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TROISIÈME PARTIE.

DETTE PUBLIQUE.

DETTE FONDÉE.

Après avoir examiné toutes les branches des revenus publics, et exposé à Votre Majesté les ressources importantes qu'elles procurent annuellement au Trésor, je dois lui faire connaître aussi d'autres voies et moyens non moins précieux pour les besoins de l'Etat, et dont la France a été si heureusement enrichie par la droiture et par la régularité de l'administration royale.

Le crédit public est d'une origine toute récente pour nous, et nous avons longtemps acheté les ruineux secours du crédit des particuliers avant d'avoir fondé celui du gouvernement. Dans l'état d'incertitude et de désordre où se trouvaient autrefois les différentes parties du service général, il était indispensable de garantir les promesses de l'administration par la foi des engagements privés, et de leur donner pour gage spécial et immédiat toutes les contributions à percevoir sur les peuples. Ainsi s'était établie cette onéreuse intervention des compagnies de finances, qui séparait les redevables et les créanciers du Trésor des administrateurs délégués

par le souverain, et qui livrait ordinairement les plus chers intérêts du pays à la cupidité des traitants.

Il est inutile de rappeler les conséquences désastreuses de ce régime, dont le dernier résultat a été de produire les plus graves embarras, et de répandre de si déplorables alarmes sur les moyens de libération de la fortune publique, pour une insuffisance de recettes momentanée et d'une très-faible importance, si on la compare à toutes les ressources que la France pouvait alors lui opposer.

Aujourd'hui que le gouvernement a repris la direction immédiate des finances du royaume; qu'il a soumis les diverses parties de l'administration à un ordre sévère et méthodique, dont les résultats se révèlent à tous les yeux par une comptabilité prompte, exacte et publiquement contrôlée; que les services sont constamment à jour, que tous les engagements sont accomplis avec une ponctualité sans exemple; que les recettes et les dépenses sont votées par l'assentiment national; enfin, que la situation générale des ressources et des besoins est expliquée dans tous ses détails à la sollicitude du prince et de ses sujets, les secours du crédit sont venus s'offrir à toutes les exigences de nos charges extraordinaires, et ont ouvert pour l'avenir de nouvelles sources à la richesse publique.

La bonne foi est la seule base sur laquelle repose cet édifice de prospérités; c'est elle seule qui commande la confiance, et qui réunit par le même lien toutes les fortunes privées à celle de l'Etat. Montrer la volonté de remplir ses engagements et prouver qu'ils sont religieusement calculés sur les moyens d'y satisfaire, telle est la règle invariable tracée à la conscience éclairée de l'ad

ministration du roi, pour recueillir tous les fruits que doit porter cette moderne institution.

Il existe deux modes principaux de recourir aux subsides offerts par crédit : le premier consiste à constituer une rente perpétuelle pour un capital déterminé, avec ou sans indication d'époque de remboursement; et le second à échanger ce même capital contre des engagements à terme, productits d'intérêts jusqu'au jour de leur échéance. L'une est désignée sous le titre de Dette inscrite, et l'autre sous celui de Dette flottante.

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Le service de la dette inscrite était partagé autrefois entre quarante payeurs spéciaux, chargés d'acquitter séparément les arrérages de tous les titres, soit perpétuels, soit viagers; ceux de la première catégorie comprenaient les fonds constitués sur l'Hôtel-de-Ville de Paris, sur les pays d'état, le clergé, etc.; les intérêts des effets au porteur, des actions des compagnies, des charges de finances et des offices de judicature. Cette partie de l'ancienne dette s'élevait en totalité à 127,800,000 francs. Elle s'est accrue, pendant les désordres de l'anarchie de 47 millions, pour les intérêts d'emprunts en assignats, les créances passives des communes et des émigrés, la conversion d'une portion du viager en perpétuel et les paiements faits en inscriptions à des créanciers de l'Etat et elle s'est élevée ainsi à 174,800,000 francs, jusqu'au moment où des lois de violence et d'iniquité l'ont fait descendre à la somme de 42 millions, en la réduisant des deux tiers, et en annulant toutes les rentes des émigrés, des établissements mainmortables, ainsi que celles qui étaient échangées contre des domaines nationaux. Cette dernière fixation s'est encore augmentée depuis l'année 1800, par suite de la réunion de cer

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taines provinces à la France, de 4,586,000 francs; par l'acquittement de l'arriéré antérieur à 1809, de 11,254,000 francs; par le remboursement des avances de la Caisse d'amortissement et du domaine extraordinaire, de 5,750,000 francs; elle se trouvait portée, au 1er avril 1814, à 63,307,637 francs.

Les changements qui ont été introduits dans le régime administratif de la dette inscrite, pendant cette période de vingt années, méritent de fixer l'attention. Après la liquidation générale de tous les titres, ses résultats ont été réunis et constatés au Trésor public par l'inscription complète des créances sur un registre unique ouvert à tous les droits définitivement reconnus.

La loi d'août 1793 avait ordonné qu'après l'inscription de toute la dette perpétuelle, une copie de ce grand-livre serait déposée aux archives comme un moyen d'échapper aux conséquences d'un incendie.

Cette mesure préventive fut exécutée en 1805 par la formation d'une double collection de copies séparées de chacune des inscriptions subsistantes, et par le dépôt de ces feuilles dans un local isolé des bureaux de la dette; et par conséquent à l'abri des chances d'une destruction simultanée avec les pages du grand-livre. Le classement par ordre alphabétique de ces copies, constamment complété à mesure des nouvelles délivrances et des mulations de propriété, a permis en outre d'en former un répertoire ou dictionnaire de noms patronymiques des familles, qui fournit les moyens de satisfaire aux nombreuses demandes des héritiers sur la fortune de leurs auteurs, toutes les fois que la recherche est réclamée par le véritable propriétaire ou avec son autorisation.

A la prodigieuse diversité de titres qui étaient en

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usage avant l'établissement de ce nouveau grand-livre, tels que contrats, quittances de finances, effets au porteur, actions de compagnie, etc., a succédé, pour chaque rentier, un seul extrait ou certificat d'inscription, dont les termes simples et précis ont renversé cet échafau→ dage de connaissances spéciales qui étaient autrefois indispensables aux créanciers de l'État pour pouvoir régir leurs capitaux et en percevoir les intérêts, coilung alus

La négociation des rentes sur la place las également profité des avantages de cette homogénéité de valeurs ; la facilité et la promptitude des opérations de vente et d'achat évitent les pertes de temps précédemment occa sionnées par la divergence des offres et des demandes, en même temps qu'une plus grande publicité dans les cours, suite naturelle d'une concurrence mieux concentrée, donne aux transactions de la Bourse une authenti→ cité et une garantie propres à rassurer tous les intérêts. Le rétablissement des agents de change (arrêté du 27 prairial an' X) et leur intervention dans les déclara tions de transferts pour certifier l'individualité des vendeurs, en rassurant l'administration sur les aliénations frauduleuses, a permis d'introduire une célérité jus→ qu'alors inconnue dans l'exécution des transferts, et a donné à l'inscription nominative toutes les propriétés d'un effet au porteur dégagé des risques nombreux qui en accompagnent la possession. homol

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Il est donc juste de reconnaître que les moyens matériels adaptés à cette nouvelle organisation de la dette inscrite avaient été habilement préparés: mais aucun progrès ne s'était fait remarquer dans la marche' suivie par le dernier gouvernement pour tout ce qui se ratta chait à la partie systématique du crédit public. Cepen

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