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prime que même contre ce bénéficiaire primitif de l'effet, le recours ne peut être exercé, si au moment de l'émission du titre, il n'avait pas connaissance de la cessation de paiements; en fait, c'est rendre le principe du recours posé dans la loi le plus souvent illusoire. « Il y avait, dit M. Dalloz, en suivant M. Massé, pour rétablir le tiers porteur dans une position normale, un meilleur moyen que celui auquel on a cru devoir s'arrêter c'était de décider qu'il serait tenu de rapporter ce qu'il aurait reçu, connaissant la cessation de paiements, et de lui accorder par jugement qui tiendrait lieu de protêt, un recours contre ses garants. Par là, on aurait accordé au tiers porteur et à la masse tout ce à quoi ils avaient légitimement droit, tandis que, dans l'état de choses actuel, le droit accordé à la masse de recourir contre celui pour le compte duquel la lettre de change a été fournie, ou contre le premier endosseur d'un billet à ordre, est souvent illusoire, puisque le rapport n'est autorisé qu'autant qu'on prouve que celui à qui il est demandé avait connaissance de la cessation de paiements au moment de l'émission du titre, et que le plus souvent la date de cette émission est antérieure à l'époque où les paiements ont cessé. » (1). Un jugement n'était pas même indispensable pour conserver le recours du tiers porteur contre ses cédants; la loi pouvait attacher cet effet à tout acte beaucoup plus simple; mais c'est qu'en réalité, elle a voulu établir un principe plus général que ne semble l'indiquer le rapport de M. Tripier.

1705. L'obligation pour le porteur de recevoir le paiement à l'échéance sous peine, faute de protêt, de perdre les recours qui lui appartiennent, n'a pas été le seul motif qui ait fait écrire l'art. 449; ce que le législateur a voulu établir, c'est le principe qui valide tout paiement d'un effet de commerce et le rend irrévocable: l'intérêt du commerce, la sûreté des négociations exigent que le tiers porteur qui a reçu ne soit pas obligé de restituer. Aussi dans aucun cas, l'action en rapport ne peut être dirigée que contre celui pour le compte duquel la lettre de change a été fournie, lorsqu'il s'agit de lettre de change, et contre le premier endosseur, lorsqu'il s'agit d'un

(1) Rép., vo Faillites, n. 238'; Massé, t. 3, n. 276.

billet à ordre, et encore faut-il, dans l'un et l'autre cas, établir qu'ils avaient connaissance de la cessation de paiements à l'époque de l'émission du titre. Si celui qui a reçu n'est pas l'une ou l'autre de ces personnes limitativement désignées par la loi, qu'il fût ou non de bonne foi, qu'il eût en réalité ou non fait protester, qu'il ait reçu du tiré lui-même ou du souscripteur, ou bien qu'il ait reçu du tireur ou de tout autre de ses garants, contre lequel il a exercé son recours et qui soit tombé en faillite, ces circonstances ne peuvent être prises en considération; s'il n'est pas celui pour le compte de qui la lettre de change a été tirée, nous ne saurions trop le répéter, ou le premier endosseur, il ne peut être assujetti au rapport. L'art. 447, en ce qui concerne les effets négociables, est profondément modifié par l'art. 449. Ces règles ont été consacrées par la Cour de cassation (1).

Toutefois, le cas de fraude, dans les termes du droit commun, est aussi bien excepté dans l'application de l'art. 449 que de l'art. 447: « si le tiers porteur, dit M. Bédarride, n'est en réalité qu'un prête-nom complaisant, s'il s'associe à une fraude, il n'y a plus aucun motif pour le distinguer de l'auteur de cette fraude. On doit au contraire lui rendre commune la peine portée contre celui-ci, et si tous deux se sont concertés pour tromper les créanciers, il est juste que la réparation leur soit solidairement imposée » (2). Il ne faut pas oublier en outre que l'article statue exclusivement pour les paiements faits avant le jugement déclaratif de faillite (3).

ARTICLE 450.

Toutes voies d'exécution pour parvenir au paiement des loyers sur les effets mobiliers servant à l'exploitation du commerce du failli seront suspendues

(1) Cass., 16 juin 1846 (S.V.46.1.523), et la note; 26 nov. 1855 (J.P.56.1 177).

(2) Faillites, n. 140.

(3) Cass., 17 déc. 1856; Bull. des arrêts de la Cour de cass., 1857, p. 232.

pendant trente jours, à partir du jugement déclaratif de faillite, sans préjudice de toutes mesures conser vatoires, et du droit qui serait acquis au propriétaire de reprendre possession des lieux loués. Dans ce cas, la suspension des voies d'exécution établie au présent article cessera de plein droit.

1708. « L'une des principales conséquences de la déclaration judiciaire de la faillite, disait le rapporteur M. Quenault, à la Chambre des députés, est de faire cesser les poursuites individuelles contre le failli. Toutefois, les créanciers privilégiés et hypothécaires conservent l'exercice des voies d'exécution qui leur appartiennent sur les biens qui leur sont spécialement affectés. Le propriétaire ou locateur, encore plus favorablement traité par la jurisprudence, est considéré comme étant en dehors de la faillite pour tout ce qui tient à l'exercice de son privilége sur le mobilier garnissant les lieux loués. Il peut, sans attendre la vérification, et dès le début de la faillite, saisir et faire vendre les effets mobiliers servant à l'exploitation du commerce du failli, et anéantir ainsi les seules ressources qui restent au débiteur et à ses créanciers. Le Gouvernement, frappé de cet inconvénient, a pensé que, pour concilier dans une juste mesure les intérêts de la masse avec ceux du propriétaire, on pourrait suspendre pendant l'espace de trente jours les voies d'exécution qui lui appartiennent, afin de ménager aux créanciers le temps nécessaire pour se reunir et se concerter sur les moyens de désintéresser le locateur. Mais on n'a pas cru pouvoir porter atteinte au droit qui serait acquis, dans certains cas, au propriétaire de reprendre possession des lieux loués. Si ce cas exceptionnel vient à se réaliser, la suspension des voies d'exécution sur le mobilier du failli perd son utilité. »

L'art. 450 est donc spécial au propriétaire et ne peut être étendu à aucun autre privilégié (1). En effet, la créance du propriétaire n'est pas soumise, comme toutes les autres, sans distinction, aux formalités de l'affirmation et de la vérification

(1) Renouard, t. 1er, p. 407 et s.

Contrà, Pardessus, n. 1123.

dont nous parlerons bientôt (1). L'article cesse d'être applicable, dans le cas exceptionnel, où le propriétaire aurait un droit acquis à reprendre possession des lieux loués, et il est restreint alors aux effets mobiliers, qui servent à l'exploitation du commerce du failli; le propriétaire peut, sans aucune entrave, exercer ses droits sur tous les autres objets qui se trouveraient dans les lieux loués.

Les tribunaux décideraient, en cas de doute, dans quelles circonstances le propriétaire a droit, en effet, à reprendre immédiatement possession des lieux loués (2), et si les objets saisis par lui servent ou non à l'exploitation du commerce du failli.

L'art. 450 suspendant toutes voies d'exécution, il peut également être invoqué, soit qu'il s'agisse d'entamer des poursuites, soit qu'il s'agisse de suspendre celles qui seraient déjà commencées; la règle a été appliquée, alors même que l'adjudication aurait été indiquée antérieurement à la déclaration de faillite, du consentement de toutes les parties; ce consentement, qui eût été obligatoire si la déclaration de faillite n'était pas intervenue, ne pouvait, après cette déclaration, être un obstacle à l'application de l'art. 450 (3).

CHAPITRE II.

De la nomination du juge-commissaire.

ARTICLE 451.

Par le jugement qui déclarera la faillite, le tribunal de commerce désignera l'un de ses membres pour juge-commissaire.

1707. Les fonctions du juge-commissaire, choisi parmi les membres du tribunal de commerce, commencent au moment

(1) Lyon, 17 mars 1846, et Caen, 24 mars 1846 (S.V.46 2.438).

(2) Paris, 19 fév. 4830, 24 août 4839 et 12 oct. 1842; Dalloz, Rép., n. 236; Cass., 26 août 1844 (S. V.44.1.748).

(3) Cass., 26 août 1844 (S.V.44.4.748); Renouard, t. 1er, p. 408.

même où la faillite est déclarée, et ne cessent qu'à la liquidation définitive ou au concordat, sauf le cas de remplacement: « La masse des créanciers d'une faillite, dit M. Renouard, unie par des intérêts collectifs, n'est point une association volontaire et libre; c'est une association fortuite que la nécessité a créée et que le secours de la loi protége et organise en lui servant de règle et de lien. La loi et la société, l'intérêt des absents et des faibles, les droits de la minorité contre les prétentions ou les spéculations de la majorité, l'ordre public et le principe d'égalité proportionnelle dans les sacrifices et les pertes, ont besoin d'être représentés dans cette association; ils le sont par le tribunal de commerce qui, lui-même, est représenté par le juge-commissaire. L'institution du rôle spécial confié à un magistrat est une très-utile création de l'ancien Code de commerce et l'une de ses plus heureuses innovations » (1).

Le chapitre spécial consacré à la nomination du juge-commissaire pose les principes de ses attributions; un grand nombre d'articles disséminés dans tout le cours du livre indiquent quand et suivant quelle mesure, l'autorité de ce magistrat doit intervenir.

Les suppléants sont membres du tribunal et peuvent, par suite, être choisis pour juges-commissaires (2).

« La récusation contre les juges commis aux descentes, <«< enquêtes et autres opérations, dit l'art. 383, C. proc. civ., << ne pourra être proposée que dans les trois jours qui courront, «< 1° si le jugement est contradictoire, du jour du jugement; « 2° si le jugement est par défaut et qu'il n'y ait pas d'oppo«<sition, du jour de l'expiration de la huitaine de l'opposition; «< 3o si le jugement a été rendu par défaut et qu'il y ait eu <«< opposition, du jour du débouté d'opposition, même par dé<< faut.» Cet article est applicable au juge-commissaire de la faillite, et la récusation doit être proposée par les syndics; les jugements qui nomment le juge-commissaire, qui en prononcent le remplacement ou qui statuent sur les difficultés relatives à la faillite, étant rendus avec eux, ces jugements à l'é

(1) Faillites, t. 1er, p. 409 el s.

(2) Montpellier, 20 juin 1850 (D.P.50.2.140).

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