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d'accorder l'ordonnance, et n'est-ce de sa part qu'une simple formalité, qui pourrait d'autant moins être refusée, a-t-on dit, que l'art. 1028 ouvre aux parties des voies de recours, si elles jugent à propos d'en user. La loi en soumettant les actes émanés de la juridiction arbitrale à l'exequatur des magistrats, a entendu lui donner la force dont elle est dépourvue, mais non attribuer au juge un pouvoir arbitraire de révision; ce serait encore, a-t-on dit, un véritable empiétement de la juridiction contentieuse sur la juridiction volontaire (1).

Cette opinion est peut-être trop absolue, et ne pourrait être suivie si la sentence viole ouvertement l'ordre public ou les bonnes mœurs, ou ordonne des voies d'exécution prohibées; mais nous pensons, avec la plupart des auteurs, que sauf cette restriction, le président du tribunal n'a aucun droit d'examen et ne peut appliquer d'office aucune nullité à laquelle les parties d'ailleurs auraient le droit de renoncer (2).

L'opinion générale décide que c'est par la voie de l'opposition que doit être demandée la nullité de l'ordonnance d'exequatur apposée au bas de la sentence; ce serait, au contraire, par appel, qu'il y aurait lieu de se pourvoir, si le président se refusait à rendre le jugement arbitral exécutoire; M. Chauveau Adolphe pense, au contraire, que l'appel est la seule voie ouverte pour faire réformer une ordonnance d'exequatur ou pour obtenir celle qui est refusée (3).

1976. « Les jugements arbitraux ne pourraient dans aucun «< cas, être opposés à des tiers » (C. proc. civ., 1022). Il est bien évident qu'ils ne peuvent avoir d'effet qu'à l'égard des parties qui ont accepté la juridiction arbitrale et entre lesquelles ils ont été rendus; mais il faut dire même que des tiers qui n'auraient pas été dûment appelés et aux droits desquels le jugement arbitral porterait préjudice, non-seulement ne seraient pas obligés, mais ne seraient même pas recevables à les attaquer par voie de tierce opposition; l'art. 1022, sui

(1) Pardessus, n. 1403; Mongalvy, n. 321; Thomine-Desmazures, t. 2, p. 679. (2) Vatimesnil, n. 262; Bellot, t. 3, p. 245; Rodière, t. 3, p. 30; Carré et Chauveau Adolphe, n. 3360.

(3) Lois de la procédure, quest, 3361.

vant l'opinion générale, doit être entendu dans ce sens ou eût été complétement inutile.

1977. « L'appel des jugements arbitraux sera porté, «savoir: devant les tribunaux de première instance pour les << matières qui, s'il n'y eût point eu d'arbitrage, eussent été, «< soit en premier, soit en dernier ressort, de la compétence << des juges de paix; et devant les Cours impériales pour les <«< matières qui eussent été, soit en premier, soit en dernier << ressort de la compétence des tribunaux de première instance >> (C. proc. civ., art. 1023).

La disposition formelle de cet article décide d'une manière expresse que la sentence arbitrale est susceptible d'appel, même dans le cas où le tribunal compétent aurait pu juger en dernier ressort; l'appel est donc toujours admissible, à moins que les parties n'y aient formellement renoncé (1); on a peine à comprendre que cette opinion ait pu être controversée. 1978. « Les règles sur l'exécution provisoire des jugements << des tribunaux sont applicables aux jugements arbitraux » (C. proc. civ., art. 1024).

<< Si l'appel est rejeté, l'appelant sera condamné à la même <«< amende que s'il s'agissait d'un jugement des tribunaux << ordinaires » (C. proc. civ., art. 1025).

« La requête civile pourra être prise contre les jugements <«<< arbitraux dans les délais, formes et cas désignés pour les << jugements des tribunaux ordinaires; elle sera portée devant <«<le tribunal qui eût été compétent pour connaître de l'ap<< pel» (C. proc. civ., art. 1026).

«Ne pourront cependant être proposés pour ouvertures: «< 1° l'inobservation des formes ordinaires, si les parties n'en « étaient autrement convenues, ainsi qu'il est dit en l'arti«<cle 1009 ci-dessus; 2o le moyen résultant de ce qu'il aura « été prononcé sur choses non demandées, sauf à se pourvoir << en nullité suivant l'article ci-après» (C. proc. civ., art. 1027).

<«< Il ne sera besoin de se pourvoir par appel ni requête ci«vile dans les cas suivants: 1o si le jugement a été rendu << sans compromis, ou hors des termes du compromis; 2° s'il

(4) Contra, Mongalvy, n. 512; Thomine-Desmazures, n. 1022 et 1049.

« l'a été sur compromis nul ou expiré; 3o s'il n'a été rendu « que par quelques arbitres non autorisés à juger en l'absence « des autres; 4° s'il l'a été par un tiers sans en avoir conféré <«< avec les arbitres partagés; 5° enfin, s'il a été prononcé « sur choses non demandées.

« Dans tous ces cas, les parties se pourvoiront par oppo«sition à l'ordonnance d'exécution devant le tribunal qui « l'aura rendue, et demanderont la nullité de l'acte qualifié « jugement arbitral. Il ne pourra y avoir recours en cassa<<tion que contre les jugements des tribunaux rendus, soit sur << requête civile, soit sur appel d'un jugement arbitral » (C. proc. civ., art. 1028).

La loi autorise donc trois voies de recours contre les jugement rendus par les arbitres; l'appel, la requête civile dans les termes du droit commun, et sauf les cas spécifiés par l'art. 1027; enfin, l'opposition à l'ordonnance d'exequatur. Si l'acte d'opposition était mal à propos dirigé contre le jugement arbitral au lieu d'être dirigé contre l'ordonnance d'exequatur, il n'y aurait sans doute pas nullité; mais ce serait une irrégularité qu'il faut éviter (1). Il faut mentionnér, en outre, le recours en cassation ouvert contre les jugements ou arrêts rendus en dernier ressort.

Les parties, nous l'avons dit, peuvent, par le compromis, fenoncer expressément à l'appel; peuvent-elles aussi renoncer d'avance au droit de se prévaloir des dispositions de l'art. 1028, et s'interdire la faculté de se pourvoir par la voie de l'opposition? La jurisprudence a été hésitante sur cette question; mais la négative paraît prévaloir et est enseignée par tous les auteurs (2). La nullité de la renonciation est absolue et d'ordre public (3).

L'action en nullité par voie d'opposition à l'ordonnance ď' 'exequatur ne peut être exercée que dans les cas limitativement prévus par la loi; les termes de l'art. 1028 ne doivent être étendus.

(1) Lois de la procédure, quest. 3385.

(2) Contrà, peut-être Malpeyre et Jourdain, p. 432.

(3) Besançon, 7 juill. 1854 (S.V.54.2.733).

DES PRUD'HOMMES.

1979. Les Conseils de prud'hommes sont établis par décrets rendus dans la forme des règlements d'administration publique, après avis des chambres de commerce ou des chambres consultatives des arts et manufactures.

Les décrets d'institution déterminent le nombre des membres de chaque conseil.

Ce nombre est de six, au moins, non compris le président et le vice président.

Le président et le vice-président sont nommés par l'Empereur. Ils peuvent être pris en dehors des éligibles. Leurs fonctions durent trois années.

Les secrétaires sont nommés et révoqués par le préfet, sur la proposition du président (L. 1er juin 1853, art. 1 et 3).

Les autres membres des conseils de prud'hommes sont élus par les patrons, chefs d'atelier; contre-maîtres et ouvriers appartenant aux industries dénommées dans les décrets d'institution et suivant les conditions déterminées par la loi (L. 1er juin 1853, art. 2).

Les patrons, réunis en assemblée particulière, nomment directement les prud'hommes patrons. Les contre-maîtres chefs d'ateliers et les ouvriers, également réunis en assemblée particulière, nomment les prud'hommes ouvriers en nombre égal à celui des patrons. Au premier tour de scrutin, là majorité absolue des suffrages est nécessaire, la majorité relative suffit au second tour (L. 1o juin 1853, art. 9).

Les Conseils de prud'hommes sont renouvelés par moitié tous les trois ans. Les prud'hommes sont rééligibles. Le sort désigne ceux qui seront remplacés pour la première fois (L. 1er juin 1853, art. 10).

Les Conseils de prud'hommes peuvent être dissous par un décret de l'Empereur (L. 1er juin 1853, art. 16).

1980. Le Conseil se divise en deux bureaux: 1° le bureau particulier ou de conciliation; 20 le bureau général ou de jugement.

Le bureau particulier est composé de deux membres, dont

l'un est marchand fabricant, et l'autre, chef d'atelier, contremaître ou ouvrier. Dans les villes où le Conseil des prud'hommes est de cinq ou de sept membres, ce bureau s'assemblera tous les deux jours, depuis onze heures du matin jusqu'à une heure. Si le Conseil est composé de quinze membres, le bureau particulier tiendra tous les jours une séance, qui commencera et finira aux mêmes heures (D. 20 fév. 1810, art. 21).

Les fonctions du bureau particulier sont de concilier les parties; s'il ne le peut, il les renverra devant le bureau général (Id., art. 22).

Le bureau général, qui forme à proprement parler le Conseil des prud'hommes, est composé, indépendamment du président et du vice-président, d'un nombre égal de prud'hommes patrons et de prud'hommes ouvriers. Ce nombre est au moins de deux prud'hommes patrons et de deux prud'hommes ouvriers, quel que soit le nombre de membres dont se compose le conseil (L. 1er juin 1853, art. 11).

Le bureau général se réunira une fois par semaine au moins; il prendra connaissance de toutes les affaires qui n'auront pu être terminées par la voie de la conciliation, quelle que soit la quotité de la somme dont elles seraient l'objet, et sauf la faculté d'appeler.

On désigne indifféremment sous le nom de patron, maîtrefabricant, négociant, fabricant ou marchand-fabricant, celui qui fait fabriquer, avec des matières premières, à lui appartenant, par des chefs d'atelier ou des ouvriers travaillant sous ses ordres et pour son compte, des marchandises qu'il vend.

Le chef d'atelier est un entrepreneur d'ouvrage à façon, qui, recevant les matières premières d'un patron, a chez lui un atelier et des ouvriers.

Le contre-maître dirige les ouvriers d'une fabrique pour le compte du fabricant.

L'ouvrier ou compagnon, enfin, est celui qui travaille dans quelque profession que ce soit à la journée ou aux pièces (1). L'appel des jugements rendus par les Conseils de prud'

(1) Lingée, Législ. indust., p. 40.

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