait la couronne.

C'est ainsi que le sage en ses doctes loisirs,

Trouvant son plus doux charme et ses plus grands plaisirs,
Sur le passé se plaît à reporter la vue.

Pour lui qu'est le présent? un point dans l'étendue;
Plus vif que la pensée et plus prompt que l'éclair,

Dans son rapide essor, c'est un trait qui fend l'air :
Prétendre l'arrêter dans sa course rapide,
C'est vouloir embrasser une ombre fugitive.
Vivons dans le passé; c'est jouir du présent.
Ah! voilà ta maxime, ô sage et doux Tersan.

Chez ces grands raisonneurs qu'oisiveté rassemble,
Bien plus que le plaisir de se trouver ensemble,

(12) Nous avons du célèbre Addisson des Dialogues ou Entretiens sur les médailles; de Pope, une Epître sur ce sujet, adressée à ce même Addisson ( nous en avons emprunté plusieurs traits dans notre ouvrage ), et du marquis Scipion Maffey, auteur de la Mérope itaKenné, la Verona illustrata, et d'autres ouvrages qui traitent des antiquités.

On ne te vit jamais, au sein du Luxembourg,
Guider nos légions dans Londre ou Pétersbourg.
Révérant d'un grand roi la sagesse profonde,
Tu laisses cet atlas porter le poids du monde.
Tu ne régentes point l'armée et le Sénat,
Et tu ne prétends rien aux secrets de l'Etat.
Parmi nos beaux esprits il ne t'importe guère
Qui l'on siffle au Marais, à Faydeau, chez Molière :
Tu ne lis point leurs vers, et de monsieur G****
Jamais le feuilleton ne parvint jusqu'à toi.
Mais, si guidé vers toi, quelqu'ami de l'étude,
Tersan, vient saluer ta docte solitude,
Tu lui prodigueras, ainsi que tes loisirs,
Cinquante ans de travaux qui furent tes plaisirs ;
Et de nouveaux attraits, par ta douce éloquence,
à ses yeux, embellir la science.

Tu sauras 9

Ainsi lorsqu'au milieu de la grande cité,
Je courais, sous le toit par un sage habité,
Savourer les plaisirs que l'étude nous donne,
Plaisirs purs que jamais le remord n'empoisonne‚ '
Toujours, à mon aspect, tes bras étaient ouverts,
Et tes plus chers trésors soudain m'étaient offerts.
Ta profonde doctrine, unie à l'indulgence,
Charmait, en l'éclairant, ma timide ignoranee;
Je croyais, attentif à tes discours savans,
Des Maffey, des Séguier, entendre les accens (13);
De mes esprits flottans tu bannissais le doute;
Vers le grand, vers le beau, tu m'ouvrais une route,
Et de tes entretiens le prestige enchanteur,

En dirigeant mon goût, réglait aussi mon cœur.

M. CHAUDRUC DE CRAZANNES, Secrétaire-général de la préfecture du département du Loiret.

(13) Le docte Seguier de Nîmes, qui a rétabli l'inscription de la maison carrée.

ÉNIGME.

Sous quel astre ennemi le sort m'a-t-il fait naître !
A peine sur la terre ai-je pu faire un pas,

Qu'armé d'un fouet mon jeune maître,

Pour me faire aller droit, me frappe à tour de bras.
Pourtant de sa rigueur ai-je droit de me plaindre?
Oh! non; car j'aurais lieu de craindre,
Si j'en étais traité moins rudement,
Qu'une funeste léthargie,

Sans les coups redoublés

Dont mes frères et moi nous sommes accablés,
Privé de mouvement, ne m'enlevât la vie.
Au reste, le cas arrivant,
Voilà que mon petit tyran

Dans de nouveaux liens m'enveloppant de suite,
Me secoue et me ressuscite,

Et c'est ce qui me console un moment.

Pris en un autre sens, comme mon premier frère,
Je chemine toujours sur terre,

Et j'y porte celui par qui je suis porté.
Mon frère marche seul, et moi de compagnie,
Tout uniment, sans vanité.

Je ne plais guère aux gens de qualité ; .
Plus d'un d'entr'eux pourtant doit me porter envie,
Car je fais plus de bruit en trois ou quatre jours,
Qu'il n'en fait souvent dans le cours

De la plus longue vie.

S.........

LOGOGRIPHE

Je fais souvent du bruit, sur six pieds, dans le monde,
Lecteurs, et vis sans chef paisiblement dans l'onde.
Mes tête et queue à bas, je deviens à l'instant
Utile au matelot sur l'humide élément,

Et raccourci d'un pied, je suis une machine
Qui sur terre et sur eau très-lourdement chemine.

V. B. (d'Agen.)

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