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heur, une nouvelle dynastie sortie des rangs du peuple. Ensuite, ajoute Sa Majesté, l'histoire a des enseignements que je n'oublierai pas. Elle me dit, d'une part, qu'il ne faut jamais abuser des faveurs de la fortune; de l'autre, qu'une dynastie n'a de chance de stabilité, que si elle reste fidèle à son origine en s'occupant uniquement des intérêts populaires pour lesquels elle a été créée. »

Des actes d'amnistie devaient être la conséquence naturelle d'un aussi heureux événement que la naissance du Prince impérial. Un décret, en date du 20 mars, accorde pleine et entière rémission pour tous les délits et contraventions en matière de police, d'inscription, de navigation et de pêches maritimes, commis antérieurement à sa publication. Presque en même temps (20 mars), on put lire dans le journal du gouvernement une Note relative à une autre et plus importante catégorie de condamnés ou de contumaces. « L'Empereur, portait cette Note, s'est fait rendre compte du nombre et de la situation des individus retenus encore en Algérie ou à l'étranger par suite de mesures politiques.

A la suite des événements de juin 1848, onze mille personnes avaient été condamnées, sous la république, à la transportation en Algérie ; par la clémence du Président, il ne reste plus en Afrique que trois cent six.

En décembre 1851, onze mille deux cent un individus durent être transportés ou expulsés; les grâces accordées par l'Empereur en ont réduit le chiffre à mille cinquante-huit.

A l'occasion de la naissance du Prince impérial, Sa Majesté décida que l'autorisation de rentrer en France serait accordée à tous ceux qui déclareraient se soumettre loyalement au gouvernement que la nation s'est donné, et s'engageraient d'honneur à en respecter les lois. Déjà, lors de l'inauguration de l'Empire, ce généreux appel avait été fait; l'Empereur ordonnait qu'il fût répété de nouveau. Il n'y aurait plus désormais hors le sol de la patrie, que ceux qui se seront obstinés à méconnaître la volonté nationale et la monarchie qu'elle a fondée. »

Après cette déclaration presque officielle, on pouvait espérer que le jour viendrait où le plus entier oubli, un oubli sans con

dition, passerait l'éponge sur les dernières traces de nos discordes civiles.

Une souscription nationale ouverte pour offrir à l'Impé ratrice et au Prince impérial un témoignage de gratitude et de dévouement, ayant été promptement couverte, les présidents des divers comités organisés pour en régulariser l'emploi, adressèrent, le 15 mai, au ministre de l'intérieur une lettre où, après lui avoir rendu compte de l'empressement avec lequel les listes s'étaient remplies (600,000 signatures en quelques jours, et une somme de plus de 80,000 francs avec un chiffre de souscription limité entre cinq et vingt-cinq centimes), ils exprimaient le désir « que Sa Majesté daignât indiquer la destination qu'elle voudrait voir donner à leur modeste souscription, et leur permît de déposer à ses pieds les listes contenant les noms des souscripteurs comme un témoignage sincère des vives sympathies que sa gracieuse bonté et son noble caractère lui ont acquise au sein des populations. »

Le ministre de l'intérieur (M. Billault) répondit (20 mai) aux auteurs de cette lettre que... « l'Impératrice acceptait avec gratitude ces volumes de signatures, éloquent témoignage des sentiments d'affection de la population parisienne; mais quant aux sommes produites par la souscription, vous lui permettrez, continuait le ministre, d'en faire comme des 600,000 fr. votés lors du mariage par le conseil municipal, une œuvre de bienfaisance pour les enfants du peuple. Patronne des sociétés de charité maternelle et des salles d'asile, elle désire placer, sous le patronage de son fils, les pauvres orphelins. Elle veut que le malheureux ouvrier, enlevé prématurément à sa famille, emporte du moins en mourant la consolante pensée, que la bienveillance impériale veillera sur ses enfants. Mais il ne s'agit pas seulement de leur assurer la ressource ordinaire d'une maison de refuge, l'Impératrice a puisé dans son cœur une idée plus touchante Sous le patronage du Prince impérial, une commission permanente et gratuite, présidée par le ministre de l'intérieur, recherchera en même temps dans Paris, et les orphelins et les honnêtes ménages d'ouvriers, qui, moyennant une subvention annuelle, voudront prendre chez eux ces pauvres en

fants, leur donner une nouvelle famille et l'apprentissage d'un état. » Le ministre faisait ensuite remarquer avec raison, que cette œuvre profiterait presque autant à la famille adoptive qu'à l'orphelin qui lui serait confié, et l'Impératrice aurait ainsi réalisé la pieuse pensée de donner à ces pauvres petits êtres que la mort a privés de leur soutien, non pas l'abri d'un hospice, mais l'appui, l'affection, les soins d'une nouvelle famille. A son tour l'Empereur ajouterait sur sa cassette, au revenu annuel de la souscription, placé en rentes sur l'Etat, les 30,000 francs nécessaires pour que cent orphelins au moins soient toujours ainsi patronés. Le ministre terminait en exprimant la juste pensée, que les souscripteurs seraient unanimes à applaudir à cette transformation en un bienfait, de la manifestation de leur dévouement; que les enfants si maternellement secourus se souviendraient qu'ils le doivent à l'ingénieuse bonté de l'Impératrice; qu'ils reporteraient tout naturellement leur affection vers le jeune prince dont le berceau les protégeait déjà; enfin que cette bonne œuvre à laquelle l'Empereur s'associait si largement, resterait au milieu des populations ouvrières comme un nouveau et vivant témoignage de son incessante sollicitude pour les souffrances du pauvre.

C'est le 14 juin qu'eut lieu le baptême du fils de l'Empereur. Dès le 6 juin, le cardinal Patrizi, légat a latere du pape Pie IX, et chargé de représenter Sa Sainteté au baptême du prince, était arrivé à Marseille, où il reçut les honneurs militaires et où l'attendait le maître des cérémonies de l'Empereur. Sur sa route, puis à Paris, le représentant du Saint-Siége fut l'objet des hommages dus à son rang et à son caractère. Reçue le 13 juin par Napoléon III, Son Eminence présenta au fils aîné de l'Eglise le bref pontifical, et adressa à Sa Majesté une allocution en latin. L'Empereur fit au cardinal la réponse suivante : « Je suis très-reconnaissant envers Sa Sainteté le Pape Pie IX de ce qu'il a bien voulu être le parrain de l'enfant que la Providence m'a donné. En lui demandant cette grâce, j'ai voulu attirer d'une manière particulière sur mon fils et sur la France la protection du ciel; je sais qu'un des moyens les plus sûrs de lá mériter, c'est

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de témoigner de toute ma vénération pour le Saint-Père, qui est le représentant de Jésus-Christ sur la terre. >>

On comprend que la cérémonie du baptême fut une solennité grandiose et en tout digne de l'auguste neveu du fondateur du premier empire. On trouvera plus loin (Chronique) les détails, qui ont un caractère plus religieux que politique. Notons seulement ici que le cardinal-légat procéda au complément des cérémonies du baptême, suivant les rites du cérémonial religieux, le Prince impérial ayant déjà été ondoyé. « On a remarqué, dit le Moniteur, le vase du baptême, qui est en cuivre, damasquiné et niellé, du plus beau style persan de la fin du x1° siècle. Une tradition, qui s'est pieusement conservée, veut que saint Louis l'ait rapporté des croisades et que les enfants du saint roi y aient été baptisés. »

Pendant la suite de la cérémonie, l'Empereur, debout, tenait l'enfant impérial sur ses bras et le présentait aux assistants. La bénédiction pontificale, donnée par le cardinal-légat, termina une cérémonie dont l'Empereur eût voulu consacrer les dépenses au soulagement des départements en proie, presque à la même époque, au fléau désastreux des inondations. Les préparatifs étaient trop avancés pour que son désir pût être utilement réalisé. Mais si, en cette occasion, le chef de l'Etat ne put obéir au vœu de son cœur, disons tout d'abord qu'il fit tout ce qui était en lui pour soulager tant d'infortunes; qu'il alla porter de sa personne des secours et des consolations aux victimes de ces désastres. On verra plus loin (Chronique) les détails de ces calamités locales; qu'il suffise de reproduire ici la part personnelle prise par le souverain, aux souffrances dont il voulut par luimême s'assurer. Dès la fin de mai, des pluies considérables avaient fait croitre les grands cours d'eau du midi et du centre de la France: l'Allier, la Loire, la Garonne, et bientôt d'autres fleuves et rivières, grossirent, puis débordèrent presque en même temps.

Il serait difficile de reproduire tant de malheurs privés que la charité du gouvernement, aussi bien que celle des particuliers, ne pouvaient que soulager sans y remédier pleinement. A la première nouvelle, dès le premier juin, l'Empereur partait pour

Lyon. Arrivée (2 juin) dans le chef-lieu du Rhône, S. M. visita les parties de la ville le plus violemment atteintes par l'inondation. « Dans ce long trajet, l'Empereur a dû traverser cons» tamment à gué plusieurs parties des chaussées encore cou> vertes par les eaux..... » Sa Majesté, profondément émue, a >> distribué personnellement de nombreux secours aux victimes »» de l'inondation qui se pressaient en foule autour d'elle. » (Le Moniteur.)

C'est principalement sur le cours Morand, encombré de familles d'inondés et de débris de mobilier sauvés à la hâte de Ja fureur des eaux, que ce libérateur inattendu fut accueilli avec un enthousiasme des plus vrais et des plus touchants, au retour des Charpennes surtout, dont le bourg aux trois quarts écroulé et encore à demi noyé lui avait présenté un spectacle de désolation lamentable.

Napoléon, très-pâle et les larmes aux yeux, s'approchait de ces groupes de victimes qui se pressaient sur son passage et commandait spécialement de laisser venir à lui toutes les pauvres femmes qu'il voyait entourées d'enfants, et à chacune il distribuait libéralement, à titre de secours provisoire, l'or qu'il puisait à pleine main dans un sac de cuir pendu à la selle de son cheval. » Nous trouvons des détails non moins touchants sur ce voyage de l'Empereur, dans la lettre d'un témoin oculaire : « Il (l'Empereur) s'est porté partout, y lit-on, traversant les nappes et les courants, ayant de l'eau parfois au-dessus du poitrail de son cheval.... L'Empereur était visiblement ému; il contemplait tant de désastres avec une impression de tristesse profonde. Les larmes roulaient dans ses yeux, et à plusieurs reprises elles ont jailli de ses paupières et coulé sur son visage. L'Empereur était sans gardes et sans suite pour ainsi dire, au milieu de ces malheureux. De pauvres femmes, de petits enfants se pressaient autour de son cheval. L'Empereur s'arrêtait avec une bonté et une douceur extrême; il paraissait de préférence se porter vers les plus faibles et les plus abandonnés. Tous les autres théâtres des inondations recurent de même la visite du souverain et se ressentirent de ses bienfaits. D

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