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acquérait par le traité du 14 janvier, un territoire de quatre cent quatre-vingt-dix-sept milles carrés et une population de sept cent quatre-vingt-seize mille habitants. C'était un accroissement de près d'un tiers, le nombre des sujets de la couronne westphalienne se trouvant porté à un chiffre de plus de deux millions cinq cent mille habitants.

Le nouveau territoire, qui comprenait les pays connus sous le nom de duché de Brême, principauté de Werden, comtés de Hoya et de Diepholz duché de Lunebourg, principauté de Calemberg, avait plus d'importance encore par sa situation que par son étendue et le nombre de ses habitants. Par l'annexion du Hanovre, la Westphalie acquérait une zone maritime fort importante, comprise entre les deux grandes embouchures de l'Elbe et du Weser. Le pays, sans être très-fertile, nourrissait une population guerrière dont la jeunesse, soustraite depuis sept années au recrutement anglais, offrait de précieuses ressources pour celui d'une armée nationale. Au point de vue territorial et militaire, la Westphalie augmentée du Hanovre prenait rang, dans la Confédération, immédiatement après la Saxe et à côté de la Bavière. Elle formait avec la Saxe proprement dite et la Pologne-saxonne, un cercle continu qui embrassait les débris de la monarchie prussienne des bouches de l'Elbe à celles de la Vistule, l'isolait du reste de l'Allemagne et la réduisait à l'impuis

sance.

A ces avantages généraux, résultant de la disposition fondamentale du traité du 14 janvier, il faut joindre

le nouveau règlement de l'arriéré de la contribution de guerre. La fixation de la dette au chiffre rond de 16,000,000, le délai de dix ans accordé pour l'acquittement complet, au moyen de bons portant intérêt de 5 p. %, étaient de justes concessions faites à la Westphalie. Ce lourd fardeau de la contribution de guerre, si on ne l'eût pas remplacé par un autre, aurait pu s'alléger ainsi d'une manière insensible et finir par disparaître sans causer trop de ruines.

Mais à côté des avantages, il y avait les charges du traité qu'il convient d'analyser. Les principales étaient, d'une part, la réserve faite au profit de l'Empereur des domaines du Hanovre, jusqu'à concurrence d'un revenu de 4,559,000 francs; de l'autre, obligation d'entretenir jusqu'à la fin de la guerre maritime dix-huit mille cinq cents soldats français au lieu de douze mille entretenus précédemment.

Ces deux sacrifices, consentis par le Roi de Westphalie, étaient de nature différente; l'un était définitif, l'autre n'était que temporaire, ce qu'il importe de distinguer pour apprécier la part de chacun d'eux dans la perturbation financière qui suivit le traité du 14 janvier et qui servit de prétexte pour le rompre.

L'administration des domaines dans l'électorat de Hanovre comprenait non-seulement les domaines pro. prement dits, c'est-à-dire les terres et bâtiments de toute nature, affermés, et appartenant à la couronne, mais encore les forêts, les douanes et les postes. Cette administration était passée, en bloc, des mains des agents de l'Électeur dans celles des agents français.

Malgré les contestations auxquelles l'évaluation de son revenu total a donné lieu, à l'époque de l'annexion, entre la Westphalie et la France, nous pensons qu'on peut le fixer approximativement aux environs de 5,000,000. C'est ce revenu que l'Empereur diminuait, au profit de ses dotations, d'une somme de 4,559,000 francs. Il y avait donc un reliquat insignifiant. Or on reconnut qu'en constituant l'administration de Hanovre sur le même pied que l'administration westphalienne, en y appliquant le même système d'impôt, et en tenant compte de l'accroissement du contingent fédéral exigé par le traité d'annexion, on reconnut, disons-nous, que le nouveau territoire coûterait deux millions de plus qu'il ne rapporterait; de sorte que si l'Empereur s'était contenté de deux millions de revenu pour ses dotations il y aurait eu à peu près équilibre entre les recettes et les dépenses.

S'il n'y avait eu que ce déficit de 2,000,000, on aurait pu espérer le couvrir, dans une période de paix, au moyen d'une administration perfectionnée et d'économies réalisées principalement sur le contingent fédéral. Mais l'autre charge, celle des dix-huit mille Français à entretenir, quoique provisoire, était bien autrement accablante, et c'est elle qui faisait fléchir tout l'édifice. L'entretien de douze mille cinq cents Français coûtait annuellement à la Westphalie dix millions de francs; celui d'un corps de dix-huit mille cinq cents hommes, comprenant six mille de cavalerie, devait coûter plus de quinze millions. Nous verrons lorsque nous donnerons tout à l'heure un aperçu des

finances de la Westphalie pour 1810, que jamais le gouvernement westphalien n'a même essayé de faire entrer la dépense des troupes françaises dans son budget normal, ni même de créer, pour la couvrir, des ressources régulières quoique temporaires. Ces 10,000,000 n'ont jamais figuré dans les comptes. Le ministre des finances pourvoyait à la solde et à tous les besoins des troupes françaises par des expédients au jour le jour, des ventes de biens nationaux, des sécularisations de biens ecclésiastiques, en empruntant à des taux usuraires de misérables sommes, en suspendant le paiement des rentes dues aux créanciers de l'État. Comme nous l'avons déjà dit plusieurs fois et comme nous ne saurions trop le répéter, on n'avait pas à cette époque les moyens de crédit nécessaires pour répartir sur une longue suite d'années, au moyen d'emprunts réguliers, une charge d'une nature extraordinaire et provisoire. La Westphalie vendait tout ce qu'elle avait, morceau par morceau, pour payer, nourrir, habiller et loger les troupes françaises, espérant chaque jour voir arriver le terme de la guerre maritime et être par là délivrée de ses ruineuses obligations. Voilà ce qui explique comment ce royaume, avec des dépenses normales qui n'excédaient pas de beaucoup les recettes, semblait à chaque instant sur le point de déposer son bilan, comment la correspondance du Roi Jérôme avec l'Empereur ne porte ! presque exclusivement que sur ce point, l'impossibi lité où il est de faire face aux obligations financières.

Par suite de l'annexion du Hanovre, le chiffre des troupes françaises à entretenir se trouvant porté de

pouze mille cinq cents à dix-huit mille cinq cents, dont six mille de cavalerie, c'était un surcroît de plus de moitié dans cette dépense journalière qui absorbait le plus clair des revenus du royaume.

La véritable portée du traité du 14 janvier, au point de vue purement westphalien, étant comprise, il faut encore pour en apprécier toutes les conséquences, expliquer la place qu'il tenait dans l'ensemble des événements contemporains. Quand on lit seulement la correspondance de l'Empereur et de Jérôme, ou celle de leurs ministres, on est tenté de croire qu'en annexant d'abord et en retirant plus tard le Hanovre à la couronne de Westphalie, en accompagnant l'un et l'autre de ces deux actes de conditions. plus ou moins justes, de procédés plus ou moins légitimes, Napoléon n'eut d'autres mobiles que les intérêts de son frère ou ses propres griefs envers lui. Il n'en est rien. Le don et le retrait du Hanovre furent deux faits de l'ordre le plus général, d'un ordre européen, compris dans un ensemble de mesures qui marquèrent d'un cachet tout différent la politique impériale dans deux de ses phases principales, celle du commencement de l'année 1810, celle de la fin de cette même année.

Dans les premiers mois de 1810, la paix avec l'Autriche était signée, l'archi-duchesse Marie-Louise allait devenir l'épouse du vainqueur de Wagram. L'Empereur crut que la paix était assurée sur le continent, qu'il n'allait plus avoir d'autres préoccupations que celles de la guerre avec l'Angleterre et de la guerre d'Espagne. Il pensa que le moment était

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