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2. - La Constitution, on le voit, a réservé le droit d'arrestation au pouvoir judiciaire. A lui seul est dévolu le droit d'ordonner des arrestations, c'est-à-dire de délivrer des mandats d'amener, de dépôt, d'arrêt ou des ordonnances de prise de corps, dans les limites tracées par les dispositions du code d'instruction criminelle, combinées avec les lois sur la détention préventive des 18 décembre 1855 et 20 mars 1877 (').

Mais en dehors des arrestations proprement dites, il y a des cas dans lesquels les agents de l'ordre administratif (*), agissant comme tels, sont en droit d'arrêter un individu par mesure de police et de sûreté (3). La Constitution. n'enlève, en effet, au pouvoir administratif que le droit d'ordonner une arrestation préventive; elle n'interdit pas au législateur de déterminer tels cas où il est permis aux agents de l'ordre administratif d'appréhender par mesure de police certaines personnes dans des circonstances données ; toutefois, les personnes saisies par mesure de police ne pourront être déposées dans une maison d'arrêt (*).

3. - En principe, pour que l'arrestation proprement dite puisse être opérée, il faut, aux termes de l'article 12 de la Constitution du 17 octobre 1868, qu'il existe une ordonnance motivée du juge. L'arrestation a toujours lieu, en

(1) GIRON, Vo Liberté individuelle, p. 378; THONISSEN, art. 7, nos 41 et 42; NYPELS, édit. de 1867, art. 147, no 3; BELTJENS, Encycl., code d'instr. crim., édit. de 1903, t. Ier, p. 262, no 1; NYPELS et SERVAIS, art. 434, no 3; Batbie, discours prononcé au Sénat le 10 février 1882, Journal officiel 1882, p 49; BELTJENS, Constitution belge, édit. de 1894, art. 7, nos 5, 7 et 8. Voy. infra, nos 37 et s., 352, 355 et s.

(2) GIRON, Vo Liberté individuelle, p. 379 et 380.

(3) Voy. sous le no 1, p. 3 et 4, la note in fine.

(4) THONISSEN, art. 7, nos 41 et 42; GIRON, vo Liberté individuelle, p. 380; BLANCHE, t. II, nos 599 et 605; Pand. belges, vo Arrestation, n° 50. Voy. infra, nos 200, 201, 213, 214 et 222. Il y a quelques exceptions, voy. infra, no 36.

vertu d'une ordonnance préexistante, dans l'hypothèse des délits non flagrants sur lesquels l'instruction est ouverte ensuite de la réquisition du procureur d'État. Les officiers de police judiciaire auxquels appartient, dans cette hypothèse, le pouvoir de rendre une ordonnance d'arrestation ne sont pas les procureurs d'État ni les officiers de police auxiliaires de ceux-ci, mais les juges d'instruction ('). C'est le juge d'instruction qui décerne le mandat d'amener, de dépôt ou d'arrêt, qui ordonne, en un mot, l'arrestation de l'inculpé dans tous les cas (*) où il juge nécessaire de recourir à cette grave mesure (3). Une fois l'ordonnance rendue, le juge instructeur la transmet au procureur d'État; celui-ci la fait parvenir à un huissier, à un agent de la force publique (C. instr. cr., art. 97) ou à un agent de police (Décr. 18 juin 1811, art. 77, et 7 avril 1813, art. 6), avec la réquisition de l'exécuter, c'est-à-dire de procéder à l'arrestation de la personne y dénommée () (Voy. GARRAUD, t. III, no 922).

(1) C. cr., art. 61, 235 et 236. Voy. infra, nos 37 et s., 352, 355 et s. (2) L'arrestation préventive ne peut être ordonnée que si le fait délictueux emporte la peine de l'emprisonnement correctionnel ou une autre peine plus grave (C. cr., art. 91 et 94, et L. 20 mars 1877). La loi du 18 décembre 1855 autorise l'arrestation préventive d'étrangers non domiciliés dans le Luxembourg, prévenus d'y avoir commis un délit ou une contravention passible d'amende (voy. infra, nos 37 et suiv.).

(3) Blanche, Code pénal, t. II, no 598; GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, t. III, no 919.

(4) Quand le procès pénal est terminé et qu'il est intervenu un jugement de condamnation à une peine privative de la liberté, l'arrestation du condamné s'opère en vertu de ce titre judiciaire. La distinction entre l'arrestation d'un inculpé et celle d'un condamné se rencontre, par exemple, dans l'article 46 de l'arrêté du 30 janvier 1815, ainsi conçu: Hors les cas de flagrant délit déterminés par la loi, la maréchaussée (c'est-à-dire la gendarmerie) ne pourra arrêter aucun individu, si ce n'est en vertu soit d'une réquisition, soit d'une ordonnance de prise de corps ou d'un décret d'accusation, soit d'un jugement de condamnation à la prison ou à la détention » (voyez L. 28 germinal an vi, art. 169).

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4. Par exception, l'arrestation peut avoir lieu, sans ordre ni mandat écrit, lorsque le délinquant est surpris en flagrant délit. En cas de flagrant délit ('), le droit d'arrestation préventive (*) appartient, dans la limite de leurs. pouvoirs respectifs (3), aux juges d'instruction, aux procureurs d'État et à leurs substituts, aux officiers de police auxiliaires du procureur d'État (C. instr. cr., art. 9, 32, 40, 44, 49 et 50), en un mot, à tous les officiers de police judiciaire énumérés à l'article 9, à l'exception des gardes champêtres et des gardes forestiers (art. 9, 49 et 50). En procédant ou en faisant procéder sur-le-champ à l'arrestation d'individus surpris en flagrant délit, en recevant les déclarations des personnes qui ont été présentes ou qui ont des renseignements à fournir, en pratiquant au domicile des prévenus la perquisition des objets utiles à la manifestation de la vérité, les juges d'instruction, les procureurs d'État ou leurs auxiliaires posent de véritables actes de poursuite ('), prennent de véritables mesures d'instruction (5).

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5. Arrestation provisoire par mesure de police ("). Suivant la règle énoncée supra, n° 2,

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(1) Voy. supra, no 1, p. 2, la note.

(2) Voy. no 2, premier alinéa.

(3) CHAUVEAU et HÉLIE, Code pénal, édit. belge, 1859, t. Ier, no 1272; GARRAUD, t. II, no 921; DALLOZ, Code d'inst. crim., art. 44, no 200. Les agents de la force publique doivent exécuter les ordres que le juge ou l'officier auxiliaire leur donne verbalement.

(4) CHAUVEAU et HÉLIE, t. Ier, nos 1272, 1276, 1277 et 1293;. FAUSTIN HÉLIE, Code d'inst. crim., édit. fr., 1851, t. IV, p. 707 et 714; Pand. belges, vo Arrestation, no 50; DALLOZ, Code d'inst. crim., art. 40, no 7. (5) GARRAUD, t. III, no 918. Hors les cas déterminés par l'article 40 du code d'instruction criminelle, le pouvoir de décerner mandat d'amener appartient au juge d'instruction (Cass. fr., 18 avril 1816). (6) DALLOZ, Code d'inst. crim., art. 16, no 286. Ce droit d'arrestation n'est pas une délégation de la justice. Voy. infra, no 37; GARRAUD, t. II, n° 336.

deuxième alinéa, il y a des cas où l'arrestation d'un individu surpris en flagrant délit ne constitue qu'une simple mesure de police ('), grâce à laquelle le juge d'instruction, le procureur d'Etat ou les officiers de police auxiliaires sont saisis et mis à même d'exercer les pouvoirs exceptionnels que leur confèrent les articles 32, 34, 40, 48, 49 et 50 du code d'instruction criminelle. Dans cette catégorie on range notamment les saisies-arrestations autorisées par les dispositions légales ci-après, reproduites sous les nos 6 et suivants.

6.A) Code d'instruction criminelle, art. 16. « Les gardes champêtres et les gardes forestiers, considérés comme officiers de police judiciaire, sont chargés de rechercher, chacun dans le territoire pour lequel ils auront été assermentés, les délits et les contraventions de police qui auront porté atteinte aux propriétés rurales et forestières... (*).

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Ils arrêteront et conduiront devant le juge de paix, ou devant le maire, tout individu qu'ils auront surpris en flagrant délit, ou qui sera dénoncé par la clameur publique, lorsque ce délit emportera la peine d'emprisonnement, ou une peine plus grave (3).

(1) CHAUVEAU et HÉLIE, t. Jer, n° 1294; HÉLIE, Code d'inst. crim., t. IV, p. 707; DALLOZ, Code d'inst. crim., art. 106, nos 1, 2, 17 à 20; Pand. belges, vo Arrestation, no 50; GARRAUD, t. III, no 918. Voyez, page 2, en note, l'article 10 de la Constitution des 3-14 septembre 1791. La première partie de cet article, dit Garraud, concerne la simple saisie-arrestation, par mesure de police, et la seconde, la détention préventive, par mesure d'instruction.

Dans les cas des articles 504, 506 et 509 du code d'instruction criminelle, l'arrestation n'est qu'une mesure de police; elle ne s'opère pas en vertu d'un mandat de dépôt ou d'arrêt (TIMMERMANS, Étude sur la détention préventive, 1re partie, no 11; voy. infra, no 36).

(2) Décr. 15-29 septembre 1791, tit. IV, art. 1er à 4; L. 6 octobre 1791, tit. Ier, sect. 7, art. 2 à 8, et tit. II, art. 1er; Règlement du 10 juillet 1838, art. 12 à 14; L. communale du 24 février 1843, art. 81. (3) Les gardes champêtres sont chargés d'arrêter et de conduire devant le juge de paix ou tout autre magistrat de police tout individu

Ils se feront donner, pour cet effet, main-forte par le maire ou par l'adjoint de maire du lieu, qui ne pourra s'y refuser. » Dès que le délinquant se trouve devant le juge de paix ou le bourgmestre, celui-ci statue, comme officier de police auxiliaire, dans la mesure des pouvoirs exceptionnels dont l'investissent les articles 32, 40, 48, 49 et 50 du code d'instruction criminelle (Voy. infra, nos 303 et s. et 376; L. du 14 novembre 1849, art. 1er et 2; DALLOZ, Code d'inst. crim. annoté, édit. 1898, art. 16, nos 294 et 295; DALLOZ, Répert., Suppl., v° Procéd. crim., nos 435 et suiv.; NYPELS et SERVAIS, art. 434, no 3, p. 157, note 1).

7. Si les articles 9 et 16 (') du code d'instruction criminelle rangent les gardes champêtres au nombre des officiers de police judiciaire pour rechercher les délits et les contraventions de police qui portent atteinte aux propriétés rurales, le § 4 de l'article 16 donne aussi aux gardes champêtres le droit d'arrêter et de conduire devant le juge de paix ou le maire les individus qu'ils surprennent en flagrant délit. Or, le mot délit, dans le § 4, est générique et comprend toutes les infractions à la loi pénale, les crimes, les délits proprement dits et les simples contraventions entraînant une peine d'emprisonnement. Sur la base de cette interprétation il a été jugé, par arrêt de la cour de Metz en date du 16 août 1849 (*), que, même dans les communes où des agents de police sont chargés de surveiller particu

surpris en flagrant délit; de donner avis aux fonctionnaires chargés de la police... de la présence dans la commune d'étrangers suspects (Règlement du 10 juillet 1838, art. 13, nos 5 et 6).

Si le garde forestier découvrait des gens suspects dans les bois, il est tenu de les dénoncer à la police locale la plus proche ou à la maréchaussée grand-ducale (Instructions annexées à la loi du 1er juin 1840, art. 12).

(1) Voy. infra, no 431.

(2) Adde: Cass., 2 juillet 1846, D. P. 1846, IV, 301.

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