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pas davantage. Il faut en conclure que l'on peut les faire de telles dimensions que l'on veut, pourvu qu'ils soient à la hauteur requise. ]

On peut rapporter à cette espèce de servitude, le droit qu'a tout propriétaire d'empêcher son voisin d'avoir des vues droites ou obliques sur son héritage, clos ou non clos, 678. si ce n'est à la distance prescrite par la loi.

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[La vue droite, ou fenêtre d'aspect, est celle qui regarde en face l'héritage voisin, ou, autrement, qui est pratiquée dans un mur parallèle à la ligne de séparation des deux héritages. La vue oblique, ou de côté, est celle qui est pratiquée dans un mur qui fait angle avec la ligne de séparation.]

[On jugeait anciennement que, quand l'héritage voisin n'était pas clos, on pouvait avoir des vues droites dans un mur à soi appartenant, et joignant sans moyen ledit héri– tage. On a mieux fait de ne.pas distinguer. Le voisin peut vouloir se clore, et acheter en conséquence la mitoyenneté du mur; que deviendraient alors les vues?

Mais, quid, s'il y a un mur intermédiaire, plus haut que les vues? Je pense qu'il faut distinguer : Si le mur appartient à celui auquel appartiennent les vues, le voisin n'a rien à dire, puisque les vues ne donnent pas sur son héritage. Mais si le mur vient à être supprimé, le voisin peut demander la suppression des vues qui ne se trouveraient pas dans la distance requise, sans qu'on puisse même lui opposer la prescription, pour tout le temps que le mur a subsisté. Car il ne pouvait agir; et contra non valentem agere non currit præscriptio. Mais si le mur appartient à l'autre voisin, je pense qu'il pourra, même avant la suppression du mur, demander la suppression des vues; d'abord, parce que, le mur faisant partie de son héritage, il est vrai de dire que les vues donnent sur son héritage; et en second lieu, et par suite de ce premier motif, parce qu'on pourrait lui opposer la prescription, si les vues subsistaient assez long-temps pour qu'elle fût acquise.

Quid, si le mur était mitoyen? Comme l'on peut supposer que chacun des deux voisins est propriétaire de la portion de terrain et de mur qui est de son côté, je pense

qu'il faut assimiler ce cas à celui où le mur appartient en entier au propriétaire des vues. ]

[DESGODETS pense que cette disposition ne doit avoir lieu que quand les deux héritages se joignent; mais que, s'ils sont séparés par un chemin public, quand même ce chemin n'aurait pas six pieds de large, on peut prendre les vues droites, parce qu'alors, dit-il, la vue est sur le chemin, et non sur l'héritage voisin. Cette raison n'est pas très-concluante; car, quand les deux héritages se touchent, et que je pratique une vue droite, à quatre pieds, par exemple, en arrière de la ligne de séparation, je puis dire que je prends vue sur mon terrain, et non sur l'héritage voisin; et cependant je n'ai pas droit de la prendre. Je crois qu'il vaut mieux dire que l'assujétissement dont il s'agit, ne doit avoir lieu qu'entre voisins, c'est-à-dire, entre personnes dont les héritages se touchent. Mais ici, chacun des deux propriétaires est voisin du chemin public, et ne l'est pas de l'autre propriétaire. Cependant on a jugé le contraire à Nanci, le 25 novembre 1816, (SIREY, 1817, 2o partie, page 155.) Mais je n'ai rien vu dans cet arrêt qui dût me déterminer à changer d'opinion.]

Cette distance est, pour les vues droites, de dix-neuf décimètres (six pieds), à partir du parement extérieur du mur où la vue est pratiquée, jusqu'à la ligne de séparation des deux propriétés. S'il y a balcons ou autres semblables 678. saillies, la distance se compte de leur ligne extérieure, jusqu'à celle de séparation.

[Si les deux propriétés sont séparées par un mur mitoyen, la distance se compte à partir du parement extérieur du mur où se fait l'ouverture, jusqu'à la ligne formant le milieu de l'épaisseur du mur mitoyen. Si le mur appartient en entier à celui qui pratique les vues, la distance se compte jusqu'au parement extérieur du mur du côté voisin; s'il appartient en entier à l'autre propriétaire, la distance se compte jusqu'au parement du mur, du côté de celui qui pratique la vue.

Quid, dans l'espèce suivante? le mur que nous supposons de dix-huit pouces d'épaisseur, appartient en entier à

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celui qui pratique la vue. Il s'agit d'une vue droite; elle est pratiquée, en conséquence, à six pieds du parement extérieur du mur du côté du voisin. Mais celui-ci achète la mitoyenneté du mur: la ligne de séparation se trouve alors rapprochée de neuf pouces, du côté de celui qui a pratiqué la vue. Il résulte de là que la vue qui était de six pieds, n'est plus qu'à cinq pieds trois pouces de cette ligne de sé→ paration. Le voisin pourra-t-il exiger que la vue soit bouchée? Je ne le pense pas. C'est le cas d'appliquer le principe du droit naturel, que nous devons faire le bien du prochain, même lorsqu'il en résulte un préjudice pour nous, toutes les fois que ce préjudice est infiniment modique en comparaison du dommage que le prochain éprouverait; or, il n'est pas très-important pour le propriétaire sur lequel donne la vue, qu'une vue soit éloignée ou rapprochée de neuf pouces; et il serait très-préjudiciable pour l'autre, que l'on fit boucher des fenêtres, sans lesquelles son bâtiment serait peut-être inhabitable. Je pense donc que les choses doivent rester, interim, dans le même état; mais que, si le bâtiment vient à être détruit, le voisin pourra exiger que les vues soient reculées.

Dans cette opinion, il sera nécessaire qu'il soit fait un acte pour constater ce qui s'est passé : car, autrement, le droit de vue étant une servitude continue et apparente, le voisin auquel appartient le bâtiment qui a les vues, pourrail, après trente ans, prétendre qu'il a acquis la servitude par prescription. ]

La distance pour les vues obliques est de six décimètres 679. (deux pieds ), mesurés de la même manière.

[ Mais d'où partira-t-on pour compter la distance? Il me semble que ce doit être du jambage de la croisée, le plus proche de l'héritage voisin. DESGODETS pense même que, si le balcon a assez de saillie pour qu'on puisse s'y tenir entièrement hors de la croisée, alors quand même les deux murs seraient à angle droit, néanmoins le côté du balcon qui est en face de l'héritage voisin, doit être censé vue droite sur ledit héritage, et ne peut être conséquemment qu'à la distance de six pieds. ]

REMARQUES SUR LES DEUX PREMIERS CHAPITRES,

Relatifs aux servitudes.

Les dispositions du nouveau Code civil, analogues aux règles qui forment ces deux chapitres, se trouvent dans la ire section du titre 5 du 2o livre, et dans le titre IV, concernant les droits et obligations entre propriétaires de fonds voisins.

Ces deux titres sont contenus dans deux lois du 8 janvier 1824. En voici le texte :

SECTION PREMIÈRE.

De la nature et des différentes espèces de servitudes.

ART, 1er. La servitude est une charge imposée sur un héritage, pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire.

Elle ne peut être imposée ni à une personne, ni en faveur d'une personne. 2. Toute servitude consiste à souffrir, ou à ne pas faire une chose.

3. La servitude n'établit aucune prééminence d'un héritage sur l'autre. 4. Les servitudes sont continues, ou discontinues.

Les servitudes continues sont celles, dont l'usage est ou peut être continuel, sans avoir besoin du fait actuel de l'homme; tels sont les conduites d'eau, les égoûts, les vues et autres de cette espèce.

Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées; tels sont les droits de passage, de puisage, pacage, et autres semblables.

5. Les servitudes sont apparentes, ou non apparentes. Les servitudes apparentes sont celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu'une porte, une fenêtre, un aquéduc, et autres semblables. Les servitudes non apparentes sont celles qui n'ont pas de signe extérieur de leur existence, comme la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu'à une hauteur déterminée, le droit de pacage, et autres qui exigent le fait de l'homme.

6. Lorsque l'on reconstruit un mur ou un bâtiment, les servitudes actives et passives se continuent à l'égard du nouveau mur ou du nouveau bâtiment, sans toutefois qu'elles puissent être aggravées, et pourvu que la reconstruction se fasse avant que la prescription soit acquise.

7. Celui qui a le droit de servitude de vue ou jour, peut pratiquer autant de fenêtres ou jours qu'il juge à propos; mais il ne peut, après avoir bâti, ou exercé son droit, en augmenter le nombre par la suite.

On entend par jours, seulement la lumière nécessaire, sans vue.

8. Toute personne peut bâtir à telle hauteur qu'elle juge à propos; à moins que l'élévation d'un bâtiment ne soit interdite en faveur d'un autre héritage. Dans ce cas le propriétaire de l'héritage auquel la servitude est due, peut empêcher ou faire enlever toute construction ou exhaussement prohibé par le titre.

9. La servitude d'écoulement des eaux ne comprend que l'eau pure, et non pas le droit de faire passer des immondices.

10. La servitude d'égoûts est le droit de pouvoir faire écouler les eaux et les immondices.

II. Le propriétaire d'un héritage, qui a le droit de placer des poutres ou des ancres dans la muraille d'autrui, peut remplacer celles dépéries; mais il ne peut en augmenter le nombre, ni en changer le placement.

12. Celui qui a le droit d'aller en bateau sur les eaux d'un héritage voisin doit contribuer aux frais nécessaires pour les rendre en tout temps navigables, à moins qu'il ne renonce à son droit.

13. La servitude de sentier est le droit de pouvoir aller, à pied, à travers le fonds d'autrui.

Celle de voie est le droit de pouvoir y passer à cheval et d'y conduire les bestiaux.

Celle de chemin est le droit d'y passer avec un chariot, une voiture, etc. Si la largeur du sentier, de la voie, ou du chemin n'est pas fixée dans le titre, elle le sera conformément aux réglemens particuliers ou aux usages des lieux.

14. La servitude d'aquéduc est le droit de conduire de l'eau, vers son fonds, en la faisant traverser les héritages voisins.

15. Celui auquel est due une servitude, a droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver.

Ces ouvrages sont à ses frais et non à ceux du propriétaire du fonds assujéti.

16. Dans le cas où le propriétaire du fonds assujéti est chargé par titre de faire, à ses frais, les ouvrages nécessaires pour l'usage et la conservation de la servitude, il peut toujours s'affranchir de la charge, en abandonnant au propriétaire de l'héritage auquel la servitude est due, la partie du fonds assujéti, nécessaire à l'exercice de la servitude.

17. Si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujéti soit aggravée.

Ainsi, s'il s'agit d'un droit de passage, tous les co-propriétaires de l'hé-` ritage divisé seront obligés de l'exercer par le même endroit qui existait avant la division.

18. Celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, et à défaut de titre, selon les réglemens ou usages locaux, et dans tous les cas de la manière la moins onéreuse.

Il ne peut faire dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier.

19. Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire, qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode.

Il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée, à moins que le changement puisse se faire sans porter préjudice au propriétaire du fonds auquel la servitude est due.

20. Celui qui a un droit de servitude est censé avoir tout ce qui est nécessaire pour en user de la manière la moins incommode au propriétaire de

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