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d'autre on était Européen, on ne sortait pas du domaine de l'Europe; mais que Saint-Domingue appartîut aux nègres, là se trouvait un intérêt d'une toute autre nature. Il en est de même pour le continent américain. Quelques-unes de ses parties sont très - chargées de nègres: Vénézuéla en comptait six cents mille; s'ils prennent le dessus, armés comme ils le sont, qui ira le leur reprendre?

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L'Europe a mis la plus honorable sollicitude à prévenir la multiplication des nègres par la prohibition de nouveaux apports d'es

claves. Il est au moins aussi digne de son attention d'empêcher la multiplication des empires nègres auxquels on est exposé par tout ce qui se passe en Amérique.

C'est d'après les mêmes règles qu'il faudrait favoriser l'émigration en Amérique.

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Deux puissantes considérations invitent à le faire :

10. La garantie pour l'Europe qui proviendra de l'accroissement de la population européenne en Amérique.

2o. L'accroissement de la consommation des objets du commerce européen, par la confor

mité des goûts de la population avec ceux de l'Europe.

Les sangs sont fort mêlés dans toute l'Amérique espagnole et portugaise. Le Brésil compte plus de quinze cents mille nègres. Vénézuéla en possédait six cents mille. Au Mexique, sur une population de cinq millions d'hommes, les blancs forment le nombre le plus petit. Il y a donc un grand intérêt à multiplier ces derniers, pour contre-balancer les premiers, et se garantir contre eux. Souvent ils ont été en péril : il pourra se renouveler encore, et surtout avec l'égalité des droits politiques attribués à toutes les classes. L'Europe ne doit pas craindre de s'appauvrir par la cession de quelques-uns de ses enfans. Chaque homme transplanté en Amérique consomme des produits de l'Europe, et par conséquent y fait fait produire et naître des producteurs. L'Angleterre ne s'est point dépeuplée par les habitans qu'elle a donnés à l'Amérique de combien de ses habitans celle-ci n'est-elle pas devenue la mère! Boston, Philadelphie ne contribuentils point à peupler Londres et Bristol, en leur commandant sans cesse de nouveaux travaux,

que

poursatisfaire leurs nouveaux besoins.L'Europe est surchargée d'un excédant de population disproportionnée avec ses productions, comme avec les moyens d'occupation qu'elle renferme. Dangereux dans nos climats, où l'oisiveté et le mal-aise les corrompent et les aigrissent, ils seraient de la plus grande utilité sur la terre d'Amérique, dont l'étendue a de quoi les recevoir et les épurer en les occupant. Supposons les émigrés de la Suisse et des bords du Rhin ou trop pressés chez eux, ou fatigués de fournir le théâtre à des guerres qui les ruinent, parviennent à remplir la Crimée, vers laquelle cette émigration prend son écoulement de préférencé lorsque cette population européenne aura remplacé la population tartare, et substitué les goûts européens aux goûts tartares, l'Europe aura-t-elle perdu ces habitans dont elle a l'air de suivre la retraite d'un œil inquiet? Aura-t-elle perdu à substituer une Crimée européenne à une Crimée tartare? Laquelle des deux consommera le plus des produits de l'Europe? Lorsque la Russie peuple la Crimée d'Européens, elle travaille pour l'Európe autant que pour elle-même. Multipliez les Pé

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tersbourg et les Moskow dans les déserts de la Russie, et vous verrez si vous ne multipliez pas les ouvriers de Londres et de Paris, les viguerons de la Champagne, les hommes industrieux de tous les pays. Il en sera de même en Amérique. L'Européen désœuvré chez lui, et vicieux par désœuvrement, devient laborieux en touchant le sol de l'Amérique. C'est la terre du travail, tout y rappelle au travail, et contribue à faire des hommes occupés avec les oisifs d'ailleurs. Dans un pareil ordre de choses, qu'a de mieux à faire l'Europe que d'ouvrir toutes les portes à ceux de ses habitans qui aspirent à changer de séjour, et qui vont établir le sang et les goûts de l'Europe dans les contrées où ils n'ont point encore pénétré, où ils sont en minorité? Les espaces que les émigrés cherchent à remplir; doivent ou rester déserts, ou se couvrir d'une population étrangère à l'Europe et à ses goûts. Dans ces deux cas, c'est comme s'ils n'existaient point pour elle, et les premiers principes de l'ordre colonial prescrivent de ne s'attacher qu'à des populations adonnées à des goûts que l'Europe soit en état de satisfaire,

pour que ces colonies existent pour elle d'une manière fructueuse. Or, c'est ce que doivent produire les émigrations en Amérique, et ce qui doit engager à favoriser ceux qui se dirigent vers cette région.

Ecrits sur la révolution d'Amérique.

Il est bien peu d'événemens qui, par leur grandeur et leur importance, aient été aussi propres que l'est la révolution américaine, à frapper F'attention publique, et à inviter beaucoup d'hommes à s'en occuper. Cependant jusqu'en 1815, cette grande cause paraissait comme oubliée et jetéé à l'écart. L'intérêt des scènes qui avaient lieu en Europe l'éloignement du théâtre des événemens, le défaut d'informations positives avaient fait disparaître ou annullé ce sujet à-peu-près aux yeux de toutle monde. Ce ne fut qu'après le retour de la paix, lorsque la toile s'étant levée comme tout-àcoup, l'Amérique, sortant de sa longue éclipse, apparut avec sa face nouvelle, et que l'on put fixer des regards assurés sur le spectacle qu'elle offrait. Depuis ce tems les écrits sur cette ques

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