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ration, ou la validité de la cession; il faut donc admettre que le juge de l'action sera aussi le juge de l'exception, quoique d'une nature différente de la demande principale (1). Les juges en effet doivent pouvoir apprécier les moyens de défense fondés exclusivement sur le droit civil, tels que ceux qui sont pris de la prescription, de la confusion, de la novation, de la remise de la dette, etc.

2081. L'art. 427 du C. de proc. civ., décide que si une pièce produite est méconnue, déniée, ou arguée de faux et que la partie persiste à s'en servir, le tribunal de commerce renverra devant les juges qui doivent en connaître, et qu'il sera sursis au jugement de la demande principale. Néanmoins, si la pièce n'est relative qu'à un des chefs de la demande, il pourra être passé outre au jugement des autres chefs. « Cet article de loi laisse assez supposer, dit M. Orillard, lorsqu'une pièce produite est attaquée par tout autre moyen, qu'il n'y a lieu ni à renvoi devant les juges civils ni à sursis pendant le jugement de l'incident; autrement, il l'aurait dit» (2). Il faut donc décider, lorsqu'il s'agit d'actes renfermant une opération commerciale, que le tribunal de commerce serait compétent pour apprécier l'exception de dol, de violence, d'erreur, de simulation élevée par le défendeur; et aucune distinction n'est à faire, à ce point de vue, entre l'acte sous seing privé et l'acte notarié (3).

2082. Il faut admettre également que le tribunal de commerce est compétent pour connaître des nullités de la procédure suivie devant lui, dans les instances de sa compétence : <«< un tribunal ne peut statuer, dit M. Pardessus, s'il n'y a pas eu d'assignation devant lui, et il n'y en a pas eu si l'assignation donnée était nulle. Il faut donc qu'il apprécie et qu'il juge cette nullité. Il en est de même d'une sommation destinée à mettre le débiteur en demeure, d'un protêt, etc. » (4). Mais il

(1). Orillard. n. 92; Dalloz, Rep., v° Compét. comm., n. 347 et s. -- Contrà, Poitiers, 28 août 1828.

(2) De la Compétence, n. 96.

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(3) Cass., 23 mars 1824 et 11 fév. 1834 (D.P.34.1.216); Pardessus, n. 1350; Nouguier, t. 2, p. 128; Dalloz, Rép., v° Compét. comm., n. 352. Contrà, Angers, 23 janv. 1813; Montpellier, 4 juill. 1828.

(4) Droit comm., n. 4350.

ne serait pas juge d'une demande en dommages-intérêts formée contre l'huissier qui aurait fait un protêt nul, parce que cette demande serait fondée sur un acte qui n'a rien de commercial.

2083. Les tribunaux de commerce incompétents, d'un commun accord, pour statuer sur l'état des personnes, la nationalité, la légitimité, la majorité, l'interdiction, la qualité d'époux peuvent, lorsque l'état est avoué ou constaté, décider si l'engagement commercial a été valablement contracté : « Il n'y a pas de confusion possible, dit M. Nouguier, entre la capacité et l'état de la personne. La constatation de l'état de la personne appartient exclusivement aux tribunaux civils; mais lorsque l'état n'est pas contesté, lorsque les deux parties s'accordent pour reconnaître le fait du mariage, de la minorité, lorsqu'il ne s'agit plus que de rechercher si ce fait a porté obstacle à la validité de l'obligation, le débat, quoiqu'il se complique de principes de droit civil, reste cependant un moyen du fond que le juge du fond peut décider sans excès de pouvoir » (1) (suprà, n. 2062).

On peut dire que c'est en vertu de ces principes, qu'a été écrit l'art. 426, C. proc. civ., ainsi conçu : « Les veuves et héritiers des justiciables du tribunal de commerce y seront assignés en reprise ou par action nouvelle; sauf, si les qualités sont contestées, à les renvoyer aux tribunaux ordinaires, pour y être réglés, et ensuite être jugés sur le fond au tribunal de

commerce. »

2084. Le Code de procédure civile a dit également, art. 442: « Les tribunaux de commerce ne connaîtront point de l'exécution de leurs jugements; » mais cette disposition n'est point applicable aux jugements préparatoires.

Il faut dire aussi, avec un arrêt de la Cour de Caen, que le pouvoir de présider à l'exécution des jugements commerciaux n'est pas la même chose que celui de les interpréter; et qu'en l'absence de dispositions formelles de la loi, sur le droit d'in

(1) Trib. de comm,, t. 2, p. 122.-Sic, Cass., 28 mars 1820; Nimes, 25 nov. 1828; Riom, 27 déc. 1830; Grenoble, 31 août 1818; Rennes, 2 janv. 1827. Contrà, Riom, 22 nov. 1808; Nimes, 12 mars 1828.

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terprétation des jugements, la logique ayant voulu que ce droit appartînt aux tribunaux dont émanent les décisions qui offrent des points à éclaircir, il n'existe aucun motif pour décider autrement en ce qui concerne les tribunaux de commerce (1).

2085. Quelque limité que doive être le pouvoir d'un tribunal d'exception, il faut cependant lui donner les moyens d'accomplir la mission qui lui a été confiée et d'arriver, s'il n'est pas arrêté par une insurmontable et évidente difficulté de principe, à rendre le jugement qu'on attend de lui sur les matières qui lui sont spécialement attribuées. L'interdiction, dont sont frappés les tribunaux de commerce pour connaître de l'exécution de leurs jugements, ne s'étendrait donc pas à la connaissance des oppositions faites à ces jugements; ni au droit de statuer sur la régularité d'opérations d'expertises, de comptes, de vérifications faites en vertu de jugements préparatoires et interlocutoires; ni au droit de connaître des erreurs, des omissions, ou doubles emplois dans les comptes qui leur auraient été soumis; ou de prononcer sur la solvabilité d'une caution qu'ils auraient eux-mêmes exigée (2): ce pouvoir ne peut leur être refusé.

2086. La loi du 3 mars 1840 a tranché une question fort controversée, en décidant que le tribunal de commerce juge en dernier ressort, lorsque les demandes, l'une principale, l'autre reconventionnelle, toutes deux inférieures à 1500 fr., forment, réunies l'une à l'autre, une somme supérieure à ce chiffre; mais si l'une ou l'autre seulement de ces deux demandes, excède 1500 fr. et dépasse par suite, le taux du dernier ressort, l'appel est recevable pour le tout.

Pour déterminer le chiffre de la demande, on ne doit pas faire entrer en ligne de compte, les frais nécessités pour appeler le défendeur devant le tribunal, ni les intérêts échus depuis que l'instance a été commencée; il ne faut envisager que la dette principale (3). Mais si des frais avaient été faits antérieurement à la demande, et remboursés par le demandeur avant

(1) Caen, 17 mai 1825; Dalloz, Rép., v• Compét, comm.. n. 385. Nimes, 24 août 1829; Orillard, n. 84.

Contra,

(2) Pardessus, n. 1351.

(3) Orléans, 27 nov. 1850 (S. V.51.2.252).

d'appeler le débiteur en justice, ils devraient être ajoutés au chiffre de la dette primitive, ainsi que les intérêts dus au moment de la demande : «Le principal d'une demande se compose, dit un arrêt de la Cour de cassation, non-seulement du capital du titre de la créance; mais encore des sommes réclamées comme déjà échues et dues au moment de la demande » (1).

Ainsi, lorsque le porteur d'une lettre de change fait assigner directement l'un des signataires, il ne peut ajouter au principal de la lettre, pour déterminer les limites du dernier ressort, le protêt, l'enregistrement et autres frais accessoi res (2). Si le porteur, au contraire, s'est remboursé par une retraite sur l'un des endosseurs, non-seulement du principal de la lettre de change, mais du montant du protêt, de l'enregis trement, des intérêts, etc., c'est le chiffre de cette retraite et non le chiffre primitif de l'effet protesté, qui déterminera le premier ou le dernier ressort, dans le cas où cet endosseur porterait son action devant le tribunal; ce chiffre représente pour lui une dette principale, indépendante des frais qu'il sera tenu de faire pour introduire en justice l'instance qu'il dirige contre l'un de ses cessionnaires (3).

Une règle analogue serait suivie pour tous autres frais que ceux que nous avons énumérés; s'ils ont été payés avant la demande introductive de l'instance judiciaire, ils sont réunis au chiffre de la dette principale pour fixer le taux du dernier ressort; dans le cas contraire, quoique légitimement dus et pouvant, bien entendu, être réclamés, ils ne doivent pas être joints à la dette principale.

2087. Les demandes incidentes sont jugées comme la demande principale, et suivant le chiffre de celle-ci, souveraine. ment ou à charge d'appel; ainsi lorsque le défendeur oppose la nullité des statuts d'une compagnie, en vertu desquels il est poursuivi pour une somme inférieure à 1500 fr., « cette demande en nullité, dit la Cour de cassation, quoique d'une va

(1) Cass., 18 août 1830 (S. V.31.1.75).

(2) Cass., 2 juin 1845 (S.V.45.1.518); Caen, 5 fév. 1840 (S. V.41.2.10). Contra, Bourges, 3 juill. 1844 (S.V.45.2.608).

(3) Orillard, n. 656 et 657; Pardessus, n. 1358 et 1359.

leur indéterminée, n'empêche pas que le jugement soit rendu en dernier ressort » (1).

En principe général, les demandes d'une valeur indéterminée ne sont jamais jugées qu'à charge d'appel.

Les jugements sur la compétence, quoique rendus sur des demandes incidentes, sont dans tous les cas susceptibles d'appel comme touchant à l'ordre public.

Quant aux dommages-intérêts, l'art. 639 contient une disposition qui doit être suivie, mais ne peut être étendue; et si la demande en dommages-intérêts était basée sur une cause étrangère au commerce et de pur droit civil, le tribunal de commerce serait incompétent.

Les tribunaux de commerce jugent en dernier ressort les appels des sentences rendues par les conseils de prud'hommes.

ARTICLE 640.

Dans les arrondissements où il n'y aura pas de tribunaux de commerce, les juges du tribunal civil exerceront les fonctions et connaîtront des matières attribuées aux juges de commerce par la présente loi.

ARTICLE 641.

L'instruction, dans ce cas, aura lieu dans la même forme que devant les tribunaux de commerce, et les jugements produiront les mêmes effets.

2088. Nous avons vu que l'établissement des tribunaux de commerce n'a été ordonné que dans les lieux où les opérations commerciales étaient assez fréquentes pour rendre utile cette institution; à défaut, le tribunal civil en fait les fonctions. Mais la loi ne lui confère cette attribution que pour le cas où il n'y a pas de tribunal de commerce, non-seulement dans la ville où est domicilié le défendeur, mais dans l'arrondissement;

(4) Cass., 7 juin 1826.

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