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BOOLEAN

30 MAY 1947

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PRÉFACE.

Au moment où le ministère, nommé le 8 août 1829, reçut la mission de soutenir la lutte déplorable qui venait de s'engager entre la royauté provoquée par l'ambitieuse ingrati⚫tude des partis, et l'opinion publique égarée par les passions de la presse et de la tribune, M. le comte de Chabrol-Crousol accepta la responsabilité du département des finances. Cet homme d'Etat, qui, dans sa longue carrière, avait exercé avec distinction les plus hautes fonctions de la magistrature et de l'administration publique, se proposa, dès sa rentrée dans les affaires, de désarmer, autant que possible, les préventions hostiles par la droiture de ses actes, par l'observation des lois et par des mesures d'intérêt général; enfin, de ramener les esprits à la modération et à la justice par la franchise de ses explications et par une entière manifestation de la vérité sur les finances.

J'étais alors le plus ancien des directeurs du ministère, le seul qui, sous l'Empire et sous la nouvelle monarchie, eût été longtemps associé, par la confiance des ministres successifs, aux réformes et aux améliorations qui avaient déjà procuré l'ordre dans la comptabilité, la simplification dans le mécanisme administratif, l'économie dans les dépenses, l'abondance dans les revenues, ainsi que les ressources fécondes

du crédit de l'Etat. Je fus donc conduit par mon travail de chaque jour à retracer à ce nouvel administrateur de la fortune publique les utiles résultats obtenus par ses devanciers pour reconquérir la prospérité de notre belle France, après les plus rudes épreuves de sa gloire et de ses revers.

C'est à la suite de ces entretiens dans lesquels M. le comte de Chabrol se fortifiait des renseignements indispensables à la défense du budget, avant l'ouverture d'une session législative très-menaçante, que cet homme de bien conçut la noble pensée de publier un exposé fidèle de toutes les parties de l'organisation de son ministère et de présenter à la nation l'état au vrai de ses finances.

C'est alors aussi qu'il s'imposa, pour la bonne exécution de ce grand devoir, la tâche laborieuse de présider lui-même les différentes commissions spéciales appelées à l'éclairer d'une manière approfondie sur les nombreux services de son département. Enfin, ce fut après cet examen personnel et consciencieux qu'il me confia l'honorable mission de lui préparer, dans les deux mois qui nous séparaient de la réunion des chambres, un rapport au roi, présentant le tableau complet de sa grande administration, ainsi que l'ensemble des travaux accomplis par ses prédécesseurs et continués sous sa direction.

Secondé par le zèle des différents administrateurs, je parvins à soumettre, en temps utile, cette œuvre importante à la censure éclairée du ministre qui lui accordait successivement son approbation en écoutant, avec une attention scrupuleuse, la lecture partielle de chaque chapitre de ce rapport avant de l'envoyer à l'impression.

Je reçus ensuite, par son entremise, l'une des récompenses les plus précieuses qu'il m'ait été donné de mériter dans le cours de ma carrière; appelé près du roi, le plus gra

cieux et le plus bienveillant, je l'entendis prononcer des paroles que je ne puis m'empêcher de rappeler ici comme l'expression touchante de sa profonde sollicitude pour le pays : << Ah! mon cher d'Audiffret, s'écria-t-il, en me serrant la <«< main, je ne saurais vous exprimer la satisfaction que j'é<< prouve à lire un travail qui me retrace et qui démontre «< clairement à la France tout le bien que nous lui avons << fait. >>

Cependant cette prospérité croissante fut arrêtée dans son essor par les journée de juillet 1830: retour fatal des théories démocratiques inaugurées avec le plus aveugle enthousiasme, au déclin de l'ancienne monarchie, par de prétendus philosophes et par d'imprudents novateurs, ambitieux, précurseurs des tribuns révolutionnaires: si cruellement humiliées en 1793 par le triomphe du crime et de la destruction: si glorieusement subjuguées, au commencement du siècle, par la dictature d'un génie réparateur: et, qui viennent de se montrer une fois de plus, en 1848, incompatibles avec tout pouvoir protecteur de la société.

M. le baron Louis, ce ministre habile et courageux qui se dévoua dans toutes les conjonctures difficiles au salut du Trésor et du crédit de l'Etat, ordonna la publication immédiate du rapport sur les finances préparé par M. le comte de Chabrol (1), et contribua, par cet acte de politique généreuse autant que prévoyante, à dissiper les injustes défiances et les craintes mal fondées du pays sur la situation antérieure de ses ressources et de ses besoins.

Le budget de l'exercice 1831, dont la rédaction avait été revêtue de l'approbation du roi Charles X, fut remplacé par

(1) Rapport au Roi sur l'administration des Finances, en date du 15 mars (Imprimerie nationale.)

1830.

un projet de loi de finance approprié au nouvel ordre de choses, et ne reçut aucune publicité. Il m'a donc paru intéressant pour ceux qui veulent connaître le véritable état de la France, à la veille même de la révolution de 1830, de donner ici, comme complément du rapport du 15 mars, l'exposé des motifs et le texte des dispositions législatives du budget que le ministère renversé sous les débris du trône, allait présenter à la délibération des chambres.

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