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et le prince Alexandre Suzzo, nommé peu de jours après à la dignité d'hospodar, qu'il avait déjà remplie deux fois antérieurement, reçut à ce sujet les félicitations du ministre de Russie.

Outre les réclamations de la Russie relativement au traité de Bucharest, et celles de la France et de l'Autriche relativement aux affaires des catholiques en Asie, la Porte en avait reçu d'autres relativement aux pirateries des barbaresques. Elle s'était engagée par ses derniers traités avec la Russie et l'Autriche, à dédommager leurs sujets des pertes qu'ils pourraient éprouver de la part des corsaires barbaresques; elle étendit cette faveur aux Prussiens, et la notifia par un firman exprès au dey d'Alger, qui ordonna en conséquence à ses sujets de s'abstenir de toute voie de fait contre les bâtimens prussiens.

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Ce dernier gouvernement avait passé des mains du féroce AlyHodja, mort de la peste le 1er mars 1818, dans celles de Koja de Cavallo, qui, bien que l'un de ses ministres, prit tout à son arrivée au pouvoir un système tout opposé à celui de ses prédécesseurs. Il mit en liberté et dota d'une forte somme d'argent des filles juives ou chrétiennes, qu'Aly-Hodja avait fait enlever et renfermer au harem; il donna 35,000 dollars en indemnité des déprédations exercées sur un navire sarde, dont la cargaison avait été pillée et l'équipage fait esclave; mais il est juste de remarquer que cette satisfaction fut donnée à l'arrivée d'une frégate et d'une goëlette anglaises, chargées de porter au nouveau dey la menace d'une correction plus sévère que celle de 1816.

Au surplus, la peste avait étendu ses ravages sur toutes les côtes de Barbarie jusqu'à Maroc, où il n'était permis de l'appeler que la fièvre; et, grâce à la résignation stupide des musulmans, à ce qu'ils regardent comme un châtiment du ciel, l'Italie, la France méridionale et surtout l'Espagne, furent toute l'année dans la terreur d'un fléau dont il était plus difficile de se défendre que des pirateries.

CHAPITRE V.

ITALIE. Mesures prises pour réprimer les brigandages,

concordat entre la

cour de Naples et le saint Siége, — administration intérieure des Deux-Sicirelations extérieures du souverain pontife, session de la diète fédérale,

les,

situation de Rome,

Etat de Sardaigne,

affaires de Suisse,

· rappel des jésuites à Fribourg.

ITALIE. Presque tous les États de l'Italie méridionale sont, comme la Sicile, désolés depuis trois ans par des brigands contre lesquels les recherches de la police, la sévérité de la justice et l'intelligence même des gouvernemens sont impuissantes. Par une convention arrêtée le 4 juillet 1816, et prorogée en 1818, les cours de Rome et de Naples avaient autorisé les commandans militaires chargés de la police des routes, à passer les frontières respectives pour poursuivre les brigands qui infestent leurs provinces limitrophes. On a tour à tour usé envers ceux-ci de la plus grande indulgence, et des plus rigoureux châtimens. Quelques-uns même, les Bardarelli, à qui l'on avait accordé leur grâce et donné du service dans la gendarmerie, ont abusé de cette confiance, ou plutót de cette faiblesse, pour recommencer leurs brigandages et sauver leurs complices. Cette trahison donna lieu à de véritables combats entre eux et la cavalerie employée pour les soumettre. Dans les États romains, ces bandes paraissaient se lier à des associations plus étendues, répandues dans la Romagne et les Marches, restes de la conjuration des Carbonari, dont quelques chefs furent saisis en 1817, condamnés à mort le 6 octobre 1818, par une cour criminelle ecclésiastique, sous la présidence du cardinal Pacca, et obtinrent encore, de la clémence du saint Père, une commutation

de peine.

L'histoire des Deux-Siciles offre cette année quelques actes à remarquer. Le premier, par sa date comme par son importance, est le concordat négocié à Terracine et signé le 16 février, sur le plan rédigé jadis, dit-on, par feu l'abbé Guidi. On y a stipulé la reconnaissance exclusive de la religion catholique, apostolique et romaine dans le royaume des Deux-Siciles, comme de ses droits et

prérogatives;

l'enseignement des universités et la censure des

livres, confiés aux ecclésiastiques; -une nouvelle circonscription de diocèses; -les dotations des menses épiscopales dont la moindre doit être de 3,000 ducats (12,800 fr.); la ratification des ventes de domaines ecclésiastiques faites, soit par le gouvernement militaire, soit par celui de Sa Majesté; la restitution des biens non vendus à l'Église; la promesse de rétablir le plus grand nombre de maisons religieuses qu'il sera possible de doter, et que si le malheur des temps ne permet pas d'exempter les ecclésiastiques des impôts et autres charges publiques, la réserve d'accorder au clergé des faveurs dans des circonstances plus heureuses... En considération des avantages résultans pour l'Église de ce concordat, S. S. accorde à S. M. la faculté de nommer aux archevêchés et aux évêchés, à l'égard desquels le roi n'avait pas encore ce droit, et prescrit aux archevêques et évêques un serment par lequel ils jurent obéissance et fidélité à S. M., et promettent de n'avoir aucune communication, de n'intervenir dans aucune réunion, de ne conserver ni en dedans ni en dehors du royaume, aucune liaison suspecte qui puisse nuire à la tranquillité publique, et de révéler à S. M. tout ce qu'ils apprendraient de trames nuisibles à l'État.

La publication de ce concordat fut accompagnée de quelques décrets qui semblaient en modifier les dispositions trop favorables aux prétentions de la cour de Rome; mais, de son côté, le saint Siége publiait des bulles où ces avantages étaient développés, et il était à craindre que les esprits religieux ne fussent embarrassés entre le respect dû aux bulles et l'obéissance commandée par les édits.

Le second acte diplomatique à citer, est le traité conclu le 28 février avec la France, dont nous avons parlé au chapitre de cette puissance.

Il faut rendre au gouvernement napolitain cette justice, qu'au milieu des passions et des intérêts qu'une révolution met en mouvement, il avait, en plusieurs circonstances, montré des dispositions à concilier les esprits, à mettre à profit les leçons de l'expérience et du malheur, à suivre dans ses institutions le progrès des lumières et les besoins de la société. On peut compter au rang des mesures

les plus sages, l'ordre que le roi donna de ne plus rappeler dans les pétitions les services rendus à la cause royale dans les guerres civiles, et l'édit qui détermine le mode de succession des biens cidevant féodaux en Sicile, sur le principe et les bases de la succession des biens allodiaux, et l'abolition, à quelques exceptions près, des fidéicommis qui mettaient toute la propriété foncière de ce royaume entre les mains de quelques individus.

En même temps qu'elle prenait cette mesure si favorable à l'agriculture, S. M. Sicilienne voulant maintenir la splendeur des familles nobles, a cru qu'on ne pouvait mieux atteindre ce but que par l'institution des majorats limitée par de sages règlemens. En conséquence, l'ordonnance rendue à cet égard ( août), porte que la permission royale de fonder un majorat ne sera accordée qu'à des individus inscrits au livre d'or ou sur d'autres registres de noblesse, conformément aux dispositions qui seront déterminées dans une loi sur la noblesse, et la quantité des biens formant le majorat ne pourra excéder le revenu annuel imposable de 24,000 ducats (102,000 fr.), ni être au-dessous du revenu de 4,000 ducats (17,000 fr.) Les fils cadets d'un titulaire de majorats auront droit à une pension alimentaire, et les filles à une dot proportionnée au rang de leur père.

Mais avant de donner ces prérogatives à la noblesse, on lui avait retiré des priviléges plus solides, désavoués par l'esprit du siècle, en supprimant les justices seigneuriales et communales, à la place desquelles un édit du 9 mai a créé les cours royales et des tribunaux organisés comme en France : le succès de cette institution a déterminé le gouvernement à en étendre les bienfaits au territoire au delà du Phare, c'est-à-dire en Sicile, où les pouvoirs judiciaires sont supprimés, à compter du 1er janvier 1819, et remplacés par des commissions royales qui en exerceront les fonctions en attendant la publication des nouveaux codes, et l'introduction complète du nouveau système judiciaire.

ROME. En examinant la nature et la prolongation des désordres qui désolent les États romains, des observateurs n'ont pas hésité à les attribuer au replacement de la police dans les mains des ecclé

siastiques; c'est l'esprit du gouvernement pontifical, où l'on compte vingt et une congrégations chargées des différentes branches de l'administration publique.

D'ailleurs cette police n'est rien moins que vexatoire, elle s'exerce plus sur les écrits que sur les hommes. Le peuple de Rome est moins sensible à la durée des malheurs des provinces qui l'avoisinent qu'à la conservation des monumens des arts qui attirent dans cette capitale du monde chrétien tant d'illustres étrangers. L'inquisition n'y existe que pour mettre des livres à l'index. Toutes les sectes, tous les partis, tous les proscrits étrangers y trouvent asile. La famille de Napoléon, son oncle, sa mère, deux de ses sœurs et deux de ses frères vivent environnés de la considération publique dans cette ville, où la famille royale d'Espagne a fixé sa résidence. Charles IV y reçut cette année au mois d'août, la visite du roi des Deux-Siciles son frère, avec lequel il alla ensuite à Naples. Les fêtes données à cette occasion et l'entrée triomphale du sénateur Corsini, occupèrent plus les Romains que les mesures prises pour la répression des brigandages qui se commettent impunément à leurs portes.

On a observé ou l'on observera dans le tableau historique des divers États, avec qu'elle opiniâtreté la cour de Rome renouvelait ses anciennes prétentions, comme elle essayait d'étendre son influence et son pouvoir au moyen des concordats, quelle faveur ou quelle opposition elle éprouvait, suivant l'esprit des peuples ou le caractère des souverains. avec lesquels elle avait à traiter. L'Allemagne opposait plus de résistance à ses prétentions par le mélange des cultes et l'habitude de la tolérance. L'Autriche résistait plus efficacement que tout autre aux entreprises pontificales, par le caractère calme et patient de sa politique. Toute l'histoire de Rome est dans ces débats, et celle de l'Italie entière n'offre guère plus de mouvement. Les provinces autrichiennes gémissent sous le poids des impôts qui occasionent annuellement une exportation de numéraire considérable. Le commerce et la marine de Venise ont été sacrifiés à la ville de Trieste. Les États de Florence et de Parme jouissent d'une administration plus paternelle, celui de Lucques,

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