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cet effet; que l'art. 1028 ne permet de prononcer la nullité du jugement rendu par le tiers arbitre seul que dans le cas où celui-ci l'aurait rendu sans avoir conféré avec les arbitres partagés..... rejette » (1).

;

Dans une semblable hypothèse, cette décision, ainsi que le fait remarquer M. Dalloz, « d'une part, est le résultat de la volonté des parties qui ont dû prévoir ce qui est arrivé; et, d'autre part, les choses se trouvent placées dans la même situation que s'il n'avait été choisi qu'un seul arbitre. Or, rien ne s'opposait à ce que les parties soumissent leur différend à un arbitre unique, et elles ont ici de plus la garantie qui résulte pour elles, et des avis rédigés par les arbitres partagés, et des limites dans lesquelles la mission du tiers arbitre se trouve circonscrite» (2).

1970. Si les arbitres ne se sont pas réunis spontanément chez le tiers arbitre pour conférer avec lui, ils doivent, à peine de nullité dé la sentence, être sommés de le faire; mais faute par eux de se soumettre, le tiers peut évidemment prononcer seul; il suffit que les arbitres déclarent qu'ils s'en réfèrent à leurs avis distincts et motivés, dont ils donnent lecture (3).

La Cour de cassation, plus exigeante peut-être que le texte, veut en outre que le tiers confère avec tous les arbitres réunis et non avec chacun d'eux séparément (4).

1971. Dans le cas où tous les arbitres se réunissent avec les tiers, dit M. Pardessus, ils rendent tous un jugement à la pluralité des voix et rien n'empêche que ce jugement n'adopte ni l'une ni l'autre des opinions qu'avaient émises les arbitres divisés (5): nous n'admettons pas, nous venons de le dire, ce jugement ainsi rendu par un nouveau tribunal et nous croyons que la loi a voulu que le tiers prononçât seul, sous la seule

Sic, Paris, 15 nov. 1814; Metz, 12 mai 1819;

(4) Cass., 26 mai 1829. Dalloz, Rép., vo Arbitrage, n. 843. (2) Rép., v° Arbitrage, n. 1084.

(3) Cass., 4 déc. 1839 S.V.40.1.134).

(4) Cass., 4 avril 1838 (S. V.38.1.669); Mongalvy, t. 2, n. 347. Pardessus, n. 1401.

Contrà,

(5) Droit comm., n. 1401.—Sic, Paris, 21 avril 1855 (J.P.55.1.623), et peutêtre implicitement au moins, Cass., 26 fév. 1856 (J.P.56.1.453).

condition de se conformer à l'un des avis des autres arbitres; mais sous cette réserve, nous ne voyons rien en effet, dans la loi qui défende à un arbitre de revenir sur l'avis constaté par le procès-verbal de partage; en fait, les deux arbitres se mettant ainsi d'accord rendraient forcé le jugement du tiers qui n'aurait plus le choix entre deux opinions; mais cet accord eût rendu tout aussi bien sa nomination inutile, s'il eût eu lieu plus tôt. Sauf ce cas, qui doit se présenter assez rarement, le tiers pourra choisir librement celle des opinions émises avant la nomination, qui lui semble préférable (1).

<< Toutefois, dit M. Pardessus, cette obligation imposée au tiers d'adopter l'avis de l'un ou de l'autre arbitre doit être sainement entendue. Ainsi lorsqu'en adoptant un des deux avis dans lequel il reconnait des erreurs matérielles de calcul, il les rectifie, ce n'est pas moins avoir accompli le vœu de la loi. Ainsi, lorsque l'objet de la contestation est une liquidation ou un comple, le tiers pourrait adopter sur un point l'avis de l'un des arbitres divisés et sur un autre point l'avis de l'autre arbitre. Il y a même un cas où il peut n'adopter ni l'un ni l'autre supposons qu'un tiers arbitre, statuant sur un compte, ait adopté sur certains points l'avis de l'un, sur certains points l'avis de l'autre, il est évident que le total auquel il s'arrêtera ne sera ni celui du premier, ni celui du second des arbitres »> (2).

C'est l'opinion qu'avait émise le Tribunat. « Comment doit s'exécuter, disait le Tribunat, la règle qui prescrit au tiers arbitre de se conformer à l'avis des deux premiers arbitres? faut-il que cette conformité s'établisse sur le résultat pris en masse, ou bien le tiers arbitre peut-il adopter l'avis d'un des premiers arbitres sur un point seulement; puis adopter l'avis d'un autre arbitre sur un autre point, de manière que sa décision étant toujours conforme dans les détails à l'opinion soit de l'un soit de l'autre, il arrive cependant que dans la capitulation générale, elle diffère de tous deux.

(1) Lyon, 14 juill. 1828; Grenoble, 31 juill. 1830 (D.P.32.2.54); Id. 1er juin 1831 (S.V.33.2.212).

(2) Droit comm., n. 1401; Cass., 14 fév. 1824; 1er août 1825; 29 mars 1827; 17 nov. 1830; 3 juill, 1834 (S.V.34.4.568); 28 janv. 1835 (S.V.35.1.533).

<< Les sections réunies ont pensé que ce dernier sentiment devait prévaloir, surtout dans l'espèce présente, où il s'agit dè prononcer sur des opérations et des comptes dont chaque article forme un objet à part; il est raisonnable de dire alors qu'autant il y a d'objets, autant il y a de jugements et si l'acte qui contient ces décisions est unique, les décisions n'en sont pas moins par elles-mêmes essentiellement multipliées et distinctes; autrement le tiers arbitre se trouverait forcé de sanctionner des erreurs même de calcul » (1). Cet avis est adopté unanimement.

1972. Lorsque les parties ont stipulé que les arbitres jugeraient en dernier ressort, cette clause s'applique-t-elle au tiers arbitre? M. Delangle portant la parole, comme avocat général, devant la Cour de cassation saisie de cette question, insista avec force pour l'affirmative: « Le mandat conféré par le compromis, disait-il, était indivisible; les parties ont moins considéré le nombre des arbitres que le résultat de leur délibération; c'est l'arbitrage et non l'œuvre de tel ou tel arbitre qu'elles ont voulu en dernier ressort. » La Cour prononça contrairement à ses conclusions en ces termes : « Attendu que l'arrêt attaqué décide que la stipulation arrêtée entre les parties de donner aux arbitres à nommer le droit de juger en dernier ressort s'applique uniquement aux deux individus, qui seraient choisis à cet effet et non au tiers arbitre qui pourrait être ultérieurement appelé à les départager. Que c'est là une interprétation de la convention des parties et que cette interprétation qui ne blesse aucune loi appartenait souverainement aux juges de la cause » (2).

La Cour de cassation, on le voit, a évité de se prononcer en principe; et, selon les circonstances, les juges du fait pourront interpréter la volonté des parties; mais dans le doute, nous croyons, avec M. Delangle, qu'il y a présomption, que les parties ont voulu que l'arbitrage fùt en dernier

ressort.

1973. « Les arbitres et le tiers arbitre décideront d'après

(1) Observ. du Tribunat; Locré, t. 17, p. 320.

(2 Cass., 26 janv. 1841 (J.P.42.1.644).

<«<les règles du droit, à moins que le compromis ne leur donne << pouvoir de prononcer comme amiables compositeurs » proc. civ., art. 1019).

(C.

La loi a pris soin d'avertir les parties que par cela seul qu'elles enlèvent aux juges ordinaires la connaissance du différend qui les divise, pour le remettre à de simples particuliers choisis par elles, il ne s'ensuit pas que les arbitres puissent se dispenser de baser leur décision sur les règles du droit et comme le feraient des juges ordinaires. Si les parties croient utile de se départir de cette sévérité et désirent que les arbitres puissent suivre dans leurs décisions l'équité préférablement à la rigueur du droit; qu'ils aient le droit d'accommoder autant que de juger les affaires, elles doivent le dire d'une manière expresse en donnant aux arbitres le pouvoir de prononcer comme amiables compositeurs.

Le doute a pu s'élever pour savoir si les arbitres dispensés par leur titre d'amiables compositeurs de suivre les règles du dreit dans leur sentence, peuvent également se dispenser de suivre les formes de la procédure ordinaire. L'affirmative, soutenue par presque tous les auteurs, nous paraît préférable; mais, pour éviter toute difficulté, les parties feront bien de s'expliquer catégoriquement à cet égard.

Il y a doute également pour décider si le pouvoir conféré aux arbitres de juger comme amiables compositeurs emporte de plein droit renonciation à l'appel que l'art. 1010 permet de stipuler. Les parties devront encore être très-explicites à cet égard. La Cour de cassation a décidé que l'autorité de la chose jugée s'attache à une sentence arbitrale aussi bien qu'à toute décision judiciaire; qu'il n'y a pas à distinguer sous ce rapport, entre les arbitres ordinaires et les arbitres amiables compositeurs et que ceux ci pas plus que les autres, quoique dispensés des règles ordinaires du droit, ne peuvent revenir sur ce qui a été définitivement jugé par une sentence antérieure; leurs pouvoirs ne vont pas jusque-là ; la chose jugée ne peut plus former un chef de contestation (1).

1974. « Le jugement arbitral sera rendu exécutoire par une

(1) Cass., 21 juin 1852 (S.V.52.1.728),

<< ordonnance du président du tribunal de première instance, << dans le ressort duquel il a été rendu ; à cet effet, la minute << du jugement sera déposée dans les trois jours par l'un des << arbitres, au greffe du tribunal.

« S'il avait été compromis sur l'appel d'un jugement, la dé«< cision arbitrale sera déposée au greffe de la Cour impériale « et l'ordonnance rendue par le président de cette Cour.

« Les poursuites pour les frais de dépôt et les droits d'en<< registrement ne pourront être faites que contre les par<«< ties » (C. proc. civ., art. 1020).

Si l'on excepte un arrêt déjà bien ancien, rendu par la Cour de Montpellier (1), une jurisprudence constante et tous les auteurs déclarent que le jugement ne serait pas nul, faute d'avoir été déposé après le délai de trois jours que l'art. 1020 a fixé. Il faut dire également qu'on ne pourrait trouver une cause de nullité dans ce fait que le dépôt n'aurait pas été fait par l'un des arbitres.

L'ordonnance ne peut être rendue qu'après le paiement des

droits.

1978. « Les jugements arbitraux, même ceux préparatoi<< res, ne pourront être exécutés qu'après l'ordonnance qui « sera accordée à cet effet par le président du tribunal, au bas << ou en marge de la minute, sans qu'il soit besoin d'en commu<«<niquer au ministère public; et sera ladite ordonnance expé« diée ensuite de l'expédition de la décision. La connaissance « de l'exécution du jugement appartient au tribunal qui a «rendu l'ordonnance» (C. proc. civ., art. 1021).

Les arbitres ne peuvent, dans aucun cas, donner à leur sentence la force exécutoire; l'ordonnance du président du tribunal civil est nécessaire; elle est mise sur la minute même en marge ou à la suite du jugement.

Le président pourrait être incompétent, soit à raison du lieu où la sentence a été rendue, soit à raison de la juridiction, parce que ce serait à la Cour impériale et non au tribunal de première instance que la sentence devrait être déposée. Si aucune dificulté n'existe à cet égard, le président est-il tenu

(4) Montpellier, 20 mai 1811.

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