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l'observation des formalités prescrites par le code d'instruction criminelle. Mais par là elle n'a certainement pas eu l'intention de proscrire d'une manière absolue les perquisitions au domicile du particulier soupçonné de détenir du gibier pour le compte des marchands ou trafiquants. Interdites dans la forme sommaire autorisée par l'article 12, les visites domiciliaires, en vue de découvrir le gibier détenu en violation de la loi, pourront être opérées chez ce particulier par les agents chargés de la police de la chasse, en vertu d'un mandat délivré par le juge d'instruction.

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274. "La loi a entendu interdire toute recherche au domicile de celui qui aurait acheté du gibier pour sa consommation personnelle" (DALLOZ, Code forestier, p. 796, n° 237). Les agents et gardes dénommés dans les articles 29 et 30 de la loi du 19 mai 1885 n'ont pas le droit de pénétrer dans le domicile de l'acheteur pour y rechercher le gibier acheté, ni dans celui du braconnier qui, trompant la vigilance des gardes, a réussi à gagner son logis avec le gibier capturé et transporté en délit.

Mais le juge d'instruction, régulièrement saisi, pourrait, semble-t-il, délivrer un mandat de perquisition à l'effet de faire saisir le gibier et de réunir les preuves de l'infraction dont s'est rendu coupable l'acheteur ou le braconnier, infraction prévue et punie par l'article 12, §§ 1er et 3, et l'article 17, nos 3 et 6, de la loi précitée.

On vient de voir au numéro précédent que la recherche et la saisie peuvent être faites, sur mandat du juge d'instruction, au domicile du particulier qui, en temps prohibé, recèle ou détient du gibier pour le compte des marchands ou trafiquants.

275. Si le particulier, au lieu d'avoir acheté le gibier pour sa consommation personnelle, l'avait reçu en cadeau d'un chasseur ou même d'un braconnier qui est venu le lui

apporter dans sa maison, aucune visite domiciliaire ne pourrait avoir lieu chez lui. La loi ne punit, en effet, que l'achat de gibier en temps d'interdiction de la chasse ou la détention de gibier pour le compte de marchands (L. 1885, art. 12, §§ 1er et 2, et art. 17-6°; KEUCKER, p. 143, n° 21).

276. La recherche du gibier, en temps prohibé, peut être faite à domicile non seulement chez les aubergistes et marchands de.comestibles, mais encore dans tous les lieux ouverts au public (art. 12), tels que halles et marchés, rues ou chemins publics, et les agents chargés de la police de la chasse peuvent, dans ce dernier cas, sommer tous particuliers qu'ils soupçonnent de se livrer à un acte délictueux de transport ou de colportage d'avoir à laisser visiter leurs voitures et charrettes, ainsi que les hottes, paniers ou autres objets équivalents dont ils sont porteurs (Voy. Trib. corr. de Dax, 12 juillet 1899, Gaz. du pal., 99, 2, 228).

277. Mais ces agents ont-ils le droit de pratiquer la fouille ou visite des personnes, chasseurs ou autres, pour s'assurer s'ils transportent du gibier en violation de l'article 12? Aucune disposition de la loi sur la chasse ne leur confère pareil pouvoir, et les travaux préparatoires ne fournissent pas d'indication permettant de répondre d'une manière catégorique. Des deux opinions qui se sont manifestées, l'une est pour la négative, exigeant en tout cas le mandat du juge pour la recherche sur les personnes (DALLOZ, Code forestier, p. 796, nos 216 et 219), l'autre, la plus accréditée, tient pour l'affirmative (DALLOZ, vo Chasse, no 226 in fine; DALLOZ, Code forestier, p. 796, nos 216 à 218 et 249). Citons, dans le sens de cette opinion, M. KEUCKER, p. 143, nos 23 à 26. « La recherche », dit-il, peut avoir lieu sur les voyageurs, voire sur le simple par

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ticulier, tant qu'il se trouve au dehors et n'est pas protégé par l'inviolabilité de son domicile. Mais pour que l'exécution de la loi ne devienne pas vexatoire, il prend soin de. recommander aux agents de procéder dans ces cas avec une circonspection extrême et de s'abstenir lorsqu'il n'existe pas de présomptions graves de fraude. » Il s'agit, dans le passage cité, de la visite des objets portés extérieurement, tels que hottes et paniers, et aussi, semble-t-il, de la fouille des vêtements des personnes soupçonnées de transporter du gibier en violation de l'article 12.

278. — La loi sur la chasse du 7 juillet 1845 déclarait punissables les individus trouvés munis (') ou porteurs (2), hors de leur domicile (3), de filets, engins ou autres instruments de chasse prohibés; elle n'incriminait pas la détention à domicile de ces engins. La loi du 19 mai 1885 a comblé cette lacune en édictant des peines non seulement contre ceux qui seront trouvés munis ou porteurs d'engins prohibés hors de leur domicile, mais encore contre ceux qui en détiennent à domicile (*).

279. Dans quelles conditions la recherche des engins de chasse prohibés peut-elle être faite à domicile? «S'il y a flagrant délit ", dit M. KEUCKER (p. 297, no 20), « par exemple si un braconnier a été vu dans un champ, sur une route, porteur d'instruments de chasse prohibés, son entrée dans une maison ne le mettrait pas à l'abri des poursuites des agents qui l'auraient vu; les agents pourraient, avec l'assistance d'un officier de police judiciaire auxiliaire du procureur d'État, pénétrer dans cette maison et y saisir les engins dont le délinquant a été vu porteur » (C. instr. cr.,

(1 et 2) KEUCKER, p. 293, no 15.

(3) KEUCKER, p. 297, n° 21.

(4) Rapport de la section centrale du 31 janvier 1885.

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art. 16 ('). A plus forte raison, le droit de procéder immédiatement et de faire des perquisitions domiciliaires

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(1) Contra: Trib. de Tulle, 2 mars 1857 (D. P. 1859, 2, 205): Attendu, porte le jugement du tribunal de Tulle, que le procès-verbal, dressé le 2 février par les gendarmes de Beaulieu, constate que, pour s'assurer si le sieur Baptiste Vergne avait commis un délit de chasse ce jour-là, s'il y avait identité entre lui et un chasseur qu'ils avaient aperçu, ces gendarmes se sont introduits dans un bâtiment dépendant du domicile de l'inculpé, et ont conduit cet inculpé, qui refusait de dire son nom, devant le maire de la commune; Attendu que les gendarmes, pour constater un délit ou arrêter un prévenu, n'ont le droit de s'introduire dans le domicile d'un citoyen qu'en vertu d'un mandat régulier de justice; - Attendu que les gendarmes de Beaulieu, en poursuivant un chasseur jusque dans l'intérieur du domicile de Vergne et en conduisant celui-ci devant le maire de la commune, ont commis un abus d'autorité contre lui, puisqu'ils n'étaient porteurs d'aucun mandat de justice qui pût les autoriser à agir ainsi; - Attendu que cet abus d'autorité entache d'une nullité radicale et absolue le procès-verbal dressé contre Vergne; Attendu qu'en dehors de ce procès-verbal il n'existe aucune preuve légale du fait de chasse reproché à Vergne, qui affirme n'avoir pas commis ce délit; - Attendu que le ministère public n'offre pas de produire d'autres témoins que les gendarmes eux-mêmes pour suppléer à la nullité de leur procèsverbal; Attendu que les constatations énoncées dans le procèsverbal ayant été illégalement faites ne pourraient pas perdre ce caractère d'illégalité, parce qu'elles seraient verbalement rapportées à l'audience; qu'ainsi aucune preuve légale du délit reproché à Vergne n'étant ni administrée ni offerte, il y a lieu de renvoyer ce prévenu de la prévention, etc.

-

Le jugement du tribunal de Tulle a été réformé par arrêt de la cour de Limoges en date du 30 avril 1857. Il n'y a pas lieu, dit l'arrêt, de considérer en l'espèce l'introduction des gendarmes dans le séchoir de Vergne comme constituant une violation de domicile, car les gendarmes se sont introduits sans aucune espèce de protestation ni opposition de sa part. L'arrêt semble admettre que, par application de l'article 16 du code d'instruction criminelle, les gendarmes, considérés comme agents de la police judiciaire, peuvent s'introduire dans les maisons, ateliers, bâtiments, cours adjacentes et enclos, en présence du juge de paix ou de son suppléant, du commissaire de police, du maire ou de son adjoint. De sorte qu'il n'y a violation de domicile qu'au cas où les gendarmes ont pénétré contre le gré du citoyen dans le domicile de celui-ci, sans être porteurs de mandat de justice ou sans être régulièrement assistés (D. P. 1859, 2, 205).

appartient-il, en cas de flagrant délit, aux officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur d'État. Si donc l'un de ces magistrats voyait un braconnier rentrer chez lui porteur d'engins prohibés, il pourrait l'y suivre pour constater le délit » (DALLOZ, Code forestier, p. 844, nos 179-182, et p. 860, nos 39 et 40).

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280. Dans les autres cas, notamment de délits non flagrants ou de détention à domicile d'engins prohibés n'ayant jamais été portés au dehors ou n'ayant jamais servi à commettre un délit de chasse, c'est le droit commun qui reçoit son application. Il faut donc un mandat du juge d'instruction pour faire une perquisition soit au domicile du délinquant ou du détenteur des engins défendus, soit dans la maison tierce où ces engins ont été transportés (').

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281. Quant aux individus trouvés munis ou porteurs, hors de leur domicile, de filets, engins ou autres instruments de chasse prohibés, peuvent-ils être fouillés et faut-il, pour la recherche sur leur personne, observer les règles protectrices du code d'instruction criminelle, ou bien les agents chargés de la police de la chasse sont-ils autorisés à procéder à la visite, sans être astreints à l'observation de ces règles?

Dans un premier système, on conteste aux agents le droit de pratiquer la fouille, à moins qu'ils n'agissent en vertu d'un mandat du juge d'instruction (DALLOZ, Code forestier, p. 844, nos 158 et 160).

D'après un autre système, ce droit leur appartient de par la loi sur la chasse, mais seulement à l'égard des délinquants ou autres individus gravement soupçonnés de port d'engins prohibés et non munis d'armes (*) (DALLOZ, Code

(1) DALLOZ, Code forestier, p. 844, nos 165, 167 à 175, et 857, no 69; Metz, 5 mars 1845.

(2) Voy. infra, no 284.

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