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sition, l'achat était de leur part commercial; en cas de doute sur la destination des objets achetés, la qualité de l'acquéreur, conformément aux principes posés par l'art. 631, devait faire présumer que l'acte était commercial.

Il faut donc décider d'une manière générale que l'achat des instruments et mécaniques nécessaires pour mettre une manufacture en activité est un acte commercial, comme l'achat ou le louage de toutes choses servant à l'exercice d'un commerce (1).

C'est par suite de ces principes, que la juridiction consulaire a été déclarée compétente pour connaître de la demande formée par un aubergiste, pour nourriture de chevaux employés par un commerçant dans son industrie; et de celle d'un boulanger pour fournitures faites aux ouvriers d'un manufacturier pour le compte de celui-ci (2), et quoique des arrêts aient jugé en sens contraire (3).

La Cour de cassation a décidé également que l'on ne pouvait considérer comme achetées pour l'usage particulier des membres d'une société, les tôles destinées et employées à la toiture de l'usine servant à l'exploitation industrielle et commerciale, et que par suite l'acte était commercial (4).

Il en serait autrement du bail d'une usine qui est immeuble, même fait avec son mobilier industriel et sans égard à la qualité de commerçant du propriétaire (5); le bail à loyer d'un immeuble est, dans tous les cas, un contrat essentiellement civil (6).

2049. L'énumération faite par l'art. 632 doit être complétée par l'interprétation (7); ainsi la Cour de Bordeaux a jugé

(1) Cass., 1er déc. 1851 (S.V.52.1.23).-Sic, Bourges, 21 fév. 1842 (S.V.43. 2.21); Pardessus, n. 17; Nouguier, t. 1er, p. 393 et s. Contrá, Locré, t. 8, p. 275 et s.

(2) Limoges, 24 fév. et 13 juin 1839 (S.V.40.2.57); Cass., 29 nov. 1842 (J.P. 43.1.226); Lyon, 16 fév. 1838 (S.V.39.2.92); Bourges, 15 fév. 1842 (S.V.43.2. 24); Caen, 25 mars 1846 (S.V.46.2.484).

(3) Metz, 9 juill. 1813; Limoges, 2 mars 1837 (S.V.39.2.144).

(4) Cass., 11 avril 1854 (S.V.54.1.299).

(5) Colmar, 28 nov. 1849 (S.V.51.2.331).

(6) Bordeaux, 2 juill. 1847 (S.V.48.2.247).

(7) V. Douai, 7 déc. 1844 (S.V.45.2.259); Poitiers, 5 janv. 1841 (S.V.41,2.

que le tribunal de commerce était compétent pour connaître d'une usurpation d'enseigne (1); sur ce point particulier, toutefois, la controverse pourrait être élevée, et il est difficile de voir dans un pareil acte de déloyauté un acte de commerce; nous avons dit que les quasi-délits ne pouvaient donner action devant la justice consulaire qu'autant que la contestation, née à cette occasion, avait un rapport nécessaire avec un acte éminemment commercial (suprà, n. 2008 et s.). Le tribunal de commerce serait également compétent pour connaître des différends élevés à l'occasion du cautionnement d'une obligation commerciale souscrite par un commerçant. Il faudrait décider autrement si le cautionnement était souscrit par un non-commerçant; aucune disposition de la loi n'établit la compétence en semblable circonstance, et l'acte ne peut être commercial qu'entre commerçants. La jurisprudence des Cours impériales paraît définitivement fixée dans ce sens (2) (infrà, n. 2066).

Peut-il en être autrement si le cautionnement fourni par un non-commerçant s'applique au concordat d'un failli? La disposition de l'art. 520, C. comm., qui déclare que l'annulation du concordat ne pourra être prononcée qu'en présence des cautions ou elles dûment appelées ne nous semble pas une raison suffisante pour établir, dans ce cas spécial, une règle particulière; les cautions restent libres, quand elles seront poursuivies, de décliner la juridiction consulaire (3).

2030. § 7. Entre toutes personnes, les lettres de change ou remises d'argent faites de place en place.

121); Cass., 17 juin 1837 (S.V.37.1.1022); Rouen, 11 janv. 1844 (S. V.45.2. 232); Bordeaux, 8 mars 1844 (S. V.45.2.2); Montpellier, 11 fév. 1842 (S.V.42. 2.265); Colmar, 10 juill. 1837 (S.V.38.2.241).

(1) Bordeaux, 23 août 1851 (S.V.52.2.228). (S.V.45.2.257).

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Contrà, Paris, 10 fév. 1845

(2) Douai, 26 fév. 1847; Rouen, 19 mars 1847; Douai, 21 mars 1849; Grenoble, 6 avril 1854 (S.V.48.2.113 et 708, 49.2.340, 54.2.777).—Sic, Nouguier, t. 2, p. 326; Orillard, n. 231; Despréaux, n. 532; la Cour de cassation sem ble avoir varié.-Sic, Cass., 24 juill. 1824; 20 août 1833 (S.V.33.1.743); 7 juin 1837 (S.V.37.1.593); 26 janv. 1852 (S.V.52.1.202). Contrà, Cass., 26 mai

Contrà, Dijon, 16 et 18 août 1853

1830; Cass., 31 mai 1845 (S.V.46.1.440); Pardessus, n. 1349-1°.
(3) Paris, 24 avril 1854 (J.P.54.2.51).
(J.P.55.1.55).

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Cette disposition de l'art. 632 a permis de discuter si la loi déclare actes de commerce entre toutes personnes, non-seulement les lettres de change, ce qui n'est pas contesté, mais aussi toute remise d'argent faite de place en place, et réalisée par un billet à domicile ou tout autre moyen. Plusieurs Cours impériales, et la plupart des auteurs qui ont écrit sur le Droit commercial, refusaient d'admettre que ces mots : remises d'argent, ne fussent, en définitive, que la définition même de la lettre de change qui venait d'être nommée; cette définition était inutile et se trouvait, au surplus, dans l'art. 110, C. comm.; qu'il fallait donc décider que la remise d'argent, faite de place en place, quel que fût le moyen employé pour la réaliser, rentrait dans la compétence des, tribunaux de commerce (1). Mais une jurisprudence désormais constante repousse cette interprétation, et décide avec raison, selon nous, que la remise d'argent faite de place en place, même au moyen d'un billet à domicile, n'est de la compétence des juges consulaires qu'autant que l'opération est entre commerçants (2); il faut donc admettre que le paragraphe 7 de l'art. 632 est exclusivement applicable aux lettres de change.

ARTICLE 633.

La loi répute pareillement acte de commerce, toute entreprise de construction, et tous achats, ventes et reventes de bâtiments pour la navigation intérieure et extérieure ; - toutes expéditions maritimes; - tout achat ou vente d'agrès, apparaux et avitaillements; -tout affrétement ou nolissement, emprunt ou prêt à la grosse; toutes assurances et autres contrats concernant le commerce de mer; tous accords et conventions pour salaires et loyers

(1) Vincens, t. 2, p. 368 et s.; Horson, quest. 33 et 35; Frémery, p. 98; Nouguier, t. 2, p. 25 et s.

(2) Cass., 9 juill. 1851, 30 janv. 1852 et 21 août 1854 (S. V.51,4.497, 52.1. 480 et 54.1.571).

d'équipages; -tous engagements de gens de mer, pour le service de bâtiments de commerce.

2051. Cet article est spécial au commerce maritime, et emprunté, pour partie, à l'ordonnance de 1681; il est hors de doute, qu'en parlant de constructions, il n'a en vue que les constructions navales, et ne peut être étendu aux constructions de canaux, de ports ou autres ouvrages du même genre, ayant, avec la navigation, un rapport plus ou moins direct, mais qui sont incorporés au sol, dont ils ne peuvent être détachés (1).

L'entrepreneur de constructions navales, comme le sousentrepreneur à qui une partie de l'entreprise aurait été abandonnée, doivent être considérés comme commerçant envers toute personne.

Les simples ouvriers employés sous leurs ordres ne pourraient être assimilés à des matelots ou autres gens de mer et soumis à une juridiction exceptionnelle; l'art. 633 ne doit pas leur être appliqué.

2052. L'art. 633 s'étendant à tous achats, ventes et reventes de bâtiments pour la navigation intérieure et extérieure, à une portée beaucoup plus grande que la disposition de l'art. 632 qui parle de l'achat de denrées et marchandises; tout acte relatif à une cession de bâtiments à titre onéreux, quel que soit le but qui y préside, et sans qu'aucune pensée de spéculation dirige les contractants, est par sa nature même, entre toute personne, acte de commerce.

Ce paragraphe doit être entendu évidemment, même dans le cas où la rédaction semblerait douteuse, comme s'appliquant aux bâtiments destinés, soit à la navigation intérieure, soit à la navigation extérieure, soit à l'une et à l'autre à la fois.

Un avis du conseil d'Etat, du 29 avr.-7 mai 1809, décide que la connaissance des ventes des navires saisis appartient aux tribunaux ordinaires ; il ne pouvait en être autrement, puisque les tribunaux de commerce ne connaissent pas de l'exécution de leurs jugements (C. proc. civ., art. 442), et que la vente

(1) Nancy, 6 avril 1843 (S.V.43.2.491).

1

des navires saisis, en outre, aux termes de l'art. 204 ci-dessus, ne peut être faite sans le ministère d'avoué.

2053. La loi ne fait aucune distinction entre les expéditions maritimes, et elle doit être suivie, quel que soit le but de l'expédition; la connaissance de difficultés nées des engagements que de semblables expéditions ont rendus nécessaires appartient donc, dans tous les cas, aux tribunaux de commerce. On ne peut en excepter les expéditions faites quotidiennement par un patron-pécheur (1).

Il en est autrement, sans aucun doute, à notre avis, et quoique la question ait été controversée, pour les engagements contractés envers l'expéditeur, par exemple, par les passagers.

2054. L'ordonnance de la Marine attribuait aux amirautés, que les tribunaux de commerce ont remplacées, la connaissance des prises faites en mer, des bris, des naufrages et échouements, du jet et de la contribution, des avaries et dommages arrivés aux vaisseaux et aux marchandises de leur chargement, ensemble des inventaires et de la délivrance des effets, délaissés dans les vaisseaux, de ceux qui meurent en

mer.

Le jugement des prises n'a jamais appartenu aux tribunaux de commerce, qui n'ont pas, comme les amirautés, la connaissance d'aucune matière de droit public; mais dans le silence même du Code, tous les auteurs sont d'accord pour donner à cette juridiction les contestations nées des bris, naufrages, échouements, du jet et des contributions.

Il en est autrement des inventaires et de la délivrance des effets délaissés dans les vaisseaux, qu'aucun motif ne devait enlever à la juridiction ordinaire (2).

Il a été jugé avec raison, que l'art. 633 est applicable à l'action dirigée contre le capitaine ou le maître du navire en paiement de frais de visite, de quarantaine ou autres frais sanitaires (3); « Cette décision est à l'abri de toute critique, dit M. Orillard que les actes de la commission sanitaire n'aient

(1) Aix, 23 nov. 1840 (J.P.41.1.253).

(2) Orillard, n. 463.

(3) Cass., 22 avril 1835 (S.V.35.1.435).

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