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peine (C. pén., art. 92); la prescription de la peine se serait trouvée accomplie le 22 octobre 1876 (C. pén., art. 92, al. 1er). Donc, aux termes de l'article 187 du code d'instruction criminelle, l'opposition du 25 février 1882 n'aurait plus été recevable.

Le jugement du tribunal de la Seine du 29 mars 1882 fut déféré à la cour d'appel de Paris qui décida, par arrêt du 27 novembre 1882, que la signification du 11 octobre 1871 était légale. D'où la conséquence que le 25 février 1882, date de l'opposition, la prescription de la peine s'est trouvée accomplie et que dès lors l'opposition n'était pas recevable. L'arrêt du 27 novembre 1882 est ainsi conçu :

La Cour Considérant qu'un jugement rendu par défaut en la 7e chambre du tribunal de la Seine, à la date du 21 octobre 1870, a condamné à treize mois d'emprisonnement pour délit d'escroquerie l'intimé C..., désigné au dit jugement comme ayant demeuré à Paris, rue du faubourg Montmartre, no 40;

Considérant que lorsque l'huissier Mosnier s'est présenté à cette adresse, le 11 octobre 1871, pour y signifier le jugement susénoncé, il lui a été déclaré, par le concierge de la maison, que l'intimé avait depuis longtemps déménagé sans faire connaître où il allait se fixer;

Que la destruction du dossier dans l'incendie du Palais de justice ne laissant subsister aucun renseignement propre à guider l'huissier dans de nouvelles recherches, la signification a été faite, le même jour, au parquet de M. le procureur de la République, suivant la règle établie pour les personnes qui n'ont ni domicile ni résidence connus;

Considérant qu'en agissant ainsi l'officier ministériel s'est conformé exactement à la loi : que si l'huissier qui ne trouve au domicile de la partie ni ses parents ni ses serviteurs doit, aux termes de l'article 68 du code de procédure civile, remettre la copie de son exploit à un voisin, c'est seulement lorsque l'habitation indiquée dans ses actes, quoique momen

tanément déserte, n'a pas cessé de constituer la demeure habituelle de la partie; qu'au contraire, lorsqu'il est constant en fait que l'ancienne demeure est abandonnée sans esprit de retour et que, par suite de cet abandon, la partie n'a plus, pour le présent, aucun domicile connu, il ne reste qu'à procéder contre elle par voie d'affiche et de signification au parquet, ainsi que le prescrit l'article 69, § 8; que c'est donc à tort que les premiers juges ont tenu pour inopérante et non avenue la signification du jugement qui a été faite dans cette forme à l'intimé;

Considérant qu'étant établi que le jugement par défaut du 21 octobre 1870 a été régulièrement et légalement signifié à l'intimé le 11 octobre 1871, il en résulte que l'action publique exercée contre C... pour délit d'escroquerie n'a subi aucun temps d'arrêt; que les fins de la poursuite ont été complètement atteintes et remplies par une condamnation devenue exécutoire; que, par conséquent, l'intimé n'est nullement fondé à invoquer la prescription triennale pour faire tomber la procédure correctionnelle dans laquelle il a été impliqué;

Considérant qu'à la vérité les jugements rendus par défaut restent susceptibles d'être frappés d'opposition pendant un délai que la loi du 27 juin 1866 a rendu égal à celui de la prescription de la peine dans tous les cas où le condamné n'aura pas été touché personnellement par la signification ou par des actes d'exécution; qu'aussi longtemps que le condamné défaillant pourrait être atteint dans sa liberté ou dans ses biens par la condamnation prononcée contre lui, la loi lui permet de s'en défendre en formant opposition au jugement qui l'a frappé en son absence; mais que cette voie de recours n'est plus ouverte du moment où la peine ellemême a cessé d'être exécutoire par l'effet de la prescription;

Considérant que cette règle, déjà posée dans l'article 641 du code d'instruction criminelle, se trouve consacrée dere chef par l'article 187, tel qu'il a été modifié par la loi du

27 juin 1866; que, d'une part, la dite loi, tout en donnant une large extension au droit d'opposition, n'a point admis que le recours pût être exercé pendant un temps indéfini; qu'elle lui assigne, au contraire, comme limite de durée expresse et absolue, la prescription de la peine; que, d'autre part, le nouvel article 187 ayant ainsi visé le délai de la prescription de la peine sans le déterminer autrement s'est référé, sur ce point, d'une manière évidente, aux autres articles du même code par lesquels ce délai était antérieurement établi;

Considérant qu'aux termes de l'article 636 (') les peines prononcées par les tribunaux correctionnels se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le jugement n'est plus susceptible d'appel; qu'aux termes de l'article 203 les jugements par défaut ne peuvent être attaqués par la voie de l'appel que pendant les dix jours qui suivent celui de la signification; qu'il résulte de là que, dans aucun cas, les jugements par défaut ne peuvent être frappés d'opposition plus de cinq ans et dix jours après qu'ils ont été régulièrement signifiés ;

Considérant que la fin de non-recevoir dont s'agit est d'ordre public, et que les tribunaux ne peuvent se dispenser de l'appliquer, alors même que le ministère public ne croirait pas devoir l'invoquer;

Considérant qu'en fait l'opposition formée par C... au jugement du 21 octobre 1870 n'a été signifiée au procureur de la République que le 25 février 1882, plus de dix ans après que ce jugement avait été signifié au condamné; qu'en l'état cette opposition était non recevable, et que la peine prononcée contre le dit C... étant dès lors prescrite, il ne lui était plus permis de remettre en question la chose jugée;

(1) C. pén. de 1879, art. 92.

Par ces motifs :- Réformant le jugement dont est appel : Déclare C... non recevable dans son opposition au jugement par défaut du 21 octobre 1870; l'en déboute;

Dit que le jugement du 21 octobre 1870 est définitif et continuera de produire ses effets légaux autres que l'exécution de la peine, laquelle est couverte par la prescription; Condamne C... aux dépens de première instance et d'appel (Gaz. du pal., 1882-1883, t. Ier, 195).

504. Par jugement en date du 19 juin 1884, le tribunal correctionnel de la Seine a déclaré non recevable, après l'expiration du délai de prescription de la peine, l'opposition à un jugement correctionnel par défaut, qui n'a pas été signifié à la personne du condamné, mais qui a cependant été signifié régulièrement. En voici la teneur :

Le tribunal: Sur l'opposition formée par M... contre le jugement, en date du 6 septembre 1877, qui l'a condamné par défaut à cinq ans d'emprisonnement et cinq ans de surveillance pour banqueroute simple, escroquerie et abus de confiance, et sur le moyen tiré de ce que la signification de ce jugement aurait été irrégulièrement faite au parquet :

Attendu que M... n'avait aucun domicile connu; qu'en effet lorsque, le 8 octobre 1877, l'huissier s'est présenté à son dernier domicile, rue Taitbout, no 13, pour lui signifier le jugement dont il s'agit, il lui a été répondu non pas qu'il était absent, mais qu'il n'y demeurait plus depuis le 28 avril précédent et qu'on ignorait sa nouvelle demeure; qu'il résulte en outre des pièces jointes au dossier, et notamment d'une lettre par lui écrite le 17 mai 1877, au cours de l'instruction, datée de Vienne (Autriche), et adressée au magistrat instructeur, que M... avait quitté son domicile sans esprit de retour; que cette même lettre ne contenait non plus l'indication d'aucun domicile; que dans ces conditions l'huissier s'est conformé au vœu de l'article 69 du code de procédure civile en remettant au parquet la copie de l'exploit de signification

destinée à M...; qu'ainsi la signification, étant valable et régulière, a fait courir le délai de l'opposition fixé par l'article 187 du code d'instruction criminelle, et par suite plus de cinq ans s'étant écoulés depuis la date de cette signification et l'expiration des délais d'opposition et d'appel ('), la peine prononcée contre M... par le jugement du 6 septembre 1877 se trouve prescrite (2), et, aux termes de l'article 187 du code d'instruction criminelle, l'opposition au dit jugement n'est plus recevable;

Par ces motifs, déboute M... de son opposition (Gaz. du pal., 1884, t. II, suppl. 53).

Chez nous, l'opposition, faite en 1884, eût été recevable, car aux termes du 2o alinéa de l'article 92 du code pénal, si la peine prononcée dépasse trois années, la prescription est de dix ans. La prescription de la peine prononcée par le jugement du 6 septembre 1877 ne se serait donc trouvée accomplie que dix ans après le 18 octobre 1877, date de l'expiration du délai d'appel, c'est-à-dire le 19 octobre 1887. Faite après le 19 octobre 1887, l'opposition n'eût plus été recevable.

Mais si la peine correctionnelle prononcée par le jugement du 6 septembre 1877 n'avait pas dépassé trois années, les tribunaux luxembourgeois auraient, comme le jugement du tribunal de la Seine du 19 juin 1884, débouté l'opposant.

505. En résumé, les peines correctionnelles se prescrivant à compter du jour où le jugement par défaut rendu en premier ressort ne pourra plus être attaqué par la voie de l'appel, le délai à l'expiration duquel le droit spécial d'opposition n'est plus recevable se compose donc, suivant

(1) Expiration du délai d'appel : 18 octobre 1877.

(2) Expiration du délai de prescription de la peine de cinq ans d'emprisonnement: 19 octobre 1882 (en droit français), 19 octobre 1887 (en droit luxembourgeois).

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