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Projets relatifs à l'Amérique.

Lorsqu'une commotion prolongée a ébranlé un grand pays, lorsqu'il a résisté aux attaques dirigées contre lui, lorsqu'il menace encore de résister avec succès, il se forme nécessairement deux opinions sur le traitement à suivre à son égard : l'une n'indique des rigueurs, l'autre en appelle aux effets de tempéramens appropriés aux circonstances. Ce partage d'opinion a eu lieu à l'égard de la France. Les uns voulaient exterminer la révolution avec tous ses adhérens; d'autres, rebutés par l'inutilité des premiers efforts, inclinaient à pactiser avec elle, à lui céder pour en recevoir et pour obtenir d'elle-même de se calmer, en reconnaissance des concessions l'on lui ferait. Il en est de même pour que les colonies. D'un autre côté sont des exterminateurs qui ne voient dans les indépendans que des rebelles, ainsi qu'une continuation de révolutions dont le glaive doit faire justice, exemple et étouffer les germes. De l'autre, on propose de ramener les indé

pendans à la reprise du joug, par l'éloignement de ce qui les blessait, et par la concession de ce que l'on suppose être l'objet de leurs désirs.

Ainsi, l'on à reproduit plusieurs fois le plan proposé par lord Wellesley aux Cortès de Cadix, relativement aux indépendans qui alors ne faisaient que de se montrer. Depuis, on a allégué que les concessions qu'alors on jugeait propres à désarmer lés colonies, n'étaient proposées que dans la vue de dispenser l'Espagne d'envoyer en Amérique des troupes que l'on désirait retenir dans la pé

ninsule contre l'ennemi commun.

Le fonds de tous ces projets revient uniformement à deux points:

1o. La liberté du commerce accordé à l'Amérique, ainsi qu'un mode d'adininistration interieure plus rapprochée d'elle; 2°. la rentrée sous la domination espagnole. Il y à deux choses très-distinctes dans ce plan :

1o. Son contenu;

2o. L'époque dans laquelle il est proposé. Commençons par ce dernier.

Un plan de conciliation présenté en 1812,

à des hommes qui n'avaient pas encore essayé leurs forces, pouvait les affecter tout autrentent qu'il ne le fera après cet essai, et cet essai heureux. Les prétentions suivent les succès. Ceux qui sont maîtres de Buenos-Ayres, du Chili, qui vont l'être du Pérou, et bientôt du reste de l'Amérique méridionale, ne seront pas très-frappés de l'avantage d'obtenir l'exercice des droits politiques, et la liberté du commerce, mais à la condition de rentrer sous les lois de la métropole, lorsque déjà ils jouissent de ces droits et de cette liberté, et qu'ils en jouissent par eux-mêmes, ce qui est le point capital. On ne leur donne rien qu'ils n'aient déjà, et on les fait renoncer à ce qu'ils ont: et quelle est la chose sur laquelle doit porter la renonciation? la plus précieuse de toutes, celle qui à elle seule équivaut à toutes les autres ensemble, qui les produit toutes. En effet, que peut-on, pour les Américains, mettre à côté de l'indépendance? quel équivalent leur offrir pour dit pareil sacrifice? quelle garantie feur donner pour le tems qui suivra celui dé leur nouvelle soumission? Il est bien facile d'insérer dans un traité tout ce que l'on veut :

somme on dit, le papier souffre tout; mais qui explique ce traité? qui le garantit? qui juge les cas litigieux, dont le nombre, toujours si grand, même dans les transactions entre les particuliers, doit, à plus forte raison, l'être bien davantage dans celles de cette nature. Lorsque l'Amérique aura subi la reprise du joug de l'Espagne, celle-ci voudra exercer les droits de la souveraineté, nommer les agens de l'autorité, régler et percevoir les tributs, reviser en Europe une partie des actes et des jugemens émanés de l'Amérique; lorsque la métropole sera en guerre, l'Amérique s'y trouvera-t-elle comprise? les adversaires de l'Espagne consentiraient-ils à reconnaître sa neutralité? Cependant, sans ces attributs de la souveraineté et de l'union sociale, à quoi se rapporteraient et la souveraineté de l'Espagne, et l'union avec l'Espagne? Le roi d'Espagne consentirait-il à ne faire que ressembler aux grands de son pays qui ont des terres et des mines en Amérique, dont ils consomment les produits en Espagne ? Dans ce cas le roi n'aurait qu'un droit de douanes sur les côtes et sur l'extraction des métaux, en y joignant les faibles produits des

impôts que les dépenses locales n'auraient pas absorbés. Quelle bizarre situation! et pendant combien de tems espérerait-on la faire durer? Mais écartons toutes ces suppositions, et prouvons, 1°. que c'est précisément contre cette dégénération de leur système d'indépendance que les Américains sont armés; 2°. que l'Espagne ne pourrait pas maintenir ce nouvel ordre de choses; 3°. qu'il produirait infailliblement le renouvellement de l'indépendance.

Commençons par ce dernier article.

Pourquoi l'Amérique veut-elle être indépendante? parce qu'elle sent qu'elle peut l'être. Est-ce donc que l'on sent le besoin de l'exercice de la majorité, avant d'avoir acquis la force qui est son apanage. Croit-on que cela puisse provenir d'une simple fantaisie? non, assurément: la nature qui a donné la force, est celle qui avertit d'en user; les hommes ne sont là que ses instrumens. L'Amérique entière s'est. soulevée contre l'Espagne : à quelle époque? est-ce lorsqu'elle n'était pas plus pourvue de population que de lumières, lorsque la population européenne avait besoin de celle de l'Espagne contre les indigènes, les habitans pri

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