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SYSTEME FINANCIER

DE LA FRANCE.

RAPPORT AU ROI

SUR L'ADMINISTRATION DES FINANCES 1.

Sire, lorsque j'ai reçu de la confiance de Votre Majesté la direction des finances du royaume, mon premier devoir a été d'étudier le système de cette grande administration pour reconnaître si son organisation actuelle et si les vues qui la dirigent permettaient de réaliser tous les bienfaits qui ont été promis à la France par le régime d'ordre et de justice qui s'est établi depuis la restauration. Cette branche importante du service public est celle qui touche le plus immédiatement aux divers intérêts de la société ; elle offre de puissants moyens de faire pénétrer dans toutes les classes le bien

1 Les questions importantes discutées dans ce grand travail ont été préparées par plusieurs commissions, composées des principaux administrateurs des finances, présidées par le ministre, et auprès desquelles M. le marquis d'Audiffret remplissait les fonctions de secrétaire I apporteur.

être dont les peuples ont appris à jouir, et dont ils attendent le développement de la sollicitude royale. Je dois rendre un compte fidèle de cet examen, exposer les principes qui ont présidé à l'institution de chacune des parties de cet ensemble, le but qui leur a été assigné, enfin les modifications qu'elles ont déjà reçues et qu'elles doivent encore éprouver pour satisfaire aux nouveaux besoins, et pour assurer les nouvelles améliorations qui sont la conséquence des formes de notre gouvernement. Avant de commencer l'examen des diverses branches de ce ministère, je dois tracer sommairement la marche qu'il a suivie pour parvenir à la situation présente.

On a cru longtemps devoir céder à forfait, à des compagnies particulières, la plupart des opérations relatives à l'assiette, à la perception et à l'emploi des revenus publics. Cet ancien système, qui livrait aux spéculations de l'intérêt privé l'exécution des lois de finances, l'application des tarifs et les ressources du crédit, était aussi préjudiciable aux contribuables que ruineux pour le Trésor de l'État. L'expérience a démontré au gouvernement qu'il devait prendre une part plus directe à l'administration des intérêts généraux qui lui étaient confiés, et il a fait succéder le mode plus régulier des régies intéressées à celui des fermes générales. L'épreuve de ces deux régimes a conduit plus tard à reconnaître qu'il était indispensable de soustraire aux mains avides des traitants la gestion des deniers de l'État; qu'il fallait confier le recouvrement des impôts, le mouvement des fonds qui en proviennent, leur application aux dépenses, les moyens du crédit public, enfin tout le service des finances, à des administrateurs placés sous les ordres immédiats du ministre, et soumis au

contrôle d'une comptabilité centrale. Mais il a été longtemps impossible de faire prévaloir ces idées judicieuses contre tant d'intérêts coalisés et puissants qui ont arrêté les derniers efforts de la sagesse royale.

Les assemblées populaires qui ont momentanément usurpé tous les pouvoirs, avaient remis la direction de chaque branche du sérvice des finances à leurs propres commissaires, qui disposaient de la fortune publique livrée aux égarements de leurs passions et de leur igno

rance.

Pour préparer la transition de ces formes anarchiques au régime absolu qui allait bientôt les remplacer, on crut devoir établir des administrations collectives qui furent constituées sur de nouvelles bases et assujetties à des règles plus précises. Ces comités de finances étaient soumis à la direction d'un seul ministre; mais ils n'en continuèrent pas moins, comme leurs prédécesseurs, à rester dans l'indépendance de ce chef principal, et à ne reconnaître pour régulateur que le gouvernement luimême.

On voulut enfin simplifier et régulariser l'action trop lente de ces corps délibérants qui étaient toujours embarrassés pour donner un mouvement rapide et uniforme à chacune des parties de ce grand ensemble. Tels furent les principaux motifs qui déterminèrent à placer des directeurs généraux à la tête de ces nombreux mandataires du revenu public et du Trésor de l'État.

Cette nouvelle combinaison eut l'avantage d'établir plus d'unité dans l'exécution de chaque service, d'imprimer une marche plus prompte aux affaires, de créer une responsabilité plus directe de tous les actes administratifs, et d'offrir des points d'appui au gouvernement.

Mais les rapports directs que ces principaux fonctionnaires entretenaient toujours avec le chef de l'État, qui avait voulu les diriger lui-même et qui les soumettait au contrôle de son conseil, les avaient encore maintenus en dehors du ministère des finances.

A l'époque de la restauration, un seul ministre fut chargé de réunir ces différentes parties, de les rattacher à sa direction personnelle, et de répondre au roi et à la France de tous les actes relatifs au maniement des deniers publics.

Le service du Trésor et celui des contributions directes se rangèrent immédiatement sous ses ordres; les revenus indirects restèrent confiés à des corps adminis- · tratifs, qui devaient désormais devenir les agents d'un même chef, et lui offrir les moyens de remplir les nouveaux devoirs de publicité et de responsabilité qui lui étaient imposés par un mandat royal, dont l'accomplissement avait tous les intérêts du pays pour contradicteurs et pour juges.

Le premier soin de l'administrateur général des finances fut d'approprier à cette mission difficile les divers services qui allaient se réunir dans sa main et s'exécuter par ses ordres. Celui du mouvement des fonds avait déjà été enlevé aux compagnies de finances, remis à la direction d'une banque centrale de l'État, et Soumis au contrôle d'une comptabilité régulière. La nouvelle administration se hâta, d'après l'exemple du commerce, de régler les comptes des receveurs généraux, devenus ses correspondants, sur la base rigoureuse et certaine du recouvrement et du payement, au lieu de les établir sur des valeurs fictives, dont les termes plus ou moins éloignés de la rentrée ou de l'emploi des

fonds leur laissaient encore d'importantes jouissances d'intérêts. A peine l'impôt est-il sorti de la main du contribuable, que son capital est productif pour l'État et onéreux pour le comptable qui s'empresse de se libérer de ses recettes par leur transmission au Trésor, ou par leur application locale aux dépenses des différents services. Les conditions réglées annuellement avec les receveurs généraux, pour maintenir chaque jour l'équilibre des ressources et des besoins sur tous les points du royaume, sont descendues progressivement à un prix inférieur au taux commercial; et les agents de cet important service ne reçoivent jamais qu'une faible partie des avantages que le Trésor obtient lui-même de leur

concours.

L'administration des contributions directes s'est également perfectionnée par l'établissement d'un rôle unique, commun à ses quatre contributions, par l'application d'un mode uniforme d'écritures aux opérations des préposés, par une réduction considérable dans le nombre des perceptions, par un meilleur choix des percepteurs, par la révision du tarif des frais de poursuites, et enfin par la simplification du système dispendieux du cadastre. Le recouvrement qui était arriéré de plusieurs mois a été mis à jour, en même temps que les frais de poursuites, modérés dans leur taxe, ont suivi une proportion décroissante; des non-valeurs et des déficit annuels de plusieurs millions sur les fonds du Trésor et sur ceux des communes, ont cessé de se reproduire, et la gestion des percepteurs a été placée tout entière sous le contrôle d'une comptabilité méthodique, et sous la responsabilité des receveurs des finances, leurs chefs immédiats.

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