Page images
PDF
EPUB

N° 28

LES PONTS DE CONSTANTINE

LE PONT DE SIDI RACHED

PAR

M. BOISNIER, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées.

Planches 16 à 18.

Considérations générales

Topographie de la ville. La ville de Constantine est un véritable nid d'aigle juché sur un rocher dont deux côtés sont bordés par le Canon profond du Rhumel, et dont les autres présentent des escarpements parfois plus inaccessibles que ceux que longe la rivière (fig. 1, pl. 16).

Seul le côté Sud est rattaché au reste de la terre par une sorte d'isthme, bas et étroit, qui, dans les temps anciens constituait l'unique entrée de la ville.

Les Romains, qui ont doté

Ponts de l'époque romaine. l'Europe et l'Afrique de tant d'oeuvres grandioses, avaient construit sur le Rhumel trois ponts qui reliaient « Cirta » au faubourg auquel nous continuons de donner le nom arabe « d'El Kantara » (qui signifie « le Pont »).

[ocr errors]

L'un de ces ponts subsiste encore, ou du moins a subsisté jusqu'en 1865, c'est celui qui est situé à la pointe Est de la ville et que l'on désigne sous le pléonasme de « pont d'El Kantara ». Pour l'établir les Romains avaient utilisé une voûte naturelle sur laquelle le torrent s'est frayé un passage, et les piles intermédiaires

de l'ouvrage sont assises non pas sur le calcaire stratifié, mais sur le travertin qui forme l'arche naturelle en question.

En 1865, comme le pont menaçait ruine, on le démolit en partie, et l'on construisit un pont en fonte, très beau et très hardi pour l'époque, en arc de 57,40 de portée.

-

Tout à fait à l'amont de la gorge, à la pointe Sidi Rached, on voit très distinctement sur la rive droite non seulement le béton qui formait le corps de la culée, mais aussi les gradins pratiqués dans le rocher pour y asseoir les trois parements Sur la rive gauche, des assises en pierre de taille dont les extrémités profilent les parements latéraux de la rive droite sont évidemment les restes du piédroit opposé.

La distance entre les deux parements est de 22m,50.

C'est donc par une voûte de cette ouverture que les Romains avaient franchi le ravin en ce point, et l'ouvrage devait s'élever à 60 mètres au-dessus de l'abîme.

Le pont avait 7,70 de largeur.

Au milieu de l'intervalle compris entre Sidi Rached et El Kantara, on trouve enfin les deux culées d'une arche de 14,50 d'ouverture, qui servait nécessairement de support à un viaduc supérieur dont le niveau était à la hauteur des escarpements de rives, et qui dans ces conditions devait être la principale voie de communication entre les deux rives.

[ocr errors]

-

Quelques voyageurs, notamment Henri Fournel, Ingénieur en Chef des Mines dans son livre « Richesses minérales de l'Algérie », ont, je le sais, émis l'idée que ces deux derniers ponts dont on ne voit que les vestiges n'auraient en fait jamais été achevés, et que les Romains auraient été impuissants à triompher des difficultés inhérentes à la construction d'un cintre sur un ravin aussi profond.

Mais lorsqu'on étudie le grand aqueduc que nos prédécesseurs en Afrique avaient su élever par dessus la même vallée du Rhumel pour amener l'eau potable à Constantine, lorsqu'on se rend compte que cet aqueduc devait avoir environ 70 à 75 mètres de hauteur, et qu'il servait de support à un siphon dont la charge atteignait aussi

environ 70 metres (1), on est obligé d'admettre qu'un peuple qui avait osé entreprendre une œuvre aussi gigantesque avait trouvé le moyen de faire dos cintres de 22m,50 de portée sur un ravin, même aussi escarpé que l'est celui du Rhumel.

Projet de construction de deux nouveaux ponts. - Or donc, tandis que les Romains avaient trois ponts pour accéder dans la ville de Cirta », nous, leurs successeurs, n'en avons encore qu'un seul.

Cette situation, admissible tant que le commerce était peu développé et la région peu colonisée, est devenue vraiment intolérable depuis quelques années.

Le pont d'El Kantara et la rue Nationale, seules voies de communication entre la ville et la gare, ne peuvent plus suffire à la circulation et sont littéralement encombrées par les voitures et les chargements de toutes sortes.

C'est pour remédier à cet état de choses que, depuis plus de 15 ans, le Conseil municipal et le Conseil général n'ont cessé de demander à la Colonie la construction d'une seconde voie de communication entre la ville et la gare.

Après bien des hésitations et des atermoiements dus, partie à l'élévation de la dépense, partie aux fluctuations de la politique, on finit par décider l'ouverture de la nouvelle route tant réclamée et la construction d'un deuxième pont sur le Rhumel vers la pointe de Sidi Rached.

Plusieurs tracés avaient été étudiés et ont fait l'objet d'avantprojets comparatifs.

La solution qu'on a adoptée, de préférence au tracé plus court qui aurait traversé le quartier indigène par son milieu pour se diriger presque en droite ligne sur la gare des voyageurs, a été choisie et arrêtée sur les propositions de M. Godard, alors Ingénieur en Chef, — parce qu'elle présentait le double avantage de

(1) Je compte plus tard rédiger une note sur cet aqueduc dont les dimensions dépassaient de beaucoup celles du pont du Gard, et indiquer, ce qui est particulièrement intéressant, le procédé qu'employaient les Romains pour construire un siphon à grande charge.

conserver à la ville arabe le caractère original qui la rend si curieuse et si intéressante pour les étrangers, et aussi d'éviter le dommage qu'aurait causé au commerce de la région l'exode de deux ou trois mille indigènes, qui, étant expropriés, auraient dù émigrer soit à Tunis, soit même en Syrie, pour retrouver le milieu dans lequel ils aiment à vivre.

Quelques années après l'approbation définitive de ce deuxième pont, le département de Constantine se résolvait à compléter, — avec l'aide de la Colonie et de la Commune, l'œuvre entreprise, et, sur l'initiative de M. l'Ingénieur en Chef Raby - adoptait l'avantprojet d'un troisième pont sur le Rhumel, destiné celui-là à desservir la ville haute et à la relier à Sidi M'cid et à l'hôpital civil.

PONT DE SIDI RACHED

CHAPITRE I

Description générale.

Plan et profil en long. Disposition générale du Viaduc. Le deuxième pont sur le Rhumel, baptisé maintenant « PONT SIDI-RACHED » du nom du marabout voisin de la grande arche, est un viaduc en maçonnerie de 447 mètres de longueur composé de vingt-sept arches: treize de 8m,80 d'ouverture, huit de 9m,80, quatre de 16 mètres, une de 30 mètres et enfin une de 70 mètres (pl. 16). En plan le viaduc comprend deux courbes de 50 et une de 108 mètres de rayon séparées par deux alignements droits.

En profil en long les pentes, toujours dans le même sens, varient de 3 à 35 millimètres.

Les parties en courbe de 50 mètres sont en pente de 30 millimètres et sont formées de voûtes de 8m,80.

Les voûtes de 16 mètres, de 30 mètres et de 70 mètres sont en alignement.

[graphic]

PONT DE SIDI-RACHED. VUE D'ENSEMBLE AMONT.

« PreviousContinue »